Séance du jeudi 3 mai 2007 à 20h30
56e législature - 2e année - 7e session - 32e séance

M 1760
Proposition de motion de Mmes et MM. Christian Brunier, Elisabeth Chatelain, Anne Emery-Torracinta, Lydia Schneider Hausser, Mariane Grobet-Wellner, Virginie Keller Lopez, Roger Golay, François Thion, Françoise Schenk-Gottret, Alain Charbonnier, Sébastien Brunny, Eric Stauffer, Brigitte Schneider-Bidaux, Ariane Wisard-Blum, Laurence Fehlmann Rielle, Alain Etienne, Gabrielle Falquet, Sylvia Leuenberger, Carole-Anne Kast pour l'interdiction de l'affiche discriminante de l'UDC pour les votations du 20 mai prochain
R 526
Proposition de résolution de Mmes et MM. Guy Mettan, Gabriel Barrillier, Christian Luscher, Béatrice Hirsch-Aellen, Anne-Marie von Arx-Vernon, Mario Cavaleri, Guillaume Barazzone, Mathilde Captyn, Frédéric Hohl, Fabienne Gautier, Pierre Weiss, Marcel Borloz, Christophe Aumeunier, Françoise Schenk-Gottret, Mariane Grobet-Wellner, Antonio Hodgers, Emilie Flamand, Sandra Borgeaud, René Stalder, Alain Etienne, Pierre Kunz, Michèle Ducret, Christian Brunier, Hugues Hiltpold, Roger Golay, Brigitte Schneider-Bidaux, Morgane Gauthier, Pierre Losio, Michèle Künzler, Esther Alder, Ariane Wisard-Blum, Virginie Keller Lopez, Elisabeth Chatelain, Anne Emery-Torracinta, Sylvia Leuenberger, François Gillet, François Thion, Carole-Anne Kast condamnant les procédés d'affichage discriminatoires et méprisante

Débat

La présidente. En préambule, j'ai une déclaration à vous faire. (La présidente agite la cloche.) A mon insu et à l'insu du Bureau a été distribué sur vos places un communiqué de presse du parti UDC, alors que je n'avais pas donné mon accord. Je considère cette manière de faire comme tout à fait inadmissible et je prie l'UDC de retirer ce communiqué de presse qui n'a rien à faire sur nos tables ! Nous passons maintenant à la motion 1760 et à la résolution 526. Monsieur Leyvraz, vous avez la parole.

M. Eric Leyvraz (UDC). En principe, c'est l'auteur qui a la parole.

La présidente. Monsieur Guy Mettan, vous avez la parole.

M. Guy Mettan (PDC). Je vais essayer d'être sobre parce que beaucoup de choses ont déjà été dites à propos du problème posé par ces affiches que le parti UDC a cru bon de diffuser dans notre ville. Comme cela a été constaté, ces affiches sont discriminatoires sur plusieurs aspects à l'égard d'une minorité. Elles contreviennent notamment à l'article 8 de la Constitution fédérale qui garantit l'égalité de traitement pour tous les citoyens et citoyennes de ce pays. Cet article prohibe toute discrimination à l'égard d'une personne ou d'une minorité. C'est pour cela que nous avons proposé cette résolution. Elle condamne fermement les propos figurant sur cette affiche, que l'on peut voir dans notre ville, et dénonce la discrimination qu'ils impliquent à l'égard de certaines personnes de notre République, des citoyens éminents et des citoyennes éminentes. La résolution invite naturellement les responsables de ce parti à retirer leurs affiches.

Nous avons appris entre-temps que ce parti entendait gommer le mot qui faisait problème. Nous en prenons acte, mais, à nos yeux, cela n'est pas suffisant. Parce que ce qui a été fait dépasse les bornes de l'entendement. Et nous exigeons - nous continuons à exiger - que l'entier de ces affiches ou en tout cas l'entier des propos tenus soit retiré !

Je n'en dirai pas plus pour l'instant, parce que je pense qu'il ne faut pas jeter de l'huile sur le feu. Il peut arriver dans tous les partis que des dérapages se produisent... (Exclamations.) Ça peut arriver dans tous les partis, personne n'est à l'abri ! Je crois qu'il faut être honnête avec soi-même, il faut savoir que cela peut aussi arriver dans d'autres partis que l'UDC ! En l'occurrence, ce qu'a fait l'UDC, je le répète, dépasse ce qui est admissible et c'est pour ça que je vous invite, Mesdames et Messieurs, chers collègues, à voter cette résolution sans hésiter !

La présidente. Je rappelle que nous nous sommes mis d'accord tout à l'heure avec les chefs de groupes: trois minutes de prise de parole par groupe sur les deux objets sont prévues. Vous pouvez bien sûr vous partager ce temps.

M. Jean-Michel Gros (L). Je ne parlerai pour le moment que de la motion. Un de mes collègues, M. Weiss, s'occupera de la résolution.

Alors, «je vous parle d'un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître...», mais je me souviens d'une émission télévisée qui s'intitulait «A armes égales», au cours de laquelle Maurice Clavel s'était levé brusquement et avait quitté le plateau en disant: «Messieurs les censeurs, bonsoir !» Mesdames et Messieurs, je suis contre la censure ! Je suis un démocrate, je suis élu démocratiquement par le peuple de Genève et je suis contre la censure ! Par contre, je l'ai déclaré hier soir sur le plateau de Léman Bleu, lorsque que j'ai découvert cette affiche, j'ai trouvé que cette affiche était dégueulasse ! J'ai employé ce terme: elle est dégueulasse ! Et pourquoi est-elle dégueulasse ? C'est parce que, contrairement aux affiches d'avant-guerre dues au trait puissant de M. Noël Fontanet qui était très virulent, eh bien, là, on ne s'adresse pas aux idées. Cette fois, cette affiche est dégueulasse parce qu'elle est méprisante vis-à-vis des gens. Alors, je maintiens ce terme en ce qui concerne cette affiche.

Mais ce que je pense, c'est que nous sommes en train de faire de la publicité pour cette affiche, maintenant. Je pense que la population doit observer sur les panneaux d'affichage ce que certains partis pensent tout bas et qu'ils dévoilent enfin sur les murs ! Et ça, c'est une très bonne chose ! C'est pourquoi la censure est, à mon avis, un très mauvais moyen, et c'est pour cela que je m'opposerai à la motion de M. Brunier !

La présidente. Je salue à la tribune notre ancienne collègue, Mme Mireille Gossauer-Zürcher. (Applaudissements.) La parole est à Mme la députée Morgane Gauthier.

Mme Morgane Gauthier (Ve). C'est avec consternation que les Verts ont pris connaissance de la dernière campagne d'affichage menée par l'UDC genevoise pour les votations du 20 mai prochain. L'UDC s'illustre une fois de plus par une position surfant sur l'intolérance, en s'en prenant cette fois aux couples homosexuels, après avoir exploité les thèmes des étrangers et des personnes handicapées.

Au-delà de son caractère homophobe, l'affiche de l'UDC joue sur des arguments spécieux et incohérents, donnant à penser que l'UDC se moque de l'électorat genevois. En effet, l'UDC avait en 2004 approuvé la loi sur les successions qui permettait aux couples mariés hétérosexuels d'être entièrement exonérés de taxes sur les successions. En appelant à voter non à l'extension de cette loi aux couples pacsés le 20 mai prochain, l'UDC juge donc implicitement qu'il est légitime que les couples hétérosexuels mariés soient exonérés de toute taxe et que les couples homosexuels pacsés continuent de s'acquitter de cette même taxe !

Cette argumentation trompeuse s'ajoute au caractère profondément discriminatoire et homophobe de cette campagne, ce qui n'est pas surprenant si l'on sait que l'un des fers de lance de la campagne contre le partenariat enregistré est un membre de l'UDC qui siège sur les bancs de notre Grand Conseil. L'UDC avait d'ailleurs été le seul parti genevois à donner une consigne de vote négative concernant cette votation du 5 juin 2005 sur la loi fédérale sur le partenariat enregistré entre personnes du même sexe - loi sur le partenariat, LPart). Avec cette nouvelle campagne, les dirigeants de l'UDC démontrent de manière évidente leur homophobie viscérale.

Les Verts voteront donc la résolution qui demande au parti de l'UDC de renoncer à ses affiches qui nuisent à la démocratie et encourage la société civile à s'élever contre ces affiches par la voie du Tribunal administratif.

M. Eric Leyvraz (UDC). Se rendant à leur caucus, lundi soir 1er mai, neuf députés UDC voient pour la première fois et avec stupéfaction l'affiche sur les pacsés inféconds. Le mardi 2 mai, ces mêmes députés envoient au bureau du parti UDC une lettre dont voici un résumé très édulcoré: suite à notre caucus d'hier soir et devant la réaction indignée des députés présents à la vue de la nouvelle affiche, nous tenons à dire ceci: nous sommes profondément choqués par cette affiche. Il y a le fond, sur lequel le parti UDC s'est prononcé: il s'agit d'une décision politique et le parti propose sa vision des choses. C'est la loi du jeu démocratique et le vote est fait pour trancher. Personne ne peut nous contester ce droit ! Et puis il y a la forme. Là, elle est tout simplement inacceptable et lamentable ! Stigmatiser des gens en les traitant d'inféconds, c'est indirectement leur coller une sorte de défaut, une tare, dans le fond les considérer comme des «Untermenschen». Nous n'avons rien à faire avec ce discours vil et débile d'une personne qui n'a pas compris que nous ne vivons plus au XIXe siècle et qui se permet de prendre une décision sans en référer à quiconque, en profitant de la surcharge de travail de tous suite aux élections pour faire passer un message qui ne reflète pas du tout notre manière de voir la vie aujourd'hui, et ce n'est pas ce que pense notre parti !

Nous sommes plusieurs ici à côtoyer régulièrement des collègues politiques ou autres, qui ont choisi librement un mode de vie qui n'est pas le nôtre, mais avec lesquels nous entretenons des rapports d'amitié et de respect mutuel. Nous demandons donc impérativement au bureau du parti de corriger et de changer son affiche. Nous acceptons un discours dur, un discours agressif, un discours qui soit mordant sur les idées, mais nous n'acceptons pas cela quand on parle de l'intégrité des personnes ! Nous avons ressenti devant cette affiche le même malaise que devant les affiches et les photos de nos conseillers fédéraux présentés mutilés.

Vous pouvez constater - bien que nous ayons dû enlever les feuilles de vos places - que le bureau de notre parti a répondu rapidement à notre demande. Je vous rappelle que j'ai envoyé cette lettre mardi matin, après avoir vu cette affiche. (Applaudissements.)

M. Gabriel Barrillier (R). C'est bien un sentiment de tristesse qui m'anime ce soir. Et là, je me tourne vers nos collègues, les élus de l'UDC, suite à ce dérapage inadmissible. A l'écoute de l'intervention de notre collègue Leyvraz, j'ai modifié un peu mon approche, mais j'aimerais quand même vous dire, chers collègues, que ce dérapage - il y en a peut-être d'autres qui surviennent ailleurs, et l'on a cité Fontanet durant les années de l'entre deux guerres - eh bien, ce dérapage, j'ai l'impression qu'il n'est pas tout à fait le fruit du hasard !

Parce que depuis une quinzaine d'années déjà, que ce soit en Suisse ou à Genève, à l'occasion de telle votation ou telle élection, les affiches produites par les graphistes de l'UDC de Zurich expriment déjà une tonalité particulière... Alors, je ne vous fais pas de procès d'intention, parce qu'on vous connaît, vous, et la déclaration d'Eric Leyvraz nous rassure.

Cela dit, on ne peut pas se contenter simplement de cette volonté, de cette réaction positive de vouloir remettre les choses en place. En tant que chef de groupe et comme députation, vous êtes la représentation de votre parti, ici, dans cette enceinte; vous êtes ses porte-parole dans notre canton et, quelle que soit l'organisation du parti, vous portez la responsabilité de ce qui se passe ! Donc, nous avons pris note que vous avez pris des mesures pour qu'on corrige cette situation qui est inadmissible. Vous devez, chers collègues, je vous le dis - et nous ne sommes pas à l'abri d'erreurs nous-mêmes - vous devez nettoyer les écuries d'Augias ! Parce que ce qui s'est passé là, c'est quelque chose qui n'est pas normal ! Et nous, élus de la République, nous avons cette responsabilité, nous sommes les garants d'une morale politique et du respect des minorités. En prenant acte de la déclaration courageuse d'Eric Leyvraz, le parti radical se ralliera à la résolution et vous demande d'aller plus loin et d'obtenir rapidement - demain - le retrait de cette affiche. (Applaudissements.)

La présidente. La parole est à M. le député Pierre Weiss, à qui il reste une minute dix.

M. Pierre Weiss (L). Je prends acte des propos de mon ami Leyvraz que je remercie d'avoir eu le courage de s'exprimer ainsi. Je n'ai d'ailleurs pas entendu autant de clarté dans les propos de son président lors de son intervention sur Léman Bleu, dans une émission qui vient d'être diffusée.

Cette affiche est une erreur et une faute. C'est une erreur, non seulement parce qu'elle est pire que ce qui s'est passé avec l'Union syndicale suisse qui s'est moquée de nos autorités fédérales, mais elle est aussi en contradiction avec la politique fiscale même du parti UDC dans la mesure où celui-ci vise à diminuer le poids de la fiscalité qui pèse trop lourdement sur les épaules de nos concitoyens. Et dans le cas présent, Il faut donc aussi supprimer le mot «aisé» qui figure sur cette affiche !

En fait, il faut supprimer l'affiche car c'est une faute ! C'est une faute parce que cette affiche, dans sa conception même, s'oppose aux valeurs qui fondent notre société, des valeurs qui transcendent nos groupes, qui transcendent les philosophies politiques qui nous animent: des valeurs qui ont fait qu'il y a non seulement la démocratie, mais qu'il y a également le respect des droits de l'Homme, et c'est au nom du respect des droits de l'Homme que ce soir l'on peut s'insurger contre ceux qui ont oublié ces valeurs ! C'est pour cette raison que le parti libéral condamne très fortement ce qui est pire qu'un dérapage, un déviationnisme...

La présidente. Il vous faudra conclure, Monsieur le député.

M. Pierre Weiss. ...et c'est aussi pour cette raison que le parti libéral se prononcera uniquement en faveur de l'instrument qui est proposé par le groupe démocrate-chrétien. Il en appelle, pour la poursuite du dialogue démocratique, à un retour à des moeurs civilisées et démocratiques. (Applaudissements.)

La présidente. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Yves Nidegger, à qui il reste dix-huit secondes.

M. Yves Nidegger (UDC). Madame la présidente, merci pour les dix-huit secondes ! Apparemment, l'UDC est parvenue à ressouder l'Entente, ce qui est toujours une bonne chose. Sur la forme et le fond: à ceux qui estiment qu'à la forme le terme «infécond» est inutilement blessant et déplacé, nous disons qu'ils ont raison de le penser. Nous l'avons pensé aussi, nous avons pris les mesures qu'il fallait pour le corriger. A ceux, en revanche, qui estiment discriminatoire d'oser avoir une position pour le non dans un cas où tout le monde veut dire oui, nous disons que le débat commence et qu'il n'est évidemment pas question de considérer comme discriminatoire le seul fait d'avoir une opinion - ou alors nous ne sommes plus en démocratie !

La présidente. Il vous faut conclure, Monsieur le député !

M. Yves Nidegger. S'agissant de l'interdiction immédiate demandée par M. Brunier, il n'existe aucune base légale pour ce faire, il faudra donc rejeter la motion. S'agissant de la résolution, condamnez si ça vous amuse ! Mais inviter les responsables de l'UDC à quelque chose qu'ils ont déjà entrepris de faire et pour lequel ils ont déjà pris des contacts avec la Société générale d'affichage afin que cela soit possible - évidemment qu'il y a des questions pratiques et que tout n'est pas possible instantanément - me paraît inutile !

La présidente. Il vous faut conclure, Monsieur le député !

M. Yves Nidegger. En d'autres termes, je vous recommanderai de considérer comme sans objet la résolution... (Brouhaha.)

La présidente. Conclusion !

M. Yves Nidegger. ...et de rejeter la motion !

La présidente. La parole est à Mme la députée Ariane Wisard-Blum, à qui il reste une minute huit.

Mme Ariane Wisard-Blum (Ve). L'affiche de l'UDC est nauséabonde ! Elle est indigne de notre démocratie ! Elle est contraire à tous les principes qui doivent animer une campagne de votation. Une enquête conduite par l'association Dialogai demandait quelles actions les homosexuels jugeaient prioritaires pour faire évoluer la société. Après l'action menée dans les écoles, ses membres souhaitaient des actions de la part du monde politique au travers de lois et d'engagements publics pour lutter contre l'homophobie. Nous avons l'occasion ce soir de répondre à cette attente. Cette affiche est une caution et un encouragement à l'homophobie, une banalisation de propos discriminatoires.

Nous devons, certes, être fermes dans notre indignation mais aller plus loin en demandant que cette affiche soit retirée et que ce genre d'affiches ne souillent plus jamais nos murs. Et quand j'entends certains défendre envers et contre tout la liberté d'expression, je leur réponds que cette dernière ne vaut pas grand chose si elle est utilisée au détriment de la dignité humaine ! (Applaudissements.)

M. Christian Brunier (S). Il faut resituer le contexte dans lequel on discute ce soir. Ce n'est pas une poignée d'extrémistes qui ont voulu le partenariat enregistré, c'est le peuple suisse qui, le 5 juin 2005, a voté pour ce que certains appellent «le pacs fédéral». Depuis le 1er janvier, cette loi est en vigueur en Suisse et on peut être fier de cette loi. Le parlement genevois, très naturellement, a décidé de moderniser la législation cantonale en matière de fiscalité pour les droits de succession et pour les droits d'enregistrement, afin que les couples pacsés aient les mêmes droits que les couples mariés. C'est l'évolution de la société, c'est l'évolution de la famille; je crois qu'on «colle» simplement aux préoccupations de la population.

Dans ce contexte, puisqu'on touche des lois fiscales, le peuple genevois va devoir voter le 20 mai; et l'on a beaucoup parlé de l'affiche mais personne n'a lu le texte. Je rappelle qu'elle dit: «Non à un bonus fiscal pour des pacsés inféconds et aisés !» (Commentaires.) S'il vous plaît, Monsieur Catelain, l'UDC a eu son temps de parole, laissez vos adversaires s'exprimer !

L'UDC a atteint ce que certains appellent dans le pays voisin «le summum de l'immoralité politique»... A travers cette affiche, on est en train de stigmatiser la population homosexuelle principalement, il faut le dire. Il s'agit d'une population qui est déjà une population extrêmement stigmatisée dans la société - même s'il y a évolution des moeurs. Il suffit, par exemple, de regarder les statistiques en matière de suicide. Aujourd'hui, «Stop suicide» publie des statistiques indiquant que c'est dans la population homosexuelle qu'il y a le plus de suicides par rapport au reste de la population, et ce n'est pas un hasard. Il y a aussi des statistiques qui montrent qu'il y a encore bon nombre d'agressions contre les homosexuels dans une société qui se dit pourtant moderne ! Toute affiche de ce genre stigmatise donc encore plus cette population et pousse encore plus aux excès !

Le parti socialiste soutient donc la résolution condamnant cette affiche, résolution qui a été élaborée par le PDC et que nous avons cosignée.

C'est vrai que le parti socialiste va plus loin en demandant l'interdiction de l'affiche. Certains disent que c'est un excès, que c'est de la censure - je l'ai entendu. Je rappelle tout de même que le Grand Conseil et le Conseil d'Etat sont garants de la liberté démocratique ! Bien que ce soit une valeur extrêmement importante pour notre société, et si nous sommes une grande majorité de personnes qui défendent la liberté dans ce parlement...

La présidente. Il va falloir conclure !

M. Christian Brunier. Je vais conclure ! Eh bien, parfois il faut fixer des limites ! L'UDC nous dit que ce n'est pas légal d'interdire... Mais je rappelle quand même qu'il y a déjà des affiches qui ont été interdites à Genève, notamment lorsqu'elles attentaient à l'honneur des femmes. Et aujourd'hui je crois que vous êtes en train de stigmatiser une population...

La présidente. Il vous faut conclure, Monsieur le député !

M. Christian Brunier. Je suis en train de conclure ! Nous devons aller - malheureusement - jusqu'à l'interdiction de cette affiche !

Pour conclure, j'aimerais juste féliciter M. Leyvraz pour son courage politique. Je crois qu'on ne peut pas mettre tout le monde dans le même sac, à l'UDC. Je crois qu'il y a de réels démocrates dans les rangs de l'UDC, qui se battent pour des valeurs - qui se battent pour des valeurs différentes des miennes - mais je crois que le parti socialiste a du respect pour un certain nombre de députés de l'UDC. Or malheureusement, depuis un certain temps, il y a une dérive vers l'extrême droite de l'UDC.

La présidente. Il faut conclure, Monsieur le député, il faut conclure !

M. Christian Brunier. J'espère que ce dérapage permettra à l'UDC de faire aussi le ménage dans ses rangs ! (Applaudissements.)

M. Roger Golay (MCG). L'UDC a dépassé les bornes par rapport au slogan de cette affiche. De ce fait, le MCG condamne vigoureusement ce slogan et demande - exige même - le retrait de ces affiches ! Je vous remercie.

M. Eric Stauffer (MCG). Ce soir, nos collègues de l'UDC ont insulté une grande partie de la population en Suisse, ils n'ont pas respecté la volonté populaire exprimée en votation fédérale. Je demanderai, pour compléter les propos de mon collègue Roger Golay, que l'UDC s'excuse auprès de cette population qu'elle vient d'insulter et je pense que la boucle sera bouclée. La grande différence, Messieurs de l'UDC, c'est que vous, vous créez des zones d'exclusion de citoyens. Et ce qui nous différencie d'avec vous, c'est que nous, nous prônons la protection de tous les résidents genevois ! Et aujourd'hui, si quelqu'un en manifeste l'envie dans ce parlement, qu'il propose une résolution, parce que nous n'avons plus rien à faire à la gauche de l'UDC, et la preuve vous en a été donnée ce soir !

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Historiquement, les homosexuels ont connu un sort terrible, depuis la condamnation d'Oscar Wilde puis ensuite pendant la Seconde Guerre mondiale, durant laquelle ils ont péri en grand nombre dans les camps d'extermination. Heureusement, ces derniers temps, un certain nombre de signes positifs nous étaient parvenus: le maire de Paris revendique son homosexualité, l'ancien président du Conseil national, M. Claude Janiak, également. L'affiche de l'UDC nous replonge, par son idéologie, par ses mots, dans des époques tragiques. Sur le plan strictement juridique, l'article 8, alinéa 2 de la Constitution fédérale fait défense de toute discrimination fondée sur l'origine, la race, le sexe, l'âge, la langue, la fortune et le statut social. Par cette affiche, l'UDC viole la Constitution fédérale.

Faut-il pour autant censurer cette affiche ? La réponse est non. Il faut l'interdire, mais pas la censurer. Parce que le mot «interdiction», au-delà de son sens administratif, son sens étymologique «interdire» c'est mettre une parole en travers de ce qui ne doit pas être. Et c'est ce que vous avez fait ce soir, Mesdames et Messieurs les députés.

J'ajouterai une remarque tout à fait personnelle. J'ai été frappé pendant mon adolescence par l'attitude de Pierre Mendès France lors de son procès devant les tribunaux de Vichy. Vous situez le cadre historique. Pierre Mendès France est venu y dire: «Je suis juif, je suis socialiste, je suis franc-maçon, mais je ne suis pas un traître.» J'ai compris ce jour-là que les étiquettes étaient détestables. (Applaudissements.)

La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je vais donc faire voter la motion. Ensuite nous voterons la résolution.

Mise aux voix, la proposition de motion 1760 est rejetée par 55 non contre 23 oui et 7 abstentions.

Mise aux voix, la résolution 526 est adoptée par 78 oui contre 2 non et 4 abstentions.

Résolution 526