Séance du
jeudi 24 mai 2007 à
20h30
56e
législature -
2e
année -
8e
session -
37e
séance
PL 9765-B et objet(s) lié(s)
Premier débat
Mme Elisabeth Chatelain (S), rapporteuse. Mesdames et Messieurs les députés, cette demande de crédit de 375 000 F pour l'équipement des locaux de la Haute école de santé a été refusée par la commission des finances qui a souhaité renvoyer ce projet de loi à la commission de contrôle de gestion avec des questions précises. La sous-commission de la commission de contrôle de gestion en charge du DCTI, département des constructions et des technologies de l'information, a donc étudié le dossier. Creusant le sujet pour répondre à la commission des finances, elle a constaté que la problématique dépassait le cadre de cette seule demande de crédit; il ressort que la complexité de la prise de décision induit un processus long, compliqué et peu clair quant à la répartition des responsabilités qui est incompatible avec des exigences de gestion lorsqu'il s'agit ainsi d'organiser une rentrée avec plus d'étudiants qu'il était prévu.
La commission de contrôle de gestion a relevé des dysfonctionnements par rapport à la LIAF, loi sur les indemnités et les aides financières , par rapport à la LGAF, loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève, ainsi que des problèmes de répartition des tâches et des responsabilités entre les services techniques du département de l'instruction publique et du DCTI. A l'unanimité, la commission de contrôle de gestion a donc décidé de refuser d'entrer en matière sur le projet de loi 9765 et vous recommande de faire de même.
De plus, depuis le dépôt de ce rapport, notre Conseil a adopté deux crédits d'investissements: un pour l'Ecole d'ingénieurs de Lullier et l'autre pour l'Ecole d'aide familiale, les projets de lois 9889 et 9890, et, sans que des dysfonctionnements soient relevés, la rapporteure, Mme Hagmann, a déploré que ces crédits aient dû être débloqués avant le vote du projet de loi pour permettre une rentrée scolaire dans de bonnes conditions. La rapporteure a insisté sur le fait qu'une telle dérogation ne devait pas devenir la règle.
A la suite de ses travaux, la commission de contrôle de gestion - également à l'unanimité - a choisi de rédiger une motion invitant le Conseil d'Etat à prendre diverses mesures. La commission demande que le Conseil d'Etat puisse mettre en place une procédure efficace d'attribution des locaux par l'Etat aux HES, en précisant les attributions décisionnelles. Elle demande aussi que l'on clarifie les rôles respectifs des services techniques du DIP et du DCTI et que le Conseil d'Etat émette une directive distinguant les dépenses d'investissement des dépenses de fonctionnement, notamment pour la division de la maintenance. La commission demande encore que l'on définisse clairement les règles de comptabilisation pour les frais de déménagement et que soient enfin perfectionnés les outils à la disposition de l'Etat en matière de prévision des effectifs pour les Hautes écoles spécialisées.
La commission de contrôle de gestion vous demande donc, comme la commission des finances, de refuser l'entrée en matière sur le projet de loi 9765 et de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat afin qu'il prenne des mesures pour éviter de tels dysfonctionnements à l'avenir.
M. Jacques Follonier (R). Voilà encore un cas très flagrant de thésaurisation. Vous le savez, à la commission de contrôle de gestion nous sommes très souvent confrontés à ce problème: beaucoup d'organismes ou d'associations subventionnées ont des velléités, mais la vie courante fait que de leurs actions reste finalement un petit reliquat des montants engagés. Ce qui est surprenant, c'est ce qui s'est passé dans le cadre de l'école «Le Bon Secours», et la manière dont cet argent a été utilisé laisse un peu songeur.
Ce qui est le plus gênant dans cette histoire n'est pas tant ce qui s'est passé puisque - comme l'a relaté Mme la rapporteure - c'est un cas d'école, mais c'est qu'en sous-commission nous ayons auditionné le directeur des HES Genève, M. François Abbé-Decarroux, qui nous a dit très clairement que cela n'arriverait plus et que nous n'avions pas de souci à nous faire pour l'Ecole d'ingénieurs de Lullier parce qu'un projet de loi nous serait présenté bien avant pour éviter tout problème de ce type, auquel il n'avait d'ailleurs pas été confronté puisqu'il venait de prendre ses fonctions.
Or, il est triste de constater maintenant que c'est exactement le même problème qui s'est reproduit: nous nous retrouvons à voter des projets de lois alors que l'argent a déjà été dépensé. J'aimerais bien que le conseiller d'Etat nous explique pourquoi nous nous retrouvons si souvent dans des situations comme celle que nous avons à traiter ce soir.
M. Claude Jeanneret (MCG). Mesdames, Messieurs, chers collègues, j'aimerais juste ajouter un petit commentaire sur ce projet de loi 9765. Il y a peut-être quand même eu un avantage qu'il soit déposé: ça a permis à la commission de contrôle de gestion de faire un constat, de tenter de donner des conseils d'amélioration dans certaines procédures qui n'étaient pas tout à fait au point et, surtout, de proposer une coordination entre les différents services.
Ce qui me gêne quand même et que j'aimerais faire remarquer ce soir, c'est l'intitulé du projet de loi 9765. La Haute école de santé a voulu acheter de l'équipement au mois de septembre pour être en mesure de donner ses cours, ce qu'elle a fait et les cours ont pu avoir lieu, ce qui est très bien. Quelques mois plus tard, nous recevons une demande, intitulée de la manière suivante: «Projet de loi du Conseil d'Etat ouvrant un crédit d'investissement de 375 000 F pour l'équipement et l'ameublement de locaux des sites de la Haute école de santé pour les filières des physiothérapeutes, diététiciennes...», etc. Il est clair que, présenté de cette manière, je ne vois pas qui peut dire non à un projet de loi d'investissement ! Il est évident que c'est une école qui a son utilité, toutefois, demander de déposer un projet de loi après avoir effectué la dépense et avoir équipé l'école, ça pose quand même un problème d'éthique ! Parce qu'après plusieurs mois, quand on dépose un tel projet de loi, ce n'est pas cet intitulé qu'il aurait fallu lui donner ! Ce qu'il fallait dire avec ce projet de loi, c'est que son but était de reconstituer une réserve - non conforme à la LIAF, dirai-je - après l'avoir utilisée pour payer un investissement qui n'avait pas été accepté.
C'est quand même grave de nous avoir soumis ce projet de loi plusieurs mois plus tard et de l'avoir intitulé de manière que, si les commissions n'y avaient pas accordé une attention soutenue, nous aurions pu octroyer un crédit qui n'aurait pas été utilisé selon l'intitulé du projet de loi. J'espère qu'à l'avenir nous n'aurons plus à gérer de pareilles demandes !
M. Michel Forni (PDC). Nous avons appris récemment qu'il y a des colères parfaitement saines. C'est récent comme appréciation, mais c'était peut-être le catalyseur qui a conduit la commission des finances à renoncer à entrer en matière sur ce projet de loi et à le transmettre à la commission de gestion.
Comme cela a été dit, il ne faudra pas trop épiloguer là-dessus. Ce sont des dysfonctionnements qui vont de dépenses contrevenant à la LIAF et à la LGAF à un manque de coordination de certains services techniques de certains départements, en passant par d'autres démarches malheureusement relevées dans les différents rapports des commissions du Grand Conseil.
Derrière cette motion 1725 et ses invites, il y a un message qui est clair et qui remplace avantageusement ce projet de loi en soulignant les procédures simples et efficaces qui doivent tout d'abord permettre de réguler, par un mode précis, la nature et le rôle des services de l'Etat. Ensuite, ces procédures doivent permettre d'instaurer une stratégie de partenariats entre ces différents services de l'Etat.
C'est la raison pour laquelle le PDC refusera d'entrer en matière sur ce projet de loi et qu'il soutiendra la motion, en se souvenant - et s'en y opposant - de la sentence d'Honoré de Balzac: «La puissance ne consiste pas à frapper fort ou souvent, mais à frapper juste.»
M. Renaud Gautier (L). A l'injonction de mon chef Pierre Weiss qui est un spécialiste, je vais faire simple. Je voulais juste rappeler deux points qui avaient beaucoup préoccupé la commission des finances dans ce dossier. Ce n'était pas seulement l'utilisation de la réserve, comme l'a relevé M. Jeanneret, c'est le problème du partage actuellement difficile entre ce qu'on appelle l'entretien et l'investissement, en termes de budget du DCTI, et qui n'était pas du tout clair. Par analogie, il y avait tout un problème avec les déménagements - qui dépendaient un peu de l'enveloppe à disposition - pour savoir si c'était de l'investissement ou du fonctionnement. Les questions qui ont été soulevées lors du refus par la commission des finances ont entraîné plusieurs débuts de réponses de la part du département. Pas encore de réponses tout à fait certaines, mais surtout l'aveu par le département de la difficulté qu'il peut y avoir à déterminer quelques cas si des travaux relèvent plutôt de l'investissement que du fonctionnement.
Ce problème constitue probablement une forme de rupture épistémologique - pour parler simple, comme aime à le faire M. Pierre Weiss... (Remarque.) - sur une question de mentalité qui est probablement en train de changer. Nous avons effectivement vécu une période où la question du coût global d'une opération, quelle qu'elle soit - qu'il s'agisse d'un investissement ou d'un déménagement - était peu prise en compte. Et le souci de la commission des finances était effectivement d'arriver à une meilleure transparence. C'est la raison pour laquelle, avec un ancien député Vert - qui siège maintenant de l'autre côté de la barrière, si je puis parler ainsi - nous nous sommes beaucoup préoccupés de ce qu'on appelle «le train annuel de lois d'investissement» qui était ce gros porte-monnaie dans lequel on ne savait pas très bien à quoi servaient les montants qui s'y trouvaient et pour quels remplacements ils pouvaient être utilisés. La situation change, mais il est vrai qu'en posant cette question on a probablement soulevé des problèmes, peu ou pas connus au niveau du DCTI, qui sont en train de changer.
Je crois qu'il est de notre rôle de continuer cette «aimable pression» sur le département. D'une part, pour que l'on parvienne effectivement à une meilleure transparence et, d'autre part, surtout pour qu'on évite de venir demander à la commission de rembourser de l'argent qui a été thésaurisé. En ce qui concerne la thésaurisation, j'ai cru comprendre que des efforts sensibles ont été effectués, parfois un peu douloureux.
J'appelle simplement de mes voeux que les autres points, évoqués tant par la commission de contrôle de gestion que par la commission des finances, trouvent à terme - d'ici à la fin de l'été - les réponses que ce parlement est en droit d'obtenir lorsqu'il décide de la manière dont il entend distribuer la manne publique.
M. Charles Beer, président du Conseil d'Etat. Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, je n'apporterai finalement que très peu de commentaires à ce qui vient d'être dit sur l'ensemble de cette question, si ce n'est pour évoquer deux éléments qui doivent être pris en compte et qui, bien entendu, ne justifient pas que de l'argent ait été ainsi dépensé avant qu'une autorisation soit donnée.
Ce sont les triples règles qui existent, d'abord au niveau de la HES. Qui est, comme vous le savez, une HES de Suisse occidentale - une HES-SO - et qui oblige le canton de Genève à avoir, en matière de fonctionnement, une certaine capacité d'adaptation qui lui permette notamment de faire face aux étudiants admis. C'est le premier élément.
Le deuxième, c'est la seconde règle qui concerne le département utilisateur, c'est-à-dire le DIP. Il doit se charger de reprendre le fonctionnement de la HES-SO, trouver - pour la triple règle d'application, on est toujours au niveau de l'administration et de l'exécutif - les concours et, aussi, se charger de l'application des directives du DCTI. Et en fin de compte, le projet de loi parviendra à la commission des finances.
Cela dit, il convient encore d'illustrer une autre chose importante: les éléments en matière d'estimation du nombre d'étudiants sont fortement aléatoires, puisque nous procédons à ces évaluations, en ce qui concerne les HES, deux fois par année, soit vers la mi-octobre puis à la mi-mai. Ces éléments nous apportent diverses indications pour préparer la rentrée suivante, mais ces dernières sont relativement aléatoires aujourd'hui par rapport à l'incertitude du développement des HES-SO. En effet, nous ne connaissons pas toujours d'avance le nombre d'étudiants, qu'il va falloir compter dans telle ou telle filière.
Je tiens à ajouter une chose importante: le Conseil d'Etat ne peut engager un certain nombre de projets de lois et les voir traiter qu'à partir du moment où la commission des finances siège. Or nous nous sommes trouvés à plusieurs reprises dans la situation où les deux mois d'été et de pause interdisent finalement une adaptation rapide qui serait pourtant infiniment nécessaire dans la gestion des effectifs; je ne suis pas en train de dire que c'est une bonne chose, mais on est en train de trouver des éléments de réponses. Nous devons entrer dans une bien meilleure planification, ce que nous nous employons à effectuer notamment à travers celle des bâtiments, en regroupant les HES sur trois sites. Cela devrait nous permettre de mieux faire face aux éléments de masse qui sont évidemment incontournables dans la gestion des rentrées scolaires.
Mesdames et Messieurs les députés, je comprends le malaise de la commission des finances et je comprends la motion de la commission de contrôle de gestion, mais j'aimerais rappeler qu'une grande partie des messages de la commission de gestion concernent l'articulation entre deux départements, dont un a la compétence de construire et l'autre la compétence d'exprimer ces besoins - exercice rendu plus difficile encore lorsqu'il repose sur une autre entité et que nous avons à dépasser ces problèmes. Donc, en ce sens-là, je vous suis tout à fait.
Mis aux voix, le projet de loi 9765 est rejeté en premier débat par 72 non (unanimité des votants).
Mise aux voix, la motion 1725 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 70 oui (unanimité des votants).