Séance du
jeudi 24 mai 2007 à
20h30
56e
législature -
2e
année -
8e
session -
37e
séance
R 527
Débat
M. Guy Mettan (PDC). Je ne vais pas faire long, je voulais juste remercier l'ensemble des groupes qui ont soutenu cette résolution en acceptant sont traitement en urgence; je crois que le vote auquel nous allons procéder a une dimension symbolique pour l'ensemble du pays.
Beaucoup de gens en Suisse, citoyennes et citoyens de Suisse, observent, malgré tout, ce qui va se passer ici ce soir. Parce qu'ils sont indignés du fait que la prairie du Grütli soit abandonnée à des néonazis le jour de la Fête nationale et que les deux présidentes de notre pays, la présidente de la Confédération et la présidente du parlement fédéral ne puissent pas s'exprimer comme elles l'ont souhaité, en raison de l'incapacité des autorités locales et associations locales d'assurer cette manifestation.
Le signal que nous allons donner ce soir a son importance et c'est aussi une preuve de l'attachement de Genève à la Confédération.
M. Pierre Losio (Ve). Il est un texte d'un grand auteur vaudois qui dit à peu près ceci: «On a un bien joli pays, des veaux, des vaches, des moutons, des brebis, et même une prairie au Grütli...». Aujourd'hui, l'accès à cette prairie n'est plus certain, il est menacé. Chacun a sa conception de la Suisse, chacun a sa conception de la Fête nationale, chacun a sa conception de la dignité de la fête nationale et toutes ces opinions sont respectables. Ce qui est intolérable aujourd'hui, c'est que la présidente de la Confédération ne puisse pas avoir accès à la prairie du Grütli le 1er août. Ce qui est intolérable, c'est que la première citoyenne du pays, la présidente du Conseil national, ne puisse pas avoir accès à cette prairie. Ce qui est intolérable, c'est que les femmes de ce pays risquent de ne pas pouvoir avoir accès à cette prairie pour cette fête à laquelle Mme Calmy-Rey souhaitait donner une connotation particulièrement féminine. Ce qui est intolérable, c'est qu'il puisse exister dans ce pays une zone de non-droit. Ce qui est intolérable, c'est que la démocratie puisse capituler devant ce que le résolutionnaire principal de ce texte appelle des skinheads et des néonazis. C'est tout simplement intolérable !
On ne peut pas accepter une capitulation de la démocratie de cette sorte et c'est pour cette raison que les Verts vous invitent à voter unanimement cette résolution.
M. Christian Brunier (S). Mesdames et Messieurs les députés, je ne sais pas si certains ont consulté les dernières dépêches de presse, mais celles et ceux qui l'ont fait ont pu découvrir que le comité d'organisation de la fête du Grütli est en train de baisser les bras, il a décidé d'annuler cette fête. Nous savons que Micheline Calmy-Rey vient d'affirmer qu'elle maintiendrait sa présence et je crois qu'aujourd'hui les organisateurs, qui ont peur de ce désordre antidémocratique, ont besoin de notre soutien ! Quel que soit notre bord, je crois que cela a été dit. Il y a une conseillère fédérale socialiste qui veut s'exprimer, qui est la présidente de la Confédération, et il y a une présidente du Conseil national, qui est d'un autre bord politique, une centriste de droite, qui veut également s'exprimer. Ces deux personnes représentent la démocratie de ce pays, elles représentent des partis démocratiques. Et même si ces derniers s'affrontent sur des notions différentes, ils ont des notions communes qui sont la défense de nos libertés.
Aujourd'hui, nous devons faire un vote de défense des libertés et, quelle que soit notre idéologie, quelles que soient nos valeurs, nous avons au moins, en tout cas dans la plupart des cas, des valeurs communes qui sont les valeurs de la démocratie et de la liberté. (Remarque.) J'ai dit: «dans la plupart des cas» ! Et j'espère qu'aujourd'hui une unanimité se fera et qu'aucun parti ne se rangera au côté des skinheads et des partis d'extrême-droite. Nous devons résister !
C'est un appel à la résistance et à la solidarité envers les organisateurs de la fête, et je vous demande de voter massivement pour cette résolution !
M. Gilbert Catelain (UDC). Lorsqu'il y a deux ans environ l'UDC avait diffusé une annonce dans la presse pour une assemblée ouverte sur l'extérieur, je crois que le groupe UDC aurait été très heureux d'obtenir un tel soutien pour le respect des libertés démocratiques. En effet, en raison de menaces, le groupe UDC avait dû annuler cette assemblée et il n'avait, en ce qui le concernait, reçu aucun soutien de ce parlement, aucun soutien du conseil d'Etat, aucun soutien des forces politiques qui ont toutes à coeur de défendre les valeurs démocratiques !
Je rappellerai aussi qu'il y a deux ans, quand le conseiller fédéral Samuel Schmid s'est rendu sur la plaine du Grütli et a prononcé son discours, il s'est fait copieusement siffler - probablement aussi par des extrémistes, comme vous l'avez dit - et il n'a alors eu aucun soutien des forces démocratiques de ce pays. Il est allé sur le Grütli sans sécurité, en défendant ses convictions.
Alors aujourd'hui, parce qu'il s'agit d'une présidente de gauche, socialiste, il faudrait, dans un grand élan de générosité - parce qu'il s'agit de Mme Calmy-Rey et parce qu'elle est genevoise - et sous couvert de valeurs démocratiques, un large soutien de ce Grand Conseil... Je crois que nous faisons fausse route ! Et je ne suis pas sûr que ce geste que vous vous apprêtez à faire ce soir soit bien compris, notamment de la majorité alémanique. Je ne suis pas sûr qu'il soit bien compris du canton de Lucerne, qui est souverain, et qui aurait sans doute envie de décider en toute souveraineté, sans influences extérieures, puisque je rappelle que nous sommes encore un pays fédéral, constitué de cantons indépendants soucieux de leurs prérogatives cantonales.
Cela étant dit, je rappelle que la Confédération a les moyens d'assumer seule les coûts de cette sécurité. Le département de M. Samuel Schmid dispose aujourd'hui d'une police militaire, instruite selon les mêmes critères que n'importe quelle police cantonale, et cette police est considérable: elle est aussi engagée à l'étranger, pour assurer la sécurité des ambassades notamment, et elle est très importante en Suisse, puisqu'elle remplit toute une série de tâches relevant de la loi sur la circulation routière, de même que de ce qui concerne les infractions du code pénal militaire - elle mène des enquêtes, elle est engagée sur le terrain... Le Conseil fédéral a donc les moyens, s'il le souhaite, d'assurer la protection de Mme Calmy-Rey.
C'est une discussion qui doit avoir lieu entre le Conseil fédéral et le Canton de Lucerne, et non pas entre le Canton de Genève et le Canton de Lucerne. Pour ces motifs, le groupe UDC aura la liberté de vote sur cet objet. (Applaudissements.)
M. Gabriel Barrillier (R). Mesdames et Messieurs les députés, un observateur martien ou étranger trouverait sans doute quelque peu risible le développement de ce psychodrame suisse à l'occasion de cette affaire. Et j'aimerais quand même dire ici que personne n'a le monopole du patriotisme et de la démocratie, personne !
La deuxième chose que j'aimerais relever, c'est qu'il ne s'agit pas seulement d'une présidente de la Confédération, socialiste. C'est la présidente de la Confédération ! Présidente qui sera accompagnée, ou devrait l'être - aux dernières nouvelles, il semblerait que la cérémonie soit supprimée - par la première dame du pays, qui est une radicale, Mme Christine Egerszegi-Obrist, d'Argovie. Alors de grâce, n'attribuons pas des couleurs ou des drapeaux aux participants à cette manifestation !
On craint que les cantons suisses alémaniques prennent ça très mal... Je rappelle également, que Genève - qui est un canton trublion, c'est vrai - a toujours, depuis 1815, été présent lorsqu'il était question de l'unité nationale et de la coexistence entre les cantons. Je ne vais pas remonter à l'histoire moderne de la Confédération, mais nous avons toujours été présents dans ces moments-là... Et on ne va pas comparer la présidence de M. Ador, en 1919, avec ce qui se passe aujourd'hui sur la prairie du Grütli !
Toutefois, je pense effectivement que, psychologiquement, c'est bien que l'on manifeste, au-delà des 10 000 F éventuels, notre souci de l'appartenance confédérale. C'est la raison pour laquelle le groupe radical - en tout cas dans sa majorité - votera cette résolution, sans enthousiasme il est vrai.
M. Jean-Michel Gros (L). Mesdames et Messieurs les députés, je m'exprimerai à titre purement personnel, puisque des membres de mon groupe ont signé cette résolution. Moi-même je ne l'ai pas fait, pour vous dire que cette résolution «m'étrange» un petit peu ! Octroyer 10 000 F pour la sécurité dans le canton de Lucerne ou dans le canton de Nidwald - je ne sais pas exactement sur quel territoire se situe la prairie du Grütli - ça «m'étrange» un peu !
Une voix. N'est-ce pas Obwald ?
M. Jean-Michel Gros. Ça «m'étrange» un peu parce que notre fête du 1er Août a toujours été une fête décentralisée, a toujours été une fête des communes. Et maintenant, elle est devenue une sorte de tradition: une tradition sulfureuse en raison de la présence de néonazis sur la plaine du Grütli à ce moment.
Voilà maintenant que nos édiles veulent absolument prendre la parole sur la plaine du Grütli ! Alors que Mme Calmy-Rey pourrait très bien faire son discours dans la commune du Grand-Saconnex, ou à Plan-les-Ouates, ou à Satigny ! Ailleurs ! Et là, il n'y aurait aucun problème de sécurité... Eh non, il faut aller sur la plaine du Grütli ! (Brouhaha.) Et en plus, cette fois, il y a un symbole: des femmes au Grütli ! C'est très bien ! Mais d'ici à ce que le canton de Genève octroie des sommes pour assurer la sécurité de cette manifestation... Je trouve, et je le répète à titre personnel, que cela va un peu loin et que c'est inutile ! Je refuserai donc cette résolution. (Applaudissements.)
Mise aux voix, la résolution 527 est adoptée et renvoyée aux cantons confédérés riverains du lac des Quatre-Cantons, au Conseil fédéral et au Conseil d'Etat par 46 oui contre 12 non et 1 abstention.