Séance du
vendredi 23 février 2007 à
17h
56e
législature -
2e
année -
5e
session -
24e
séance
M 1719
Débat
La présidente. La première signataire de cette motion est Mme Anne-Marie von Arx-Vernon, à qui je passe la parole.
Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). Permettez-moi de pousser un cri, Madame la présidente - mais il sera silencieux, je vais vous épargner les nuisances sonores. Eh bien oui, à travers cette proposition de motion «Pour rétablir des contrôles anti-bruit réguliers», le parti démocrate-chrétien souhaite que cette agression permanente, cette pollution sonore que nous subissons à Genève, soit reconnue comme un problème de santé publique. Vous savez que 60% des Genevoises et des Genevois vivent à proximité d'une rue bruyante. Et pourtant, une ordonnance fédérale existe! Nous avons juste constaté qu'elle n'était pas respectée. Une brigade antibruit existe, mais elle a été réduite, proportionnellement à l'augmentation des nuisances sonores, et nous nous en inquiétons. Cette motion demande que la lutte contre les nuisances sonores redevienne une priorité en matière de santé publique et de qualité de vie, et que soit recomposée cette brigade antibruit, en déléguant, par exemple, cette tâche aux agents de sécurité municipale. Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, le parti démocrate-chrétien le demande haut et fort et vous invite à renvoyer cette motion à la commission de l'environnement. Je vous remercie.
M. Roger Golay (MCG). J'ai lu attentivement cette motion, qui traite du bruit, et je me pose quelques questions par rapport à ce qui est demandé, notamment dans les invites. Il est clair qu'on peut s'apercevoir que depuis quelque temps, depuis deux ou trois ans, il y a une multitude de motions qui sont déposées de part et d'autre au sujet du travail des ASM et des AM et sur la façon de décharger la police cantonale de certaines tâches. On en arrive à un tel point que, dans toutes les commissions, je pense qu'il y a des motions qui traitent de ces problèmes de sécurité et de salubrité publique qu'on aimerait voir en tout cas reprendre par l'ASM, ce qui serait certainement une bonne chose. Et c'est le même problème à la Ville de Genève: encore au mois de novembre, ils ont renvoyé deux motions devant la commission de la sécurité qui traite du cahier des charges des ASM. Donc, on voit cette multitude de motions qui fleurissent de part et d'autre, et je me demande dans quelle mesure on ne s'ingère pas dans les affaires de la Ville et des communes, en matière de sécurité et de salubrité publique. Je pense qu'il serait quand même bien que ce soit aux communes de faire le bilan et qu'elles décident des attributions qu'elles doivent transmettre à leurs ASM pour leur propre sécurité et pour la sécurité de l'ensemble du canton. Donc, on ne va pas s'opposer à cette motion.
Je voulais juste faire cette remarque par rapport à l'ingérence du Grand Conseil dans l'attribution et le cahier des charges des ASM. C'est un peu comme si la Ville venait dire ce que les employés du Canton devraient faire dans leur quotidien. Maintenant, il est vrai que si l'on suit les invites de cette motion, on peut s'apercevoir qu'on veut déléguer aux AM des compétences en matière de contrôle des véhicules. Les AM, dans la convention qui a été signée entre les communes et le canton, n'ont pas cette charge, pas du tout. Les ASM ont certaines charges en matière de circulation sur la voie publique en ce qui concerne le roulant, mais absolument pas les AM. Il ne faut pas confondre les AM et les ASM. Les AM sont là pour décharger les ASM en quelque sorte. Ce qui veut dire qu'il faudrait leur donner des compétences en matière de circulation et de contrôle technique des véhicules. Je vous rappelle que l'ordonnance fédérale sur la protection contre le bruit, l'OPB, contient 223 dispositions de contrôle des véhicules. Il serait relativement dangereux de dire à des ASM de contrôler des pots d'échappement sans contrôler l'ensemble du véhicule. Imaginez-vous si on contrôle...
La présidente. Il va falloir conclure, Monsieur le député.
M. Roger Golay. Oui ! Si l'on contrôle simplement un pot d'échappement et qu'il y a un accident 100 mètres plus loin à cause des freins, la responsabilité incomberait à celui qui aurait fait le contrôle. Je suis pour donner beaucoup plus d'attributions aux AM, mais alors donnons-leur l'ensemble des contrôles techniques que vise l'ordonnance sur les exigences en matière de contrôle technique. Mais je ne suis pas en faveur de demi-mesures, parce que ce ne serait pas porteur et ça chargerait plutôt la police cantonale...
La présidente. Il faut conclure.
M. Roger Golay. Oui, je vais conclure, Madame la présidente. Cela chargerait la police cantonale et elle ne pourrait plus effectuer les 20% de contrôles dans la rue qui lui restent, parce qu'elle serait obligée de reprendre, avec ces demi-mesures, un certain nombre de dénonciations. Je vous remercie.
M. Eric Leyvraz (UDC). Le groupe UDC, n'est, par principe, pas favorable à une inflation de nouvelles règles et contrôles, déjà si nombreux que l'on ne peut bientôt plus faire un pas sans une vignette appropriée. Mais dans ce cas particulier de la lutte contre le bruit, principalement dû au trafic routier, il est clair que nous sommes d'accord d'entrer en matière.
Je pense que le citoyen de ce canton n'a pas trop de souci à se faire, parce que tous les véhicules qui y sont vendus répondent aux normes antibruit; c'est plutôt le volume de la circulation qui apporte ces nuisances. Comme ce problème du bruit est l'un des plus cités à Genève, selon l'OMS, et que les valeurs fixées par l'OPB sont souvent atteintes, voire dépassées, il faut donc encourager et inciter l'utilisation de véhicules moins bruyants, avec des moteurs électriques par exemple. Quant à ceux qui débaguent leur motocycle ou transforment illégalement la puissance et l'échappement de leur véhicule, empoisonnant par leur bruit la vie de centaines de citoyens par leur seul passage, il est normal qu'ils soient contrôlés et sanctionnés. De quelle manière? Comment aborder ces contrôles? Tout cela doit être discuté dans le calme. Le groupe UDC soutient donc le renvoi de cette motion à la commission de l'environnement.
M. Alberto Velasco (S). Je partagerai le temps imparti au groupe socialiste avec ma collègue Mme Bolay. J'aimerais juste dire que, effectivement, on ne peut qu'adhérer à toutes les mesures visant à diminuer le bruit dans cette ville et ce canton. Seulement, j'aimerais aussi attirer votre attention sur le fait que, pour diminuer le bruit, Mesdames et Messieurs les députés, il faut des moyens. Et ces derniers, finalement ce sont également des moyens financiers qu'il faudra, le temps venu, donner à ce Conseil d'Etat.
Je m'adresse aussi à mes collègues en disant que les mesures que vous préconisez sont correctes. Mais vous ne touchez pas à la diminution de la circulation en ville et à la question qui a trait à la diminution de la vitesse. Et, Monsieur Golay, si vous prenez une rue en ville - la rue des Deux-Ponts, considérée comme une artère principale - eh bien oui, c'est du ressort de la police ! Et il faudra un jour qu'on diminue la vitesse de circulation dans cette ville parce que les habitants n'en peuvent plus de ce bruit. C'est aussi une question de vitesse, et c'est aussi une question qui a trait à la police cantonale.
Voilà, j'aimerais effectivement qu'en commission, Mesdames et Messieurs les députés, vous abordiez ces questions-là, et le cas échéant qu'on y ajoute une invite.
M. Christian Luscher (L). Le groupe libéral n'est évidemment pas du tout opposé à ce que cette motion, qui est pleine de mérite, soit renvoyée à la commission de l'environnement. Il est vrai que le bruit est un problème, il est vrai qu'on doit analyser la possibilité de déléguer aux agents de sécurité municipale et aux agents municipaux le contrôle du bruit. Il est tout aussi vrai que le contrôle est souvent fait en matière de bruit, mais que c'est le suivi de ce contrôle qui pose des problèmes... Et peut-être que la commission de l'environnement devra aussi analyser cela. Il ne faut pas confondre le bruit qui n'est pas voulu avec celui qui l'est: il faut quand même garder une certaine liberté, pour que des manifestations puissent avoir lieu dans notre canton - il ne faut pas qu'on devienne un canton complètement étouffé. Mais il est vrai que certains bruits - on pense notamment aux motos et aux scooters - sont problématiques, et il est donc tout à fait sain que ce véritable problème de bruit soit analysé par la commission de l'environnement.
Nous pouvons donc remercier le PDC pour cette excellente motion, qui doit effectivement être renvoyée devant la commission.
La présidente. La parole est à Mme la députée Loly Bolay, à qui il reste une minute cinquante-huit.
Mme Loly Bolay (S). Je vais me dépêcher. J'aimerais juste dire qu'à l'époque, avec M. Kunz, à la commission des finances, nous étions allés au service cantonal de la protection contre le bruit; on avait alors déjà demandé pourquoi il n'y avait plus de brigade antibruit et tout un historique nous a été brossé concernant ce problème. Nous nous sommes rendu compte qu'on avait créé cette brigade antibruit en 1970, alors qu'aujourd'hui, avec beaucoup plus de pollution, beaucoup plus de voitures, eh bien, cette brigade n'existe presque plus ! Lors de sa création, en 1970, elle comptait quatre gendarmes; ensuite, elle a été intégrée dans la brigade d'intervention, puis cette brigade d'intervention avait elle-même été intégrée dans le groupe transports et environnement, réduit à six gendarmes... Alors c'est clair, c'est un peu le serpent qui se mord la queue ! C'est-à-dire que si l'on veut que cette brigade antibruit soit créée, il faut tout simplement donner à la gendarmerie les moyens nécessaires pour cela.
La motion demande également que soit délégué aux agents de la sécurité municipale le contrôle de l'application de la loi sur la circulation routière en ce qui concerne les émissions sonores... J'aimerais juste rappeler que c'est déjà le cas en partie, puisque la loi sur la circulation routière, en son article 9, délègue déjà certaines compétences aux agents municipaux, de même que le fait le règlement sur les agents de la sécurité municipale. Voilà, Mesdames et Messieurs, ce que je voulais dire.
Soyons attentifs à ce que cette motion demande effectivement. On ne peut que l'appuyer, en tout cas le groupe socialiste le fait, mais il faut être conscient que cela signifie aussi augmenter les effectifs de la gendarmerie.
M. Hugo Zbinden (Ve). Je serai très bref. Les Verts, évidemment, soutiennent cette motion. Il paraît qu'un quart de la population genevoise subit des émissions sonores qui sont au-delà des limites légales. Donc, c'est vraiment un problème très grave. Je pense que les deux-roues motorisés sont responsables, pour une grande partie, de ce bruit. Et précisément pour ces deux-roues, il faudrait qu'on effectue aussi des contrôles systématiques, comme c'est le cas pour les voitures, soit tous les deux ans au SAN. Dans ce sens-là, la commission de l'environnement, de l'aménagement du territoire et de l'énergie du Conseil des Etats a transmis au Conseil fédéral une motion qui demande justement ce genre de contrôles périodiques de la pollution sonore, mais aussi de la pollution atmosphérique.
Je vais m'arrêter là: on soutient cette motion et on se réjouit d'en discuter en commission.
M. Michel Ducret (R). Le bruit est une pollution beaucoup plus évidente que celle des gaz d'échappement, très réelle et surtout très exaspérante, particulièrement en milieu urbain. Nombre de véhicules non conformes circulent en effet dans notre cité, et notamment des deux-roues. Mais c'est aussi l'usage qui est fait des véhicules, qu'ils soient à deux ou quatre roues, qui fait que beaucoup trop de bruit est émis, surtout la nuit, où l'on constate que ce bruit est souvent associé à une vitesse qui est plus qu'excessive. Je dirai simplement, par rapport à l'intervention de M. Velasco tout à l'heure, que la vitesse est limitée; le problème est simplement que ces limitations ne sont pas respectées. J'ajoute que ce sont souvent les mêmes, à la même heure, toutes les nuits, qui abusent des possibilités offertes par les rues qui sont apparemment libres - et pour vivre moi-même sur une pénétrante, je me permets d'en témoigner.
J'ajouterai que, concernant la pollution du bruit urbain, j'aimerais qu'on n'oublie pas dans notre réflexion le problème des sirènes d'urgence, dont la puissance ces dernières années a de nouveau augmenté, tout comme la fréquence de passage. Et je trouve particulièrement inutile qu'à quatre heures et demie du matin une ambulance roule, toutes sirènes hurlantes. C'est totalement abusif ! Il y a quelques années, les pompiers ont dû faire des efforts, et ils les ont faits pour diminuer ce genre de bruit. La police également semble avoir fait quelques efforts dans cette direction. Je pense qu'il faut faire attention, parce que c'est également un élément de pollution urbaine extrêmement gênant.
Vous l'aurez compris: les radicaux pensent que cette proposition mérite d'être examinée et qu'elle doit surtout être suivie d'effets pour rendre un vrai service aux Genevois.
La présidente. Monsieur Golay, vous vous étiez inscrit, mais le temps de parole pour votre groupe est épuisé; il a même été dépassé. La parole est à Mme la députée Anne-Marie von Arx-Vernon.
Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). Je serai brève, mais je tiens à lever peut-être quelques malentendus. Comme vous avez pu le voir dans la motion, il ne s'agit pas que de véhicules, il ne s'agit pas d'édicter de nouvelles règles: il s'agit juste de faire respecter une ordonnance fédérale, et notre constitution genevoise comporte tous les éléments nécessaires. Et il ne s'agit pas non plus que de la circulation, même si - je peux en témoigner, habitant avenue Pictet-de-Rochemont - je vois que, toutes les nuits, il y a des véhicules qui passent à 160 km/h. Dans d'autres rues également, comme cela a été cité par M. Velasco, la rue des Deux-Ponts notamment, et aussi à la plaine de Plainpalais, avenue du Mail. Donc, il ne s'agit pas que de la circulation.
Il est mentionné également dans cette motion qu'il faut porter un intérêt particulier aux bruits qui peuvent être engendrés de manière abusive lors de certaines manifestations, qu'elles soient culturelles ou sportives. Nous sommes tous d'accord pour dire qu'elles sont essentielles à la vie de Genève. Simplement, entre l'importance de ces manifestations, qui concourent à la qualité de vie, et le seuil intolérable de bruit qu'elles peuvent engendrer à partir d'une certaine heure, eh bien, il y va de la santé des voisins et des habitants de Genève, tout simplement ! Il y a des solutions tout à fait simples, qui fonctionnent d'ailleurs très bien dans d'autres communes genevoises, comme notamment les panneaux d'affichage de la vitesse. C'est une manière douce, c'est une manière dissuasive, et elle porte ses fruits. Il y a aussi tout simplement le fait de remettre des radars là où ils ont été enlevés. Je fais encore une fois référence à la plaine de Plainpalais, à l'avenue du Mail, où des radars qui faisaient tout à fait leur office ont été retirés et, par omission, n'ont pas été remis après la fin des travaux du parking. (Brouhaha.) Il ne s'agit pas d'une augmentation de postes, ils ont existé; on peut juste s'étonner que leur nombre ait été réduit, alors qu'en fait il est extrêmement important d'être en phase avec la réalité... (Brouhaha.) Et la réalité, c'est qu'il y a toujours plus de bruit, Madame la présidente !
Quant à imaginer une délégation de tâches intelligentes aux agents de sécurité municipale, c'est juste une très bonne idée, parce qu'eux sont en prise directe avec la population. Il ne s'agit pas de ne leur faire vérifier que les pots d'échappement, il s'agit également d'imaginer qu'ils peuvent travailler à des horaires qui doivent correspondre aux besoins de la population, et c'est évidemment bien au-delà des horaires habituels. Et quand on sait que la pollution sonore va déranger pendant la nuit, eh bien, c'est aussi de ces questions-là qu'il s'agit de parler.
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, je vais donc vous faire voter le renvoi de cette motion à la commission de l'environnement... Ah, excusez-moi, Monsieur le conseiller d'Etat ! Monsieur Cramer, je vous donne la parole.
M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. J'ai été un peu inattentif et j'ai appuyé bien tardivement sur mon bouton! De toute façon, le débat va se poursuivre en commission. Je souhaiterais peut-être ici apporter deux éléments dans cette discussion. Le premier, c'est de dire qu'effectivement il est très bienvenu que cette motion soit renvoyée en commission, parce que, on l'a vu dans ce débat, la problématique est extrêmement vaste. Et j'imagine qu'à l'issue des travaux de la commission, peut-être à la suite des auditions, des compléments pourront être apportés à cette motion, de sorte que le Conseil d'Etat reçoive un certain nombre de suggestions du Grand Conseil sur ce qu'il convient de faire.
Le deuxième élément, c'est qu'il existe à Genève une commission consultative contre le bruit et que la plupart des questions que vous avez évoquées dans ce débat ont été très longuement examinées; et, effectivement, lutter contre le bruit aujourd'hui à Genève, c'est la quadrature du cercle. Il y a le bruit qui est dû à des comportements individuels: ce sont les sorties des établissements publics, ou les fêtes qui se multiplient - et souvent des fêtes en plein air; il y a aussi le bruit qui est dû à la circulation automobile, c'est la première source de bruit en ce qui concerne une installation - car la route est considérée comme une installation. Et puis, il y a les moyens que les autorités peuvent envisager pour lutter contre ce bruit, et là, effectivement, il y a un certain nombre d'idées. Je suggère au président de cette commission de consacrer le temps nécessaire à ces travaux. Il y aura plusieurs auditions à faire, et, si ce premier échange que nous avons eu pouvait encore être complété par des réflexions au sein des caucus, je crois que peut-être cette motion pourrait nous amener à trouver quelques solutions. Il faut aussi savoir que ces dernières ne vont pas être totalement indolores. Elles ne seront indolores ni au niveau des mesures qui devront être prises, ni, bien sûr, quant aux ressources que l'on devra dégager pour prendre ces mesures. Mais nous avons là véritablement une des plus grandes nuisances dont souffre la population genevoise. Quand on fait des enquêtes sur les nuisances environnementales, le bruit apparaît régulièrement comme étant la nuisance dont souffrent le plus les Genevoises et les Genevois, et il est très heureux que le Grand Conseil décide également d'examiner cette question de près.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1719 à la commission de l'environnement et de l'agriculture est adopté par 82 oui (unanimité des votants).