Séance du
jeudi 22 février 2007 à
20h30
56e
législature -
2e
année -
5e
session -
22e
séance
IN 127 et objet(s) lié(s)
Débat
Mme Emilie Flamand (Ve), rapporteuse. Vu la quasi-unanimité de la commission des transports, il ne me semble pas nécessaire de développer cette intervention outre mesure. Toutefois, vu l'importance du sujet et des enjeux, je souhaiterais quand même revenir sur les arguments importants évoqués au cours du débat. Selon les initiants, l'initiative 127 poursuit deux buts principaux: un but social et un but environnemental.
En ce qui concerne l'objectif social, il semble plus logique de prévoir des aides ciblées, telles qu'elles existent déjà d'ailleurs pour les personnes dans le besoin, plutôt que d'offrir la gratuité à tous, y compris aux nombreuses personnes qui ont les moyens de payer leurs déplacements en transports publics. Il faut d'ailleurs noter que la gratuité, puisqu'elle serait financée par les contribuables, ne serait effective que pour les usagers des transports publics qui ne résident pas à Genève.
Quant à l'argument environnemental défendu par les initiants, à savoir que la gratuité favoriserait un report modal, il est totalement fallacieux. D'une part, de nombreuses études ont montré que le facteur décisif pour décider d'emprunter les transports publics n'est pas le prix du billet, mais la qualité de l'offre, la rapidité des véhicules, l'existence de correspondances... En bref, l'existence d'un réseau performant à même de concurrencer les déplacements individuels.
D'autre part, vu les problèmes de financement liés à cette initiative, il est probable qu'elle aboutirait à un démantèlement du réseau de transports publics, ce qui aurait des conséquences catastrophiques en termes environnementaux puisque l'on assisterait à un transfert modal dans le mauvais sens, à savoir que de nombreux usagers actuels des transports collectifs reviendraient à la mobilité individuelle. Chacun peut s'imaginer les effets d'un tel transfert, aussi bien en termes de santé publique, d'environnement, que de paralysie des déplacements.
Enfin, pour revenir au titre aguicheur de cette initiative, «Pour la gratuité des transports publics genevois», il convient de rappeler encore et toujours que la gratuité n'existe pas ! En décrétant la gratuité, on supprime simplement les rentrées financières des TPG liées à la vente de titres de transports, soit environ 45% de leur revenu.
Dès lors, deux voies sont possibles: soit l'on démantèle le réseau de transports publics à Genève, soit l'on trouve un financement pour compenser cette perte. La première option est inacceptable pour tout le monde; nous savons que notre canton et même notre région ont besoin d'un réseau de transports publics performant pour relever les défis économiques et démographiques des années à venir. Quant à la possibilité de trouver un financement, vu la situation actuelle de l'Etat, cette piste paraît fort compromise: rappelons que ce ne sont pas moins de 160 millions de francs supplémentaires par an qu'il faudrait trouver pour financer cette gratuité. A titre d'exemple, le Conseil d'Etat citait dans son rapport le type de prestations qu'il faudrait supprimer pour réunir un tel montant: on pourrait, par exemple, supprimer l'Hospice général... Cela donne une idée de l'ampleur des sommes en jeu.
A cela, les initiants répondent qu'ils proposeront bientôt des mesures de financement pour la gratuité; ils évoquent une augmentation de la taxe auto, une taxe aéroportuaire ou une taxe sur les emplois. Or, on le sait bien dans cette enceinte, toute modification de l'assiette fiscale est soumise au référendum obligatoire. Et lors des dernières votations de ce type, la population a refusé toute augmentation des impôts ou des taxes prélevées par l'Etat. Dès lors, il est tout à fait possible que le peuple accepte l'initiative 127 dont nous débattons ce soir, puis refuse les mesures de financement proposées par la suite.
Pour des raisons évidentes d'honnêteté et de cohérence, les initiants auraient dû prévoir le financement de la gratuité dans leur initiative, afin que la population réalise que la gratuité ne tombe pas du ciel mais implique de nouvelles rentrées fiscales ou la suppression d'autres prestations étatiques.
Il y a trois mois, notre Grand Conseil votait le contrat de prestations pour les années 2007-2010 entre l'Etat et les TPG. Il s'agit d'un contrat ambitieux qui prévoit un développement de l'offre de 25% sur quatre ans. Chacun reconnaît la nécessité de développer massivement les transports collectifs afin d'offrir à la population une alternative crédible aux déplacements individuels.
Pour toutes ces raisons, je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à suivre l'écrasante majorité de la commission des transports en rejetant cette initiative et en renonçant à lui opposer un contre-projet. (Applaudissements.)
Mme Virginie Keller Lopez (S). Je voudrais remercier notre rapporteure qui a très bien résumé les différentes questions qui se sont posées en commission à propos de cette initiative. Quelle est la position des socialistes sur cette initiative ? Evidemment, nous en avons largement débattu dans notre parti, en assemblée générale. Pourquoi ? Parce que de tout temps les socialistes ont favorisé le développement des transports publics; parce que de tout temps nous avons soutenu toutes les propositions visant à réduire le trafic automobile et tous les aménagements qui accompagnent cette réduction; parce que de tout temps nous avons voté ce qui pouvait conduire à une amélioration de l'environnement. Parce que de tout temps, enfin, nous avons voté ce qu'il fallait voter pour favoriser l'accès aux transports publics pour les personnes les plus démunies !
A partir de tous ces principes, on pourrait évidemment imaginer que la position des socialistes serait de voter pour la gratuité des transports publics. Qui ne rêverait pas aujourd'hui d'une ville entièrement dévolue aux piétons et aux vélos ? Une ville où circulerait des bus remplis mais fréquents, permettant d'aller aussi bien en France voisine que dans le canton de Vaud. Qui ne rêverait pas d'une ville où les voitures prendraient leur place sagement, chaque matin, dans les parkings aux entrées de notre canton ? Evidemment, c'est un rêve, nous travaillons à sa concrétisation et nous espérons qu'un jour nous vivrons dans un tel environnement ! Toutefois, pour l'instant, tel n'est pas le cas et nous devons affronter une réalité qui ne nous permettra malheureusement pas de soutenir ce soir cette initiative.
Cette dernière, comme l'a très bien dit la rapporteure, se base sur deux postulats: premièrement, l'initiative imagine développer les transports publics et lutter contre la pollution; deuxièmement, elle veut alléger les charges de la population. Concernant le premier point, je crois qu'il a été fait très clairement la preuve, dans le rapport de majorité, de quasi-unanimité de la commission, qu'aujourd'hui nous ne sommes pas encore dans une étape où nous pouvons dire que nous avons suffisamment développé l'offre en transports en commun pour nous permettre de nous arrêter là tout simplement et envisager la gratuité.
Nous avons un grand effort à faire, Mesdames et Messieurs les députés pour continuer à développer cette offre et permettre à notre canton de ne pas mourir asphyxié ! Tout le monde s'en rend compte tous les matins. Il suffit de se déplacer en ville à pied, à vélo, en bus ou en voiture pour se rendre compte que notre ville, que notre canton, ne peuvent pas continuer avec cette politique là ! Depuis plusieurs années, le Conseil d'Etat, de façon très énergique, défend une politique de développement des transports publics, et nous soutenons cette politique. Il nous semble qu'actuellement notre première... - le conseiller d'Etat me fait rire... (Rires. Remarques.) Il me semble qu'actuellement notre priorité première est de continuer à développer cette offre pour qu'on soit réellement capables, à partir d'un certain moment, de dire aux automobilistes qu'ils peuvent laisser leur voiture de côté parce qu'on a les moyens de les amener rapidement sans leur voiture là où ils doivent aller. C'est donc une priorité, et cette priorité a un coût ! Nous le savons, nous qui votons années après années les budgets ! Cette politique coûte cher, c'est vrai ! C'est un sacrifice, mais le Grand Conseil presque à l'unanimité a donné son accord pour une politique des transports qui soit réellement énergique et offensive.
Aujourd'hui, si nous votons la gratuité, Mesdames et Messieurs les députés, eh bien, nous votons également 185 millions de plus de charges pour le budget de l'Etat. Qu'est ce que cela veut dire ? Cela veut dire qu'il faudra soit augmenter les impôts, soit réduire des prestations, donc appauvrir la population finalement. C'est un des problèmes principaux que nous avons rencontrés à l'étude de cette initiative: les initiants n'ont fait aucune proposition pour le financement de ce qu'ils voudraient offrir à la population. Et ça, Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes considèrent que c'est dangereux aujourd'hui ! Nous avons aujourd'hui un parlement qui est à droite et nous savons que, si nous portons 185 millions de francs de plus à la charge de l'Etat, nous mettons en danger les prestations destinées à la population. Cela, les socialistes ne le veulent pas ! Nous ne voulons pas prendre ce risque ce soir.
Le deuxième argument des initiants a trait à l'allègement des charges supportées par la population. Evidemment, tout le monde veut bien alléger les charges de la population, mais c'est un mensonge ! Parce que si on allège les charges de la population en lui disant qu'elle ne paiera plus le bus, elle paiera ces 185 millions de francs d'une autre façon par des impôts ! Ça, il faut le lui dire, parce qu'on ne va pas inventer ces 185 millions ! Donc, on va faire payer à l'ensemble de la population une politique qui concerne les gens qui utilisent aujourd'hui les transports publics.
Certainement, cette initiative devra être réalisée un jour; elle le devra le jour où nous en aurons les moyens, le jour où l'offre en transports publics sera cohérente et importante et où l'on pourra, à côté de cela, restreindre de manière beaucoup plus énergique l'usage de la voiture.
En commission, les socialistes ont posé de nombreuses questions par rapport à la politique tarifaire des Transports publics genevois. Il est vrai qu'à nous aussi les tarifs semblent élevés pour les gens qui sont démunis, pour certaines personnes âgées qui n'en ont pas les moyens, pour les jeunes en formation, pour les familles qui ont des faibles revenus. Nous pensons notamment aux élèves du cycle d'orientation qui ont l'obligation de prendre le bus tous les jours, puisque leur école n'est en général pas à côté de la maison, et doivent payer des abonnements relativement coûteux.
Nous pensons qu'il y a des progrès à faire concernant la politique tarifaire des TPG et que, au cours de ces prochaines années, nous pourrons parfaitement faire des propositions allant dans ce sens. Lors de nos discussions avec les TPG, ceux-ci étaient d'ailleurs ouverts sur ces questions et nous ont apporté des chiffres sur ce que pourraient coûter des allègements pour les jeunes, voire la gratuité pour certaines classes d'âge. Ces objets sont donc à l'étude et nous ne laisserons pas tomber cette question-là.
La présidente. Il va vous falloir conclure.
Mme Virginie Keller Lopez. En attendant, il nous semblerait mensonger de laisser croire à la population qu'on peut lui offrir des transports publics gratuits. Aujourd'hui, il nous paraît inconscient d'alourdir les charges de l'Etat de 185 millions de francs. Pour toutes ces raisons, nous vous demandons de refuser cette initiative.
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Hugo Zbinden (Ve). Cette initiative fait partie de celles que je qualifierai de populistes.
Une voix. «Romantiques» ! (Remarques.)
M. Hugo Zbinden. J'imagine que ce doit être assez facile de récolter des signatures pour cela, on va aux arrêts de bus et l'on demande aux gens de signer...
Une voix. Eh ben voilà ! (Brouhaha.)
M. Hugo Zbinden. Dans le même genre, il est assez facile de proposer une baisse d'impôts au moment où les gens doivent remplir leur déclaration... Moi-même, je serais tenté, en été, de signer une initiative qui demanderait de la bière gratuite dans les parcs genevois... Une telle initiative aurait au moins le mérite de montrer qu'il faudrait bien que quelqu'un paie cette bière ! De même, si l'on abaisse les impôts ou si l'on demande des transports publics gratuits, il faut bien trouver des ressources et que quelqu'un paie pour ça ! Comme on l'a entendu, en ce moment il semble impossible d'augmenter les impôts et de trouver facilement d'autres ressources - c'est d'ailleurs le défaut principal de cette initiative qui ne propose pas une autre manière d'en trouver.
Cette initiative aurait pu lancer un débat fort intéressant, parce que, si l'on veut vraiment favoriser un transfert modal, il faudra bien trouver un nouvel équilibre entre les ressources attribuées aux transports individuels motorisés et celles qui le sont aux transports publics. Vous vous rappelez que, lorsque l'initiative a été lancée, les Verts ont émis l'idée d'une carte de mobilité multimodale, c'est-à-dire une carte pour 400 F par année, permettant à la fois le droit de rouler en voiture à Genève et de prendre les transports publics. Cela favoriserait un véritable choix du mode de transport. Je ne veux pas dire que c'est la solution miracle. Il y a des villes qui introduisent un péage urbain... On pourrait aussi taxer plus lourdement les parkings... Mais si l'on veut vraiment changer le système pour sortir de l'impasse actuelle, il faudra trouver des ressources qui seront à la charge des utilisateurs des transports motorisés.
Il faudrait donc élaborer un contre-projet, or la commission n'en voulait pas. Je pense que c'était une bonne décision, parce qu'on voulait donner une réponse claire à cette initiative: on ne voulait pas opposer à l'idée du transport gratuit celle moins chère du transport en commun - on est d'accord là-dessus. Et même si l'on avait trouvé un financement, l'idée de transports publics gratuits reste mauvaise. Les Verts ont toujours défendu la réalité des coûts, et, si l'on instaurait des transports publics gratuits, on provoquerait bel et bien un transfert modal, mais il ne se ferait pas de la voiture en faveur des transports publics, il irait de la mobilité douce vers les transports publics ! Ce qui aurait des conséquences sur l'environnement, et aussi sur la santé publique.
Pour revenir à mon initiative pour la bière gratuite, cela aurait aussi des effets pervers... Je me mettrai à boire beaucoup plus de bière au lieu de boire de l'eau, et cela aurait des conséquences sur ma santé ! En conclusion, je vous invite tous à refuser cette initiative. (Applaudissements.)
M. Eric Stauffer (MCG). Bien évidemment, le groupe MCG ne peut accepter une telle initiative, vu son coût. Néanmoins, j'aimerais quand même reprendre quelques points relevés ce soir. Notre charmante collègue Mme Keller Lopez a dit qu'à Genève on étouffait... C'est une réalité ! On verra qui sont les vrais écologistes de ce parlement, car, après quelques points de l'ordre du jour, nous parlerons de la proposition de motion «Créer une ceinture verte» ! (Exclamations.) Et nous verrons qui sont les vrais écologistes à Genève, ceux qui veulent vraiment protéger la qualité de vie de nos concitoyens !
Nous nous réjouissons déjà que la population puisse voir le vrai visage de ce parlement en matière d'écologie ! Il faut savoir que j'ai ici un joli tableau qui a été publié dans la «Tribune de Genève»: le trafic des pendulaires représente 200 000 passages de véhicules par jour. (Exclamations.) Il faut le savoir ! Mais oui ! Nous verrons bien qui a le vrai visage de l'écologie et qui veut améliorer la qualité de vie de nos concitoyens en limitant le trafic !
M. Jean-Marc Odier (R). Le texte de cette initiative est assez particulier. Je pense qu'il ne fait nul doute que l'initiative ne sera pas adoptée ce soir par ce parlement. En revanche, le souci est grand par rapport à la réception de cette initiative par la population. Pourquoi? Parce que, comme le disait Mme Flamand, l'initiative a un style très aguicheur. Qui, lors d'un vote populaire, voudrait refuser la proposition de la gratuité ? C'est là que réside vraiment le problème.
Je veux dire que si l'initiative était acceptée, cela induirait une diminution de l'offre d'environ 50%. Il est probable que le conseiller d'Etat insistera lourdement là-dessus. Pour l'instant le Grand Conseil débloque environ 150 millions de francs par an pour subventionner les transports publics; si jamais cette initiative devait être acceptée par le peuple, il faudrait que l'Etat prévoie plus de 300 millions de Francs - donc, 180 millions de plus que maintenant. Comme ce Grand Conseil ne votera pas un contrat de prestations octroyant 180 millions de francs de plus aux TPG, cela reviendra à dire que les Transports publics genevois devront faire avec la somme qui leur est allouée actuellement. Et s'ils doivent accepter le principe de la gratuité, ils ne pourront plus proposer que la moitié de l'offre actuelle. C'est assez clair, je pense, et c'est le message qu'il faudra faire passer auprès de nos concitoyens, car cette initiative est réellement dangereuse.
Le parti radical est défavorable à une gratuité totale des transports publics. Par contre, cela fait déjà un certain temps qu'il prône un ratio de 50/50 pour le financement des TPG, c'est-à-dire que 50% des produits devraient provenir des recettes de la vente de titres de transports et 50% des subventions. Cela paraît quelque chose de tout à fait équitable et c'est un ratio avec lequel on peut avancer au fur et à mesure de l'augmentation de l'offre. On doit donc augmenter le produit de la vente des titres de transports, que ce soit en adaptant les tarifs ou le nombre de billets vendus.
Puisque nous ne sommes pas insensibles à la demande des auteurs de l'initiative, s'il devait y avoir un allégement de la tarification et une réduction des tarifs pour les citoyens, nous pensons, au parti radical, que l'Etat devrait réaliser des efforts supplémentaires envers les jeunes, les jeunes scolarisés d'une certaine classe d'âge. C'est à voir en fonction des capacités financières de l'Etat, mais le parti radical est favorable à l'étude d'un allégement du prix des abonnements pour les jeunes scolarisés. Il faudrait voir si nous parviendrions à rester dans le cadre du contrat de prestations et à l'intérieur de l'enveloppe octroyée aux TPG par l'Etat.
Dans le contrat de prestations, il y a certainement encore des possibilités de trouver des réductions de dépenses. Je pense notamment à certains abonnements facturés à l'Etat qui sont octroyés à une partie de la population, comme les abonnements pour les bénéficiaires des prestations de l'Office cantonal des personnes âgées, qui sont relativement peu utilisés et pourraient être remplacés par des «Cartabonus». Cela coûterait moins cher à l'Etat et les prestations proposées aux utilisateurs resteraient probablement identiques. L'argent récupéré permettrait une réduction du prix des abonnements... C'est une des solutions, et je suis persuadé qu'il y en a d'autres; si l'on pose la question aux TPG, nous aurons certainement plusieurs réponses.
Pourquoi sommes-nous favorables à une réduction des tarifs, particulièrement pour cette catégorie d'utilisateurs des TPG ? Parce que nous pensons que ce sont les jeunes que nous devons habituer à utiliser les transports publics afin qu'ils n'acquièrent pas le «réflexe automobile» mentionné dans le rapport.
Je vous rappelle que le groupe radical avait déposé en son temps une motion, qui avait été adoptée par ce parlement et qui demandait la gratuité des transports publics pour les classes des écoles primaires. Motion qui avait été adoptée mais pas suivie d'effets, notamment à cause du même argument, les TPG estimant que le contrat de prestations est contraignant et qu'ils ne peuvent pas accorder davantage de prestations si l'on ne leur donne pas plus de subventions. Je trouve ce raisonnement regrettable - sinon déplorable - puisque, réellement, c'est en direction des jeunes que nos efforts doivent porter pour essayer de modifier les mentalités et faire en sorte que ce ne soit pas toujours la voiture qui soit utilisée en premier. C'est un comportement différent, mais c'est ce que nous devons inculquer à nos jeunes. Je pense que ça vient gentiment, mais nous devrons encore intensifier nos efforts. C'est pourquoi le groupe radical serait sensible à des propositions allant dans ce sens.
Pour l'instant, nous prônons simplement une opposition à cette initiative ainsi qu'à un contreprojet.
La présidente. Le Bureau propose de clore la liste. Sont encore inscrits MM. André Reymond, Gilbert Catelain, François Gillet, Christian Brunier, Eric Stauffer, Alain Meylan, Ivan Slatkine et le conseiller d'Etat Robert Cramer.
M. André Reymond (UDC). La question que nous pouvons nous poser ce soir est celle de la différence qu'il y a entre une explication et une justification. Tout simplement, une explication est une réponse à une question posée tandis que la justification est une réponse à une question qui n'a pas été posée !
Je trouve merveilleux de voir des partis de gauche faire montre d'un réalisme économique ! Tout à l'heure, nous avons pu entendre dans ce parlement les représentants de certains partis dire qu'il faudrait que les transports publics soient gratuits dans quelques cas et qu'il fallait réfléchir au cas des jeunes notamment. On peut peut-être aussi dire qu'il faut envisager la gratuité pour les personnes âgées ou pour les personnes qui ont peut-être des difficultés.
Mesdames et Messieurs les députés, ce que l'UDC veut toujours rappeler aux électeurs, c'est qu'il faut être réaliste et qu'il ne suffit pas de proposer en période électorale des gratuités dans n'importe quel sens. Nous savons très bien, cela a été dit dans cette enceinte, qu'il faudrait 400 millions de francs pour répondre à cette initiative. Mais où irions-nous trouver la contrepartie pour financer cette gratuité des transports publics ? Même le Conseil d'Etat admet que cette initiative est inacceptable, car on ne pourrait pas trouver les ressources financières nécessaires.
Si vous me le permettez, je terminerai en rappelant que les villes qui ont instauré la gratuité des transports publics ne sont pas d'une taille comparable à Genève; il ne s'agit pas de villes qui disposent d'un réseau de la grandeur et de la densité de celui de Genève. De plus, on constate aujourd'hui que toutes ces villes qui ont des petits réseaux de transports publics et ont essayé d'offrir la gratuité reviennent maintenant en arrière.
Je me permettrai encore de relever qu'il est vrai que le billet de transport public à Genève est relativement bon marché par rapport au reste des autres villes de Suisse, mais que, si l'on veut changer quelque chose, ce n'est pas seulement les transports publics qu'il faut prendre en compte: il faut aussi considérer que les CFF sont partenaires des TPG pour fixer les prix des titres de transport.
Je terminerai en disant que le groupe UDC estime que cette initiative n'est pas soutenable et que le réalisme doit être de rigueur dans ce parlement. C'est pourquoi le groupe UDC soutient clairement que nous ne pouvons pas promettre la gratuité des transports publics aux électeurs et leur faire croire que la gratuité peut être instaurée sans contrepartie.
M. Gilbert Catelain (UDC). Par rapport à ce constat unanime sur la dangerosité de cette initiative et le risque de péjoration de l'offre de transports publics, j'ai deux questions à poser au département ou au rapporteur. Si nous craignons que le peuple entre en matière sur cette initiative par un vote favorable, pourquoi continuons-nous à construire des lignes de tram qui ne pourraient pas être desservies, puisque vous venez de dire qu'il faudrait réduire l'offre de transports publics ? Il ne faut pas faire de démagogie, de quel côté que l'on soit ! S'il y avait un danger, cela voudrait dire qu'il faudrait interrompre les chantiers des nouvelles lignes de transports publics en attendant le résultat du vote populaire.
Deuxième question: quel serait, si elle devait être adoptée, l'impact de cette initiative pour les lignes transfrontalières qui sont actuellement mises en souscription par les GLCT ? Les TPG auraient-ils encore les moyens de répondre à ces appels d'offres et quelle conséquence y aurait-il pour les déplacements frontaliers ?
M. François Gillet (PDC). Cette initiative prétend vouloir favoriser le développement des transports publics par la gratuité. Or, il est prouvé qu'il n'en sera rien, de nombreuses études l'ont démontré dans d'autres villes européennes. La qualité du réseau, c'est bien cela qui est garant du développement des transports publics. Ce sont la qualité des lignes et la qualité des horaires qui vont permettre de développer le transfert modal que beaucoup souhaitent et, ainsi, permettre de favoriser la qualité de la mobilité à Genève. Ce n'est en tout cas pas la gratuité, cela doit être dit clairement ! Pour continuer à développer ce réseau il faut des moyens. Ce n'est évidemment pas le moment de supprimer des recettes qui sont indispensables aux TPG pour développer ce réseau.
En fait, et c'est apparu très clairement lors des auditions, le véritable objectif des initiants n'est pas environnemental, il est social. Or, cela a été dit également par les socialistes - ce qui me réjouit - nous ne pouvons pas offrir la gratuité des transports publics à toute la population en prétendant aider ceux qui en ont le plus besoin. Sur ce point, le groupe démocrate-chrétien s'est déjà inquiété du fait que certaines catégories de population mériteraient d'être davantage soutenues en matière d'accès aux transports publics. Nous avons, vous le savez, déposé une motion concernant les familles et nous pensons que des actions peuvent être entreprises en faveur de certains groupes de population. Il ne s'agit pas forcément d'octroyer la gratuité, mais de proposer des réductions tarifaires ou des arrangements particuliers. Il n'est en tout cas pas utile d'accorder la gratuité à toute la population lorsqu'on cherche à soutenir certains groupes en particulier.
Le groupe démocrate-chrétien refusera donc cette initiative qui, il faut le dire, trompe le citoyen et il espère que les Genevoises et les Genevois auront la sagesse de ne pas accepter ce cadeau empoisonné.
M. Christian Brunier (S). Je vais peut-être vous surprendre, mais j'aimerais revenir sur ce que le député Odier du parti radical a dit, parce que je pense que c'est très important. Il a parlé de démarche pédagogique envers les citoyennes et les citoyens. Aujourd'hui, nous serons vraisemblablement proches de l'unanimité pour refuser cette initiative parce que la plupart des députés en ont compris les conséquences.
Il est vrai qu'en tant que citoyen, lorsque vous entendez parler de gratuité, il peut être tentant de voter pour cette initiative. D'ailleurs, en discutant avec les initiants eux-mêmes, je parle des jeunes gens qui ont lancé cette initiative, peut-être de manière naïve, on constate qu'ils sont néanmoins sincères et pensent vraiment que cette initiative permettra de développer les transports publics. Je ne parle pas ici des ténors politiques qui sont opportunistes et rattrapent le mouvement par intérêt politique. Ça montre bien qu'il faut que les politiques fassent un grand travail d'explication, même s'il y a unanimité aujourd'hui. Ce travail, il commence ce soir, mais devra se poursuivre durant la campagne parce que ce n'est pas encore gagné.
Cette initiative propose une fausse bonne idée ! On pourrait croire que, du fait de la gratuité, les gens prendront moins leur voiture mais plutôt le bus, ce qui serait bien pour Genève... On sait toutefois que ce n'est pas possible et que le coût de cette initiative sera très élevé. Des chiffres de toutes natures ont été avancés. Moi je retiendrai le chiffrage donné par les TPG: la gratuité coûtera 185 millions de francs. Les initiants nous disent qu'on fera des économies au niveau de la billetterie... C'est vrai que si les transports publics deviennent gratuits, on n'aura plus besoin de système de billetterie, on n'aura plus besoin de contrôleurs - on perdrait des emplois, soit dit en passant. Même en abolissant la billetterie ainsi que les contrôleurs, cela ne représente qu'une économie de 19,5 millions de Francs. Donc, pour chaque année, même si l'on économise une vingtaine de millions de francs, il resterait 165 millions de francs à trouver. On peut bien dire que si les majorités changent, qu'on a des majorités plus favorables aux transports publics, on va trouver ces 165 millions de francs... Je crois que, là aussi, il faut faire attention. Honnêtement, la gauche s'est toujours battue pour les transports publics, mais, je vous le dis, s'il y avait une majorité de gauche demain, avec une initiative comme ça, on ne trouverait pas les 165 millions ! On ne les trouverait pas parce que vous savez très bien que les Genevois n'ont pas envie de voir augmenter leurs impôts, et les coupes dans les prestations sont excessivement douloureuses pour tout le monde. Donc, si l'initiative passe, cela voudra dire très clairement que, quelle que soit la majorité de ce parlement, quoi qu'il se passe, il y aura diminution des prestations de transports publics.
Est-il utile d'accorder la gratuité pour réaliser le transfert modal ? Nous devons développer le transfert modal, je crois que ce n'est plus un choix idéologique. On s'affronte beaucoup dans ce parlement à propos de la nécessité de le faire ou non, et dans quelle mesure... On est de toute façon condamné à le faire ! Il y a un développement du trafic automobile considérable; je crois que toutes les statistiques provenant de France ou de Suisse prévoient dans les années à venir un développement de la circulation de 20 à 40% environ. Nous sommes donc en train de générer d'immenses bouchons dans Genève.
On peut trouver des remèdes un peu démagogiques «à la Stauffer»: on peut dire qu'on va interdire l'accès en voiture à l'infirmière qui vient travailler tous les jours aux HUG depuis Annemasse ! On va lui interdire de venir, puis on va interdire aux Genevois qui ne trouvent pas de logement à Genève d'aller loger en Haute-Savoie ! Monsieur Stauffer, vos propositions ne sont tout simplement pas sérieuses ! Elles ne correspondent pas aux modes de vie dans ce canton. Il faut essayer de chercher des solutions plus crédibles, si vous voulez résoudre les problèmes environnementaux et améliorer la qualité de vie !
La manière la plus crédible de le faire, c'est de développer le transfert modal. Comment fait-on pour cela ? A nouveau, il ne s'agit pas là d'une question d'idéologie politique... Je crois que dans toutes les villes du monde où l'on est parvenu à mettre en place un transfert modal, c'est en tablant sur trois ou quatre facteurs clés - à Genève, on voit que ces facteurs clés sont identiques. C'est d'abord le développement du réseau des transports publics. Il est clair qu'il faut des trams et des bus un peu partout - le CEVA aussi, bien sûr. Il faut donc développer l'offre ! Ensuite, il faut développer la fréquence; nous devons avoir des fréquences vraiment optimales dans les quartiers fortement urbanisés. Nous devons développer la vitesse commerciale et nous devons adopter un certain nombre de mesures de restriction de trafic, même si ça ne plaît pas à tout le monde ! L'être humain est ainsi - qu'il soit de droite ou de gauche - en principe, quand il peut avancer avec sa voiture, il continue à l'utiliser, à moins d'avoir une conscience écologique marquée. Nous devons donc réaliser le transfert modal sur ces bases-là.
Certes, le prix a une incidence sur le choix du transport, mais toutes les études le prouvent, il s'agit d'une incidence secondaire. En tout cas, à Genève, le prix n'est pas vraiment déterminant dans le cadre du transfert modal. Si vous diminuez le prix du billet, vous allez pousser la personne qui se déplace de temps en temps en bus à le prendre un peu plus souvent... Cela ne résoudra rien au niveau de la problématique des transports à Genève.
Les initiants parlent d'expériences qui ont réussi dans d'autres villes. Certains ont déjà relevé qu'il s'agissait de villes qui n'étaient pas de tailles comparables à celle de Genève. Ce qu'il faut dire aussi, c'est qu'il s'agissait de villes qui n'avaient quasiment pas de transports publics. C'est clair que dans des villes où il n'y a pas de transports publics, vous développez le transfert modal si vous octroyez la gratuité. Autrement, cela ne marche pas ! Comme les Verts l'ont dit, de cette manière, vous développez seulement un transfert modal en faveur des personnes qui se déplacent à pied et qui prendront plus facilement le bus s'il est gratuit. Souvent, les gens n'abandonnent pas leur voiture. Et la gratuité augmente seulement l'attractivité des villes.
Donc, nous devons faire un travail pédagogique, de quelque parti que nous soyons, pour bien faire comprendre cette réalité. Et nous devons investir, si nous avons de l'argent, dans le développement du réseau, c'est là qu'est l'utilité.
Si nous devons proposer la gratuité, instaurons-la pour les jeunes en particulier. C'est peut-être une bonne idée, bien que les jeunes prennent déjà énormément les transports publics - je ne suis d'ailleurs pas sûr de l'efficacité de la gratuité pour inciter encore plus de jeunes à prendre les transports publics. On peut encore redonner la gratuité aux personnes les plus défavorisées, car je rappelle que la gratuité a été suspendue pour celles-ci, même si ça reste modeste.
Une catégorie que l'on pourrait mieux prendre en compte, c'est celle des nouveaux arrivants à Genève. Lorsqu'une personne déménage, qu'elle arrive à Genève ou qu'elle change de quartier, c'est là qu'elle peut avoir la plus grande volonté de modifier sa façon de se déplacer. Aujourd'hui, il n'y a pas d'incitation s'adressant à ces personnes et l'on devrait envisager des rabais pour les nouveaux arrivants, pour qu'ils puissent tester les différents transports publics dans leur nouveau quartier.
La présidente. Il va falloir conclure, Monsieur le député.
M. Christian Brunier. Je conclus. Là, on arriverait certainement à développer le transfert modal. C'est sur ces pistes-là qu'il faut travailler et pas sur des actions démagogiques comme celle présentée par cette initiative. Donc, votons non à cette initiative et faisons l'effort d'expliquer ce refus à la population !
M. Eric Stauffer (MCG). Monsieur Brunier, nos propos ne sont pas démagogues ! Par contre, vous avez dit des choses - je vais être gentil - tout à fait erronées ! Quand vous prétendez que nous voulons empêcher l'infirmière d'Annemasse de se rendre à son travail... (Brouhaha.) Il faut arrêter de tenir ces propos de bas-étage ! Nous voulons simplement que le transfert modal s'opère en France, parce que les Genevois en ont assez de financer des parkings pour les pendulaires ! (Brouhaha.) J'estime qu'avec ce que nous payons aux collectivités françaises, elles peuvent construire des parkings pour «faire du transfert modal» - comme vous dites - en France ! (Brouhaha.)
Une voix. Cela n'a rien à voir avec l'initiative ! (Exclamations. Commentaires.)
M. Eric Stauffer. Bien sûr, cela n'a rien à voir avec l'initiative !
M. André Reymond. Mais évidemment !
M. Eric Stauffer. Merci, Monsieur Reymond, mais je répondais au député Brunier. Madame la présidente, j'aimerais relever ici les propos tenus par notre collègue M. Odier qui vient nous faire toute une diatribe en disant qu'il faut éduquer les jeunes pour qu'ils prennent l'habitude de prendre les transports publics... Evidemment. La motion 1686 proposée par le MCG puis refusée par le parlement voulait instaurer la gratuité des transports publics pour les adolescents en âge de scolarité ou pour les apprentis, afin de les éduquer et leur faire acquérir le réflexe d'utiliser plus fréquemment les transports publics lorsqu'ils auront 30 ou 40 ans. Nous atteignons le comble de l'hypocrisie, Mesdames et Messieurs les députés ! Tout le monde a l'air de dire qu'il faut adopter la gratuité pour une partie de la population, les jeunes notamment, or, quand le MCG propose quelque chose de raisonnable - qui n'aurait coûté, selon M. Cramer, que 13 millions de francs à la collectivité - pour faire l'éducation des jeunes et leur inculquer ce réflexe d'utiliser les transports collectifs au lieu d'un véhicule individuel, eh bien, ce même parlement le refuse !
Alors, Mesdames et Messieurs, si vous êtes tous d'accord, nous pouvons redéposer cette motion en urgence maintenant ! Il faut atteindre 75% des votants pour qu'elle soit acceptée tout de suite. On fait le pari ? Non, bien entendu ! (Brouhaha.) Parce que vous êtes tous enfermés dans vos clivages politiques ! (Remarques.) En fait, quand une bonne idée est amenée par un groupe ou par un autre, elle est systématiquement refusée ! Et cela, Madame la présidente, c'est vraiment lamentable !
M. Alain Meylan (L). Cette initiative pose fondamentalement la question des transports publics que nous voulons. Voulons-nous des transports publics inefficaces, qui ne sont pas à l'heure, qui sont distants de notre lieu de travail et de notre lieu de domicile, avec des cadences limitées à deux ou trois transports par jour ? Si c'est cela que l'on souhaite comme transports publics, votons cette initiative !
Vu le risque annoncé par certains, que cette initiative démagogique pourrait avoir quelque chance de succès, d'aucuns diront peut-être facilement qu'on pourrait presque être d'accord, nous les libéraux, pour faire croire qu'il y a quelque chose de machiavélique derrière cette initiative. Je crois que, là, il faut être très attentif et expliquer aux gens que le développement des transports publics a besoin des moyens publics et des moyens privés, qui lui sont fournis par les ventes de titres de transports.
On a peu parlé aussi de l'acte déclencheur de l'utilisation des transports publics. En effet, le prix du billet arrive en cinquième ou en sixième position parmi les raisons qui poussent l'usager à opter pour un transport public. Et pour que les transports publics, grâce à quelques vertus et chances de succès, représentent un certain intérêt par rapport au transfert modal dont on vient de parler longuement, la disponibilité et la qualité des dessertes sont nécessaires ! Alors ce sont l'offre, la fréquence, la rapidité, la ponctualité, et des échanges qui fonctionnent quand il y a un arrêt ou une rupture de charge - ce dont on veut le moins possible. Il y a en Romandie un réflexe automobile avéré, dont on parle assez souvent de notre côté, qui est de dire que nous devons respecter la complémentarité des modes de transports et le libre choix du moyen de transport... Alors, avant de construire plusieurs CEVA, Monsieur Brunier, construisons aussi d'autres choses, puisqu'on parle de la complémentarité !
Vous avez évoqué le CEVA, et puisqu'on parle de développement des transports publics, permettez-moi aussi de mentionner la traversée de la Rade ou d'autres moyens qui permettraient d'améliorer l'attractivité des transports publics. Là aussi, nous devons faire un effort et engager les moyens nécessaires. Le ratio de 50/50 que M. Odier a cité tout à l'heure permet un effort public que l'on contrôle tous les quatre ans par le biais du renouvellement du contrat de prestations. Au groupe libéral, nous portons une attention toute particulière à cela, pour avoir, en contrepartie de l'argent investi par les pouvoirs publics dans les transports publics, une amélioration et l'efficacité la plus probante. A ce titre, nous nous sommes abstenus lors du vote du dernier contrat de prestations, parce que nous avions des doutes concernant son financement. J'ai entendu tous les groupes qui se sont exprimés remettre en question les dispositions tarifaires... Mais, Mesdames et Messieurs les députés de tous les autres groupes, toutes ces belles paroles, il fallait les dire lors de la discussion sur le contrat de prestations ! Parce que la conception tarifaire des TPG est comprise dans le contrat de prestations ! Tout le parlement l'a voté, hormis le groupe libéral qui s'est abstenu, en partie à cause de cela ! Vous l'avez tous voté il y a deux mois, et maintenant vous venez nous dire qu'en fait on pourrait peut-être modifier ceci ou cela pour les jeunes, etc. ! Il fallait le dire à ce moment-là ! Je crois donc qu'il y a un problème dans votre discours !
Revenons à cette initiative, qui pose réellement la question de l'efficacité des transports publics. Le parti libéral a toujours dit que pour respecter la complémentarité des transports, il fallait développer les transports publics. Nous refusons donc cette initiative.
M. Ivan Slatkine (L). Je vais être bref, mais je voulais quand même rappeler quelques points, parce qu'on parle de complémentarité des modes de transport. Pour le parti socialiste, intéressez-vous un petit peu aussi aux parkings ! On est en train de traiter ce sujet à la commission des transports et vous y avez brillé par votre absence !
J'aimerais aussi m'adresser à ceux qui prônent la gratuité pour les plus jeunes. Je ne pense pas qu'on éduque en offrant la gratuité. Eduquer, c'est essayer d'inciter les gens à prendre les transports publics, mais cela ne se fait certainement pas en offrant tout gratuitement. On n'éduque pas avec la gratuité ! Je vais prendre pour exemple certains journaux gratuits dont je ne sais pas s'ils sont des modèles d'éducation... Peut-être faudrait-il être un peu plus attentifs à ce niveau-là. C'est pour cette raison que le groupe libéral s'opposera à toute forme de gratuité, que ce soit pour les plus jeunes, que ce soit pour les actifs ou que ce soit pour les plus vieux. Dans notre canton, les plus jeunes qui ont besoin d'être aidés le sont, les plus vieux le sont aussi et les actifs qui manquent de moyens le sont également à travers l'Hospice général. Alors, ne mélangeons pas tout ! La politique des transports dans ce canton a un coût, il faut l'assumer; on ne peut pas dépenser plus que ce que l'on dépense déjà aujourd'hui pour les transports publics.
On a déjà un programme ambitieux pour le développement de nos transports publics; aujourd'hui il s'agit de travailler en parallèle sur le développement du réseau routier et, si possible, sur une traversée du lac ou de la rade - on peut choisir son expression - pour permettre encore plus le développement des transports publics au centre-ville. Ce développement aura un coût, il faut que la population y participe. Et puis, le troisième pilier de la politique des transports, que beaucoup oublient ici, c'est la politique en matière de parkings. Là, il y a encore de gros efforts à faire, car, pour que les gens prennent le bus, il faut qu'ils sachent où stationner leur voiture.
M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Au fond, dans ce débat, tout a été dit et beaucoup de choses l'ont déjà été d'emblée par Mme Flamand, rapporteur de la commission, lors de son commentaire. J'aimerais toutefois que l'on se concentre sur ce qui a été l'objet de l'intervention de quelques-uns d'entre vous et qui est de bien comprendre que c'est aujourd'hui que la campagne de votation va commencer. Le Conseil d'Etat vous l'avait dit au moment où il vous avait fait un rapport au sujet de cette initiative, cette dernière ne pose pas de problème au niveau de sa recevabilité juridique, du reste le Grand Conseil l'a constaté. Toutefois, quant à la façon de pouvoir appliquer cette initiative, je crois qu'il faudra le dire et le répéter avec force ces prochains mois: il ne s'agit pas d'une initiative pour la gratuité des transports publics - parce que quelqu'un paiera tout de même la facture, qui que ce soit mais quelqu'un paiera ! En revanche, ce qui est sûr, c'est une initiative pour le démantèlement des transports publics ! (Applaudissements.) Il n'y a là aucune espèce d'argument excessif, c'est une description de la réalité ! Concrètement, aujourd'hui, lorsqu'on compte le prix d'un billet, sur un franc l'utilisateur des transports publics paie environ un peu plus de 40 centimes. La collectivité publique paie le reste: 50 centimes sont payés par le canton et quelques centimes par la Confédération et les communes.
Demain, si l'on doit se priver de ces 40 centimes, parce que c'est bien comme cela que ça va se passer, qu'adviendra-t-il? Je vous le dis très simplement, et c'est la réponse aux questions très justes que vous posiez tout à l'heure, Monsieur Catelain. Que va-t-il se passer si les transports publics sont gratuits ? Il se passera la chose suivante: les TPG vont continuer à bénéficier du contrat de prestations et recevoir 150 millions de francs par année. Que feront-ils avec ces 150 millions ? Eh bien, ils assumeront leurs engagements financiers, c'est-à-dire que cet argent servira d'abord à amortir le matériel, à rembourser les banques et à honorer les différents contrats conclus par les TPG. Avec le reste, on fera ce que l'on pourra ! Cela veut dire très concrètement qu'on devra se priver des ressources des voyageurs, c'est-à-dire en somme pas loin de la moitié des ressources des TPG ! Sur l'autre moitié, c'est-à-dire ce que l'Etat donne, on ne pourra pas utiliser cet argent pour faire tourner les bus mais on en utilisera une très grande partie pour payer les banques et pour payer les fournisseurs. C'est à ça qu'on va utiliser l'argent et il n'en restera finalement plus que très peu pour effectivement faire tourner les bus.
Alors, la conséquence de cette initiative, je le dis très sereinement, ce sera des licenciements massifs aux TPG ! Je ne sais pas si ce sont là les préoccupations sociales des personnes qui ont proposé cette initiative. Monsieur Brunier, vous disiez qu'ils étaient animés par la volonté de réaliser un projet social... Si leur projet social, c'est le licenciement de centaines de personnes, alors ce projet social est assurément garanti par cette initiative, parce que ça en sera la première conséquence ! Après le licenciement des collaborateurs ou d'une bonne partie d'entre eux, la deuxième conséquence sera que beaucoup moins de bus tourneront, ma foi ! Assurément, ce sera gratuit, mais au lieu d'avoir un bus toutes les trois minutes ou toutes les six minutes, on aura un bus toutes les demi-heures. Et dans les endroits où aujourd'hui on a un bus toutes les vingt minutes, il passera toutes les deux heures !
Je vous garantis que si demain vous avez un bus toutes les deux heures, non seulement il sera gratuit mais en plus il sera très confortable parce qu'il sera toujours vide ! On va donc garantir par le biais de cette initiative tout à la fois la gratuité et un confort inégalé pour les utilisateurs ! Toutefois, dès ce moment, plus personne ne prendra le bus et cela équivaudra concrètement au démantèlement total de toute politique en matière de transports publics ! C'est exactement le contraire de ce que veulent les initiants !
Je peux faire la même démonstration dans l'autre sens. Si demain, quelque bienveillant personnage se présente dans cette salle en disant: «Monsieur le conseiller d'Etat, vous m'êtes éminemment sympathique et j'ai décidé de vous donner 140 millions de francs pour les transports publics», que ferais-je ? Assurément, pas rendre les transports publics gratuits ! Je prendrais ces 140 millions de francs pour développer l'offre comme on ne l'a jamais vue à Genève et je sais que c'est comme ça qu'il y aura beaucoup plus de gens qui auront envie d'utiliser les transports publics ! Si l'on veut un système de transports publics attractif, ceux-ci ne doivent pas être gratuits, ils doivent être massifs. Et si les initiants ont quelques bonnes idées pour trouver de l'argent pour les transports publics, parce qu'apparemment c'est le corollaire de leur initiative, qu'ils les mettent en application et qu'ils nous apportent vite cet argent pour que nous arrivions à développer encore beaucoup mieux et beaucoup plus vite notre réseau ! C'est ça l'objectif !
Il me semble que ces quelques mots ne parlent pas uniquement à l'émotion, ils parlent à la raison et c'est avec ce type d'arguments que nous aurons, Mesdames et Messieurs les députés, à convaincre que le titre de cette initiative est calamiteux. La gratuité n'existe pas; en revanche, ce qui existe, c'est un véritable risque de démantèlement de cet effort que le Grand Conseil s'est imposé ces dernières années: une augmentation de 50% de l'offre entre 2003 et 2010, ce qui est merveilleux. Tout cela serait terminé avec cette initiative. Alors, résolument, disons non à cette initiative et au démantèlement des transports publics ! Engageons-nous dans une lutte ferme contre cette initiative !
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Pierre Weiss (L). Nous avons fortement appuyé les dernières déclarations du Conseil d'Etat et je demande le vote nominal sur cette importante initiative.
Des voix. Bravo ! (Exclamations.)
La présidente. Votre demande est soutenue.
Mise aux voix à l'appel nominal, l'initiative 127 est refusée par 79 non et 4 abstentions. (Exclamations à l'annonce du résultat.)
Mis aux voix à l'appel nominal, le principe d'un contre-projet est refusé par 76 non contre 4 oui et 3 abstentions.
Le Grand Conseil prend acte du rapport du Conseil d'Etat IN 127-A (sur la validité et prise en considération de l'initiative).
Le Grand conseil prend acte du rapport de commission IN 127-C.
La présidente. Nous passons point 44 de l'ordre du jour avec la motion 1738 pour laquelle le traitement en urgence a été accepté. Je vous rappelle que le débat est en catégorie II, soit trente minutes, avec trois minutes par groupe.