Séance du jeudi 25 janvier 2007 à 20h30
56e législature - 2e année - 4e session - 17e séance

IN 138
Initiative populaire 138 : "S'organiser contre l'échec scolaire et garantir une formation pour tous les jeunes"
IN 138-A
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la validité et la prise en considération de l'initiative populaire 138 : S'organiser contre l'échec scolaire et garantir une formation pour tous les jeunes

Préconsultation

La présidente. Je vous rappelle qu'il s'agit d'un débat de préconsultation sur la base du rapport du Conseil d'Etat au sujet de la validité et de la prise en considération de l'initiative. Monsieur le député François Thion, vous avez la parole.

M. François Thion (S). Merci, Madame la présidente. Le parti socialiste accueille avec un grand intérêt cette initiative. Pour ce qui est de sa recevabilité, aussi bien formelle que matérielle, nous partageons l'avis du Conseil d'Etat.

Cette initiative respecte l'unité de la matière, je crois. Elle porte sur la loi sur l'instruction publique, la LIP. Le but de l'initiative est d'améliorer la qualité de l'instruction publique, et je crois que c'est une très bonne chose. L'unité de la forme est également respectée: l'initiative est entièrement rédigée. L'unité de genre est aussi respectée, puisque les trois nouvelles dispositions proposées dans cette initiative entrent dans la loi sur l'instruction publique. Cette initiative est également conforme au droit supérieur, je crois qu'il n'y a aucun problème à ce sujet.

En ce qui concerne le fond de l'initiative, puisque je suis le premier à m'exprimer, rappelons que celle-ci comporte trois volets.

Un premier volet concerne le soutien pédagogique, qui est extrêmement important pour les élèves en grande difficulté, que ce soit à l'école primaire, au cycle d'orientation ou dans le postobligatoire. On sait que Genève n'était pas très bien classée dans les résultats de l'enquête PISA, surtout parce qu'une catégorie importante d'élèves connaissent de grandes difficultés. Et l'initiative a pour objectif d'encadrer beaucoup mieux et beaucoup plus tôt ces élèves-là.

Ensuite, un deuxième volet de l'initiative porte sur le dixième degré et le postobligatoire. Ce volet a trait à la reconnaissance des acquis. Un des problèmes constatés à la sortie du cycle d'orientation, c'est qu'un certain nombre d'élèves commencent le collège mais n'y arrivent pas et refont une année. Ensuite, toujours en situation d'échec, ils décident de changer d'orientation ou doivent être redirigés vers une autre école, l'Ecole de culture générale ou l'Ecole de commerce. Les initiants souhaiteraient - à juste titre, je crois - que ces premières années ou semestres passés dans ces écoles du postobligatoire puissent être reconnus, pour que ces jeunes ne perdent pas trop de temps.

Enfin, le troisième volet de l'initiative concerne l'organisation du cycle d'orientation. L'initiative propose notamment que la première année de cycle d'orientation, la «septième», soit hétérogène - je pense que c'est une très bonne chose et qu'il faudra revenir sur ce débat - donc une septième année qui soit hétérogène, de manière qu'il y ait une continuité avec l'école primaire, que le cycle d'orientation puisse vraiment jouer son rôle d'orientation et que la sélection des élèves ne s'effectue pas avant ce moment.

Je suis tombé récemment sur un article relatif à l'éducation en Finlande. Vous savez que les résultats de l'enquête PISA de 2003 placent les Finlandais premiers en lecture, premiers en sciences, premiers en maths et deuxièmes pour la résolution de problèmes. L'école finlandaise est extrêmement intéressante et, si l'on regarde ce qui se passe là-bas, l'initiative va en fait dans le même sens. C'est-à-dire qu'elle demande qu'il y ait des classes hétérogènes et que le rythme d'apprentissage soit adapté aux enfants. L'initiative demande aussi une aide ciblée dès le plus jeune âge, c'est-à-dire que l'on retire un certain nombre de cours aux élèves pour les aider dès les premiers apprentissages. Je crois que ça va dans le sens d'un certain nombre de choses qu'on essaie maintenant de faire à l'école primaire. En Finlande, par ailleurs, les effectifs des classes sont réduits. L'initiative ne parle pas de ça, mais je crois que c'est aussi important et qu'il faut le rappeler. Plus les effectifs sont réduits, mieux ça va dans les classes !

Et puis, cela ne figure pas non plus dans l'initiative mais je tiens à le rappeler aussi, les enseignants finlandais sont bien formés. On demande aux enseignants du primaire l'équivalent d'un master en éducation, c'est-à-dire cinq ans de formation supérieure. Pour les enseignants du secondaire, c'est un master dans la discipline enseignée plus une année ou deux de formation universitaire en éducation qui sont exigés. Ça, c'est la réussite de la Finlande ! Je crois que l'initiative ne pouvait pas évoquer la formation des enseignants sous peine de ne pas respecter l'unité de la matière, mais je crois qu'on va reparler de ce sujet ici, au Grand Conseil.

Je pense donc qu'il faut faire bon accueil à cette initiative. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)

La présidente. Merci, Monsieur le député. Je vous rappelle que nous ne sommes pas dans un débat sur le fond, mais sur la recevabilité de l'initiative. La parole est à Mme la députée Ariane Wisard-Blum.

Mme Ariane Wisard-Blum (Ve). Merci, Madame la présidente. Le peuple s'est prononcé en faveur d'une harmonisation scolaire fédérale. Alors même que l'école va évoluer prochainement vers cette harmonisation, il est paradoxal de voir fleurir une multitude d'initiatives populaires cantonales qui viennent bousculer l'école genevoise.

Après celle, acceptée par le peuple, pour le maintien des notes à l'école primaire, les auteurs de l'initiative 134 au titre trompeur «Pour un cycle qui oriente» ont ouvert le feu sur le cycle d'orientation.

En réponse à cette proposition dramatiquement sélective, la Coordination Enseignement a récolté presque 12 000 signatures en faveur de cette nouvelle initiative populaire sur le cycle intitulée «S'organiser contre l'échec scolaire et garantir une formation pour tous les jeunes».

Si nous, les Verts, y trouvons - y retrouvons - des idées que nous défendons, comme les soutiens pédagogiques pour les élèves en difficulté et une organisation du cycle d'orientation qui se rapproche de celle proposée dans notre programme sur l'école, nous sommes très inquiets de voir l'école à nouveau prise entre deux feux. Suite à l'acceptation par le peuple de l'initiative sur le retour des notes à l'école primaire, il aurait fallu que l'école puisse retrouver un peu de sérénité et de paix.

Certes, une réflexion sur le cycle d'orientation est nécessaire. Actuellement, regroupements «A» et «B» ne satisfont personne. Les adolescents qui se retrouvent en niveau «B» sont très souvent stigmatisés et démotivés; ils perdent espoir en leur avenir scolaire et professionnel. C'est pour cela que l'école doit trouver des nouvelles solutions car, malheureusement, pour lutter contre l'échec scolaire il n'existe pas une seule solution, mais des solutions multiples et variées, les raisons des échecs scolaires étant souvent très différentes.

Une initiative en ayant entraîné une autre, puis une nouvelle, le sujet de l'école se complique pour la population et nous craignons que cela ne permette pas à l'école de demain - qui doit s'adapter à l'évolution de la société et offrir à chaque élève une formation de base - de se construire de manière cohérente.

En conclusion, les Verts pensent que cette initiative est recevable et conforme au droit supérieur.

M. Jacques Follonier (R). Mesdames et Messieurs les députés, je ne parlerai pas ici du fond de l'initiative, puisque ce n'est pas le lieu, mais de la recevabilité. L'unité de matière me pose un problème quant à l'exigence interdisant de mêler dans un objet soumis au peuple plusieurs propositions de natures et de buts différents, qui forceraient ainsi le citoyen à une approbation d'une proposition globale, alors qu'il pourrait n'être d'accord qu'avec une partie des propositions qui lui sont soumises. Or, j'ai la sensation très ferme que, dans le cas de cette initiative, il y a une difficulté en ce qui concerne l'unité de la matière.

Nous avons trois articles. Le premier, l'article 7C qui est modifié, change ainsi toute la loi sur l'instruction publique. Il englobe aussi bien l'école maternelle, l'école primaire - qu'elle soit privée ou publique - que le Collège, y compris l'enseignement tertiaire, tout en touchant l'Ecole de commerce, l'Ecole d'art, voire le Collège du soir pour les adultes. Il ne me paraît pas judicieux d'avoir une telle modification au niveau de la loi par rapport aux articles 44 et 53, proposés après, qui, eux, traitent exclusivement du cycle d'orientation.

Or, la volonté des initiants est très manifestement ciblée sur le cycle d'orientation. On le voit dans le cadre de leur argumentaire où trois constats sont faits: le premier sur l'orientation et la formation, au cycle d'orientation; le deuxième sur l'échec scolaire et l'insertion, au cycle d'orientation; le troisième considérant la réduction des buts de l'école comme un système illégal, toujours dans le cadre du cycle d'orientation ! Dès lors, j'ai un peu de peine à comprendre la démarche.

Nous aurions dû avoir un article 7C modifié le cadre de l'enseignement secondaire et non pas le cadre de la loi générale. J'ai l'impression que nous devrions plutôt partir sur une double initiative, c'est-à-dire scinder cette initiative en deux pour éviter des problèmes de recevabilité.

Alors, j'engage la commission législative à accorder le plus grand intérêt à cette suggestion. Je vous remercie.

M. Yves Nidegger (UDC). Il s'agit d'une initiative qui se caractérise par son esprit réactionnaire. Au fond, on veut répondre à une autre initiative et surenchérir sur la manière de faire des réformes. Ici, on nous propose de ne pas réformer, mais de rajouter plusieurs couches en termes de quantité, de développer plus de moyens. Et l'on retrouve dans l'esprit des initiants ce refus de remise en question du fonctionnement de l'école qui a été la cause des échecs que l'on connaît et celle du succès de l'initiative de septembre, qui tentait d'amener un vent nouveau.

On retrouve évidemment dans cet esprit réactionnaire un certain mélange, et ceci a été souligné par M. Follonier. Cela pose quelques problèmes de recevabilité et un problème encore plus grave au niveau de l'exécutabilité puisque nous sommes en période de vaches maigres et qu'il va falloir dépenser moins d'argent et non pas plus.

Et puis, si l'on fait des comparaisons internationales, on doit constater que ce n'est pas dans les pays où l'on consacre la plus grande quantité d'argent que l'on obtient les résultats scolaires les meilleurs.

Finalement, nous avons quelques doutes sur la recevabilité que nous souhaitons discuter en commission. Sur le fond, nous allons refuser la prise en considération de l'initiative. Je vous remercie.

M. Pierre Weiss (L). Mesdames et Messieurs les députés, l'initiative 138 lancée par le groupement «Exclure sans former»... Pardon, «Former sans exclure»... (Rires.) Cette initiative vise essentiellement deux buts. D'abord, un soutien pédagogique pour les élèves en difficulté, ensuite l'introduction de la septième année hétérogène.

En ce qui concerne le premier objectif, les initiants sont évidemment beaucoup plus dégagés de responsabilités et de contraintes que les députés et ils peuvent s'abstenir d'aborder les questions de l'efficacité et de l'efficience des mesures de soutien pédagogique, notamment du coût et du rapport coût-bénéfice de ce qu'ils proposent. Tout le monde veut effectivement et à juste titre lutter contre l'échec scolaire, encore faut-il savoir de quelle façon on le fera. C'est un point que la commission de l'enseignement examinera évidemment, une fois que, par hypothèse, la recevabilité aura été décidée par la commission législative.

En ce qui concerne le deuxième point, l'introduction de la septième hétérogène, il s'agit de bien se rendre compte d'une chose: on peut discuter, comme on l'a fait ce soir, de la lettre et de l'esprit de nos lois... Certains considéraient que l'esprit devait prévaloir sur la lettre. Il est clair qu'ici l'esprit des Genevois serait violé, qu'un déni de démocratie est au fond commis, dans la mesure où le peuple s'est très clairement exprimé il y a quelques années sur le fait qu'il ne voulait pas de la septième hétérogène. Voilà de l'obstination démocratique !

Si la recevabilité sur la forme doit quand même être abordée, les considérations de mon collègue Follonier mériteront d'être rappelées, notamment sur l'unité de la matière. Il faut bien se rendre compte, d'autre part, que la lutte contre l'échec scolaire est un concept polymorphe - peut-être que les psychanalystes parleraient d'un concept polymorphe pervers.

D'autre part, en ce qui concerne la recevabilité sur le fond, le déni des droits populaires méritera d'être rappelé et les libéraux ne se feront pas faute de le remémorer.

Finalement, il s'agit de poser une appréciation politique. L'une de nos collègues, Verte, a dit que la question scolaire faisait fleurir les initiatives... Je crois que le chef du département s'est exprimé avec sagesse lorsqu'il a souhaité qu'une voie pondérée soit adoptée pour sortir l'école des difficultés et des querelles actuelles, pour le bien de tous les Genevois et de ses élèves.

Cette initiative, au fond, est une déclaration de guerre à la majorité de la population. Elle ne répond donc pas à la condition d'aplanir les querelles mais, au contraire, elle les aggrave; elle mine la sérénité que pourrait retrouver l'école. C'est la raison pour laquelle il conviendra de lui opposer, si la recevabilité était accordée, le non le plus résolu.

D'autre part, nous, députation libérale, aborderons cet objet en considérant aussi l'autre initiative qui a été déposée sur une complication des sections dans le cycle, avec le même esprit de raison et de recherche du juste milieu. Je dirai que cette initiative-là ne relève pas de cette philosophie de bombe lancée contre la volonté populaire. Néanmoins, comme toujours, nous chercherons un compromis pouvant bénéficier au plus grand nombre et à nos jeunes en particulier, puisque nous savons fort bien que cette question ne sera qu'un prélude à une discussion plus vaste qu'il conviendra de mener également sur la question qui suivra sur l'organisation du Collège et, notamment, sur la durée des études devant mener à la maturité.

Donc, il conviendra d'avoir ces différents points en tête lorsque nous nous prononcerons. Cette initiative, manifestement, rendrait difficile une «helvétisation» de notre système de formation.

M. François Gillet (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, pour le groupe démocrate-chrétien, cette initiative ne pose a priori aucun problème de recevabilité. Pour nous, il est évident que cette initiative joue un peu le rôle de contrepoids à l'initiative 134, déposée précédemment.

Les objectifs de cette initiative sont louables. Nous pensons cependant que sa forme pose problème. Il est vrai qu'il devient nécessaire de réformer le cycle d'orientation, mais nous estimons que ni l'une ni l'autre de ces deux initiatives ne nous donnent les bonnes réponses.

Par conséquent, nous croyons qu'il sera indispensable d'élaborer un contreprojet à ces initiatives et nous sommes tout à fait prêts à y collaborer de façon constructive.

Ce qui nous semble essentiel pour les futures discussions concernant ces deux initiatives, c'est avant tout l'esprit dans lequel devraient se dérouler nos travaux. Nous espérons qu'ils se tiendront dans un climat plus serein et moins polititisé que lors du récent débat sur le retour des notes à l'école primaire.

M. Christian Brunier (S). Mesdames et Messieurs les députés, je serai très bref, puisque François Thion a déjà donné largement la position du parti socialiste. J'aimerais juste ajouter deux à trois petites choses.

Premièrement, pour répondre à celles et ceux qui pensent que c'est l'initiative de trop sur le cycle d'orientation, il est vrai qu'aujourd'hui l'école a besoin de sérénité, elle a besoin d'un projet fédérateur.

C'est vrai aussi que le cycle d'orientation, dans sa forme actuelle, ne répond plus vraiment aux besoins des jeunes. Là, je pense qu'on peut tous être d'accord. Il faut redéfinir le cycle d'orientation. Nous avons, selon nos valeurs, des remèdes forts différents et c'est vrai que cette initiative ne reflète pas l'avis de votre majorité puisqu'elle demande plus de suivi pédagogique, un suivi plus personnalisé: plus de moyens, et des moyens adaptés. C'est ce que vous ne voulez pas faire par principe ! Certains ont dit qu'il ne fallait pas donner plus de moyens à l'école... Il faut en tout cas lui donner des moyens appropriés et l'on sait que, selon le corps enseignant, au cycle d'orientation en particulier, ces moyens appropriés ne sont pas toujours au rendez-vous.

Nous voulons aussi une école - et cette initiative va dans ce sens - qui oriente les jeunes et qui ne soit pas une école qui les sélectionne trop tôt. Je vous rappelle qu'on parle aujourd'hui de sélection à 11-12 ans... Alors que la plupart des jeunes ont une carrière professionnelle qui commence maintenant plutôt vers 22-23 ans. Et même pour les apprentis ! Je vous rappelle que l'âge moyen d'entrée en apprentissage est aujourd'hui de 17 ans et demi. Quand vous rajoutez trois à quatre ans d'apprentissage, plus éventuellement une «matu» professionnelle, vous voyez qu'il n'y a aucune raison de sélectionner trop tôt les enfants. Il faut leur laisser un maximum de chances et cette initiative va dans le bon sens !

Et puis, il y a le tronc commun pour l'ensemble des enfants de septième année. M. Weiss dit que nous revenons sur un vote négatif du peuple... Je vous rappelle que le peuple a dit non à l'hétérogénéité durant les trois années du cycle d'orientation. Nous pensons justement qu'une septième année hétérogène est une nouvelle chance pour adapter le système d'enseignement et redonner des chances à certains élèves, et l'on voit que les cycles hétérogènes ont du succès en la matière.

Nous estimons que reposer la question aujourd'hui au peuple n'est pas un abus de démocratie, mais tout simplement une évolution du débat. Si, par exemple, on n'avait pas reposé la question du vote des femmes, les femmes n'auraient aujourd'hui toujours pas le droit de vote, il ne faut pas l'oublier !

Donc, il s'agit d'une initiative utile au débat. J'espère, nous espérons, comme beaucoup de groupes, à première vue, revenir à un débat plus serein sur l'école. Nous avons connu un débat très agité sur l'école primaire, un débat peu constructif... Nous pensons que c'est mauvais pour l'école et que nous devons retrouver un aspect plus fédérateur.

Il faut mener le débat et c'est vrai qu'il y a aussi des attentes du gouvernement pour tenter de réunir les personnes autour d'une table et essayer de concevoir un cycle plus actualisé et un contreprojet rassembleur.

Toutefois, Mesdames et Messieurs les députés, attention ! Rassembleur ne veut pas dire populiste ! Et nous ne voulons pas, sous prétexte de rassembler beaucoup de monde, revenir à une école qui ne correspondrait plus aux besoins de la société, une école dépassée qui ne représente plus les priorités que nous devons fixer aujourd'hui pour les jeunes et pour notre société.

M. Eric Stauffer (MCG). Simplement, et en étant très bref, je veux dire que le MCG va soutenir cette initiative. Pour reprendre les propos de mon collègue Brunier, le titre de l'initiative à lui seul devrait normalement suffire pour être rassembleur: «S'organiser contre l'échec scolaire et garantir une formation pour tous les jeunes». Eh bien, c'est la mission que nous avons en ce début de troisième millénaire. Je pense qu'effectivement le cycle d'orientation ne répond plus aujourd'hui aux attentes des jeunes.

Par contre, quoique je ne le devrais pas, je peux juste m'étonner que certains partis, qui prônent l'école privée et demandaient même des abattements fiscaux pour les parents des jeunes inscrits en école privée, ne veulent pas soutenir l'école publique. Eh bien nous, nous soutiendrons l'école publique, parce que sa mission première est d'instruire les jeunes et de leur donner la meilleure formation possible pour qu'ils puissent réussir dans la vie.

Je conclurai en disant qu'il ne faut surtout pas oublier que Genève obtient un bonnet d'âne depuis des années en ce qui concerne les résultats des enquêtes PISA.

Madame la présidente, je rappellerai encore à certains partis que c'est eux qui avaient le département de l'instruction publique en main, il y a quelques années, et que cela a abouti à la situation qu'on connaît aujourd'hui. Nous espérons que notre excellent conseiller d'Etat Charles Beer fera tout ce qui est en son pouvoir pour améliorer le niveau d'études à Genève.

M. Charles Beer, président du Conseil d'Etat. Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, je souhaite d'abord vous dire que, pour le Conseil d'Etat, la présence de deux initiatives sur le même projet ouvre la perspective d'un grand débat sur le fond, un grand débat clarificateur pour le cycle d'orientation et également, plus généralement, sur les finalités de notre école publique, même si l'on peut déplorer le fait qu'elles aient été lancées avant même la conclusion des réflexions de la commission qui avait été désignée pour cela.

En préambule, j'aimerais vous dire que cette chance, que je souligne, provient d'une simple observation de notre histoire. D'abord pour rappeler que le cycle d'orientation à Genève est une oeuvre qui a engagé profondément le progrès dans notre canton, prévue, conceptualisée et lancée par un conseiller d'Etat radical, avant d'être développée dans la pratique par un conseiller d'Etat socialiste. En effet, Alfred Borel a pensé le cycle d'orientation qu'André Chavanne a réalisé. Ma foi, force est de constater que ce cycle d'orientation, du début des années soixante jusqu'au début des années septante, a constitué une base de rassemblement permettant à Genève d'être fière de son école.

Plus tard, en 1971, André Chavanne proposait le lancement d'une réforme nouvelle pour le cycle d'orientation, la «réforme II». Cette «réforme II» devait accompagner la construction d'un nouveau cycle d'orientation, il s'agissait du cycle de Budé.

En 1971, le cycle de Budé ouvre; il fonctionne selon la «réforme II», il accueille des classes hétérogènes. En 1974, nouveau cycle d'orientation: le cycle des Coudriers. La «réforme II» s'impose à nouveau comme un élément de progrès dans la vision du chef de département André Chavanne. En 1975, ouverture du cycle d'orientation de Bois-Caran. Première décision: ce cycle sera hétérogène. Seconde décision: c'est le cycle traditionnel qui s'appliquera. Troisième et ultime décision: c'est quand même la «réforme II» qui est appliquée ! Les hésitations pointent le bout de leur nez pour trouver un ultime prolongement en 1976, lors de l'ouverture du cycle du Vuillonnex et avec la décision d'André Chavanne de ne plus étendre la «réforme II», donc les cycles hétérogènes.

Finalement, il faudra attendre le début des années 2000-2001 - ou plutôt 2000, sur le plan parlementaire, et 2001 pour la décision populaire - pour voir ressurgir ce débat sous la forme d'une proposition d'une septième hétérogène. La suite, vous la connaissez: le peuple rejette massivement la septième hétérogène, par deux tiers de votants contre un tiers.

Enfin, c'est un autre cycle d'orientation qui va être développé; ce n'est pas le cycle d'orientation plébiscité par la population en 2001, c'est une nouvelle réforme qui propose, à la place des sections, des regroupements qui développent des options, qui donc s'éloignent du schéma plébiscité par la population genevoise qui avait refusé la septième hétérogène.

Alors aujourd'hui, le cycle d'orientation fait l'objet dans son organisation d'un double rejet. Un rejet, d'une part, de celles et ceux qui restent attachés aux sections, voire qui ont eu tendance à vouloir exagérer le nombre de sections - j'allais dire les hypertrophier - par le biais de l'initiative 134. Un rejet, d'autre part, de celles et ceux qui pensaient que le cycle devait à tout prix devenir hétérogène.

Alors, je reviens sur un élément: l'ambiguïté. Notre histoire est chargée d'ambiguïté sur cette question de l'hétérogénéité et des sections, et le débat sur le plan politique n'a jamais eu d'issue définitive: André Chavanne s'est bien gardé de trancher définitivement; Martine Brunschwig Graf s'est bien gardée de trancher définitivement, en faisant une nouvelle proposition et en conservant les trois années de cycle d'orientation hétérogènes - septième, huitième et neuvième.

Nous avons donc avec deux initiatives, Mesdames et Messieurs les députés, la chance d'entrevoir des perspectives qui nous permettront de réunifier le cycle d'orientation dans notre canton.

Je ne m'exprimerai pas sur le fond de l'initiative, je me contente de m'exprimer sur la forme. Quand il y a deux initiatives et que le peuple, in fine, votera, nous aurons à l'arrivée le même cycle d'orientation partout, et je souhaite qu'il ait trouvé, grâce au débat parlementaire, une assise, une nouvelle légitimité, par un vaste rassemblement.

Comment est-ce possible ? Sur le fond, ça va être le travail de commission, je ne vais donc pas m'y engager. En revanche, si nous adhérons au principe de qualité du cycle d'orientation, au principe de la qualité de la formation, au principe de la démocratisation des études, il conviendra probablement de revenir sur une maxime simple, mais ô combien éclairante pour le développement de l'instruction publique: c'est l'école publique, laïque, obligatoire et gratuite dans notre canton. (Brouhaha.) Cela doit pouvoir, sur le fond, à partir du moment où on met le besoin des élèves en priorité, constituer la base des travaux en commission.

Sur le plan de la forme, et je terminerai ici, par rapport à l'initiative 138, le Conseil d'Etat a estimé qu'elle était recevable - sur la forme; il a estimé que l'initiative s'inscrivant dans la même loi, la loi sur l'instruction publique, il n'y avait pas de problème d'unité de matière.

Fidèles à la doctrine du Conseil d'Etat, nous pensons également que, lorsqu'il y a un doute, c'est toujours au peuple de trancher pour éviter qu'une conception en fin de compte politique n'empêche un débat politique particulièrement important. Au-delà de ces éléments, Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat souhaite que le travail soit particulièrement rapide, que le débat nous permette de trancher rapidement, parce que ce dont l'école genevoise a besoin, c'est de retrouver une base consensuelle synonyme de confiance et, finalement, seul élément reconnu du point de vue de la qualité par les tests PISA qui font régulièrement référence dans vos débats et dans les débats du Conseil d'Etat.

Mesdames et Messieurs les députés, engageons-nous rapidement sur le fond ! Ne nous noyons pas dans des problèmes de forme ! Nous avons devant nous un travail important qui nous attend. Retrouvez un cycle d'orientation rassembleur ! Trouvez un nouveau cycle d'orientation qui nous permette de conjuguer l'école publique, laïque et républicaine aux couleurs du XXIe siècle. (Applaudissements.)

L'IN 138 est renvoyée à la commission législative.

Le rapport du Conseil d'Etat IN 138-A est renvoyé à la commission législative.