Séance du
vendredi 23 février 2007 à
20h30
56e
législature -
2e
année -
5e
session -
25e
séance
PL 9626-A
Premier débat
M. Edouard Cuendet (L), rapporteur de majorité. Genève souffre actuellement d'un taux de chômage deux fois supérieur à la moyenne suisse. Actuellement, la commission de l'économie travaille sur un projet de loi destiné à combattre ce fléau en encourageant les entreprises - et tout particulièrement les PME - à engager des collaboratrices et des collaborateurs. Dans ce contexte, le débat porte notamment sur les charges sociales. Or, le projet de loi 9626 dont il est question ce soir va totalement à sens contraire, puisqu'il prévoit une augmentation massive des charges sociales pour les entreprises afin de financer une «assurance obligatoire perte de gain maladie». Les rédacteurs du projet de loi eux-mêmes tablent sur un taux de cotisation de 6%, ce qui est absolument considérable !
Bien entendu, la situation des personnes souffrant d'une maladie de longue durée méritent une attention toute particulière. Toutefois, à l'heure actuelle déjà, l'immense majorité des employés genevois bénéficie d'une couverture pour «perte de gain maladie», soit sur la base d'une convention collective pour la grande majorité, soit sur la base de contrats d'assurance particuliers. Il n'existe en outre aucun chiffre crédible pour déterminer le pourcentage d'employés non couverts; le pourcentage de 15% évoqué par les syndicats lors des auditions ne se fonde sur aucune donnée statistique fiable. A cela s'ajoute encore que le filet social actuellement en place à Genève permet d'appréhender les situations dramatiques avec efficacité.
Il ne se justifie donc nullement de mettre en place une assurance obligatoire qui entraînerait des charges financières et administratives colossales, évidemment en grande partie à la charge des entreprises. D'ailleurs, lors des auditions, tous les intervenants - qu'ils soient les représentants de l'Etat, des syndicats patronaux et même les syndicats des employés - ont souligné que le projet allait à l'encontre du dialogue paritaire entre partenaires sociaux. En fait, ce projet court-circuite le dialogue paritaire !
Ensuite, les auditions ont également fait ressortir le caractère incompatible du projet de loi avec le droit supérieur, le droit fédéral, sur plusieurs aspects. Il est en plus totalement inconcevable de soumettre à une assurance perte de gain obligatoire pour maladie les indépendants qui ont, librement et en pleine connaissance de cause, opté pour une gestion indépendante de leurs risques en dehors de l'application des conventions collectives et de l'intervention étatique. C'est donc une absurdité ! Aucun pays à économie de marché et aucun autre canton suisse ne connaît une telle assurance ! D'ailleurs, en son article 324a du code des obligations, le droit fédéral prévoit l'obligation pour l'employeur de couvrir l'intégralité du salaire pendant une période déterminée par le barème dit de «l'échelle bernoise».
Pour tous ces motifs, je vous invite à ne pas entrer en matière sur ce projet de loi, qui est néfaste pour l'emploi dans notre canton car il dissuadera beaucoup d'entreprises, surtout les PME, à créer des emplois pourtant nécessaires pour résorber le chômage endémique qui gangrène notre économie.
Je vous invite également, si par impossible ce parlement devait entrer en matière sur le projet de loi, à refuser avec la dernière énergie l'amendement général proposé par les Verts qui persistent à vouloir mettre à la charge des entreprises des cotisations sociales supplémentaires sous une forme un peu déguisée, mais qui n'en restent pas moins très lourdes pour les entreprises. Les Verts persistent aussi, contre toute logique, à vouloir soumettre les indépendants à une couverture sociale qu'ils ne demandent pas. Pour tous ces motifs, je vous invite donc à ne pas entrer en matière.
Mme Brigitte Schneider-Bidaux (Ve), rapporteuse de minorité ad interim. Le projet de loi de l'Alliance de gauche met le doigt sur les vrais problèmes: c'est l'inégalité de traitement face à la maladie de longue durée et la prise en compte de l'incapacité de travail en cas d'accident. Une maladie comme un accident peuvent malheureusement arriver à chacun. Pourquoi la victime d'une maladie serait-elle moins protégée que celle d'un accident ? Heureusement, pour la grande majorité des personnes, les conventions collectives de travail, pour la plupart, comprennent une assurance de ce type. Les employés de la fonction publique et des grandes multinationales sont également couverts par des prestations statutaires
Ce projet concerne les plus démunis d'entre nous, et c'est justement pour cela qu'il est important. En fait, nous sommes ici dans un cas de figure comparable à celui de l'élargissement d'une convention collective. Il convient de légiférer afin d'éviter que les personnes passent entre les mailles du filet et tombent finalement à la charge de la collectivité.
Au sens des Verts, et contrairement au projet initial de l'Alliance de gauche, il ne s'agit pas de suppléer aux assurances privées, mais il faut agir de manière subsidiaire pour les personnes qui ne sont pas encore protégées. (Brouhaha.) C'est pourquoi nous proposons un amendement général au projet de loi 9626 initial. Afin de ne pas alourdir de façon trop importante les charges pour les employés et les employeurs, tout en introduisant un principe d'assurance perte de gain maladie, les Verts proposent une obligation d'assurance perte de gain à raison de 80% du salaire dès le 31e jour de la maladie durant 730 jours sur une période de 900 jours - pour le reste des détails, vous lirez l'amendement. Donc, c'est ce qui se passe d'habitude dans les conventions collectives et dans les assurances de l'Etat.
D'après nos informations, la charge représenterait un taux de prime paritaires entre 1% et 2%, ce qui est une charge tout à fait acceptable pour les PME.
En ce qui concerne les indépendants, nous pensons que, bien qu'ils aient choisi une activité comportant un risque économique, ils doivent également être protégés du risque que représente la maladie, au même titre qu'ils doivent l'être des accidents. Car si la gestion des aléas d'une entreprise fait effectivement partie du choix individuel que l'entrepreneur doit assumer, il serait faux de croire qu'il en va de même pour la maladie. Toutefois, afin de ne pas alourdir les charges des indépendants au moment du démarrage de leur activité, les Verts proposent que l'obligation d'assurance perte de gain ne soit valable qu'après un an d'activité.
Je vous invite donc, après toutes ces explications, à entrer en matière sur le projet de loi 9626 et à adopter les dispositions proposées par les Verts.
La présidente. Le Bureau a décidé de clore la liste des intervenants. Sont encore inscrits: Mme et MM. Philippe Guénat, Laurence Fehlmann Rielle, Pierre Kunz, Eric Stauffer, Pierre Weiss, Christian Brunier, Christian Bavarel et François Gillet.
M. Philippe Guénat (UDC). Le groupe UDC et moi-même, qui suis artisan hôtelier, nous tenons à vous rappeler que le tissu économique de notre canton est composé à 98% de petites et moyennes entreprises; que cette assurance n'est pas obligatoire au plan fédéral - on peut donc se demander sur quel droit nous pouvons nous appuyer pour la rendre obligatoire chez nous; que près de 65% de nos entreprises possèdent déjà une assurance couvrant ce risque. Selon nous, une telle augmentation - c'est bien de 6% que l'on parle - serait un fardeau supplémentaire pour les entrepreneurs déjà ensevelis sous des taxes multiples et pourchassés pour beaucoup par le fisc !
De plus, ce n'est pas aux employeurs de prendre en charge une assurance telle que celle-ci, qui n'a aucun rapport avec la vie de l'entreprise mais qui touche la vie privée de l'employé. Donc, laissons à l'employé la liberté de faire le choix !
Je finirai en disant qu'il est aberrant et grotesque, voire même déplacé, de vouloir imposer une telle assurance à des entrepreneurs indépendants !
Une voix. Voilà !
M. Philippe Guénat. Car ces derniers ont justement fait le choix libre et délibéré d'être indépendants ! Alors, Messieurs et Mesdames, laissons-les en paix ! (Commentaires.) Le groupe UDC rejettera énergiquement ce projet de loi. (Applaudissements.)
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Ce projet de loi est une excellente idée mais la solution qu'il préconise, à savoir une sorte de caisse de l'Etat pour ces indemnités perte de gain en cas de maladie, n'est peut-être pas la solution idéale, en effet. Il faut quand même rappeler qu'en commission les représentants des syndicats nous ont dit que les personnes qui n'étaient pas au bénéfice d'une telle assurance perte de gain en cas de maladie représentaient à peu près 20% de l'ensemble des travailleurs. Il s'agit souvent des travailleuses et des travailleurs qui sont les plus menacés, qui ont les emplois les plus précaires et risquent la paupérisation en cas de chômage ou de maladie, précisément.
Alors, 20% c'est déjà trop, mais ça veut aussi dire que 80% des travailleurs sont au bénéfice d'une telle assurance. Et je ne vois pas pourquoi tout le monde ne pourrait pas en bénéficier. Cela ne serait pas si écrasant pour les entreprises qui sont déjà au bénéfice d'une telle assurance.
D'autre part, il est incohérent d'avoir une assurance perte de gain en cas d'accident et de ne pas avoir une assurance parallèle en cas de maladie. C'est pourquoi nous avons soutenu ce projet de loi, et plus précisément l'amendement des Verts, avec quelques modifications. Nous avions discuté en commission de l'économie de ce qu'il serait peut-être préférable de plutôt déposer un autre projet de loi, qui proposerait non pas une caisse d'Etat mais une solution un peu moins lourde que l'obligation pour les employeurs de s'affilier à des assurances qui soient reconnues par l'Etat.
C'est pourquoi le groupe socialiste a déposé un projet de loi, qui n'a pas abouti à la commission de l'économie mais qui est actuellement pendant à la commission des affaires sociales. Si bien que nous vous proposons d'entrer en matière sur ce projet de loi et, le cas échéant, de le renvoyer à la commission des affaires sociales pour pouvoir examiner à la fois l'amendement général des Verts et le projet de loi déposé par les socialistes, qui mérite vraiment toute notre attention étant donné qu'il y a quand même un certain nombre de travailleurs et de travailleuses qui ont besoin de ce type d'assurance. Je vous remercie donc d'entrer en matière sur ce projet de loi.
M. Pierre Kunz (R). Vous vous en souvenez, le mois dernier il a beaucoup été question de l'abbé Pierre. Permettez-moi de continuer à m'en inspirer à l'occasion de ce point de l'ordre du jour - et du suivant d'ailleurs, si nous le traitons. Vous le savez probablement, l'abbé Pierre a été pendant quelques années député à l'Assemblée nationale française. Il a fait le bilan de son expérience en la concluant par ces mots: «J'ai vite compris une chose simple: le travail des acteurs politiques consiste essentiellement à décider à qui prendre de l'argent pour le redistribuer.» Sous entendu: en vue d'alimenter leur fonds de commerce et leur clientèle électorale, bien sûr !
Alors, le projet de loi 9626 s'inscrit parfaitement dans ce jugement. M. Pagani et Cie entendent puiser dans la poche des uns pour plaire à d'autres ! Démarche qui n'est pas nouvelle et peu surprenante quand on sait de qui elle provient ! Par contre, ce qui est vraiment surprenant, c'est la proposition des Verts, qui vise, elle aussi, sous une autre forme, à rendre obligatoire l'assurance indemnités journalières en cas de maladie. N'ont-ils pas encore détecté, ces Verts, les ravages découlant de la décision de nos autorités fédérales de rendre l'assurance-maladie obligatoire, voici une vingtaine d'années, si je me souviens bien ? Là aussi, sous prétexte que pratiquement tout le monde à l'époque était assuré ! Car, si on y réfléchit, c'est bien dans cette obligation que se cachent largement tous les malheurs actuels de la LAMAL ! Nos collègues Verts n'ont-ils pas encore compris que le mal profond de notre société réside dans l'infantilisation que le monde politique et l'Etat-providence ont infligé à leurs membres ? N'ont-ils pas saisi que le monde politique doit cesser de faire de nos concitoyens des zombies ? Qu'il doit, au contraire, entreprendre de leur faire retrouver leur liberté et leur sens des responsabilités individuelles ?!
Mesdames et Messieurs, le projet de loi 9626 et l'amendement général des Verts sont des anachronismes. Les radicaux les refuseront...
Une voix. Les libéraux aussi !
M. Pierre Kunz. ...et vous recommandent sincèrement et fermement d'en faire de même ! (Applaudissements.)
M. Eric Stauffer (MCG). Le groupe MCG va également s'opposer à ce projet de loi. Il me vient tout de même une question... Quel est le premier employeur de ce canton ? Eh bien, ce sont les PME ! A force de leur taper dessus et en leur imposant des taxes de tous les côtés, vous faites en sorte que tout le monde deviendra socialisé ! Cela n'est pas normal !
Nous nous opposons donc avec fermeté à ce projet de loi, et si vous voulez vraiment aider les travailleurs de ce canton, eh bien, il faut leur fournir un travail ! Il faut leur donner les moyens de lutter contre la concurrence dont Genève est victime. C'est là où l'on pourra redonner dignité et fierté à nos résidents genevois, en favorisant l'engagement des résidents. Oui, Messieurs ! Là, nous vous suivrons ! Sinon, s'il s'agit d'instaurer des taxes et encore des taxes, on ne vous suivra pas. Et pour finir, vous savez que les taxes tuent les taxes !
M. Pierre Weiss (L). Mon collègue Pierre Kunz a défendu un point de vue totalement orthodoxe en ce qui concerne la députation libérale et je me rallie par avance à ses conclusions.
J'aimerais ajouter certains points. D'abord, le fait qu'aucune économie de marché ni aucun canton en Suisse ne connaît pareille réglementation. L'article 324a du code des obligations règle la question. Toutefois, au-delà des aspects légaux, il y a plus important. Pourquoi voudrait-on, par cette proposition, couvrir quelque chose qui relève non pas de la vie de l'employé dans l'entreprise, mais de la vie de l'individu dans la société ? Aux frais de l'entreprise ! Voilà le problème ! Au-delà de l'infantilisation, il s'agit d'un report de charges sur ceux qui ne sont pas responsables de ce que font les individus ! Il s'agit par conséquent de ne pas se tromper de cible et de demander à chacun d'être responsable pour son comportement tant qu'il est là où il est, mais pas de demander à l'entreprise A de s'occuper de l'individu B, là où elle n'est pas. C'est un point qui me semble fondamental.
Pour le reste, la position défendue par le Conseil d'Etat coule de source et devrait emporter notre conviction. Le conseiller d'Etat Longchamp a exprimé avec clarté dans les auditions qui nous ont permis d'examiner ce projet de loi les raisons pour lesquelles il convenait de rejeter celui-ci. Notamment le fait que l'Etat - notre Conseil d'Etat - considère que la façon dont les partenaires sociaux gèrent cette question doit l'emporter sur une gestion étatique. Voilà une saine conception de la subsidiarité qui devrait je croire plaire à ceux - je crois qu'ils sont nombreux sur les bancs socialistes - qui sont attachés à la puissance du mouvement syndical et à sa force de conviction lors de la négociation de conventions collectives, ceux qui sont attachés à leurs convictions, pour ne pas soutenir un projet de ce type qui précisément aurait pour conséquence de dénaturer et d'enlever du pouvoir de négociation aux syndicats dont certains sont si proches. Pour le mouvement syndical et pour le partenariat social, il convient donc de refuser ce projet de loi ! Et puis, évidemment, il y a d'autres difficultés pratiques qui ont été mises en évidence, je n'y reviendrai pas.
Je crois donc qu'il y a d'une part essentiellement la responsabilité de bien centrer l'intervention et, d'autre part, le respect du partenariat social qui doivent faire en sorte que ce projet de loi, au fond, soit pour nous l'objet d'un doux oubli par un refus net.
M. Christian Brunier (S). Je crois que nous sommes face à une question difficile. En fait, nous sommes à la recherche de l'équilibre - l'équilibre entre la dignité et les droits des employés - et les possibilités de contribution d'une entreprise. Je crois qu'il n'y a personne ici, tant à droite qu'à gauche, qui puisse se réjouir de la situation d'un employé gravement malade et qui n'aurait pas d'assurance perte de gain... Cet employé cumulerait de graves problèmes de santé et une situation financière personnelle dramatique. Je crois que nous sommes tous sensibles à de tels drames humains, quelle que soit notre idéologie.
D'un autre côté, il est vrai que, là aussi, on peut être inquiet - que l'on soit de droite ou de gauche - de faire porter un fardeau trop lourd aux entreprises, et spécialement aux PME et PMI, puisqu'on sait qu'il s'agit du tissu économique de ce canton. C'est donc bien une question d'équilibre entre le social et le développement économique.
En ce qui concerne le social, on l'a dit, personne ne se réjouit de voir quelqu'un malade et sans moyens de subvenir à ses besoins parce qu'il n'a pas d'assurance perte de gain. Il faut donc que l'on fasse quelque chose ! Quelle que soit notre pensée aujourd'hui, on voit qu'il y a des gens - on peut se battre sur les chiffres, mais cela concerne entre 15 et 20% des employés - qui ne sont pas couverts par une assurance perte de gain, et ça n'est pas normal !
Alors, est-ce une charge trop lourde pour les entreprises ? Peut-être est-ce la question ? Ce qui est étonnant, c'est que toutes les entreprises de ce canton qui sont des grandes entreprises - les entreprises publiques, les PME et PMI qui ont une convention collective - assument aujourd'hui cette assurance perte de gain. Elles ne l'assument toutefois pas toutes seules ! Personne ne l'a dit jusqu'à présent, mais ce ne sont pas uniquement les entreprises qui assument cette assurance: ce sont aussi les employés ! Le projet de loi l'indique clairement, à l'article 2, alinéa 3: «Les salariés et les employeurs cotisent à parts égales.» C'est important ! Parce qu'on nous donne l'impression que toute la charge reposera sur les entreprises ! Sur quelques nouvelles entreprises, puisque, je le rappelle, la plupart des entreprises à Genève, aujourd'hui, assument leur responsabilité sociale et ont des assurances perte de gain. Nous parlons donc uniquement de quelques entreprises ! Et, comme par hasard, il y aurait des secteurs d'activité qui ne pourraient pas assumer cette charge !
Monsieur Cuendet, vous m'étonnez ! Vous reconnaissez l'existence de situations dramatiques, mais vous estimez qu'il n'y a pas de souci, que ce n'est pas très grave, et que les personnes qui vivent de telles situations doivent recourir à l'aide sociale... Alors que vous nous dites continuellement ici qu'il faut limiter l'Etat social et que les gens doivent prendre leurs responsabilités ! Eh bien, ce projet de loi appelle justement à la responsabilité, à la responsabilité sociale des entreprises ! C'est peut-être un concept relativement neuf pour vous, néanmoins, pour les entreprises, il l'est de moins en moins ! Je peux vous dire que la plupart d'entre elles ont aujourd'hui une vocation sociale bien plus grande que les partis qui disent les représenter !
Autre élément: les employés assument leur rôle en payant eux-mêmes la moitié de la cotisation d'assurance perte de gain. Alors, ils se prennent en charge eux-mêmes et ne s'adressent pas aux services sociaux de l'Etat, comme vous les incitez à le faire ! Aujourd'hui, vous mettez vos théories politiques habituelles au panier, parce que ça vous arrange conjoncturellement et parce que vous avez peu d'arguments ! Vous savez très bien que, dans un Etat social responsable qui se respecte, tous les collaborateurs et collaboratrices doivent avoir une assurance perte de gain, dans le public comme dans le privé ! C'est un effort que l'on demande aux employés et aux entreprises: la plupart des employés et des entreprises l'assument aujourd'hui. Ce projet de loi ne demande qu'une seule chose, c'est de généraliser cela pour l'appliquer à des entreprises qui ont peut-être un peu moins de conscience sociale que la grande majorité d'entre elles.
M. Kunz a fait appel à l'abbé Pierre, mais je ne sais pas comment il interprète l'abbé Pierre ! Si certains essayent de récupérer l'abbé Pierre, nous, nous voulons juste appliquer ses idéaux sociaux ! (Applaudissements.)
M. Christian Bavarel (Ve). Je suis quelque peu surpris par ce débat. En tout cas 15% des travailleurs, selon certains chiffres, n'ont pas de couverture d'assurance perte de gain. Cela veut dire que 85% des travailleurs en ont une. Cela veut aussi dire qu'une petite minorité des entreprises et des employés n'assument pas les responsabilités qui sont les leurs. En refusant ce projet de loi, qu'est ce que vous demandez ? Vous demandez simplement à l'Etat d'assurer ces charges en cas de catastrophe et vous refusez aux entreprises et aux employés la possibilité d'assumer leurs responsabilités individuelles. Vous refusez la responsabilisation du secteur privé !
On pourrait bien évidemment insister sur l'élargissement des conventions collectives, ce qui me semblerait quelque chose de tout à fait positif. Toutefois, à partir d'un certain moment, quand on voit que les gens ne veulent pas faire cet effort, que les mailles du filet social sont encore trop larges et qu'on demande à la collectivité publique d'intervenir systématiquement parce que le secteur privé ne veut pas faire son travail et parce que la responsabilité individuelle ne joue pas, je pense qu'il faut légiférer. Nous vous appelons donc à légiférer !
Les Verts vous ont fait une proposition d'amendement général que vous avez refusée en commission. Nous étions prêts à discuter, mais cette proposition a été rejetée, je trouve cela quelque peu regrettable. Malgré ce que vous prétendez, ce n'est pas la responsabilité individuelle et la responsabilité du secteur privé que vous défendez ! Vous voulez simplement socialiser ces pertes et nous trouvons cela inadmissible, surtout au vu de l'état des finances de notre canton en ce moment.
Nous vous demandons d'avoir un peu plus le sens des responsabilités et nous vous appelons à accepter ce projet de loi !
M. François Gillet (PDC). Que tous les travailleurs de ce canton puissent être au bénéfice d'une assurance perte de gain est certes un objectif louable. De là à rendre cette assurance obligatoire, de plus dans un cadre et dans des structures étatiques fort complexes et très coûteuses... Cela ne convient pas au groupe démocrate-chrétien qui refusera ce projet de loi !
Quant à l'amendement général des Verts, il propose certes une structure moins complexe, mais, comme nous l'avons dit en commission, nous aurions préféré pouvoir repartir sur des bases réellement nouvelles, avec un nouveau projet de loi.
Le groupe démocrate-chrétien refusera donc également cet amendement général, mais il est prêt à examiner toute autre proposition, moins complexe, moins lourde et moins coûteuse qui s'appuiera sur les compagnies qui assurent déjà aujourd'hui la majeure partie des risques des employés de ce canton.
Mis aux voix, le projet de loi 9626 est rejeté en premier débat par 44 non contre 27 oui.