Séance du jeudi 14 juin 2007 à 20h30
56e législature - 2e année - 9e session - 42e séance

La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de Mme Anne Mahrer, présidente.

Assistent à la séance: MM. Laurent Moutinot, Robert Cramer, Pierre-François Unger, François Longchamp et Mark Muller, conseillers d'Etat.

Exhortation

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. Charles Beer, président du Conseil d'Etat, et David Hiler, conseiller d'Etat, ainsi que Mme et MM. Renaud Gautier, Carole-Anne Kast, Alain Meylan, André Reymond, Pierre Weiss et Daniel Zaugg, députés.

Annonces et dépôts

La présidente. La pétition suivante est renvoyée à la commission des pétitions:

Pétition : Mobilisons-nous pour la petite enfance (P-1630)

P 1597-A
Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition : Préau de l'école des Vollandes
Rapport de Mme Virginie Keller Lopez (S)
M 1759
Proposition de motion de Mmes et MM. Emilie Flamand, Frédéric Hohl, René Desbaillets, Fabienne Gautier, René Stalder, Virginie Keller Lopez, Françoise Schenk-Gottret, Lydia Schneider Hausser, Sylvia Leuenberger, Jacques Baudit, Béatrice Hirsch-Aellen, Caroline Bartl, Eric Leyvraz, Roger Golay, Michel Ducret concernant l'insécurité liée au trafic et à la consommation de drogue sur la voie publique

Débat

Mme Virginie Keller Lopez (S), rapporteuse. En octobre 2006, cette pétition a été déposée aussi bien auprès du Conseil municipal de la Ville de Genève qu'auprès du Grand Conseil. Puisqu'on traite déjà du rapport sur cette pétition, on voit que les parlements, aussi bien le Conseil municipal que le Grand Conseil, ont décidé de traiter en urgence et avec beaucoup de sérieux cette question de la sécurité et du trafic de drogue dans le quartier des Eaux-Vives et notamment dans le préau de l'école des Vollandes.

La Ville de Genève a répondu très rapidement et concrètement à cette pétition puisque le préau de l'école a été fermé dès 22h, peu après le dépôt de la pétition au Conseil municipal. Des travaux ont aussi été engagés rapidement par la Ville de Genève pour fermer concrètement cet espace.

Pour votre information, selon la cheffe de service responsable des écoles à la Ville de Genève, il semble que la situation s'est grandement améliorée du côté du préau des Vollandes. Lorsque nous avons finalement traité cette pétition à la commission des pétitions, une réponse concrète avait donc déjà été donnée aux pétitionnaires. Il faut savoir qu'en ville, d'autres préaux ont été fermés, notamment le préau de Montchoisy, à cause du bruit généré par des rassemblements de personnes dans ce préau. Le préau de l'école des Eaux-Vives posait également problème. Plus anciennement encore, la Ville de Genève avait déjà décidé de fermer le préau des écoles Ferdinand-Hodler, Necker et Saint-Gervais. Comme on le voit, des solutions concrètes ont pu être trouvées au cas pas cas pour ce type de problèmes.

En étudiant cette pétition et toute une série d'autres portant sensiblement sur la même thématique, la commission a décidé de recommander le dépôt sur le bureau du Grand Conseil pour la pétition de l'école des Vollandes puisqu'une solution concrète a été trouvée.

Toutefois, il nous semblait insuffisant d'en rester à une réponse concrète pour le préau des Vollandes, alors que toute une série d'autres pétitions sur les mêmes thématiques - 1550, 1565, 1597, 1612 et 1617 - nous avaient interpellés. C'est pourquoi la commission des pétitions a décidé d'un commun accord - à l'unanimité - d'écrire une motion que nous présentons ce soir et qui se trouve inscrite au même point de l'ordre du jour. Elle demande un certain nombre de choses au Conseil d'Etat, pour que nous puissions donner des réponses un peu plus concrètes à la population, lorsqu'elle nous interpelle à propos de ces questions de trafic de drogue, à propos des incivilités ou de l'insécurité dans les différents quartiers.

Cette motion, à propos de laquelle tous les partis vont évidemment s'exprimer ce soir, signifie vraiment la volonté de donner des réponses concrètes à la population, que ce soit en termes de statistiques, de prévention ou de répression. On voit d'ailleurs dans notre ordre du jour de ce soir qu'un certain nombre de motions, de résolutions et de projets de lois se rapportent à cette thématique-là. On voit notamment dans la réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation 420-A de M. Gilbert Catelain qu'effectivement, même simplement au niveau statistique, il est relativement nouveau en Suisse de traiter de manière sérieuse cette question de la petite délinquance, de la petite criminalité et de tous ces faits qui nous préoccupent aujourd'hui dans les quartiers.

Nous espérons donc que le Conseil d'Etat va pouvoir nous donner sa position sur cette question. Nous espérons obtenir des données - je crois qu'elles sont en train de sortir, plusieurs points de l'ordre du jour les évoquent - afin de pouvoir rassurer la population, si c'est possible, mais aussi pour avoir des pistes concrètes pour que les citoyennes et les citoyens de Genève sachent que c'est une des préoccupations du Grand Conseil, que c'est une préoccupation du Conseil d'Etat et des autorités municipales. Il s'agit de faire en sorte que la vie soit agréable dans les quartiers et que l'on retrouve dans les différents quartiers de Genève, et notamment aux Eaux-Vives, qui sont particulièrement touchées, un quotidien un peu plus serein.

Mme Emilie Flamand (Ve). Comme l'a dit la rapporteure, la pétition 1597 fait partie d'une série d'objets assez similaires que la commission des pétitions a traités depuis le début de la législature. Suite à l'étude de ces différentes pétitions, les commissaires ont rédigé ensemble la motion 1759. Cette motion a été signée par tous, il est important de le souligner. Elle demande au Conseil d'Etat de faire rapport sur sa politique de lutte contre le trafic de drogue, notamment sur l'action de la «Task Force Drogue» et de proposer des nouvelles mesures pour répondre aux inquiétudes de la population.

Les habitants du quartier des Eaux-Vives, d'où proviennent trois des cinq pétitions qui sont citées dans les considérants de la motion, ressentent particulièrement l'augmentation, si ce n'est du trafic lui-même, du moins de la violence liée à ce trafic. Les auditions des différents pétitionnaires témoignent d'une tension palpable et croissante dans ces quartiers touchés par le problème du trafic de drogue. Les habitants craignent pour la sécurité de leurs enfants dans les préaux des écoles, comme c'est le cas de ceux qui ont signé la pétition de ce soir, mais ils s'inquiètent également de l'incitation à la consommation pour leurs enfants adolescents. Le fait d'avoir une scène ouverte de la drogue et toute la violence que cela peut impliquer est pour tous un facteur d'insécurité.

Pour la plupart des habitants, heureusement, ce sentiment d'insécurité reste un sentiment, mais nous pensons qu'il est bien réel et qu'il doit être pris en compte avant qu'il ne se transforme en insécurité avérée. Le fait que certains endroits, notamment les quais et la jetée du jet d'eau, soient infréquentables et deviennent des zones de non-droit à la tombée de la nuit est inacceptable. Alors que cette situation semble empirer et que les inquiétudes de la population se font donc de plus en plus nombreuses, nous pensons qu'il est de notre devoir de réagir. Bien sûr, les tendances partisanes et les convictions de chacun n'appellent pas les mêmes solutions, mais nous avons réussi à nous mettre d'accord sur cette motion qui demande avant tout un état des lieux et un éventail d'actions potentielles. Quand le Conseil d'Etat nous aura fourni ses réponses, nous aurons toutes les cartes en main pour mener un vrai débat politique et prendre les mesures qui s'imposent. Pour ces raisons, les Verts vous invitent à renvoyer cette motion directement au Conseil d'Etat afin d'obtenir au plus vite les éléments de réponse qui permettront ensuite à ce parlement de faire des choix politiques.

Quelques mots sur la pétition 1597, qui demande en substance la fermeture du préau de l'école des Vollandes. Comme l'a dit la rapporteure, cette décision relève d'une compétence municipale. Vu que la fermeture du préau est aujourd'hui effective et semble avoir amélioré la situation, nous vous invitons à déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil pour information.

M. Eric Leyvraz (UDC). Suite à cette pétition, la commission des pétitions a signé la motion 1759 à l'unanimité, demandant au Conseil d'Etat de proposer rapidement des mesures répondant à l'inquiétude de la population concernant les problèmes de drogue.

Des pétitions arrivent de toutes les parties de la ville - Eaux-Vives, Pâquis, Grottes, Servette - des milliers de signatures en tout. Des citoyens excédés par le trafic de drogue qui se fait sous leur nez et reste impuni, alors que quand ils garent cinq minutes leur voiture devant leur magasin ils sont certains de recevoir une amende de 200 F ! Déprédations, menaces, agressions: les quais de la rive gauche sont infréquentables ! Quelle image pour Genève ! Mais mon Dieu, où allons-nous ?

Les limites du tolérable sont franchies, on apprend que les quais situés vers le jet d'eau appartiennent à de nouveaux dealers, marocains et tunisiens, souvent drogués et ultra-violents ! Onze agressions en une semaine ! Genève devient une plaque tournante de la drogue, contrôlée par des Albanais, parce que la répression est moins forte à Genève qu'en France voisine où existe la comparution immédiate des dealers pour des fortes peines de prison.

Quelle étrange société que la nôtre ! Nous aimons nos enfants, leur donnons la meilleure éducation possible, des cours de circulation routière pour les protéger des dangers du trafic, obligeons le port du casque pour les cyclistes, et organisons un contrôle paranoïaque des conducteurs de voitures. Pendant ce temps, nous laissons la maladie et la mort se vendre au coin de la rue: quelle logique ? Est-il normal que ce soit le citoyen qui ait peur et que le malfrat se sente tranquille, comme nous le disait une personne agressée sur les quais et envoyée à l'hôpital ?

La situation est grave, Mesdames et Messieurs les députés, il n'est plus possible de minimiser les faits. Nous demandons donc la répression la plus forte contre ce trafic. La police nous rétorque qu'elle ne peut pas tout faire. Soit ! Mais alors, nous exigeons un sens des priorités, d'abord la lutte contre le crime et ensuite la lutte contre le mauvais parcage des voitures ! La «Task Force Drogue» de la police fait un superbe travail: elle doit être épaulée et soutenue. La loi n'est pas appliquée comme elle le pourrait.

Un vent mauvais souffle sur notre démocratie, car quand la loi du plus fort qui ne respecte rien s'installe, où est la démocratie ? Qu'en est-il de la valeur de nos institutions ? A quoi servons-nous si les lois que nous promulguons ne sont pas appliquées ? En 1748, dans «l'Esprit des Lois» (Livre XI, chapitre VI), Montesquieu écrit que «La liberté politique dans un citoyen est cette tranquillité d'esprit qui provient de l'opinion que chacun a de sa sûreté; et pour qu'on ait cette liberté, il faut que le gouvernement soit tel qu'un citoyen ne puisse pas craindre un autre citoyen.» C'est vraiment d'actualité !

Par leur pétition, les Genevois nous disent clairement qu'ils n'en peuvent plus de la situation actuelle. Nous disons aussi: ça suffit ! Déclarons la guerre à ces trafiquants de drogue ! La peur doit changer de camp ! Débarrassons nos rues de cette honte ! Que l'Etat remplisse le rôle fondamental qui est l'essence même de son existence: garantir la sécurité de ces citoyens !

Le Maroc et la Tunisie refusent de reprendre leurs délinquants, sous prétexte qu'ils n'ont pas de papiers. Les Suisses aiment ces deux pays magnifiques - deux grandes destinations touristiques - et y laissent beaucoup d'argent. Notre gouvernement central a certainement des arguments pour se faire comprendre. Nous n'avons plus de problèmes avec le Nigeria et la Géorgie, depuis les accords conclus sur le renvoi de leurs ressortissants sous mandat d'expulsion.

Le groupe UDC annonce qu'il rencontrera le conseiller fédéral Blocher dans douze jours; il lui parlera du sujet et il prépare pour la rentrée une résolution adressée au Conseil fédéral, l'invitant à durcir la loi sur les stupéfiants, à condamner plus sévèrement les trafiquants et à les expulser. Nous espérons que vous soutiendrez cette résolution.

En attendant, le groupe UDC accepte donc avec la plus grande détermination le renvoi de la pétition 1597 et de la motion 1759 au Conseil d'Etat.

La présidente. Merci, Monsieur le député. La pétition ne sera pas renvoyée au Conseil d'Etat, mais la motion oui. La parole est Mme la députée Fabienne Gautier.

Mme Fabienne Gautier (L). Dans ses considérants, la motion 1759 parle de sentiment croissant d'insécurité. Ce n'est pas un sentiment d'insécurité, mais bien l'insécurité qui règne dans différents quartiers de la ville et plus particulièrement aux Eaux-Vives ! Le trafic de drogue a singulièrement augmenté à Genève, ces quatre dernières années. Les actes de violence liés à ce trafic ont passé de 10 en 2003 à 150 en 2006. De nouveaux marchés se sont développés, notamment dans le quartier des Eaux-Vives, comme je viens de le dire. La situation est également devenue préoccupante dans le quartier de la Servette. D'ailleurs, notre assemblée de céans a renvoyé au Conseil d'Etat il y a peu la pétition 1617 qui concerne la sécurité dans le quartier de la Servette.

Cette augmentation du trafic de drogue entraîne dans son sillage de nombreux actes de vandalisme et de violence ainsi que des déprédations en tous genres auxquels des pétitions ont récemment fait écho. L'insécurité est devenue par endroits difficilement supportable pour les habitants. Pour les enfants, comme nous l'avons vu, naturellement aussi pour les commerçants, mais également pour les touristes qui se promènent sur nos quais, dans nos parcs ou dans nos jardins. J'en veux pour preuve un chiffre qui nous a été donné pas plus tard que cette semaine par M. Cartier de la «Task Force Drogue». Récemment, il y a eu onze agressions en une semaine, dont sept sur des touristes se promenant au Jardin anglais et sur le quai marchand des Eaux-Vives !

J'en profite ici pour saluer le travail accompli par la police, mais surtout par la «Task Force drogue», qui déploie une énergie remarquable pour endiguer ces problèmes. Le renvoi de ces personnes dénuées de statut dans leur pays est pratiquement impossible, car Berne n'a pas encore pu passer des accords de réadmission avec certains pays du Maghreb. Fait encore défaut à Genève un règlement cantonal d'application de la loi fédérale sur les mesures de contraintes, alors que tous les autres cantons suisses en ont un.

Pour des questions de cohérence et d'égalité de traitement avec la pétition 1617 que notre Grand Conseil a récemment renvoyée au Conseil d'Etat, le groupe libéral demande le renvoi au Conseil d'Etat de la pétition 1597. Il demande également le renvoi de la motion 1759 au Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous vous engageons à faire de même.

Mme Béatrice Hirsch-Aellen (PDC). La sécurité est une priorité dans la vie; se sentir en sécurité dans son environnement est un droit pour chacun. Je ne vais pas répéter ce que mes préopinants ont très bien dit, sur le fait que la population est de plus en plus inquiète. Il est vrai que, par moments, ce n'est plus seulement un sentiment d'insécurité, mais de l'insécurité réelle. Il faut donc absolument entreprendre quelque chose rapidement et il faut commencer par un état des lieux des mesures actuelles, afin de savoir ce que l'on pourrait faire de plus.

La commission des pétitions s'est mise d'accord à l'unanimité pour faire cette motion et la renvoyer au Conseil d'Etat. Donc, malgré le fait que cela ne va pas tout de suite résoudre le problème, il est important de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat aujourd'hui.

Par contre, concernant la pétition, le groupe démocrate-chrétien demande son dépôt sur le bureau du Grand Conseil non seulement parce que toutes les invites ont été réalisées mais surtout parce que cette pétition relève de la compétence communale et non cantonale. Pour toutes ces raisons, nous vous proposons de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil et de renvoyer la motion au Conseil d'Etat.

Mme Lydia Schneider Hausser (S). En complément des propos de Mme Keller Lopez, j'aimerais revenir en particulier sur la motion 1759. Cette motion, nous l'avons voulue, nous commissaires socialistes de la commission des pétitions, comme un arrêt sur image en termes de sécurité dans le domaine des drogues ainsi que pour connaître les perspectives et les propositions d'action du département des institutions et de la police. Nous avons déjà une partie de cette réponse ce soir au point 36 de l'ordre du jour à travers la réponse à la motion 1707.

Nous verrons qu'il y a un réel questionnement sur la sécurité, en particulier dans un quartier de Genève. Le département des institutions en est pleinement conscient et est en train d'y travailler.

Je suis convaincue que, si à un moment un projet de loi est nécessaire pour résoudre ce problème, il ne manquera pas de nous le présenter. Au lieu de dénigrer et de mettre en doute le travail de la police, nous devons vraiment réaffirmer sa place et encourager sa formation et ses actions dans ce domaine. Toutefois, toutes les pétitions que nous avons vues, à part une qui concerne ce quartier où il y a effectivement des problèmes de sécurité, parlent beaucoup d'insécurité. Par rapport à cela, j'aimerais amener trois éléments de réflexion et de positionnement plus politique sur le moyen et le long terme. D'abord, il y a le fameux sentiment d'insécurité, qui est un phénomène récurrent de notre temps. Il ne peut pas être résolu uniquement par le côté policier. Un rapport d'étude sur ce sentiment d'insécurité - primé par la Fondation Roi Baudouin de Belgique l'année dernière - stipule qu'il est important, voire primordial de travailler au niveau local en impliquant les gens eux-mêmes. D'autres organismes et groupes de réflexion, pas seulement associatifs, pensent la même chose et estiment que l'insécurité est avant tout une perception collective qui dépasse très souvent largement les risques réels auxquels les individus sont exposés. L'insécurité, c'est un sentiment diffus de violence lié au stress du monde urbain, au bruit, à d'autres dangers, comme la circulation, à la crainte de ne plus pouvoir assurer une vie décente à sa famille, à la peur du lendemain. Pour le citoyen non consommateur de drogue, l'insécurité liée directement à des situations de deals existe certainement et nous n'avons malheureusement pas de chiffres à ce sujet. Par contre, une insécurité diffuse découle de ces scènes de deal et de consommation qui heurtent et blessent profondément les gens dans leurs valeurs fondamentales telles que le respect de la vie, ou la certitude de vivre dans une société sans risque. Face à cela, il est vrai qu'on a effectivement un problème de sécurité dans un quartier, mais il y a aussi une polarisation par rapport aux dealers... J'aimerais bien connaître la couleur de peau de celui qui ramasse l'argent en fin de ligne de cet énorme trafic !

Une autre piste de réflexion que je vous amène ce soir, c'est de dire que sans consommateurs, il n'y a plus de drogue et sans drogues illégales, il n'y a pas besoin de deal. En termes politiques, que vous le vouliez ou non, nous ne pourrons pas faire l'économie à terme d'un débat large sur la place économique du marché lié à l'illégalité de la drogue. Nous devrons tôt ou tard rouvrir la réflexion sur la dépénalisation de ce marché pour arriver à le contrôler.

Une voix. Bravo !

La présidente. Il va falloir conclure, Madame la députée.

Mme Lydia Schneider Hausser. J'ai encore trois phrases. Troisième point, tant que la consommation de drogue illégale touchait une élite de la population, l'image qui y était associée était quasiment positive. Il est vrai que la démocratisation amène une problématisation de cela. Alors, il faut aussi commencer à travailler sur le diagnostic qui pousse les gens à devenir consommateurs: le sentiment d'inutilité, la précarité, la non-reconnaissance de leur existence. Mesdames et Messieurs, quelles que soient les solutions qui seront apportées dans le futur, j'aimerais - nous aimerions - que ce soient des solutions qui respectent les droits de l'homme. L'insécurité ne sera vaincue que par la sérénité, qu'on le veuille ou non. (Applaudissements.)

Mme Sandra Borgeaud (Ind.). Quel enthousiasme ! Je soutiens bien évidemment ces deux motions. Il est temps de répondre aux attentes des citoyens qui craignent pour leur sécurité. Effectivement, des efforts ont été faits, notamment à Cornavin. Malheureusement, les dealers se sont déplacés un peu plus loin. Je lis dans la motion 1597 la réponse simple: c'est au niveau de la justice que cela ne fonctionne pas. Ce qui n'est franchement pas faux du tout. La police fait son travail, elle arrête les dealers, malheureusement pour elle, quelques heures plus tard, elle les retrouve dans la même rue, au même endroit. La police se plaint souvent de ne pas être soutenue par nous, par le pouvoir judiciaire. A l'époque, un gendarme était félicité pour son esprit d'initiative personnelle: aujourd'hui, il est sanctionné. Il n'a plus le droit à l'initiative, d'où une baisse de motivation. Quand il voit les dealers, il les laisse passer tout droit. La lacune est simple, il suffit simplement de remédier au faible nombre de juges engagés. Nous savons depuis fort longtemps que le nombre de juges est insuffisant. Il faut trouver les mesures adéquates, intelligentes et fermes pour bannir la circulation de la drogue de nos rues.

Quand je vois qu'il y a des abris de la protection civile dans nos écoles et que nos enfants sont entourés de SDF et de drogués, cela ne me rassure absolument pas. (L'oratrice est interpellée.) C'est ce que je lis dans la pétition, Madame ! Quant au groupe qui s'est créé il n'y a pas longtemps, celui des propriétaires de bateaux, c'est un groupe qui risque de devenir un petit peu plus agressif, étant donné les dégâts perpétuels que provoquent les dealers. On les arrête, ils déposent plainte, le jour même les propriétaires les retrouvent à l'intérieur de leurs bateaux et je ne vous explique pas dans quel état on retrouve le bateau. S'il vous plaît, Mesdames et Messieurs, renvoyez ces pétitions et faites en sorte que cela cesse, il en va de l'avenir de notre jeunesse. Occupons-nous de nos jeunes, arrêtons ce trafic de drogue, s'il vous plaît !

La présidente. Je salue la présence à la tribune du conseiller national John Dupraz. (Applaudissements.) La parole est à M. le député Frédéric Hohl.

M. Frédéric Hohl (R). Nous n'allons pas revenir sur le rapport de Mme Keller Lopez concernant la rue des Vollandes, qui était excellent. Le groupe radical soutient bien évidemment le dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil. Pour la motion, c'est une première dans cette législature, puisque la commission des pétitions a unanimement rédigé et signé cette motion. C'est vous dire que, tous groupes politiques confondus, nous avons tous été sensibles à différents rapports et pétitions qui traitaient du sentiment d'insécurité, lié ou non au trafic de drogue. Unanimement, nous nous rendons compte que l'on ne parle plus tellement d'un sentiment d'insécurité, mais bien d'insécurité réelle. Nous avons même eu une pétition qui traitait d'agressions sévères.

Comme cela a été répété tout à l'heure, la première semaine de juin, il y a eu onze agressions, dont certaines graves, sur le quai marchand des Eaux-Vives. C'est quand même un petit peu beaucoup. J'ai beaucoup de respect pour les experts, mais nous ne souhaitons pas recevoir des experts qui vont analyser les chiffres et nous dire que c'était mieux ou moins bien l'année passée. Ce que nous souhaitons, somme toute, c'est que le Conseil d'Etat mène plus d'actions concrètes sur le terrain pour rendre la vie difficile, voire impossible aux agresseurs et aux vendeurs de drogue. Voilà ce que nous demandons, Mesdames et Messieurs, avec le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat. (Applaudissements.)

M. Eric Stauffer (MCG). Evidemment que tout ce qui va pouvoir améliorer la sécurité de nos concitoyens devra être entrepris par ce Grand Conseil, mais je suis quand même surpris par les propos de certains groupes parlementaires, notamment ceux de nos amis les PDC. Parce que comme girouettes, on fait pas mieux ! Je reprends vos propos: le PDC demande un état des lieux des problèmes de trafic de drogue. J'aimerais vous rappeler que le 5 janvier 2006, le groupe Mouvement Citoyens Genevois a déposé une motion pour la création d'une commission d'enquête parlementaire pour cibler les problèmes de trafic de drogue et de délinquance à Genève. Vous nous avez rabroués en nous disant que nous enfoncions des portes ouvertes et que ça ne servait à rien.

Eh bien, voilà, il faut attendre que la population se réveille et se rebiffe pour qu'enfin vous preniez conscience qu'il n'y a pas à Genève juste un sentiment d'insécurité mais une réelle insécurité ! Aujourd'hui, je ne peux que me réjouir de l'unanimité qu'il y a dans ce parlement pour prendre à corps les problèmes qui concernent la sécurité des résidents genevois et de leurs enfants.

Il faut quand même dire qu'aujourd'hui, chaque fois qu'elle agit, notre police est constamment critiquée. Il faut que cela cesse, Mesdames et Messieurs les députés, parce qu'il faut savoir ce que l'on veut. Est-ce que l'on veut une république où la sécurité règne, où il fait bon vivre, ou est-ce qu'on veut une république où - excusez-moi - on cache la merde au chat... (Protestations.)

La présidente. Monsieur, le député !

M. Eric Stauffer. Ecoutez, ce n'est pas vulgaire, Madame la présidente ! C'est du franc-parler ! J'en veux pour preuve que le département des institutions reçoit systématiquement des rapports de l'excellent travail qui est fait par la «Task Force Drogue». Je vous le dis, j'ai passé une nuit entière avec ces policiers hors pair sur le terrain pour voir comment cela se passait. Il y a une quinzaine de bars à Genève qui sont des repères de dealers de drogue. Eh bien, aujourd'hui, ces bars ne sont pas fermés ! Pourquoi ? Parce qu'il y a eu une scission dans les départements et aujourd'hui, les bars sont du ressort du dicastère de notre conseiller d'Etat Pierre-François Unger. Ces bars doivent être fermés ! Parce que ce sont des repères de dealers de drogue et ils sont connus des services de police. Il y a des rapports hauts comme ça, parce qu'il y a des arrestations toutes les semaines et c'est comme ça qu'il faut faire pour endiguer les problèmes de trafic de drogue !

J'en terminerai en disant que les inspecteurs dont dispose la «Task force Drogue» sont en nombre insuffisant. Bien des soirs de grande activité de trafic de drogue, les inspecteurs en arrivent à devoir écrire des rapports d'arrestations pour des gens qui sont dehors dans les trois jours et de nouveau en train de dealer de la drogue. Eh bien, il faut augmenter les effectifs de police et il faut augmenter les effectifs du pouvoir judiciaire ! C'est une nécessité, aujourd'hui, à Genève. Il faut agrandir la prison, parce que c'est une prison qui date des années 1970 ! Le système judiciaire et policier n'est plus adapté à la vie actuelle de Genève. Vous en avez pris conscience et le MCG ne peut que s'en féliciter !

La présidente. Monsieur le député Gilbert Catelain, le temps de parole pour votre groupe est écoulé. La parole est à M. le conseiller d'Etat Laurent Moutinot.

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat accueille très favorablement la motion que vous vous apprêtez à lui renvoyer parce qu'il la comprend comme un soutien à l'action qu'il mène pour la sécurité à Genève.

Par un hasard du calendrier, la conférence de presse sur les activités de la police en 2006 et les données statistiques concernant cette activité se tenait ce matin-même. Je vous invite à prendre connaissance de ces chiffres, vous constaterez notamment de très importantes saisies de drogues, qui doivent nous inquiéter parce qu'elles donnent une indication de la quantité de drogue qui circule dans nos rues. En même temps, l'importance des quantités saisies doit aussi nous rassurer, car ces saisies démontrent l'efficacité de la police genevoise.

Pour mener une politique de sécurité, il n'y a pas de baguette magique, il faut le dire tout net. Il n'y a pas une et une seule méthode, il faut tout à la fois prévenir, dissuader et réprimer. En ce qui concerne la prévention, il faut bien entendu lutter contre l'exclusion, notamment contre l'absence de formation professionnelle qui entraîne un certain nombre de jeunes vers l'exclusion et vers la délinquance.

Il faut bien entendu aussi lutter pour le renforcement du lien social comme le font d'ailleurs remarquablement bien de nombreuses communes genevoises, car c'est de la dissolution du lien social que viennent l'irrespect et finalement la délinquance et les agressions.

Il faut aussi rapprocher la police genevoise de la population et c'est ce que font les îlotiers. C'est ce que préconise le projet Proxipol: le rapprochement de la police avec la population. Il faut que le respect que la police manifeste à l'égard de la population soit partagé. Certains l'ont dit, il convient que l'action de la police soit davantage respectée par la population.

Il faut aussi prévenir la toxicomanie, Mesdames et Messieurs les députés, parce que c'est un des facteurs aggravant la délinquance. Et puis, s'il n'y avait pas de toxicomanes, il n'y aurait pas de dealers, dès lors que ceux-ci viennent chez nous parce qu'il y a des toxicomanes qui ont les moyens d'acheter leurs produits. Par conséquent, si les dealers viennent souvent de l'extérieur - et j'y reviendrai - il se trouve en revanche que la population de toxicomanes, c'est la nôtre. Et c'est elle que nous devons prévenir de ce fléau et réussir à en sortir, le cas échéant.

En deuxième lieu, il y a les mesures de dissuasion, les mesures de sécurité. Parmi les principales, la présence visible dans la rue de la gendarmerie, de la police de sécurité internationale aussi - en réalité de toute la police en uniforme. C'est ce que nous nous efforçons de faire.

Il y a encore des mesures qui sont très éloignées de cela, néanmoins d'une grande utilité, comme le renforcement de l'éclairage public. On a pu observer dans un certain nombre d'endroits qu'un éclairage public fort le soir était manifestement dissuasif car le trafic n'a lieu que dans des endroits obscurs, pour des raisons de confidentialité évidente.

Une des mesures est aussi l'amélioration de la réponse policière à ce genre de délinquance et nous y travaillons en réorganisant les corps de police en uniforme: la police de sécurité internationale et la gendarmerie. Il y a, de même, le projet de loi sur la vidéosurveillance auquel vous voudrez bien réserver bon accueil et encore le projet Polycom, auquel votre commission des finances a réservé bon accueil hier soir. Il y a de même l'accroissement de certaines compétences - une meilleure organisation entre les ASM et la police genevoise. J'ai d'ailleurs rendez-vous tout prochainement à ce sujet avec M. Pierre Maudet.

Il faut aussi, Mesdames et Messieurs les députés, améliorer la coopération policière en Suisse, parce que je vous rappelle que le crime organisé est actuellement du ressort de la Confédération et, malheureusement, peu de choses se font au niveau fédéral. Monsieur Leyvraz, je me réjouis que vous rencontriez prochainement le conseiller fédéral Blocher. Ayez la bonté de lui souffler deux mots à ce propos ! La législation actuelle donne à la Confédération le pouvoir et l'obligation de lutter contre le crime organisé et je pense qu'il y a là une vraie réponse à donner.

Il faut enfin améliorer la coopération transfrontalière. Vous aurez toutefois pu vous rendre compte, par l'opération de la nuit dernière, qu'elle fonctionne déjà fort bien, puisque nous avons mené une opération conjointe des forces de sécurité suisses et françaises.

En troisième lieu, il y a évidemment la répression, et notamment l'action répressive de la police, qui est exercée, je vous le rappelle - et en particulier dans le quartier des Eaux-Vives puisque c'est le détonateur de votre action - par la «Task Force Drogue» qui fait un travail remarquable sur le terrain, et par la brigade des stupéfiants qui a la charge de remonter les enquêtes un peu plus haut dans cette pyramide du crime. La gendarmerie est également présente sur le terrain, avec en l'occurrence le poste de police de Rive.

Certains l'ont dit: le travail de la police est apprécié à sa juste valeur et vous avez raison de lui rendre hommage. Au-delà de ça, la détermination de la politique criminelle est essentiellement du ressort du Procureur général et je ne m'aventurerai pas sur le terrain glissant de ses priorités personnelles.

Le point noir, c'est effectivement la présence de dealers - assez peu d'individus, ils sont 150, selon les estimations de la «Task Force Drogue» - que nous ne pouvons pas expulser, non pas parce que nous ne le voulons pas, mais parce qu'aucun avion ne peut embarquer à son bord quelqu'un qui n'a pas un titre de voyage qui lui permette de descendre à l'arrivée. Là aussi, il est exact que c'est de la compétence de la Confédération de régler ces questions de réadmissions. Je me retourne vers vous, Monsieur le député Leyvraz: obtenez de la Confédération qu'elle nous aide ! Nous obtenons de temps en temps des succès, parce qu'un consul bien disposé d'un des pays concernés délivre quelques papiers plus facilement qu'un autre, mais, quand il part, le consul suivant ne veut plus rien savoir et cela a pour conséquence que plus personne de cette nationalité ne peut être expulsé. C'est la réalité ! Soyez assurés de la volonté du Conseil d'Etat de ne pas accepter que des personnes délinquantes restent ici, si elles ont été renvoyées et qu'elles n'ont rien à faire chez nous ! Nous n'avons simplement pas les moyens juridiques de les faire passer de l'autre côté de la frontière.

Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, très brièvement présentés, les axes principaux de ce qu'il convient de faire en matière de sécurité. Pour terminer sur une note plus optimiste, je vous rappelle que les internationaux, les expatriés, les fonctionnaires internationaux ou ceux qui viennent travailler dans des multinationales installées à Genève relèvent souvent que la qualité de la sécurité à Genève est l'une des raisons pour lesquelles notre cité a été choisie par leurs employeurs.

Je dois encore ajouter une chose, parce qu'il est normal et juste que je prenne la défense de mon excellent collègue Pierre-François Unger. Il y a eu quelques difficultés de fonctionnement entre les rapports de police mettant en évidence des commerces qui abritaient du trafic de stupéfiants et les mesures de répression contre lesdits commerces, pouvant aller jusqu'à la fermeture. Je puis vous assurer que nous avons maintenant mis au point les transmissions d'information et l'amélioration est nette. Je n'irai pas jusqu'à prétendre que c'est parfait, mais c'est notablement meilleur.

Mesdames et Messieurs les députés, vous recevrez par écrit une réponse plus détaillée. Merci de soutenir l'action du Conseil d'Etat et celle de la police ! (Applaudissements.)

La présidente. Je vais d'abord vous faire voter le dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil. S'il ne devait pas être accepté, je reprendrai la proposition du groupe libéral, qui est le renvoi au Conseil d'Etat. Nous votons donc d'abord le dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil.

Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (dépôt de la pétition 1597 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 63 oui contre 20 non.

Mise aux voix, la motion 1759 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 84 oui (unanimité des votants).

Motion 1759

R 530
Proposition de résolution de Mmes et MM. Gabriel Barrillier, Françoise Schenk-Gottret, Michèle Ducret, Michel Ducret, Jacques Follonier, Hugues Hiltpold, Frédéric Hohl, Jean-Marc Odier, Louis Serex, Marie-Françoise de Tassigny, Eric Ischi, Olivier Wasmer, Philippe Guénat, Eric Bertinat, Yves Nidegger, Loly Bolay, Michel Forni, Guy Mettan, Véronique Pürro, Henry Rappaz, Béatrice Hirsch-Aellen, Alain Etienne, Roger Golay, Eric Stauffer, Maurice Clairet, Sébastien Brunny, Thierry Cerutti, André Reymond, Pierre Weiss, Laurence Fehlmann Rielle, Alain Charbonnier, René Stalder, Marcel Borloz, Edouard Cuendet, Ariane Reverdin, Jean-Michel Gros, Christian Luscher, René Desbaillets, Francis Walpen, Christophe Berdat, Fabienne Gautier, Christophe Aumeunier, Alain Meylan, Ivan Slatkine, Daniel Zaugg, Emilie Flamand, Brigitte Schneider-Bidaux, Ariane Wisard-Blum, Sylvia Leuenberger, Michèle Künzler, Pierre Losio, Catherine Baud, Jean Rossiaud, Damien Sidler, Anne Mahrer, Christian Bavarel, Esther Alder, Anne-Marie von Arx-Vernon et Elisabeth Chatelain relative à la participation du Grand Conseil à l'approbation du projet d'agglomération franco-valdo-genevois

Débat

La présidente. Nous sommes à la première urgence que nous avons acceptée à 17h. Je vous rappelle que le temps de parole est de trois minutes par groupe.

M. Gabriel Barrillier (R). Mesdames et Messieurs les députés... (L'orateur est interpellé.) Ce n'est pas un point de l'ordre du jour, c'est une urgence ! Il s'agit de la résolution 530, un ajout urgent.

La présidente. Je vous rappelle que nous avons voté un ajout et une urgence pour cette résolution 530.

M. Gabriel Barrillier. Madame la présidente, chers collègues, nous sommes tous engagés depuis quelques années dans un processus - fort compliqué, mais tout à fait intéressant - qui doit aboutir cette année à la promulgation et la présentation d'un projet d'agglomération franco-valdo-genevoise.

Plusieurs d'entre nous ont été associés, depuis 2003 ou 2004, à des assises, à des séances, à des réunions qui se sont déroulées le soir, soit dans le canton de Vaud, soit à Genève, soit en France voisine. Ce projet a été préparé par des techniciens et il est chapeauté par le CRFG (Comité régional franco-genevois). Il y a une structure dont M. Cramer pourra sans doute nous rappeler le fonctionnement tout à l'heure. Je m'empresse de dire que ce processus était fort intéressant; il a été large et il y a eu des consultations. Une séance a encore eu lieu ce matin à Annemasse. Elle coïncidait avec une séance de la commission de l'économie, où votre collègue M. Longchamp et moi-même étions présents. On a pu mesurer - je le dis ici, c'est de l'actualité - un certain défaut d'information. Vous savez, il n'est pas facile en France voisine de discerner qui fait quoi ! Mais, enfin, on a pu constater qu'il y avait un déficit de légitimité, un déficit démocratique.

Je m'adresse ici au Conseil d'Etat in corpore. Nous sommes plusieurs députés dans cet hémicycle à avoir participé à ce processus et, suite à toutes ces séances, nous nous sommes dit qu'il fallait d'une façon ou d'une autre y associer mieux le législatif - le Grand Conseil. Cela permettra de renforcer la légitimité de cette consultation, pour que nous ayons plus de poids à Berne lorsqu'on présentera ce projet, avec les conséquences que cela aura en matière de subventionnement. Encore une fois, ce n'est pas une critique, ce n'est pas une défiance à l'égard d'un processus patient et complet qui est mené, avec les techniciens, avec les élus, mais nous voulons maintenant - pour avoir plus de chances d'obtenir gain de cause à Berne - que le résultat de toute cette procédure, cette patiente négociation, soit présenté au Grand Conseil officiellement lors d'une de ses séances...

La présidente. Il va falloir conclure, Monsieur le député.

M. Gabriel Barrillier. ...C'est la raison pour laquelle nos groupes, tous nos groupes, ont signé cette résolution demandant au Conseil d'Etat de présenter les résultats de ces travaux, qu'il puisse nous permettre, soit de les approuver, soit tout au moins d'en prendre acte. Il s'agit donc d'une demande qui est positive et qui vise à renforcer la position de Genève à Berne.

Mme Françoise Schenk-Gottret (S). Si l'on parle des institutions et de leur fonctionnement démocratique, je pense qu'il faut aussi ce soir parler de la société civile. En effet, c'est à travers la Coordination économique et sociale transfrontalière (CEST) et le Conseil du Léman, groupements auxquels j'appartiens depuis longtemps, que j'ai appris que c'est en intervenant le plus en amont possible que l'on peut interférer dans un projet. C'est le travail du monde associatif, cela s'appelle du lobbying, selon un mot barbare complètement intégré. Dans le cas du projet d'agglomération, le monde associatif s'est investi depuis un certain temps lors de séances avec les chefs de projets suisses et français.

Ce même monde associatif constate que la démocratie participative reste à inventer à l'échelle de l'agglomération et elle devrait se situer au coeur du projet. Le Comité régional franco-genevois pourrait jouer ce rôle, mais seulement s'il est réformé pour s'ouvrir à la population civile. Il y a donc déficit démocratique en ce qui concerne la société civile. Déficit démocratique aussi pour notre Grand Conseil, qui n'a jamais été saisi formellement du projet d'agglomération. C'est pourquoi le groupe socialiste vous invite à voter la résolution 530.

M. Guy Mettan (PDC). Il est peu coutumier qu'un démocrate-chrétien rende hommage à un radical, mais je vais le faire. En l'occurrence, j'aimerais rendre hommage à Paul Gilliand, fondateur et vieux militant de l'AGEDRI (Association franco-valdo-genevoise pour le développement des relations interrégionales). Comme vous le savez, cette association a lutté depuis le début pour le développement de la coopération interrégionale, notamment avec la France. Je crois que le résultat - la résolution de ce soir - est le fruit de ce travail mené depuis des décennies. Je tenais donc ici simplement à honorer la mémoire d'un pionnier. Pourquoi ? Parce qu'effectivement le projet qui nous a été soumis et qu'on a pu découvrir à Annemasse le 5 juin dernier est je crois assez exemplaire. Pour la manière ample dont on a considéré la région, depuis le canton de Vaud jusqu'à Annemasse et par le processus de consultation démocratique, intercantonal et finalement international qui a été mené.

Je crois donc que cette dynamique qui a été lancée doit être soutenue. Surtout qu'en participant aux ateliers qui ont été menés à Annemasse on a pu aussi prendre conscience, non pas des divergences, mais des éventuelles zones de tension potentielle qui pouvaient exister entre par exemple la France et Genève. Je ne citerai qu'un cas: les Français, notamment du Chablais, mais aussi du Pays de Gex, ont l'impression que leur région est devenue une sorte de ghetto résidentiel pour accueillir des personnes qui trouvent des emplois de valeur à Genève. A leurs yeux, Genève se réserve le beau rôle de bassin économique et de l'emploi, la France étant au fond condamnée à n'être qu'un lieu résidentiel.

C'est, je crois, ce type de perception un peu difficile qu'il faut résoudre par ce processus de consultation commun qui vient d'être initié. C'est pourquoi le parti démocrate-chrétien est très heureux d'approuver cette résolution.

M. Christophe Aumeunier (L). Je vais être bref, parce qu'il s'agit de se mettre au travail ! En effet, le projet d'agglomération n'a pas de force normative, comme vous le savez sans doute. Ce n'est pas par l'insertion d'une fiche au plan directeur cantonal, par le biais de la modification de ce plan directeur, uniquement sous l'égide du Conseil d'Etat, qu'il obtiendra une force normative.

Il y a un déficit de légitimité qui est ici patent. Voici deux ans que des séances et des forums sont prévus avec des élus, des élus français notamment. Je pense que les discussions ont été relativement peu cadrées, qu'elles ont été peu structurées, mais qu'elles ont été très fructueuses, permettant aux uns et aux autres de se connaître. Ce n'est pas rien que de se connaître, que d'échanger au sujet de nos vins ou des pommes. C'est important et cela nous fait du bien.

En définitive, ce matin, si les pommes venues de la France et produites en France étaient très bonnes, à Berne, cela ne fait pas grande impression pour l'obtention du fonds d'infrastructure. Cette impression date d'avant octobre 2006; la gestion du dossier était relative - relativement déficitaire, dirais-je même. Des questions de rigueur se posent, de même que des questions de célérité. Nous avons aujourd'hui la surprise extrêmement désagréable de nous retrouver au pied du mur, puisqu'en définitive nous devons d'ici la fin de l'année vendre à la Confédération un projet qui soit solide.

Quels sont les enjeux ? Je le disais tout à l'heure, les enjeux, c'est de mettre en route une collaboration avec les Français d'une part, et avec le canton de Vaud d'autre part, pour avoir une influence déterminante sur l'avenir de notre territoire. Toutefois, ce n'est pas un enjeu qui est urgent; l'enjeu urgent, c'est celui d'obtenir une participation du Fonds d'infrastructure ouvert par Berne qui sera distribué par tranches dès 2011.

Que demande Berne ? La Confédération demande deux choses: elle demande quelle est notre vision des choses en matière d'aménagement du territoire et nos besoins en matière d'infrastructures. Que fait-on ? On ouvre huit dossiers - huit chantiers ! Tout cela est très bien, mais on a quand même l'impression de s'y perdre et de ne pas traiter les questions que Berne souhaiterait voir traitées !

De fait, nous avons peu de lignes de force pour les deux points que nous devons effectivement mettre en avant. Nous avons peu de propositions et peu de densité dans ce projet que nous devons absolument présenter à Berne et qui doit convaincre.

Alors, comment convaincre, si nous-mêmes ne sommes pas convaincus ? Là se pose la question. Nous devons impérativement profiter de l'été pour consulter plus, pour faire en sorte que des compétences soient ajoutées aux deux points que je viens de mentionner en urgence, parce que ce sont ceux-là qui sont urgents et pas les autres !

En définitive, nous vous proposons de voter cette résolution, pour que le Grand Conseil prenne acte du projet d'agglomération au mois de septembre, lorsqu'il sera tout à fait convaincu et que ce projet sera digne d'être présenté à Berne.

M. Roger Golay (MCG). Bien entendu, nous avons signé cette résolution, nous allons donc la soutenir. Il nous paraît tout à fait légitime que nous puissions suivre les travaux du Conseil d'Etat avec nos voisins vaudois et français. Nous devons être associés à ces travaux et c'est pour cela que nous allons également soutenir cette résolution.

M. Eric Leyvraz (UDC). Le parlement est absent des décisions fondamentales concernant ce projet d'agglomération transfrontalière, si important pour notre canton. Le parlement doit avoir son mot à dire, ne pas se retrouver avec des projets ficelés auxquels il ne peut que dire oui. Cette nouvelle donne géographique doit être soutenue par le Conseil d'Etat et les représentants du peuple. Allons donc de l'avant tous ensemble et acceptons cette résolution !

La présidente. La parole est à M. le député Jean-Claude Ducrot à qui il reste 32 secondes.

M. Jean-Claude Ducrot (PDC). En tant qu'ancien magistrat de la commune de Meyrin, j'ai à coeur la participation de votre Conseil à ce projet d'agglomération, qui plus est notamment dans le secteur de l'aéroport, le rectangle d'or. Il est important que ce parlement soit impliqué dans l'ensemble des éléments de construction de cette région et il faut saluer le travail qui a été fait par M. Cramer, travail auquel les communes ont été associées...

La présidente. Il vous faut conclure, Monsieur le député !

M. Jean-Claude Ducrot. A un moment donné, je crois qu'il faut créer un élan, si on veut pouvoir travailler main dans la main, en matière d'aménagement du territoire, de transports et d'environnement.

M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Tout d'abord, je vous remercie de vous intéresser, enfin, à l'agglomération franco-valdo-genevoise ! Cela vient à point, parce que cela fait bientôt trois ans que nous organisons des séances de travail destinées aux élus. Parmi ces élus, on voit effectivement beaucoup de magistrats communaux, comme vous l'avez relevé, Monsieur Ducrot, ainsi que quelques députés parmi vous, dont Mme Schenk-Gottret et M. Barrillier, qui ont été fidèles. Pour le reste, ma foi, au niveau du Grand Conseil, ces travaux n'ont pas suscité un très grand intérêt. (Brouhaha.)

Il n'en a pas été de même avec la société civile. Récemment encore, les propositions du CEST et du Conseil lémanique pour l'environnement (CLE) ont été extrêmement fructueuses et ces groupements ont amené des contributions importantes.

Voici deux éléments pour répondre de façon précise à cette résolution. Le premier élément, c'est que je vous donne réellement rendez-vous le 4 septembre; une première reddition des travaux qui vont se poursuivre tout l'été sera destinée aux élus. Le deuxième élément, c'est que lorsque ces travaux seront terminés, lorsque nous aurons un rapport, ce rapport sera bien sûr communiqué au Grand Conseil, de sorte qu'on puisse ici ouvrir un débat.

Le dernier point que je veux relever concerne le déficit démocratique, parce qu'il s'agit d'une question essentielle. Tout ce que nous faisons actuellement n'a absolument aucune portée normative. C'est dire que si des propositions contenues dans ces documents, relatives au projet d'agglomération franco-valdo-genevoise, devaient se concrétiser, qu'il s'agisse de projets d'investissements ou de décisions en matière d'aménagement du territoire, il va de soi que toutes ces décisions vous seront soumises en temps utile. Nous sommes dans un processus qui est éminemment évolutif. Le rapport que nous devons donner à Berne à la fin de l'année en marquera une étape, mais le travail d'approfondissement va se poursuivre durant toute l'année prochaine et je me réjouis réellement, au-delà des quelques propos polémiques que j'ai pu tenir, que nous puissions faire ce travail ensemble. Cela revient à dire que le Conseil d'Etat se réjouit que vous votiez cette résolution.

La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Madame la députée Véronique Pürro, vous vouliez prendre la parole ? Je vous la donne.

Mme Véronique Pürro (S). Merci, Madame la présidente. C'est vrai qu'il n'est pas coutume de prendre la parole après le conseiller d'Etat, mais, suite à ce que je viens d'entendre, je souhaite quand même réagir. Parce que vous laissez entendre que nous ne nous intéressons pas au processus, Monsieur le conseiller d'Etat. J'aimerais m'inscrire en faux et j'aimerais aussi vous rappeler notre réalité, ou la réalité de la plupart d'entre nous qui travaillons durant la journée et qui ne pouvons pas comme ça, une semaine à l'avance, parce que nous recevons une convocation, organiser notre temps de travail pour être là une journée ou une demi-journée. Oui, nous avons envie de nous y intéresser, oui nous avons envie de participer à ce processus, comme vous l'appelez. Le timing est très serré puisque d'ici la fin de l'année il va falloir déposer un projet.

Nous avons bien enregistré ce soir que la prochaine séance aura lieu le 4 septembre. Dans la mesure où nous ne sommes saisis de rien formellement et au vu de nos conditions de travail, si on continue comme ça, je crains malheureusement qu'on ne va pas forcément participer beaucoup à votre processus, étant donné notre manque de disponibilité et le fait que vous nous avertissez maintenant. Nous le regrettons beaucoup et ne croyez pas que nous ne nous intéressons pas à cela, s'il vous plaît. Je crois qu'on ne peut pas ne pas s'y intéresser, parce que c'est passionnant ! Comptez donc aussi un peu avec nos contraintes professionnelles et de temps, prévoyez peut-être des séances en soirée ou éventuellement pendant le week-end. En politique, nous sommes habitués à consacrer quelques week-ends à nos engagements. Prenez donc en compte ces contraintes !

J'aimerais encore vous dire, Monsieur Cramer, que j'ai assisté lundi à votre séance, mais l'exercice était extrêmement frustrant. Je crois que tous ceux qui étaient là partagent ce point de vue parce que votre présentation très intéressante, qui a duré deux heures, ne nous a laissé qu'une heure de temps pour le travail en atelier, pour aborder quelque chose comme cinq problématiques extrêmement intéressantes et denses. Je crois que ce n'était pas sérieux, comme travail.

Si vous voulez vraiment recueillir notre avis, donnez-vous en le temps et donnez-nous du temps. (Applaudissements.)

Mise aux voix, la résolution 530 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 70 oui et 2 abstentions.

Résolution 530

R 531
Proposition de résolution de Mmes et MM. Gabriel Barrillier, Michèle Ducret, Michel Ducret, Jacques Follonier, Hugues Hiltpold, Frédéric Hohl, Louis Serex, Marie-Françoise de Tassigny, Eric Ischi, Philippe Guénat, Olivier Wasmer, Eric Leyvraz, Eric Bertinat, Yves Nidegger, Françoise Schenk-Gottret, Virginie Keller Lopez, Anne-Marie von Arx-Vernon, Guillaume Barazzone, Jacques Baudit, Mario Cavaleri, Pascal Pétroz, Guy Mettan, François Gillet, Véronique Schmied, Michel Forni, Emilie Flamand, Brigitte Schneider-Bidaux, Pierre Losio, Catherine Baud, Jean Rossiaud, Damien Sidler, Anne Mahrer, Christian Bavarel, Esther Alder, Hugo Zbinden, Sylvia Leuenberger, Michèle Künzler, Ariane Wisard-Blum, Henry Rappaz, Elisabeth Chatelain, Alain Etienne, Roger Golay, Eric Stauffer, Sébastien Brunny, Thierry Cerutti, Lydia Schneider Hausser, Pierre Weiss, Laurence Fehlmann Rielle, Edouard Cuendet, Marcel Borloz, René Stalder, Janine Hagmann, Jean-Michel Gros, Francis Walpen, Renaud Gautier, Christian Luscher, René Desbaillets, Christophe Berdat, Fabienne Gautier, Christophe Aumeunier, Olivier Jornot, David Amsler, Alain Meylan, Ivan Slatkine et Daniel Zaugg pour soutenir une position romande coordonnée en faveur du futur développement de l'infrastructure ferroviaire respectueux de la volonté populaire (ZEB)

Débat

M. Gabriel Barrillier (R). Je suis désolé de faire en quelque sorte un one-man show de résolutions, mais je suis votre représentant - privé et à bien plaire - au Forum interparlementaire romand (FIR) qui réunit régulièrement des députés de l'ensemble des parlements romands à Lausanne. Nous décidons et nous voulons coordonner nos actions sur des problèmes nationaux, dans des domaines où la Suisse romande doit défendre des intérêts plus spécifiques.

Comme vous le savez ou ne le savez pas, une consultation hyper importante se déroule actuellement jusqu'au 30 juin, soit dans quelques jours, et elle doit déterminer la politique de développement et de modernisation du réseau ferroviaire de toute la Suisse en plaine. Je dis bien: «en plaine». La problématique posée est liée aux transversales alpines et nous inaugurons, demain sauf erreur, le percement de 36 ou 37 kilomètres du Lötschberg, ce qui est quand même une performance. Et là, la Suisse a démontré qu'elle était capable de tenir ses engagements. Ces transversales alpines déterminent notre politique et notre positionnement stratégique en Europe qui nous permettent de garder une certaine distance avec l'Union européenne. C'est quand même notre monnaie d'échange.

Eh bien, ça coûte cher, il n'y a pas de miracle ! 37 kilomètres au Lötschberg, 57 kilomètres au Gothard, ce sont quand même des ouvrages extraordinaires ! Mais ces ouvrages coûtent cher et il y a des dépassements, c'est clair. Il s'agit d'ouvrages pharaoniques. Le problème qui se pose, c'est que pour le développement du réseau ferroviaire en plaine, il y a du coup moins d'argent. On a eu Rail 2000 et maintenant il y a Rail 2000 bis qui s'appelle ZEB. En bon français, cela veut dire «Zukünftige Entwicklung der Bahninfrastruktur».

Pour ce développement et cette modernisation du réseau en plaine, notamment la troisième voie CFF entre Genève et Lausanne, le Conseil fédéral propose 5 milliards de francs au lieu des 8 milliards auxquels nous aurions droit. Pourquoi ? Parce que la différence a été utilisée pour financer les dépassements survenus sur les chantiers des transversales. Toutefois, les transversales doivent trouver un autre financement. On ne peut pas, jusqu'en 2020 ou 2030, ralentir les travaux de modernisation parce qu'on a des investissements colossaux à financer entre le nord et le sud de l'Europe !

La présidente. Il va falloir conclure, Monsieur le député.

M. Gabriel Barrillier. C'est la raison pour laquelle les parlements romands ont décidé de tous voter une résolution appuyant et encourageant nos gouvernements cantonaux - pour défendre leurs intérêts et mettre plus d'argent dans le développement des chemins de fer.

La présidente. Il vous faut conclure, Monsieur le député !

M. Gabriel Barrillier. Il s'agit pour nous très concrètement de la troisième voie entre Genève et Lausanne. Je vous remercie et je vous demande d'appuyer unanimement cette résolution.

M. Eric Leyvraz (UDC). J'ai assisté à la séance du FIR à Lausanne et le groupe UDC en a retiré que sans accord romand pour développer le réseau ferroviaire selon les désirs et les nécessités de nos régions, nous n'avons aucune chance d'obtenir gain de cause.

Même si les sommes engagées sont très importantes, les projets sont si nombreux et les demandes viennent de toute la Suisse, ce qui fait que les projets qui sont mal conçus et mal soutenus n'ont aucune possibilité d'être acceptés.

La troisième voie Lausanne-Genève est indispensable et jamais nous ne l'obtiendrons sans une coordination romande. Je vous conseille donc vraiment de soutenir cette résolution 531.

Mme Elisabeth Chatelain (S). J'ai aussi eu l'opportunité de me rendre à cette rencontre du Forum interparlementaire romand où nous avons pu approfondir vraiment les problèmes qui vont se poser ces vingt prochaines années en Suisse romande. Notre région est en fort développement - tant démographique qu'économique - et il est indispensable que l'offre des transports publics réponde à la forte demande en mobilité.

Il n'est pas acceptable que le vote populaire sur Rail 2000, qui prévoyait un développement du rail dans toutes les régions du pays, ne soit pas respecté et que les montants prévus servent à financer les surcoûts du Gothard et des demandes supplémentaires pour les transversales alpines.

La Suisse romande doit se faire entendre et c'est pour cela que des résolutions du même type sont proposées dans les différents parlements. Sauf erreur, Vaud en a déjà voté une. Nous soutiendrons donc très fermement cette résolution, qui doit permettre à la Suisse romande de poursuivre le développement de son offre ferroviaire.

M. Guy Mettan (PDC). Vous vous souvenez qu'il y a quelques mois, le parti démocrate-chrétien vous avait proposé une résolution concernant la troisième voie CFF entre Genève et Lausanne que notre Grand Conseil avait adoptée à l'unanimité. Le Grand Conseil du canton de Vaud avait fait de même.

Cette résolution vient au fond en appui à la résolution précédente et elle la complète, en ce sens qu'elle poursuit la réflexion dans le même domaine à partir des travaux réalisés pour Rail 2000. C'est donc avec le même enthousiasme, manifesté lorsque nous vous avions proposé la première résolution, il y a quelques mois, que nous vous invitons à soutenir celle-ci ce soir.

Mme Emilie Flamand (Ve). Le conseiller fédéral M. Moritz Leuenberger annonçait récemment que la manne financière dévolue au développement du réseau ferroviaire en Suisse était insuffisante, qu'il allait falloir définir des priorités et que la Confédération ne pourrait donc entre autres pas financer la construction d'une troisième voie CFF entre Genève et Lausanne. Ces propos ont été accueillis avec surprise et déception dans toute la Suisse romande. En effet, de ce côté-ci du Röstigraben, nous sommes les parents pauvres du réseau CFF, comme peuvent en témoigner les nombreux passagers qui font quotidiennement le trajet entre Genève et Lausanne sans trouver de place assise, faute d'une troisième voie qui permette des cadences suffisantes.

Cette résolution est donc la bienvenue et nous espérons qu'elle sera votée dans tous les parlements romands. Nous espérons vivement que ces déclarations conjointes sauront convaincre le Conseil fédéral de revenir sur sa décision et accorder les fonds nécessaires au développement du rail dans l'arc lémanique, développement qui n'a pas suivi l'explosion économique et démographique de notre région. Les Verts soutiendront donc cette résolution.

M. Christophe Aumeunier (L). Sur le fond, le besoin de la troisième voie CFF ne fait aucun doute, nous sommes tous d'accord là-dessus. Pour nous, libéraux, cet aménagement doit se faire en complémentarité avec la route qui doit aussi se développer. La problématique, au fond, c'est bien celle de la présentation de nos dossiers à Berne pour que nos intérêts - ceux de Genève - soient défendus. C'est la raison pour laquelle le parti libéral vous invite à soutenir cette résolution.

M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Tout d'abord, je remercie le parlement pour ce soutien unanime. Monsieur Barrillier, je vous remercie d'avoir pris l'initiative de déposer cette résolution ! Comme M. Mettan le disait très justement, Genève a un intérêt très direct aux travaux qui sont en cours dans le cadre de la ZEB. Ce dont on parle ici, notamment, c'est de la troisième voie CFF entre Genève et Lausanne.

La prise de position dont fait état cette résolution, c'est la prise de position des chefs de département de la Suisse occidentale qui s'occupent de politique des transports. Depuis vendredi, c'est également la prise de position des conseillers d'Etat de toute la Suisse qui s'occupent des transports. Nous avons réussi à trouver, malgré les quelques divergences que nous pouvions avoir entre les différentes régions linguistiques, un accord qui regroupe les propositions de cette résolution. C'est donc dire que ce texte figurera en bonne place dans la détermination que le Conseil d'Etat est en train de rédiger conjointement avec le canton de Vaud.

Nous avons décidé d'intervenir à Berne de façon conjointe dans ce dossier à l'échéance qui est indiquée ici, à l'échéance du 6 juillet, pour soutenir les termes de cette résolution qui cadre notre prise de position et pour rappeler dans le même temps l'importance pour nos deux cantons de Vaud et de Genève que la troisième voie CFF se réalise le plus vite possible, si ce n'est par des rails à tout le moins par des fonctionnalités nouvelles. J'entends par là des trains entre Genève et Lausanne au quart d'heure. Merci pour votre soutien.

Mise aux voix, la résolution 531 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 61 oui et 1 abstention.

Résolution 531

R 529
Proposition de résolution de Mmes et MM. Ivan Slatkine, Christophe Aumeunier, Anne-Marie von Arx-Vernon, Michel Ducret, Antoine Bertschy, Luc Barthassat, Alain Meylan, Jacques Jeannerat, Philippe Guénat, Caroline Bartl, François Gillet, André Reymond, Henry Rappaz, David Amsler, Janine Hagmann, Claude Aubert, Ariane Reverdin, Christophe Berdat, Christiane Favre, Michel Halpérin, Jean-Michel Gros, Francis Walpen, Fabienne Gautier, Marie-Françoise de Tassigny, Hugues Hiltpold, Jean-Marc Odier, Frédéric Hohl, Christian Luscher, Roger Golay, Eric Leyvraz, Eric Ischi, Jean-Claude Ducrot, René Desbaillets, Jacques Follonier, Edouard Cuendet, Olivier Wasmer, Yves Nidegger, Guy Mettan, Eric Stauffer, Renaud Gautier, Claude Marcet, Gabriel Barrillier, Michèle Ducret, Daniel Zaugg pour l'inscription d'une traversée du lac dans le Projet d'Agglomération franco-valdo-genevois

Débat

M. Ivan Slatkine (L). Si vous le permettez, je vais faire un peu d'histoire en me référant à un de nos anciens collègues, René Koechlin, qui aujourd'hui même, nous rappelle dans la presse que James Fazy défendait en 1858 la construction du Pont du Mont-Blanc. Il avait face à lui une forte opposition, puisque beaucoup de gens lui disaient que le pont des Bergues venait d'être construit vingt ans auparavant et que ce pont du Mont-Blanc ne servirait à rien du tout. Fazy rétorqua que le pont des Bergues ne servirait qu'à se balader le dimanche et qu'il était nécessaire d'avoir un ouvrage pour boucler la ceinture des boulevards périphériques. Finalement, la majorité de l'époque vota le crédit et quatre ans plus tard le pont du Mont-Blanc était sorti de l'eau.

On n'a pas besoin aujourd'hui de comprendre l'importance de cette construction: imaginez Genève sans pont du Mont-Blanc ! Il serait difficile d'y vivre et de s'y déplacer et on peut imaginer que Genève ne se serait pas développée comme elle s'est développée.

Nous avons débattu il y a quelques instants de la résolution 530 et le président Cramer nous a rappelé qu'il fallait venir avec des projets. Alors, pour ce qui est de projets, voici une résolution qui en amène un, qui en amène un qui n'aurait pas à être financé dans le court-terme, mais qui devrait être intégré dans le projet d'agglomération, dans un horizon temporel lointain. M. Barrillier nous parlait de l'inauguration du tunnel du Lötschberg et nous lisions aujourd'hui dans la presse une déclaration d'Adolf Ogi qui nous disait que, dans une démocratie, il fallait prévoir les choses vingt ans à l'avance.

Le but de cette résolution, Mesdames et Messieurs les députés, c'est de prévoir les choses vingt ans à l'avance. La traversée du lac et plus précisément le bouclement autoroutier Le Vengeron-Etrembières s'avère essentielle pour l'avenir de l'aménagement de notre territoire et de notre environnement, pour la qualité de vie de nos habitants et pour l'économie de notre canton. Il est nécessaire aujourd'hui de se pencher sur un tel projet, pour qu'il puisse se réaliser dans un moyen terme d'une vingtaine d'années.

Il ne s'agit plus de faire des études multiples qui ne mèneront nulle part. Il faut agir; il s'agit d'être unis politiquement, d'aller de l'avant pour que nous puissions réaliser une traversée du lac. Nier cette évidence et cette nécessité, c'est prôner le déclin de notre canton. Prôner sa non-croissance, c'est prôner sa décroissance.

Nous avons aujourd'hui des grands projets au niveau de l'aménagement, le projet de la Praille, que le Conseil d'Etat a amené et nous pensons - en tout cas une grande majorité de ce parlement le pense ainsi qu'une grande majorité de la population - qu'il est nécessaire pour le développement de notre canton de développer la mobilité au niveau des transports privés. Nous investissons énormément pour le transport public. M. Cramer a pu faire aboutir le CEVA, nous l'en félicitons, cela aura pris cent ans ! Apparemment, la traversée du lac prendra aussi beaucoup de temps, mais nous espérons tous que d'ici une vingtaine d'années nous pourrons enfin résoudre cette problématique. Je ne vais pas être plus long, les choses sont tellement évidentes que seuls certains dogmatiques pourraient s'opposer à une telle vision et je vous remercie de renvoyer cette résolution au Conseil d'Etat. (Applaudissements.)

M. Guy Mettan (PDC). Les résolutions s'enchaînent, les orateurs aussi ! Comme vous le savez, cela fait maintenant déjà cinquante ans que l'on parle d'une nouvelle traversée du lac. J'ai l'impression qu'on commence maintenant à tenir le bon bout. Je ne sais pas pourquoi, parce que tout devrait nous rendre pessimistes, mais j'ai l'impression qu'on commence à tenir quelque chose d'un peu solide. Pourquoi ? Parce qu'on voit émerger peu à peu, dans le labeur et la sueur, un projet qui risque peut-être de trouver une majorité, on n'ose espérer une unanimité sur ce point.

Comme vous le savez, le parti démocrate-chrétien a toujours été favorable à une - si possible - grande traversée du lac, une traversée lacustre, plutôt qu'une traversée de la rade lacustre ou sous-lacustre. Peu importe, ce qui est important, c'est que l'on puisse planifier le développement de Genève dans les trente, quarante années à venir. Et ce projet de grande traversée va nous y aider. Pourquoi ?

Parce que si on fait une traversée qui va du Vengeron au pavillon de Ruth - par exemple - avec des sorties qui prendraient le tunnel de Vésenaz que nous venons d'accepter, une autre sur le quai des Eaux-Vives, une troisième sortie vers Frontenex et enfin une sortie vers Malagnou, eh bien, nous réussirions à résoudre le problème de la quadrature du cercle qui se pose depuis cinquante ans, en permettant au trafic interrives et au trafic international d'emprunter cette voie pour aller jusqu'à Annemasse.

Pourquoi envisager maintenant un projet à plus long terme ? Parce que nous avons décidé de la construction du CEVA. C'est-à-dire que nous avons, avec le CEVA, décidé de renforcer puissamment le secteur des transports publics permettant de joindre le canton de Vaud, partiellement l'aéroport et même Cornavin à la France voisine. Le projet du CEVA renforce les transports publics, comme je viens de le dire, et il pourra se réaliser dans les dix ou quinze années à venir. (Commentaires.) Je ne parle pas de la date d'inauguration ! Je dis que le CEVA va résoudre les problèmes à venir des transports en permettant de fluidifier le trafic entre la France, l'aéroport et le canton de Vaud pour les quinze prochaines années.

Le projet de grande traversée qui demandera un peu plus de temps pour sa réalisation va quant à lui nous permettre de développer non pas les transports publics, qui seront assurés par le CEVA, mais les transports privés et favoriser cette fluidité pour les vingt ou trente années à venir tout en complétant le réseau autoroutier.

Nous obtiendrons donc une complémentarité entre transports publics et transports privés, et cela d'ici à quinze ou vingt ans et d'ici à vingt ou trente ans. C'est pourquoi ce projet est excellent et j'espère qu'il sera soutenu par une immense majorité d'entre vous.

La présidente. La parole est à M. Christian Brunier. Je rappelle que le temps de parole est de trois minutes par groupe.

M. Christian Brunier (S). Je vais être rapide, alors. En politique, vous savez déjà que quand on fait du neuf avec des vieilles idées, on n'arrive en principe pas à grand-chose. Première chose, par rapport à la mémoire sélective de la droite, je vous rappelle qu'il n'y a eu jusqu'à maintenant qu'un vote négatif populaire - contre un tunnel et contre un pont. Je crois qu'on ne peut donc pas parler d'une majorité de la population qui serait favorable à une traversée, Monsieur Slatkine. On n'en sait rien ! Peut-être avez-vous raison, mais pour le moment, le seul vote qui compte, c'est le dernier en date et la population genevoise a à cette occasion clairement marqué son opposition à une traversée.

Je suis donc étonné de lire dans le projet de la droite que «le Conseil d'Etat ne saurait faire fi de la volonté populaire de réaliser une traversée du lac». S'il y a eu un vote de principe en 1988, vous savez bien qu'il a été blackboulé ensuite en 1996. Respectons-donc le dernier vote, si vous le voulez bien !

Alors, une traversée de la rade, mais laquelle ? Aujourd'hui, je félicite la droite, parce qu'il y a un choix qui est en train de se faire. Vous vous êtes battus pendant des années pour la petite traversée, la gauche vous disait que cette traversée serait inutile, puisqu'on n'allait pas pouvoir gérer les entrées et les sorties: entrer au Pâquis pour sortir aux Eaux-Vives, c'est ingérable ! Vous traversez peut-être vite la rade, mais vous vous retrouvez dans des bouchons à l'entrée et à la sortie ! Vous nous avez traités d'irresponsables pendant des années et aujourd'hui vous vous rangez à nos idées. C'est déjà une évolution ! Alors, une grande traversée, c'est votre nouveau projet, mais il a quand même quelques inconvénients ! On va peut-être parler finances... Vous nous parlez souvent des finances, vous nous dites que l'état des finances ne permet plus d'assurer l'Etat social à Genève et qu'il faut réduire les prestations. Aujourd'hui, d'un seul coup, vous nous dites que vous avez les moyens de payer la traversée de la rade ! Je vous rappelle un chiffre - et ce n'est pas la gauche qui donne ce chiffre, c'est M. Unger. Il disait la dernière fois que cela coûterait au bas mot - je le cite - «2,5 milliards de francs». Deux milliards et demi ! Et pas pour réaliser comme cela a été dit par M. Mettan une traversée jusqu'à Annemasse, mais simplement une traversée jusqu'à Cologny, en sachant que cela ne sera pas tout simple de faire sortir des voitures à Cologny ! Parce que les habitants de Cologny, autant ils apprécient les voitures et aiment bien venir en 4x4 au centre-ville, autant, d'un seul coup, ils se transforment en ardents écologistes quand il s'agit de faire arriver des voitures au milieu de leur village !

Deuxième chose, vous nous dites que le centre-ville est bouché, que l'autoroute de contournement est bouchée. Ça, c'est le syndrome Côte d'Azur ! Je ne sais pas si vous avez été dernièrement sur la Côte d'Azur... (Commentaires et brouhaha.) Dommage... (La présidente agite la cloche.) ...Il y a des gens qui travaillent et font des économies et parviennent à partir sur la Côte d'Azur ! Plus sérieusement, qu'est-ce que le syndrome Côte d'Azur ? Vous savez que toute la côte a très tôt été saturée de voitures. Comment a-t-on réagi ? En se disant qu'il fallait faire une route supplémentaire. On a fait une immense route nationale le long du littoral ! Un gâchis total ! On a beau avoir des idées divergentes, il y a des gens qui n'ont pas beaucoup de considération pour l'environnement.

La présidente. Il va falloir conclure, Monsieur le député.

M. Christian Brunier. A peine la route nationale terminée, que se sont-ils dit ? Que la route nationale était saturée et qu'il fallait maintenant faire une autoroute ! Une autoroute immense a donc encore plus abîmé ce lieu idyllique ! Aujourd'hui, enfin, on se dit qu'il faudrait peut-être faire des trains, qu'il faudrait faire des trams, etc. (Brouhaha.) Nice vient de réaliser dix lignes de tram d'un seul coup. Malgré cela, la Côte d'Azur est aujourd'hui détruite ! J'en arrive à ma conclusion, Madame la présidente.

Faites des choix ! A droite, vous êtes majoritaire depuis des décennies: vous nous présentez des motions et des résolutions, vous dites que vous êtes en faveur de la traversée de la rade... C'est très bien pour votre électorat, mais si vous voulez la concrétiser, allez jusqu'au bout ! Vous avez la majorité, faites donc un projet de loi ! Mais je vous rappelle une chose, juste une chose, c'est que pour faire un projet de loi, il faut le financement, et là vous allez être embarrassés. Surtout que - c'est ma conclusion - vous avez quand même annoncé à la population que vous étiez prêts à réaliser la traversée couverte du Grand-Saconnex, la traversée couverte de Vésenaz, la traversée couverte d'Onex, la traversée couverte de Meyrin, le contournement de Chancy et la troisième voie autoroutière. Super ! On voit qu'on a suffisamment d'argent pour continuer une politique sociale digne de ce nom ! (Applaudissements.)

M. Hugo Zbinden (Ve). Cela fait à peu près quatorze ans que j'habite à Genève, je ne connais donc pas tout l'historique du débat sur la traversée de la rade. C'est peut-être la raison pour laquelle j'ai un peu de la peine à comprendre cet engouement et la fixation de quelques députés pour cette traversée. (Rires.) Parce qu'au fond, si on fait abstraction du lac, la traversée du lac, c'est une route ! Et une route qui coûte très cher ! C'est donc normal que, si on a un projet comme celui d'une route, on étudie bien les avantages et les désavantages et qu'on mette cela en rapport avec le prix du projet.

On a eu l'occasion mardi passé, à l'occasion d'une réunion commune de la commission des transports et de la commission des travaux, d'écouter l'OCM (office cantonal de la mobilité) qui nous présentait différentes études faites par rapport à la traversée de la rade. On a étudié beaucoup de variantes, c'était très technique et cela a duré deux heures. Je ne peux pas tout vous relater ici, mais la conclusion était que cette traversée ne servirait à rien, ou, disons, à pas grand-chose. La raison principale est tout simplement qu'il n'y aurait tout simplement pas assez de trafic pour aller d'une rive à l'autre. Cela ne déchargerait pas autant que l'on aimerait le pont du Mont-Blanc. A part cela, il y aurait aussi des effets secondaires de la traversée de la rade. Cela pourrait créer des problèmes, surtout aux points d'accrochage de la traversée.

Maintenant, fort de ce constat et de ces études, prétendre que la traversée de la rade est essentielle pour le développement de Genève et exiger du Conseil d'Etat qu'il entreprenne tout pour la réaliser n'est franchement pas raisonnable ! Je dois souvent répéter à ma fille de trois ans qu'il y a des choses dans la vie qu'on ne peut pas avoir. Il y a des contraintes financières et des contraintes techniques. Je suis désolé pour vous, mais je pense que vous êtes mal barrés avec votre traversée ! (Rires.)

Pour vous consoler, on a beaucoup parlé du Lötschberg: il suffit de considérer le Lötschberg comme le contournement est de Genève. Je vous assure que l'impact du Lötschberg sur le développement de Genève est aussi important que celui qu'aurait une traversée de la rade. Inutile, donc, de préciser que les Verts refuseront cette résolution ! (Applaudissements.)

M. Jacques Jeannerat (R). Les services de M. Cramer, spécialisés en circulation, s'appliquent depuis plusieurs années à nous dire que la mobilité augmentera de 30 ou 40% d'ici à 2020. Forts de cette information, les radicaux sont tout à fait convaincus que pour résoudre ce problème, il n'y a que la complémentarité des transports qui pourra nous aider. Les radicaux ont toujours été attachés au principe de la complémentarité. J'en veux pour preuve que mon excellent chef de groupe a fait tout à l'heure un plaidoyer en faveur du ZEB (futur développement de l'infrastructure ferroviaire).

Voilà en deux ans quatre ou cinq fois que nous arrivons avec des résolutions, des motions ou des projets de lois sur cette traversée de la rade. Au début, le Conseil d'Etat a fait la sourde oreille. Ça commence à avancer, j'en veux pour preuve les déclarations de M. Cramer et de M. Muller lors de la séance commune des commissions des travaux et des transports, il y a deux ou trois jours. On sent que cela va de l'avant.

Bien sûr, lors de la dernière votation, il y a eu ce combat à propos des variantes tunnel ou pont, Monsieur Brunier. On sait bien qu'à Genève, sur 440 000 habitants, il y a 300 000 ingénieurs de la circulation: tout le monde a sa solution ! Eh bien, la majorité parlementaire a décidé d'arrêter de se tirer la bourre sur cette question-là et de faire confiance aux spécialistes. Les recommandations de l'OCM (office cantonal de la mobilité) à propos du rapport du groupe qui a fait son étude sur mandat de M. Cramer montrent qu'il y a des gens qui ont réfléchi et nous avons confiance en leurs analyses. Il faut maintenant aller de l'avant !

S'agissant du financement, écoutez ! D'abord, selon la forme que prendra cette traversée, qu'il s'agisse d'un tunnel ou d'un pont, que la traversée soit moyenne ou grande, son financement pourra être assuré partiellement - voire totalement - par la Confédération ou par le réseau des routes nationales, ou encore par le fonds d'infrastructures du trafic d'agglomération.

Puis, il y a aussi la solution du PPP, le partenariat public-privé. Si la Suisse est en retard par rapport à cela de manière générale, Genève l'est particulièrement. Il y a des grands chantiers d'infrastructures en Europe, notamment la rénovation du métro de Londres, qui sont réalisés avec des fonds privés suite à un accord entre la collectivité et des privés. En Suisse, le canton de Berne a construit un certain nombre de bâtiments selon ce principe du partenariat public-privé. Donc, c'est possible de le faire à Genève. Aucun projet n'a encore vu le jour selon ce système. Je pense que c'est possible, c'était d'ailleurs le contenu d'une des résolutions que nous avons votés il y a moins d'un an sur cette question.

Vous nous dites d'aller de l'avant, Monsieur Brunier, mais nous avons déposé un projet de loi !

La présidente. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Jacques Jeannerat. Pour faire avancer les choses, j'ai déposé avec quelques députés un projet de loi, certes restrictif, mais qui prévoit un tunnel sur la moyenne traversée. J'ai déclaré à la commission des travaux où j'ai été auditionné qu'on pouvait amender largement ce projet de loi. Je voulais juste que le débat s'ouvre !

La présidente. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Jacques Jeannerat. Eh bien, le débat va de l'avant, j'ai confiance. Le Conseil d'Etat va nous réaliser un projet.

M. Eric Leyvraz (UDC). En commission, un spécialiste reconnu des transports, le professeur Pini, nous disait clairement de faire ce que nous voulions, mais que nous ne ferions pas l'économie d'une traversée de la rade. En juin 2006 - comme le temps passe ! - la pétition 1540 et la résolution 498 dotées d'environ 20 000 signatures ont été largement acceptées par notre parlement.

Ne voyant rien venir comme réponse, j'ai fait une interpellation urgente et le Conseil d'Etat que je remercie nous dit clairement que «le Conseil d'Etat donnera sa réponse concernant cette pétition et cette résolution au plus tard le 30 juin». Donc, Mesdames et Messieurs, encore quinze jours de suspense et nous aurons une réponse !

Mesdames et Messieurs les députés, on ne peut pas reculer devant l'indispensable: cette traversée, nous en avons besoin et s'il faut vingt ans pour la réaliser, c'est une raison de plus pour commencer demain. Donc, acceptons cette résolution avec enthousiasme !

La présidente. Merci, Monsieur le député. La parole est M. le député Eric Stauffer.

Une voix. Hou là là ! (Brouhaha.)

M. Eric Stauffer (MCG). Comme vous avez vu, nous avons signé cette proposition de résolution, cela pour plusieurs raisons. Certains arguments développés ici par mes collègues indiquent que Genève a besoin de cette traversée.

Laissez-moi peut-être vous rappeler que je suis entré en politique en 1987; comme tout le monde le sait, je fus un élu libéral. A cette époque-là, on parlait déjà de la traversée de la rade, mais entre le fait d'en parler et qu'un jour elle se fasse vraiment, vous voyez que quelques décennies ont passé !

Moi, je suis quand même un peu surpris par nos collègues de la gauche, parce qu'il est vrai qu'à Genève nous avons des problèmes de trafic. Nous savons aussi que le département de M. Cramer, avec la régulation des feux, s'évertue à désynchroniser les feux pour que les gens aient à s'arrêter tous les dix mètres pour les décourager de prendre leur automobile pour venir en ville. (Commentaires.) D'autre part, il est aussi à relever qu'il y a plusieurs modules à Genève qui ne s'influencent pas entre eux: quand il y a un bouchon à l'aéroport, ça ne le cause pas à la Servette et vice et versa. Bref, tout cela donne lieu à un fatras absolument monumental et Genève a vraiment besoin de cette traversée de la rade !

Alors, pourquoi avons-nous signé cette résolution ? Eh bien, effectivement, parce que le lieu où elle est imaginée pour le moyen et long terme nous satisfait. Je reprends les propos de mon collègue et c'est vrai qu'il est important pour nous, parlementaires, de prévoir l'avenir sur le long terme. On a entendu des propositions pour de nombreuses variantes. Il est vrai que la proposition de variante «rue de Lausanne - quai de Cologny» était complètement utopique. La rue de Lausanne a déjà été complètement asphyxiée par l'arrivée du tram et sa réduction à une seule voie ! (Brouhaha.) Je ne vois donc pas tellement comment on aurait pu faire sortir la traversée avenue de France ou rue de Lausanne. Je pense que vous connaissez tous la géographie de notre canton, sauf pour ceux qui habitent déjà en France. (Protestations.) Partant de ce principe, nous soutiendrons cette résolution et je pense que c'est quelque chose de positif pour l'avenir et les générations futures car il nous faudra effectivement une traversée supplémentaire à un endroit stratégiquement acceptable pour désengorger Genève.

La présidente. La parole est à M. le député Ivan Slatkine à qui il reste 2 minutes 32.

M. Ivan Slatkine (L). J'ai été vite ! Merci, Madame la présidente. Je vais réagir aussi vite que lors de ma première intervention. Moi, je ne cherche pas comme certains à faire de la démagogie. (Exclamations.) Je crois qu'il faut aujourd'hui commencer à construire pour Genève. Certains députés, en particulier dans le groupe socialiste, n'écoutent même pas ce que l'on dit. Il ne s'agit pas aujourd'hui de débattre d'une traversée qui sorte aux Eaux-Vives ou à la Perle du lac. Il s'agit du bouclement autoroutier Le Vengeron-Etrembières, qui s'inscrirait dans le cadre des routes nationales et qui serait financé à 100% par la Confédération ! Le financement ne posera donc pas de problèmes, si on arrive à aboutir à un horizon de vingt ans sur un tel projet ! Ça, c'est une première chose. Puis, quand on me parle de financement contre le social, je m'étonne que le groupe socialiste ait voté le CEVA qui va nous coûter au bas mot 500 millions de francs, si ce n'est 1 milliard ! Quand il s'agit du CEVA, vous ne venez pas nous dire: «Oh ! Mon Dieu ! Et le social ?» Soyez cohérent, Monsieur Brunier ! Au moins une fois dans votre vie, soyez cohérent au lieu de débiter n'importe quoi dans ce parlement ! (Protestations.)

Maintenant, je me permettrai aussi juste de répondre à M. Zbinden, parce qu'il est vrai qu'à entendre les études qui ont été faites, il faudrait ne rien faire du tout ! Je suis convaincu que si nous avions fait autant d'études pour l'autoroute de contournement, nous n'aurions pas d'autoroute de contournement aujourd'hui parce que l'autoroute de contournement ne servirait à strictement rien ! Toutefois, force est de constater aujourd'hui que si nous n'avions pas d'autoroute de contournement, cette ville étoufferait. Nous serions tous en train d'étouffer, il y aurait encore plus de pollution !

Le projet qu'on essaie de défendre, Mesdames et Messieurs, ce n'est pas de mettre le transport privé en concurrence avec le transport public, c'est de jouer sur la complémentarité des transports, c'est d'être pour le développement de notre canton et c'est de trouver une solution pour améliorer la qualité de vie dans ce canton, améliorer la qualité de vie dans notre agglomération. Peut-être tout cela vous fait-il sourire, Mesdames et Messieurs, mais heureusement qu'il y a eu des gens comme James Fazy, parce que ce n'est pas avec le groupe socialiste que nous serions arrivés aujourd'hui où nous en sommes ! (Applaudissements et huées.)

La présidente. Monsieur le député Guy Mettan, vous avez épuisé votre temps de parole ! La parole est maintenant à M. le conseiller d'Etat Robert Cramer.

M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Dans un premier temps, je me suis demandé à quoi pouvait au fond servir ce projet de résolution. D'une part, comme vient de le rappeler très justement M. le député Leyvraz, le Conseil d'Etat a sur son bureau un certain nombre de questions auxquelles il doit répondre. Et nous nous sommes très formellement engagés, encore par la réponse à l'interpellation urgente écrite, que vous avez reçue aujourd'hui sur vos pupitres, à répondre d'ici la fin du mois à un certain nombre de questions qui se posent au sujet d'une traversée lacustre.

Puis, en vous écoutant, j'ai tout de même trouvé une vertu à cette résolution et au débat qui a eu lieu. Cette vertu est une indication très claire de votre Conseil qui est de dire que nous devons arrêter de parler de traversée de la rade pour parler plutôt de traversée du lac, puisque cette proposition souhaite l'inscription d'une traversée du lac dans le projet d'agglomération. Ce que l'on doit comprendre par ces mots a été dit sans équivoque par M. Slatkine. Merci pour ces indications complémentaires, qui seront absolument éclairantes pour notre Conseil. Pour le surplus, je ne veux pas déflorer le sujet, vous saurez tout d'ici à la fin du mois et peut-être même un peu avant. (Exclamations.)

La présidente. Monsieur Gilbert Catelain, vous souhaitez le vote nominal ? J'avais deviné. Monsieur Slatkine, c'était pour la même chose ? Etes-vous soutenus ?

Des voix. Oui !

La présidente. Vous l'êtes. Je procède au vote.

Mise aux voix à l'appel nominal, la résolution 529 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 54 oui contre 28 non.

Résolution 529

Appel nominal

PL 9868-A
Rapport de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Olivier Jornot, Jean-Michel Gros, Edouard Cuendet, Christian Luscher, René Stalder, Renaud Gautier, Beatriz de Candolle, Marcel Borloz, Christophe Aumeunier, Francis Walpen, Pierre Weiss, Janine Hagmann, Gilbert Catelain, David Amsler, Fabienne Gautier modifiant la loi sur l'exercice des droits politiques (A 5 05) (Pour que les autorités s'expriment d'une seule voix lors des votations populaires)
Rapport de majorité de Mme Béatrice Hirsch-Aellen (PDC)
Rapport de minorité de Mme Laurence Fehlmann Rielle (S)

Troisième débat

M. Guy Mettan (PDC). Je souhaite juste vous présenter l'amendement que vous avez trouvé sur vos tables et qui est inspiré par un éminent collègue, à savoir M. Jornot. Je sais que sa modestie proverbiale souffre à l'idée que je puisse citer son nom, mais je tenais quand même à rendre hommage à l'auteur de l'idée que j'ai reprise.

Donc, il s'agit au fond de trouver un accommodement ou un consensus afin de pouvoir travailler avec le Conseil d'Etat qui se trouvait un peu marri par la première rédaction du projet de loi.

A l'article 53, il s'agit simplement de modifier la fin des deuxième et troisième alinéas et de remplacer les termes: «[...] dont il doit obtenir l'accord.» par: «[...] dont il recueille les observations.» C'est une manière plus douce d'entretenir d'excellentes relations entre pouvoirs politiques.

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je remercie beaucoup celles et ceux d'entre vous qui ont trouvé cet amendement. Il me paraît être de nature à respecter la volonté de votre Grand Conseil d'intervenir fortement dans la rédaction de la brochure électorale adressée aux citoyennes et citoyens et il permet en même temps d'éviter le problème assez idiot que j'avais relevé la dernière fois, à savoir une situation de blocage complet, qui aurait été dommageable pour les institutions de la République.

La formule proposée est agréée par le Conseil d'Etat et soyez assurés que nous tiendrons grandement compte des observations qui nous seront adressées.

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que l'article 53, al. 1, 2e phrase (nouvelle teneur).

La présidente. Je vais donc vous faire voter sur l'amendement qui nous a été présenté par M. Mettan concernant les alinéas 2 et 3 de l'article 53.

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 40 oui contre 33 non et 4 abstentions.

Mis aux voix, l'article 53, al. 2 et 3 in fine (nouvelle teneur) ainsi amendé est adopté.

Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté, de même que l'article 2 (souligné).

Mise aux voix, la loi 9868 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 43 oui contre 34 non.

Loi 9868

PL 9869-A
Rapport de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Jean-Marc Odier, Gabriel Barrillier, Frédéric Hohl, Michèle Ducret, Hugues Hiltpold, Marie-Françoise de Tassigny, Jacques Jeannerat, Jacques Follonier, Patricia Läser modifiant la loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève (B 1 01) (Initiative populaire)
Rapport de majorité de Mme Béatrice Hirsch-Aellen (PDC)
Rapport de minorité de Mme Emilie Flamand (Ve)

Premier débat

Mme Béatrice Hirsch-Aellen (PDC), rapporteuse de majorité. Le but de ce projet de loi est de simplifier la procédure de traitement d'une initiative et de gagner du temps. Le débat de préconsultation n'a pas vraiment d'utilité: on ne débat vraiment ni du fond, ni de la forme. En effet, tant l'un que l'autre sont largement débattus par la suite. Une fois que la commission législative a statué sur la validité, si l'initiative est déclarée valide, un débat a lieu. Ce débat n'est souvent que déclarations des différents groupes, qui marquent une position politique avant même d'avoir réellement étudié le sujet.

La crainte des opposants à ce projet de loi est de supprimer tout débat de fond sur une initiative déclarée non valide. Toutefois, on sait bien, parce qu'on l'a déjà vu à maintes reprises, que, dans la pratique, les prises de position sur le fond ont lieu lors du débat sur la validité. Ce projet de loi permettra donc réellement un gain d'efficience, sans aucune perte démocratique vu les débats ultérieurs.

Par conséquent, la majorité de la commission des droits politiques vous recommande d'adopter ce projet de loi.

Mme Emilie Flamand (Ve), rapporteuse de minorité. La recherche d'une plus grande efficacité dans les travaux parlementaires part bien sûr d'une intention louable, mais nous devons rester attentifs à ne pas confondre efficacité et précipitation. Pour la minorité que je représente, le projet de loi qui nous est soumis ce soir fait clairement partie de la deuxième catégorie.

En effet, le projet de loi 9869 vise à supprimer le débat de préconsultation sur les initiatives populaires avant leur renvoi en commission législative. Actuellement, vous le savez, après avoir été étudiée par le Conseil d'Etat, qui rend un rapport sur la forme et sur le fond, une initiative est discutée par le parlement avant d'être renvoyée en commission. A cette occasion, les groupes peuvent prendre position de façon globale par rapport au sujet de l'initiative. Il s'agit du premier contact public avec le monde politique institutionnel d'une initiative issue du peuple.

Nous pensons qu'il est important que les initiants puissent prendre la température du parlement par rapport à leur proposition. Il ne s'agit alors pas encore d'un débat juridico-technique de commission, mais bien d'un débat politique qui permet à chaque groupe d'exprimer sa position. Cela nous paraît d'autant plus important que certaines initiatives déclarées invalides par la commission législative puis par le Grand Conseil ne pourraient pas être discutées sur le fond sans ces prises de positions préliminaires.

Il nous semble qu'un acte démocratique de l'envergure d'une initiative, même mal formulée, même ne répondant pas aux exigences formelles posées par la loi, soulève par définition des problèmes importants pour nos concitoyens. Nous ne pouvons tout simplement pas esquiver le débat sur ces sujets de société, même lorsqu'une initiative doit être invalidée.

Lors de la dernière législature, dont chacun se souvient qu'elle s'est terminée dans une ambiance extrêmement tendue qui donnait lieu à des débats-fleuves, la majorité avait déjà supprimé le débat de consultation sur les projets de lois et cela n'avait pas contribué à l'apaisement, ni à l'accélération des débats.

Aujourd'hui, après un renouvellement du parlement et suite à l'entrée en vigueur d'un nouveau règlement, nos discussions se déroulent dans un climat sinon serein, du moins plus calme. L'efficacité de nos travaux s'en est trouvée grandement améliorée. Il ne semble donc pas judicieux d'ajouter une entrave supplémentaire au débat, surtout lorsqu'il s'agit d'actes symboliques de la démocratie tels que les initiatives populaires. Pour toutes ces raisons, je vous invite, au nom de la minorité, à refuser ce projet de loi.

Mme Anne Emery-Torracinta (S). J'aimerais tout d'abord remercier Mme Flamand pour son excellent rapport de minorité auquel le groupe socialiste adhère tout à fait. J'aimerais revenir aussi sur deux remarques de Mme Hirsch-Aellen, qu'elle reprenait d'autres personnes de la commission mais qui me paraissent extrêmement révélatrices.

La première remarque a trait à la pratique actuelle: on observe que, même lorsqu'un débat n'est censé porter que sur la validité d'une initiative, les questions de fond sont abordées et abondamment débattues. En d'autres termes, parce que certains d'entre nous ne seraient pas capables de respecter les règlements, il faudrait faire fi des règlements et on pourrait passer outre.

Deuxième remarque, un autre commissaire dit également que le nombre des initiatives à traiter est important et le gain de temps serait significatif si on adoptait ce projet de loi. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais que vous gardiez le sens de la mesure ! Si nous avons effectivement eu plusieurs initiatives à traiter en début de législature, nous avons eu depuis le début de l'année 2007 en tout et pour tout deux initiatives qui nous ont occupé en commission législative très exactement trente minutes le 19 janvier, trente-sept minutes le 2 février et guère plus de temps dans ce parlement, en séance plénière ! Je crois donc que ce projet de loi est une fausse bonne idée.

Il est vrai que je suis de celles et ceux qui pensent qu'il faudrait parfois pouvoir accélérer les débats, mais je crois que, là, à vouloir gagner du temps, on va plutôt en perdre ! Pourquoi ? Parce que l'on va accentuer une fois de plus la méfiance que certaines et certains de nos concitoyens manifestent à l'égard de ce parlement et envers le monde politique en général. En voulant museler le débat, en voulant empêcher le débat, on va donc au contraire plutôt encourager ces personnes à lancer des référendums, voire des initiatives, donc à retarder parfois en quelque sorte l'aboutissement de certains projets.

Je vous dirai donc en conclusion qu'il faut refuser ce projet de loi et je suis particulièrement inquiète de l'attitude de la majorité qui cherche de plus en plus à limiter les possibilités d'expression. C'est selon moi la même dérive que l'on observe par rapport au traitement des initiatives qui finissent régulièrement au Tribunal fédéral, lorsqu'elles ne plaisent pas à une certaine majorité ! (Applaudissements.)

M. Pascal Pétroz (PDC). Dans un monde idéal, il n'y aurait pas de lois parce que nous n'en aurions pas besoin. Dans un monde idéal, il n'y aurait pas de juges parce qu'il n'y aurait pas de litiges ! (L'orateur est interpellé.) Exactement ! J'allais y venir, Monsieur Barrillier ! Dans un monde idéal, je ferais un autre métier ! Comme il n'y aurait plus de litiges, il n'y aurait plus besoin d'avocats ! Malheureusement - ou heureusement, cela dépend du point de vue - nous ne vivons pas dans un monde idéal; nous avons besoin de lois pour régler la vie en société et notre honorable Conseil n'échappe pas à cette règle. Nous avons donc besoin d'un règlement du Grand Conseil pour régler les rapports que nous avons entre nous et pour régler la façon selon laquelle nous effectuons notre travail.

Malheureusement, en ce qui concerne le traitement des initiatives, force est de constater que le règlement du Grand Conseil consacre un dévoiement de la démocratie. Pourquoi ? Parce que le règlement actuel permet aux députés de dire trois fois la même chose: une première fois à l'occasion du débat de préconsultation; une deuxième fois à l'occasion du débat sur la validité, qui devrait être consacré uniquement à la validité, mais qui la plupart du temps concerne plus le fond que la forme de l'initiative; enfin, a lieu le véritable débat de fond.

Et nous, groupe démocrate-chrétien, nous considérons qu'il est important de pouvoir débattre sur la forme et sur le fond. Mais trois stades de la procédure pendant lesquels nous pouvons débattre sur le fond de l'initiative, c'est trop ! Une fois suffit, pour autant que le débat soit bien fait. Point n'est besoin de trop en faire et le projet de loi qui vous est proposé ici ce soir vise uniquement à supprimer un débat de préconsultation inutile qui consiste dans 99 voire 100% des cas, pour chacun des groupes, à dire qu'il se réjouit d'étudier en commission un projet qui mérite d'être étudié.

Alors franchement, si c'est pour perdre du temps au sein de notre enceinte pour dire qu'on se réjouit d'étudier un projet, autant l'envoyer directement en commission pour que le travail de fond puisse s'effectuer en commission et qu'une fois ce travail effectué notre Conseil puisse en parler en toute connaissance de cause ! C'est la raison pour laquelle le groupe démocrate-chrétien votera ce projet de loi.

M. Philippe Guénat (UDC). Que dire après l'éloquence du député Pétroz sur ce projet de loi ? Je souhaite aussi remercier Mme Hirsch-Aellen pour son excellent travail pour le rapport de majorité. Il fallait quand même préciser cela.

Le groupe UDC soutiendra ce bon projet de loi car il a pour but d'augmenter la fluidité de nos séances au Grand Conseil en réduisant fortement l'envie que pourraient avoir certains députés de faire de l'électoralisme en monopolisant les heures d'émission de Léman Bleu. Laissons la commission traiter avec tout le sérieux qu'on lui connaît les initiatives en question !

C'est pour cela, Madame la présidente et chers collègues députées et députés, que le groupe UDC soutiendra avec enthousiasme ce projet de loi.

M. Francis Walpen (L). J'ai entendu beaucoup de choses ce soir, notamment qu'il fallait impérativement tenir un débat de préconsultation, pouvant porter sur la forme mais pas forcément sur le fond, que la population devait connaître d'emblée les orientations des différents partis. J'entends aussi régulièrement nombre d'entre nous se plaindre: «Quoi ! Il ne me reste que trente secondes !» Je n'irai pas plus loin, je m'arrêterai à la conclusion du rapport de minorité qui nous dit: «Quand bien même la suppression de la préconsultation ... serait susceptible de favoriser un déroulement plus rapide des débats, la minorité s'y opposera sur le principe, car elle considère que l'avantage obtenu ne ferait pas le poids face au déficit démocratique ainsi engendré.»

Je prends note de tout ça, mais je me pose une seule question: et les initiants dans tout ça ? Qu'est-ce qu'ils attendent ? Qu'est ce qu'ils veulent ? Eh bien, la réponse, je l'ai obtenue lors des auditions de la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève concernant l'initiative 126-2-D, sur laquelle j'ai eu le plaisir de faire le rapport. (IN 126-2-D) A une question d'un commissaire, il est répondu que «s'ils avaient considéré que cette question était essentielle, ils auraient fait un recours, mais il y a volonté d'aller rapidement devant le peuple». Un peu plus loin, toujours dans le même rapport, en conclusion, l'initiant «encourage la commission à traiter rapidement cette initiative...». Ce sont des propos de Pierre Vanek ! (Rires.)

M. Damien Sidler (Ve). Le peuple dispose de deux moyens de nous adresser une proposition ou une demande: par le biais d'une initiative ou d'une pétition. Pour l'initiative, un certain nombre de règles s'appliquent effectivement. Ces règles ne sont d'ailleurs pas toujours appliquées par le Grand Conseil et le Conseil d'Etat, lorsque l'on traite un projet de loi constitutionnelle, notamment en ce qui concerne l'unité de la matière. Il semble qu'on soit un peu plus souple sur ce principe que ce qui est exigé des comités d'initiative.

C'est bien là qu'est le problème: c'est que lorsque des groupes de citoyens prennent le temps d'essayer de réunir 10 0000 signatures pour proposer un débat de société, cela prend beaucoup d'énergie. Il ne s'agit pas forcément de juristes aguerris, il peut donc arriver que des petites erreurs viennent invalider une initiative.

Le problème de votre projet de loi, c'est qu'en supprimant ce premier débat qui peut effectivement parfois paraître redondant, on supprime la possibilité de prendre acte de propositions faites et soutenues par ces 10 000 personnes. L'initiative sur l'or de la Banque nationale suisse a été invalidée à la dernière minute par le Grand Conseil. Avec la nouvelle loi que vous proposez, il n'y aurait pas eu de débat sur le fond: cette initiative aurait été, comme certains partis se sont permis de le dire, bonne à jeter à la poubelle, juste à cause d'une erreur formelle ! Et, pourtant, le Tribunal fédéral nous a dit que nous nous étions trompés. Je pense que c'est là que le bât blesse. Que vous vouliez aller vite dans le traitement des initiatives, nous sommes pratiquement tous d'accord. Le problème, c'est qu'il faut prévoir un moment pour discuter du fond. Ce moment est prévu, lorsque les initiatives sont validées formellement. En supprimant la possibilité de discussion à ce moment, votre projet de loi comporte une grave lacune démocratique !

J'aimerais encore vous dire que ce projet de loi pose un problème également dans la façon de traiter les initiatives par rapport aux pétitions. Une pétition n'est rien d'autre qu'une proposition non formulée, un souhait, une demande adressée à notre Grand Conseil. Une pétition peut n'être munie que d'une seule signature - pas 10 000 - pour qu'elle passe devant notre Grand Conseil et elle partira directement en commission, sans qu'il y ait eu débat sur l'entrée en matière. Le Grand Conseil fera un rapport pour une pétition munie d'une seule signature. Lorsque la pétition revient devant notre Grand Conseil, s'il n'y a qu'un seul rapport et qu'il demande le classement, il n'y a en principe pas de débat. La loi portant règlement du Grand Conseil prévoit qu'il suffit que dix personnes le demandent pour qu'il y ait un débat. Je pense donc qu'on ne peut pas d'un côté traiter ainsi une initiative signée par 10 000 personnes en l'envoyant à la poubelle, comme le PDC l'avait proposé et s'en était réjoui à propos de l'initiative sur l'or de la BNS, et accepter de l'autre côté de faire un rapport et ouvrir un débat sur une pétition munie d'une seule signature !

Je crois que votre projet de loi comporte vraiment une grave erreur et si, par malheur, il était voté ce soir, nous reviendrions à l'automne avec un nouveau projet de loi qui s'attaquerait cette fois-ci à l'article 120 de la LRGC, qui concerne le retour de l'initiative de la commission législative, pour prévoir un débat à ce moment-là, s'il est demandé par au moins dix personnes de cette assistance.

M. Eric Stauffer (MCG). Je vais être très bref: le groupe MCG va soutenir ce texte parlementaire. J'aimerais néanmoins mettre un bémol à ce qu'a dit M. le député Pétroz qui faisait l'éloge des avocats. On sait très bien que dans l'avocat, la seule chose qui est très dure, c'est son noyau. Et, bien des fois, c'est le noyau dur qui pèche, dans ce gouvernement ! (Rires.)

M. Jean-Marc Odier (R). Le projet de loi radical n'a pas pour but d'étouffer le débat ou de le museler, comme on peut pourtant le lire dans le rapport de minorité. (Exclamations.) J'aimerais aussi dire à Mme Flamand, rapporteure de minorité, que la préconsultation sur les projets de lois n'a pas été supprimée; il y a un renvoi automatique dans les diverses commissions à moins qu'un groupe ne demande le débat et, dans ce cas-là, le débat a lieu.

Je vous signale quand même que notre ordre du jour contient une centaine de points, ce qui n'était pas le cas il y a quelques années, quand il y avait beaucoup moins d'objets débattus par le Grand Conseil. Je dis «débattus» ! Pourquoi ? Parce que la procédure relative à l'initiative inclut la préconsultation, le débat sur la validité et, ensuite, le débat sur la prise en considération. Eh bien, le même débat a lieu trois fois dans ce Grand Conseil !

Lors de la préconsultation, il ne s'agit que de faire des déclarations alors que nous, ici, nous pourrions accorder beaucoup plus de temps à un réel débat qui doit avoir lieu sur les objets importants.

Madame la présidente, vous m'excuserez, mais bien souvent on nous dit dans ce parlement: «Madame, Monsieur, vous devez arrêter de parler, trois minutes se sont écoulées !». Je pense que là, il y a un choix à faire, mais de débattre trois fois sur le même objet, cela n'a pas lieu d'être ! Que l'on discute de la validité, c'est normal. Que l'on discute sur la prise en considération, c'est normal. Ces deux discussions suffisent pour débattre de l'initiative !

Je cite encore le rapport de Mme Flamand: «Le changement de législature, bien qu'il n'ait pas été accompagné d'une modification du règlement, a donné lieu à des débats moins polarisés et au rythme plus soutenu. Cela est bien la preuve que l'efficacité de notre Parlement est plus liée au contexte politique général et au respect des uns et des autres [...]»

Je voudrais vous dire qu'ainsi vous ouvrez la porte aux minorités qui veulent bloquer le parlement en abusant du temps de parole. Alors, s'il vous plaît, parlons et débattons des objets importants mais arrêtons de répéter à chaque fois le même débat ! C'est pourquoi le groupe radical qui fait ces propositions vous invite à approuver ce projet de loi.

Mme Michèle Künzler (Ve). Je ne pensais pas intervenir, mais il ne s'agit pas d'un même débat répété trois fois ! Soyons clairs ! D'abord, lors de la préconsultation, on accueille quelque chose qui vient de l'extérieur. Ensuite, on fait le débat sur la forme et finalement sur le fond. Si vous répétez trois fois la même chose et que vous n'êtes pas capables d'évoluer dans votre pensée, c'est votre problème ! (Huées et applaudissements.)

Il me semble qu'on a vraiment un problème institutionnel en plus de ce qui vient d'être dit sur le débat de préconsultation des projets de lois. Pourquoi traiterait-on mieux les projets de lois provenant des députés ou du Conseil d'Etat que ceux qui proviennent du peuple ? Il y a là un réel problème, parce que vous ne proposez même pas la possibilité d'un débat de préconsultation ! A un moment donné, ça ne va plus ! C'est vraiment un grave problème institutionnel de ne pas pouvoir entrer en matière d'abord, pour dire au peuple comment son initiative est reçue. Juste pour gagner deux minutes, ce n'est pas la peine de créer un problème institutionnel ! (Applaudissements.)

Mme Emilie Flamand (Ve), rapporteuse de minorité. Brièvement, en réponse à l'intervention de M. Odier, je voudrais revenir sur deux points. Premièrement, le débat de préconsultation a bel et bien été supprimé. Aujourd'hui, il est vrai qu'on peut demander le débat immédiat sur un projet de loi, mais ça signifie qu'ensuite il doit être voté sur le siège et qu'il ne peut pas être renvoyé en commission. Ce n'est donc pas équivalent à un débat de préconsultation ! (Commentaires.) Si ! Si !

Deuxièmement, gagner du temps est certes une bonne chose, je le dis dans mon rapport. Nous sommes d'accord de gagner du temps avec les motions. D'ailleurs, nous avons voté comme vous le nouveau règlement du Grand Conseil qui nous a permis d'accélérer fortement nos débats. En ce qui concerne certains projets de lois, je pense que l'on peut limiter le temps de parole. Mais une initiative n'est pas un objet comme une motion ou comme une résolution, ce n'est pas un objet comme un autre. Une initiative est un acte du peuple signé par 10 000 personnes ! Et la moindre des choses, c'est d'accueillir cet acte dans notre parlement par une prise de position, une reconnaissance de tous les groupes et pas simplement de l'envoyer directement en commission où les initiants n'ont absolument aucun contrôle démocratique: ils ne peuvent pas savoir ce qui s'y dit et ce qui se passe.

Pour revenir à ce qu'a dit M. Walpen, si les initiants ont envie que leur demande soit traitée rapidement, je ne crois pas que ce soient les trente minutes de débat au Grand Conseil qui retardent le traitement de l'initiative. Par contre, les initiants seront contents de savoir que leur initiative est bien arrivée jusqu'à nous. De même, ils seront contents de savoir ce que chacun des groupes en pense, avant que cela ne soit discuté confidentiellement en commission. (Applaudissements.)

M. Jean-Marc Odier (R). Effectivement, la préconsultation sur les projets de lois n'a pas été supprimée. Quand un groupe demande à s'exprimer sur un projet de loi, cela n'équivaut pas automatiquement à une demande de discussion immédiate. Ce n'est pas juste ! (Commentaires.)

J'aimerais dire, Madame Künzler, qu'il n'y a effectivement pas trois fois le même débat, pour autant qu'on respecte le deuxième débat sur la validité ! Or, vous savez très bien qu'il est impossible de ne parler que de la validité dans cette enceinte. Il faut admettre que souvent cela ne se passe pas comme ça car on parle sans arrêt aussi du fond - et pas seulement de la validité ! C'est le débat démocratique et on l'accepte. En conséquence, les deux arguments qui viennent d'être exprimés sont faux !

Mme Carole-Anne Kast (S). Il n'était pas non plus prévu que j'intervienne, mais j'aimerais quand même rappeler quelque chose. Si on n'avait pas dans ce parlement une fâcheuse tendance à invalider par des motifs fallacieux des initiatives pour des raisons qui relèvent en fait du fond, il y aurait peut-être moins de mélanges entre les deux débats ! Et il me semble, Monsieur Odier, que ce sont plutôt vos bancs que les nôtres qui ont cette fâcheuse tendance.

Je crois que les arrêts du Tribunal fédéral, que ce soit à propos de l'initiative 120 (IN 120) ou de l'initiative sur l'or de la BNS, le prouvent assez bien. Si on était capable d'avoir l'objectivité nécessaire lors de la recevabilité, je pense que la problématique ne serait pas aussi aiguë aujourd'hui.

Vous dites que les deux débats sont mélangés: c'est que vous n'êtes pas capable de faire la différence ! C'est vrai, vous n'êtes pas capable de faire la différence, puisque vous invalidez systématiquement les initiatives qui vous déplaisent quant au fond. Je pense que nous avons là un vrai problème démocratique et si on pouvait garantir qu'il y ait une prise de décision politique sur une initiative, par un biais ou par un autre, quelle que soit la décision sur la validité, on pourrait peut-être trouver une majorité autour d'un projet.

Supprimer la préconsultation, c'est supprimer le débat sur le fond, sachant que le deuxième débat porte sur la validité et qu'une fois sur deux, une initiative qui déplaît politiquement est invalidée ! (Applaudissements.)

M. Eric Stauffer (MCG). Je souhaite réagir aux propos de la rapporteure de minorité. Vous dites que les travaux sont faits en commission sans contrôle démocratique. Je ne peux pas laisser dire quelque chose comme ça ! Pour ceux qui nous écoutent, je rappelle que ce sont des députés élus par le peuple qui siègent dans les commissions. La représentation démocratique est donc parfaitement et pleinement assurée.

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. S'agissant des règles du fonctionnement interne de votre Grand Conseil, le Conseil d'Etat s'impose une grande retenue. Je ne ferai que deux ou trois réserves - ou plutôt des remarques.

La première, c'est que le débat de préconsultation pour les projets de lois - article 126, alinéa 2 de votre règlement (LRGC) - a bel et bien été supprimé. En revanche, il est exact que vous pouvez convenir d'une discussion immédiate. Toutefois, il est aussi exact que même si la discussion immédiate est demandée, le renvoi en commission peut en tout temps être demandé. Voilà les règles exactes.

Maintenant, sur le fond de ce projet de loi, un parlement est quand même fait pour parler et pour débattre; la crainte qu'exprime le Conseil d'Etat, c'est que le débat n'ait lieu ailleurs si vous y renoncez. S'il a lieu ailleurs, il n'aura pas lieu dans les conditions requises d'équité et de proportionnalité, selon les procédures respectables qui sont la marque de votre parlement. Je crains par conséquent que ce parlement, à certains égards, ne vienne à se priver lui-même de l'une de ses belles prérogatives.

A cela s'ajoute que la comparaison du traitement d'une initiative populaire signée par plus de 10 000 personnes au traitement d'une pétition, qui par hypothèse n'en porte généralement que quelques-unes, est problématique.

Cela dit, on pourrait aussi peut-être une fois se poser des questions sur le droit de la procédure d'initiative en général, parce que j'admets et comprends la motivation de fond des auteurs du projet. (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) C'est vrai que le système actuel a quelque chose de pas toujours satisfaisant, malgré tout le soin qui avait été apporté à l'époque pour le mettre en place. Comme l'a dit Mme Künzler, il convient quand même qu'à un moment donné votre Grand Conseil dise ce qu'il pense d'une initiative qu'il accueille.

Le Conseil d'Etat ne fera pas de recommandation de vote, mais je tiens à vous rendre attentifs au fait qu'en acceptant ce projet de loi, vous perdriez en partie une de vos très belles prérogatives. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

Mis aux voix, le projet de loi 9869 est adopté en premier débat par 48 oui contre 26 non.

La loi 9869 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.

Une voix. Je demande l'appel nominal ! (Appuyé.)

Mise aux voix à l'appel nominal, la loi 9869 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 48 oui contre 25 non.

Loi 9869

Appel nominal

La présidente. Je vous propose de clore ici nos débats. Nous nous retrouvons demain à 15h30. Bonne rentrée !

La séance est levée à 22h45.