Séance du jeudi 22 mars 2007 à 17h
56e législature - 2e année - 6e session - 26e séance

M 1705
Proposition de motion de Mme et MM. Olivier Jornot, Pierre Weiss, Fabienne Gautier, Alain Meylan, René Desbaillets pour un programme cantonal de réduction des charges administratives et d'allègement des réglementations s'appliquant aux PME (simplifier la vie des entreprises)

Débat

M. Olivier Jornot (L). Lorsque M. Joseph Deiss a quitté ses fonctions de conseiller fédéral, un consensus s'est établi pour dire que l'un des succès de son mandat était la défense des petites et moyennes entreprises, les PME. En effet, M. Deiss a lancé un programme visant à ce que les PME soient mieux prises en compte par le législateur et par l'administration. Mme Doris Leuthard a repris ce flambeau lorsqu'elle est arrivée au Conseil fédéral. Et cela s'est traduit, Mesdames et Messieurs, par le dépôt, le 18 janvier 2006, d'un très épais rapport intitulé: «Simplifier la vie des entreprises», qui contient 128 mesures destinées à faciliter la vie des PME dans cinq domaines, dont font partie notamment la cyberadministration pour les entreprises et la suppression ou la simplification d'un certain nombre de procédures.

A l'époque, le Conseil fédéral estimait dans son rapport que la mise en oeuvre de ces mesures pourrait conduire, dans le seul domaine de la suppression des autorisations inutiles, à un potentiel d'économie de 22 millions d'heures de travail pour les PME, économie évaluée à environ un milliard de francs. Et, toujours dans son rapport, le Conseil fédéral explique bel et bien que, au cours des dernières années, les tâches administratives qui pèsent sur les PME ont constamment augmenté en raison des normes adoptées par le législateur.

Il s'agit à présent de voir ce qui s'est produit depuis le mois de janvier 2006. Le Conseil fédéral a ensuite mis en consultation un projet visant à supprimer environ 20% des procédures d'autorisations fédérales et à modifier un certain nombre de lois, et, dans ce contexte-là, le Conseil d'Etat genevois a été amené à prendre position par rapport au projet fédéral. Il l'a fait en le soutenant et écrivait à cette époque ceci: «Les suppressions et les simplifications d'autorisations contribueront à réduire les charges administratives des entreprises.» Notre propre Conseil d'Etat a donc soutenu cette démarche fédérale, démarche qui s'est traduite, vu l'accueil très favorable au projet de loi dans la procédure de consultation, par le dépôt auprès des Chambres fédérales d'un message visant à concrétiser cette opération.

Ce que demande cette motion, Mesdames et Messieurs les députés, c'est que ce même travail soit accompli sur le plan de notre administration cantonale, que l'on procède en effet à l'examen de nos réglementations et de nos procédures et que l'on regarde lesquelles peuvent être supprimées ou simplifiées.

Il convient donc, pour qu'il y ait une harmonisation entre les niveaux fédéral et cantonal, que notre canton entreprenne ce même travail et, pour cela, je vous recommande de faire bon accueil à cette motion.

M. Gabriel Barrillier (R). Le groupe radical va bien évidemment appuyer cette motion et vous prie de la renvoyer à la commission de l'économie.

J'ai consulté l'extrait du message du Conseil fédéral auquel se référait le député Jornot et, effectivement, sur le plan fédéral, un effort très important est en cours puisqu'il est dit que, sur les quelque 500 procédures d'autorisations prévues par le droit fédéral, 75 pourront être supprimées ou simplifiées pendant les années 2006 à 2008. Concrètement, les entreprises pourront bénéficier d'au moins 100 000 suppressions ou simplifications d'actes administratifs.

Le souci que nous manifestons, c'est que le canton de Genève ne réinvente pas la roue et que, dans les cas où il doit appliquer en tant que canton des mesures fédérales, il ne s'ingénie pas à compliquer, à faire des «Genfereien». Je prends deux exemples, l'un positif, l'autre moins. Pour le premier, on peut citer que, s'agissant du nouveau certificat de salaire, dont on discuté et présenté ici les complications pour les entreprises, l'administration cantonale fiscale a pris des décisions qui vont faciliter la vie de nos entreprises. En revanche, dans d'autres secteurs, par exemple la célèbre MSST - mesure pour la sécurité et la santé au travail - on a parfois l'impression que l'administration cantonale genevoise fait un peu d'excès de zèle.

Je pense donc que l'occasion de l'examen de ce sujet à la commission de l'économie nous permettra de veiller à ce que le canton de Genève soit le plus souple et le plus direct possible dans l'application des normes fédérales.

M. Roger Deneys (S). Les socialistes soutiendront le renvoi en commission de l'économie de cette motion, tout en relevant qu'il est quand même assez paradoxal de voir que les milieux économiques à la base de cette motion, les commerçants, les représentants des syndicats patronaux, ont dû attendre un rapport du Conseil fédéral pour se préoccuper de l'allégement des réglementations à destination des PME. On aurait pu attendre d'eux qu'ils le fassent bien avant.

En l'occurrence, il est vrai que les pistes évoquées sont certainement nécessaires, et en ce qui concerne le fait d'alléger les réglementations, ou plutôt de les simplifier, c'est une discussion qui mérite d'avoir lieu en commission.

Pour le reste, je dirai simplement que le Conseil d'Etat est certainement aussi très sensible à ce programme, comme cela est évoqué dans l'exposé des motifs, et qu'on peut d'ailleurs justement s'étonner qu'on ait besoin d'une motion pour faire ce travail, puisque ce n'est en tout cas pas une façon de simplifier les charges administratives de la république, étant donné qu'on va devoir faire un rapport, du travail en commission, des procès-verbaux, etc. Bref, cela fera en tout cas quelques milliers de francs supplémentaires, alors que le Conseil d'Etat, pris par son élan de rationalisation, aurait pu proposer de prendre des mesures de lui-même, ce qu'il aurait certainement fait sans la motion.

M. Gilbert Catelain (UDC). Cette motion pose la question de fond de savoir quel est le rôle de l'Etat par rapport aux entreprises. L'UDC a toujours considéré que celui-ci n'était pas d'entraver la marche des entreprises mais, au contraire, de la favoriser, de développer le tissu et l'activité économiques, qui sont des sources de richesses et permettent de répartir le fruit du travail au sein de cette société.

Il est vrai que de nombreuses entreprises souffrent actuellement d'un excès de bureaucratie et il serait intéressait de renvoyer cette motion en commission, non seulement pour savoir dans quel domaine on peut supprimer ou simplifier les procédés administratifs mais aussi dans quelle mesure on peut créer une sorte de base de données et simplifier les formulaires et l'acquisition de ces données.

Je rappelle que la commission d'évaluation des politiques publiques a fait un travail similaire dans le domaine social où, effectivement, ceux qui voulaient avoir accès à l'aide sociale devaient d'adresser à différents services et fournir systématiquement les mêmes données. A cette occasion, on a constaté qu'il y avait énormément de doublons et que les administrations entre elles ne communiquaient pas. Je crois que c'est donc une bonne occasion d'évaluer si, dans le domaine du soutien aux entreprises, les administrations dialoguent entre elles dans le cadre de la délivrance des autorisations.

Je rappelle aussi que, dans ce canton, il est beaucoup plus facile d'obtenir une autorisation pour faire une manifestation sur le pont du Mont-Blanc que pour créer de la richesse et des emplois au profit de la société.

Pour tous ces motifs, je vous propose de renvoyer cette motion en commission. Cela permettra aussi d'aider le Conseil d'Etat dans ses mesures d'économies visant à assainir les finances de l'Etat.

M. François Gillet (PDC). Le groupe démocrate-chrétien fait un bon accueil à cette motion.

Il y a longtemps que notre parti, que ce soit sur le plan cantonal ou fédéral - M. Jornot l'a rappelé tout à l'heure - se préoccupe des PME et cherche notamment à alléger les charges administratives qui pèsent sur elles. Il nous semble effectivement judicieux de revoir un certain nombre de dispositions, de développer la cyberadministration et de simplifier toutes les procédures qui sont aujourd'hui encore très lourdes pour des PME ou des PMI.

Pour toutes ces raisons, nous sommes tout à fait disposés à discuter de cette motion en commission de l'économie, j'imagine.

M. Christian Bavarel (Ve). Les Verts aussi voient d'un bon oeil cette motion. Effectivement, surtout dans les TPE - les toutes petites entreprises - les chefs d'entreprises, qui exercent un métier qui n'est pas forcément administratif, mais qui peut certaines fois être manuel, se retrouvent très souvent à être à la fois le service des ressources humaines, de la comptabilité, le département juridique, etc., et c'est toujours sur la même personne que les problèmes reposent.

Nous pensons que le rôle de l'Etat est de faciliter la vie des entreprises et de leur permettre de respecter le mieux possible la légalité, et pas simplement d'être en opposition ou dans un rapport frontal avec celles-ci. Il nous faut pouvoir accompagner ces entreprises, et surtout les plus petites qui sont malgré tout le plus gros employeur de ce canton.

Pour toutes ces raisons, les Verts se réjouissent de pouvoir étudier ce sujet en commission.

M. Claude Jeanneret (MCG). Le groupe MCG voit avec plaisir le dépôt de cette motion, parce que, dans une période de conjoncture assez difficile, accabler les petites entreprises de procédures administratives compliquées, c'est les handicaper dans la concurrence qu'elles vivent tous les jours avec des produits ou des services venant de l'étranger.

Donc, nous sommes très heureux que, par une simplification administrative, toutes ces petites entreprises puissent se développer harmonieusement dans notre canton et ainsi donner des emplois supplémentaires qui réduiront progressivement notre chômage.

M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. J'essaierai d'être bref, tout en réaffirmant d'abord que le souci que tous manifestent d'aider les PME poursuit évidemment un but extraordinairement clair, c'est la création d'emplois. Les PME représentent 90% de l'emploi dans notre pays et c'est cela qui compte au-delà de tout.

D'ailleurs, M. Bavarel avait raison en disant qu'en outre, plus l'entreprise est restreinte, plus grande est la probabilité que la compétence-métier de ceux ou de celui qui l'anime soit multiple et plus petite est la probabilité que sa frénésie administrative soit développée ! C'est la raison pour laquelle il est fondamental de simplifier. C'est un maître-mot mais, vous le savez, dans notre arsenal législatif, ciselé par de véritables philatélistes recroquevillés sur leur odontomètre pour voir si chacune des dents du timbre est bien en bon état, ce n'est pas aussi simple que cela. C'est beaucoup plus compliqué de simplifier qu'il n'est simple de compliquer !

Mais j'espère que nous aurons votre soutien lorsque nous viendrons avec des mesures de simplification. Un certain nombre, toutefois, ont déjà été entamées; je pense au guichet unique des entreprises, accessible sur internet, sur le site de l'Etat. Il est de plus en plus visité mais reste terriblement ignoré. Que devons-nous faire pour qu'il le soit moins ? Déjà vous en parler ce soir, et je vous ferai remettre prochainement deux ou trois outils sous forme de DVD qui vous montreront un certain nombre de choses utiles dans la cyberadministration, telle que nous la développons avec mon collègue Mark Muller, la Chancellerie et tous ceux qui comprennent bien que l'administration est au service du citoyen et non l'inverse.

Mais un jour, il faudra aller plus loin, Mesdames et Messieurs ! Serez-vous d'accord de nous accompagner dans des simplifications qui diraient que, les lois devant être connues, il n'y a pas besoin de faire de contrôle a priori mais que, évidemment, si par hasard les gens les ont mal appliquées, alors la punition doit être sévère ?

Cela pourrait fonctionner dans des plans localisés de quartier. Mon collègue Muller en a parlé à la radio récemment, en disant que, au fond, on était assez prêt à alléger la procédure prenant entre trois et six mois, qui tend à faire contrôler par des architectes de l'administration le travail des architectes tout court. Mais sont-ils d'accord, ces architectes, de prendre l'assurance qu'ils devront prendre, pour que, si l'on constate qu'une fois le bâtiment construit n'est pas dans le plan localisé de quartier, son sort est alors d'être détruit ? Parce que c'est aussi comme cela que l'on simplifie. Quand on peut faire confiance et que cette confiance n'est pas trahie.

C'est donc un nouvel équilibre qu'il nous faudra trouver, au-delà, encore une fois, de tout ce que nous sommes d'accord de simplifier, parce que c'est plus facile pour la vie des gens. Mais il faudra que ces gens en tirent les conséquences, qui sont de prendre les responsabilités qui vont avec ces simplifications et de savoir s'astreindre à des punitions considérables. Et je vois là le député Weiss qui, d'avance, en sourit d'aise et de bonheur, ce dont je le remercie.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1705 à la commission de l'économie est adopté par 70 oui (unanimité des votants).