Séance du
vendredi 17 novembre 2006 à
20h30
56e
législature -
2e
année -
1re
session -
5e
séance
M 1723
Débat
M. Eric Stauffer (MCG). Comme vous le savez, nous sommes très pointilleux s'agissant de la qualité et du développement de nos PME genevoises. Nous avons réalisé une petite enquête que nous vous avons exposée dans cette motion. Elle met en évidence le protectionnisme naturel de la France, notamment par le biais d'entraves administratives pour nos PME qui désirent travailler sur le marché français. (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) Vous devez savoir qu'il y a environ, en moyenne, trois faillites par jour à Genève - entre les PME et les industries; il est donc nécessaire que les Accords bilatéraux I que nous avons signés avec nos voisins, notamment la France, soient appliqués de part et d'autre avec équité.
C'est la raison pour laquelle nous avons voulu, par cette enquête, montrer ce qui se passe lorsqu'une PME genevoise désire effectuer un chantier en France, chez un privé - je spécifie bien - et quand une PME française souhaite effectuer un chantier à Genève, chez un privé. Le résultat - je ne serai pas long, nous sommes vendredi soir et il est déjà tard - est littéralement affligeant... Lorsqu'une entreprise française téléphone à Genève pour s'informer, la durée totale des démarches est de dix-sept minutes, en deux appels téléphoniques, et l'entreprise française reçoit son autorisation pour commencer son chantier sans autre forme de procès. Par contre, lorsque l'entreprise genevoise appelle la France pour s'enquérir des autorisations, eh bien, Mesdames et Messieurs les députés, il lui faut trois heures trente et onze appels téléphoniques pour se voir opposer une fin de non recevoir, à savoir qu'il faut avoir un représentant fiscal en France - donc, domicilié en France - pour pouvoir effectuer un chantier chez un privé !
Je complète mon explication, car j'ai remarqué qu'il y avait une certaine confusion... Si la PME genevoise effectue des travaux chez un professionnel en France, elle n'a pas besoin d'un représentant fiscal, puisque cette entreprise française est assujettie à la TVA - elle porte un numéro de TVA comme c'est le cas chez nous. En revanche, lorsque la PME genevoise doit effectuer des travaux chez un privé, le privé n'étant pas assujetti, l'Etat français demande qu'il y ait un représentant fiscal domicilié en France. Cela constitue une entrave grave aux Accords bilatéraux ! La France se réfugie derrière des artifices de lois fiscales.
J'ai dit que j'allais être bref et je vais respecter mon engagement. Je conclurai en vous lisant l'article du Ministère des finances français. Il s'agit des nouvelles directives qui ont été pondues en 2002 - c'est donc très récent - et qui sont entrées en application en septembre de cette année. Encore une chose: cette enquête a été réalisée le jour du dépôt de la motion, à savoir le 26 octobre 2006. C'est donc tout à fait actuel. Et comme nous avons cité tous les noms des fonctionnaires et les numéros de téléphone, ceux qui ont des doutes pourront contrôler. Je cite donc le Ministère des finances français: «Maintien de la représentation fiscale pour les assujettis non établis dans la Communauté européenne. Seules les personnes non établies dans la Communauté européenne et qui réalisent en France des opérations imposables ou qui doivent y accomplir des obligations déclaratives sont désormais tenues de faire accréditer auprès du service des impôts un représentant assujetti établi en France, qui s'engage à remplir les formalités incombant à cette personne et qui, en cas d'opérations imposables, est redevable de la taxe.» Voilà la triste réalité des Accords bilatéraux I, conclus notamment entre la France et la Suisse !
Mais vous devez encore savoir une chose. Nos PME genevoises, qui sont, comme tout le monde le sait - il y a beaucoup d'entrepreneurs parmi les députés - submergées par des taxes multiples et diverses, doivent de temps en temps se prêter à ce qu'on appelle un «contrôle TVA». Ce qui est normal. Un représentant de la TVA débarque et vient contrôler si tout a été bien réglé. Eh bien, figurez-vous qu'aucun contrôle TVA n'est prévu pour les entreprises françaises qui viennent opérer à Genève, pour la simple et bonne raison que la Suisse n'exige pas de représentant fiscal domicilié en Suisse ! Cela donne donc lieu - renseignements pris - à toutes sortes d'abus, puisque, nous, nous faisons confiance à nos voisins... Nous demandons simplement - nous avons un représentant des douanes suisses parmi nous qui pourra le confirmer - quand l'entrepreneur français effectue sa déclaration en douane, qu'il ajoute le matériel et la main-d'oeuvre et qu'il s'acquitte de la TVA. Ce qui fait que tout ce qui est surfacturé ne tombe pas dans les caisses fédérales. Et cela ne va pas non plus !
Mesdames et Messieurs les députés, pour toutes ces bonnes raisons, dont la principale est que le Conseil d'Etat genevois, représenté par nos sept conseillers d'Etat, rencontre le Ministère public de la Confédération une fois tous les deux ans - c'est dire si c'est important, parce que la prochaine rencontre, pour parler notamment du respect des Accords bilatéraux, aura lieu dans deux semaines - nous vous invitons à renvoyer de facto cette motion, telle quelle, au Conseil d'Etat. En effet, si nous «loupons» cette échéance, notre Conseil d'Etat ne pourra pas faire valoir la voix de ce parlement avant deux ans !
Nous vous demandons donc de soutenir la présente motion déposée par le Mouvement Citoyens Genevois.
M. Gabriel Barrillier (R). Pour une fois, je constate que notre collègue a fait une investigation tout à fait intéressante... Tel Sherlock Holmes, il s'est livré à un exercice tout à fait pertinent !
Tout cela pour vous dire, Monsieur le député, que cette problématique est parfaitement connue, et par le Conseil d'Etat et par les associations professionnelles. Il est vrai que depuis trois ans, malgré toutes les informations que nous avons données au sein de l'Union alémanique des arts et métiers, malgré la publication d'un ouvrage intitulé «Comment travailler en pays voisin» - utilisé du côté français pour aller en Suisse et du côté suisse pour aller en France - nous nous cassons les dents - je dis «nous», car cela concerne essentiellement les personnes qui travaillent dans les métiers de la construction - sur le protectionnisme français ! Et les éléments que vous avez signalés sont connus. Il y a plusieurs obstacles: le siège fiscal, l'assurance décennale - nous n'allons pas trop entrer dans les détails, parce que c'est un sujet très technique - la reconnaissance des diplômes, même si l'on nous dit que les choses sont réglées à ce niveau...
Hier encore, j'ai appris par une entreprise, qui a soumissionné pour les travaux de construction du Centre de loisirs de la Migros à Neydens, une entreprise genevoise performante - performante, Monsieur le président du Conseil d'Etat ! - qui a déposé un brevet, car elle a inventé un nouveau système pour réaliser une surface importante de ce centre en bois... Eh bien, cela fait deux mois qu'elle tente d'obtenir une autorisation de reconnaissance de ce brevet ! Donc, vous voyez que les entreprises genevoises sont également compétitives ! Je vous dis cela, parce que tout à l'heure, en aparté, vous m'avez laissé entendre que nos entreprises n'étaient pas très brillantes... C'est donc vrai, chers collègues, qu'il est difficile pour nous de travailler en France. Et, même si nous faisions partie de l'Union européenne, nous rencontrerions les mêmes difficultés, parce que nous savons que les Allemands, les Belges, les Espagnols, peuvent difficilement travailler en France !
Alors, nous avons différentes possibilités de traiter cette motion... Je crois savoir, Monsieur le conseiller d'Etat, que vous allez bientôt rencontrer vos collègues français. Cette problématique a été abordée à moult reprises dans le cadre du Comité franco-genevois. Des négociations ont été entreprises entre M. Wasescha, notre ambassadeur, et les autorités françaises à Paris, mais nous n'avons jamais rien obtenu ! Nous n'avons jamais obtenu de résultats ! Dès lors, si vous le souhaitez, nous pouvons vous renvoyer cette motion, qui constituera un soutien du parlement, pour essayer d'obtenir une amélioration à ce niveau, de sorte que la réciprocité ne reste pas lettre morte.
La présidente. Merci, Monsieur le député. Le Bureau vous propose de clore la liste des intervenants. Sont encore inscrits: M. Gilbert Catelain, M. Alain Meylan, M. Roger Deneys, M. André Reymond, M. Eric Leyvraz, M. Guy Mettan et Monsieur le conseiller d'Etat Pierre-François Unger.
M. Gilbert Catelain (UDC). J'ai lu avec un intérêt particulier la motion rédigée par le groupe MCG et, dans les grandes lignes, je ne peux que confirmer ce qui se pratique. C'est connu de la plupart des milieux concernés - M. Barrillier l'a évoqué - et cela a fait l'objet de débats dans cette enceinte.
J'aimerais simplement relever que les Accords bilatéraux ne se limitent pas à cet aspect de l'échange économique; ils portent sur sept aspects, me semble-t-il. C'en est un parmi d'autres, et ce n'est pas le seul où la Suisse, respectivement le canton de Genève, ont des difficultés avec la France. Je donnerai un exemple: la liberté de circulation. Des associations - qui sont aussi représentées dans ce Grand Conseil - ont demandé une plus grande facilité de circulation, notamment pour les Suisses qui se rendent en France. Cette demande a été faite au sein du Comité régional franco-genevois, auprès du Ministère des finances, puisque c'est une question qui dépend de ses services. Eh bien, cela fait deux ans que le Comité régional franco-genevois attend la réponse du ministère ! Cette inertie, qui est propre à la France, se reflète dans ce dossier comme dans d'autres. La question est de savoir si la France maintient ces blocages et traîne les pieds pour mettre en oeuvre ces accords de façon délibérée... Je vous dirai que si vous discutez avec des hauts cadres de certaines administrations, vous vous rendez compte qu'ils ne connaissent tout simplement pas ce que sont les Accords bilatéraux ! Ces difficultés proviennent donc également d'un manque de connaissance de ces accords. Et le MCG a dû s'en rendre compte en faisant son enquête.
Nous sommes donc confrontés à plusieurs problèmes: un problème d'inertie, un problème - peut-être ? - de mauvaise volonté et - certainement - un problème de protectionnisme, pour que les entreprises françaises n'aient pas trop de concurrence sur le territoire français. Nous devons donc lutter contre cette situation, dans la mesure où la Suisse a joué le jeu pleinement et qu'il est en effet très facile pour une entreprise étrangère de venir travailler en Suisse. Il est même possible de le faire par Internet en déclarant une fausse raison sociale: personne n'ira contrôler si elle est juste ou pas ! Donc, n'importe qui peut venir travailler en employant une main-d'oeuvre légale ou pas ! A moins de mettre sur pied des contrôles actifs, je crois effectivement qu'il n'y a aucun obstacle...
Cela étant dit, nous devrons tous oeuvrer à une meilleure collaboration et à une meilleure efficacité dans les échanges économiques transrégionaux. Cela mérite un débat en commission où nous devrons auditionner les différents responsables pour mettre les points sur les i, si nécessaire, et, en tout cas, pour clarifier la situation.
Je vous donne encore un autre exemple. Le peuple suisse vient de plébisciter la loi sur les étrangers, qui prévoit, à l'article 25, qu'une personne non ressortissante d'un Etat de l'Union européenne - par exemple, une Canadienne - qui est domiciliée dans la zone frontalière pourra venir travailler à Genève après une durée de séjour de six mois. Très bien ! Que se passe-t-il côté français ? Cette même résidente canadienne, domiciliée dans la zone frontalière depuis plusieurs années, ne peut pas accéder au marché du travail français ! A moins que l'entreprise n'accepte des formalités administratives dont le coût s'élève à 15 000 euros ! Les blocages de l'administration française vis-à-vis de la population étrangère et sa volonté de protéger son marché économique ne visent pas seulement la Suisse, mais aussi les ressortissants étrangers non ressortissants de l'UE qui sont domiciliés sur son territoire !
Nous avons donc affaire ici à un vaste débat, qui concerne aussi la Confédération. C'est l'occasion de mettre cette dernière devant ses responsabilités avant que nous ne risquions des référendums en 2009 sur les Accords bilatéraux.
M. Alain Meylan (L). Comme l'a indiqué M. Barrillier, les difficultés qui sont rapportées sont vécues depuis des mois par des entreprises. Elles existent donc bien; elles sont connues, ce n'est pas une surprise ! Il ne faut pas tout d'un coup les monter en épingle en disant que c'est inadmissible ! Cela fait des années que l'on travaille sur ces Accords bilatéraux et cela implique un temps de mise en route. Les points noirs sont connus, la plupart d'entre eux sont relevés dans ce rapport. Mais il est vrai aussi que les entreprises, qui sont membres d'associations professionnelles, peuvent se faire aider par ces associations pour trouver des solutions. Ces solutions existent. Des passerelles sont maintenant mises en place dans tous les domaines évoqués dans cette motion, notamment pour le représentant fiscal. On sait maintenant comment faire pour trouver un représentant fiscal, et il n'est plus nécessaire de faire de multiples téléphones. On sait aussi dans quel cas il est nécessaire d'avoir une assurance décennale ou non.
Les écueils sont donc connus, ils le sont au point que nous sommes intervenus à moult reprises auprès de l'ambassadeur Wasescha, qui est le responsable suisse des relations franco-suisses sur l'application des Accords bilatéraux. Au niveau diplomatique, nous savons aussi intervenir auprès des bonnes personnes. Tout ce travail a donc été effectué, les rencontres ont eu lieu, et cette motion n'a rien découvert de nouveau. Je le répète: tous ces faits sont connus.
Il est vrai qu'à la polémique et au populisme de cette motion nous préférons l'action sur le terrain. Elle est certes difficile, mais nous la menons dans le sens des Accords bilatéraux, avec la volonté bien comprise de ce qui constitue un succès économique, qui nous permet, justement, d'avoir un développement sur l'extérieur.
De ce point de vue, donc, cette motion n'apporte rien de neuf, puisque tous ces faits sont connus. Je la trouve de surcroît quelque peu exagérée, et la façon dont elle a été réalisée est tout à fait contestable. Néanmoins, elle peut apporter une pierre supplémentaire aux relations que nous entretenons avec nos partenaires français: c'est peut-être un moyen de montrer que ces problèmes existent et qu'il faut les résoudre.
La difficulté de cette motion, c'est que les problèmes soulevés n'ont rien à voir avec les Accords bilatéraux ! Ils sont liés à l'application de la législation française ! Il est possible de travailler en France, mais il faut respecter la législation française. C'est la même chose pour les Français qui viennent chez nous: ils doivent respecter notre législation ! Alors, certes et heureusement pour notre économie, notre législation est plus souple que la leur ! Mais, quoi qu'il en soit, les entreprises françaises en France sont confrontés aux mêmes problèmes: elles doivent aussi trouver un représentant fiscal, prendre une garantie décennale ! Ce n'est pas l'application des Accords bilatéraux qui est en cause, c'est la complexité de la législation française et les dédales de son administration ! Et nous n'avons pas l'habitude de travailler dans un tel contexte. La première invite de cette motion tombe donc tout à fait à côté.
Pour ce qui est de la deuxième invite, certes, il y a un travail à effectuer au niveau de la diplomatie, il a du reste déjà été entrepris. C'est probablement le seul intérêt - si elle en a un - de cette motion. La voter peut aider à faire comprendre qu'il y a encore des progrès à faire. Nous sommes persuadés que la situation va s'améliorer et nous avons confiance en notre diplomatie, mais il faut qu'elle «bouge», si vous me passez l'expression.
La présidente. Merci, Monsieur le député. Chers collègues, je souhaiterais que vos interventions soient brèves étant donné l'heure avancée.
M. Roger Deneys (S). Merci, Madame la présidente. Nous arrivons bientôt au terme de ce débat... Je tiens tout d'abord à remercier M. Stauffer pour son travail: cette motion est tout à fait pertinente. En tant que patron d'une petite PME, j'ai ri jaune à la lecture de son enquête qui est bien étayée et très drôle. Je le remercie encore, car ce problème mérite vraiment d'être soulevé.
Sans faire aussi long que les autres intervenants, j'aimerais dire que si je partage tout à fait les réflexions de M. Meylan, j'arrive à peu près à la conclusion inverse: à mon avis, c'est la deuxième invite qui doit être supprimée. Parce que, pratiquement, je ne vois pas très bien comment le Grand Conseil pourrait demander à la France, par voie diplomatique, de régler la situation kafkaïenne de son administration ! Quelque chose m'échappe, car il s'agit d'une question de souveraineté des Etats. La Suisse doit pouvoir signaler que les Accords bilatéraux ne sont pas respectés de façon symétrique et correcte entre les entreprises suisses qui travaillent en France et les entreprises françaises qui travaillent en Suisse, et il me semble nécessaire d'intervenir à ce niveau. Par contre, je trouve la deuxième invite pas tellement applicable.
Quant à la forme, je regrette un peu que ce problème soit soulevé par le biais d'une motion. Il aurait mieux valu le faire par le biais d'une résolution que notre Grand Conseil aurait pu adresser aux autorités fédérales, pour demander, précisément, que les Accords bilatéraux soient bien respectés.
Pour le reste, par rapport à ce que «dénonce» le MCG - comme l'a très bien relevé M. Meylan - les lois françaises s'appliquent aussi aux Français; il est donc difficile de déterminer que ces mesures sont discriminatoires pour les entreprises suisses. Parce que nous savons très bien que les choses sont également compliquées pour les Français en France. Et les règles sont différentes en Suisse.
Fondamentalement, la seule réponse possible - et je suis heureux d'apprendre que c'est l'un des souhaits du MCG - c'est d'abolir les Etats, d'abolir les lois nationales, d'avoir une législation européenne dont la Suisse ferait partie ! Ainsi, les entreprises suisses et les entreprises françaises travailleraient toutes avec les mêmes lois et les mêmes règles: ce doit être l'objectif à long terme du MCG, et je l'en félicite !
M. André Reymond (UDC). Une chose me semble très claire: c'est que l'application des Accords bilatéraux se fait à sens unique !
Ce n'est pas une nouveauté ! J'ai pu le constater lorsque j'étais président de la commission des affaires communales, régionales et internationales il y a trois ans: nos discussions en commission ont souvent porté sur les problèmes soulevés par l'application des Accords bilatéraux.
C'est vrai, le Conseil d'Etat nous a bien aidés, et nous étions prêts du côté suisse, mais nous avons reçu une fin de recevoir de la part des Français. Lorsque nous avons demandé des renseignements à la douane d'Annemasse pour une audition, celle-ci nous a envoyés à Annecy; à Annecy, on nous a répondu qu'ils n'avaient pas la compétence, qu'il fallait nous adresser à Paris...
L'UDC dénonce l'application à sens unique de ces accords depuis déjà trois ans, mais il n'y a toujours rien de nouveau ! Et cette motion a au moins le mérite de rappeler ce que nous avons fait. Et puis, permettez-moi de dire tout de même que le Conseil d'Etat intervient régulièrement à Berne, qu'il entretient des relations avec les conseillers nationaux. Il n'est donc pas exact de prétendre que le Conseil d'Etat ne fait rien et qu'il va encore falloir attendre deux ans ! Il faut, au contraire, rendre hommage au Conseil d'Etat qui défend les intérêts des petites et moyennes entreprises de Genève ! Je ne veux pas monopoliser la parole longtemps, mais je tenais à m'exprimer dans ce sens.
Nous allons continuer à nous battre à Berne pour que les entreprises suisses puissent travailler en France, et les démarchent ne doivent pas seulement être faciles dans le sens France - Suisse. En effet, les entreprises françaises peuvent facilement travailler chez nous, alors que ce n'est pas le cas pour les entreprises suisses qui veulent travailler en France. Et quand une entreprise arrive à travailler en France, elle ne peut pas faire dix kilomètres sans se faire arrêter par des douaniers et être renvoyée directement en Suisse.
Je le répète, cette motion a le mérite de rappeler des faits déjà dénoncés dans cette enceinte par tous les partis. C'est la raison pour laquelle le groupe UDC, pour compléter les propos de mon collègue, soutiendra cette motion et propose de la renvoyer au Conseil d'Etat.
M. Eric Leyvraz (UDC). Je serai extrêmement bref. Je tiens seulement à exprimer, chers collègues, le désarroi ressenti par les producteurs agricoles par rapport à cette situation vraiment lamentable.
Nous avons des entreprises agricoles performantes, nous avons la possibilité d'exporter du vin en France, des fleurs et d'autres produits, mais je peux vous confirmer que c'est impossible: c'est le parcours du combattant ! Il est plus difficile d'exporter cinquante bouteilles en France que d'exporter quinze palettes ailleurs ! C'est trop cher, cela n'est pas possible ! Cette situation est donc inacceptable.
Je vous rappelle tout de même que depuis des dizaines d'années un million de kilos de raisin produit en France entre sur le sol genevois sans aucun problème ! Et nous, quand nous voulons exporter quelques bouteilles, c'est impossible ! Nous demandons donc que la situation change. Les accords bilatéraux doivent être respectés des deux côtés.
C'est la raison pour laquelle nous vous demandons de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.
M. Guy Mettan (PDC). Une fois n'est pas coutume, M. Stauffer a effectivement raison sur le fond. Et sa motion est, de ce point de vue, bienvenue. Mais, comme d'habitude, M. Stauffer a tort sur la forme. Puisque celle-ci laisse en effet à désirer, notamment - comme l'a évoqué M. Deneys - au niveau de la deuxième invite. Nous suggérons donc à M. Stauffer, lorsqu'il déposera de nouvelles motions, de poursuivre sa réflexion jusqu'au bout et de soigner également la forme de ses interventions.
J'aimerais ajouter un élément à ce qui a été dit jusqu'ici. Depuis une demi-heure, nous assistons au procès de la France; c'est très bien, mais j'aimerais tout de même vous rappeler tous les profits que les entreprises de notre canton retirent de leur collaboration avec la France.
Il ne faudrait quand même pas oublier qu'au niveau fiscal nous avons des accords de coopération. Et il ne faudrait pas oublier non plus - et M. Barrillier le sait très bien - qu'au niveau du CEVA, qu'au niveau des autoroutes, qu'au niveau du TGV que l'on est en train de construire, nous avons des accords avec la France qui sont extrêmement importants pour Genève et que nous devons respecter ! Alors, avant de faire un peu trop vite le procès de la France, il faudrait aussi nous rendre compte de ce que nous en retirons, y compris au niveau de nos entreprises ! Car la pression des coûts qui s'exerce effectivement sur nos entreprises est bénéfique, d'une certaine manière, puisqu'elle oblige nos entrepreneurs à réaliser des gains de productivité qui sont appréciables et qui rendent précisément nos PME compétitives. Alors, c'est une notion qui me paraît tout de même importante.
Il ne faudrait pas oublier non plus que nos PME - ce sont des Français qui pourraient aussi vous le dire - vont débaucher les employés des PME françaises ! Si vous discutiez avec des petits patrons français, ils vous diraient qu'ils ont formé des menuisiers et des maçons à grand frais, qui sont débauchés par les entrepreneurs genevois. C'est aussi une réalité qu'il faut prendre en compte.
Je voulais juste rappeler que nos PME tirent aussi des bénéfices de la collaboration avec la France, tant au niveau de la main-d'oeuvre qu'au niveau de la concurrence à laquelle nous tenons, car elle joue un rôle bénéfique.
Mais il y a un point qui pèche, et M. Stauffer a raison, c'est qu'il faut une certaine réciprocité. Il faut que nous puissions agir à armes égales, il faut que les patrons, nos PME, puissent travailler avec les mêmes règles du jeu.
C'est dans ce sens que cette motion peut être renvoyée au Conseil d'Etat: pour rappeler à nos partenaires français que nous désirons les mêmes règles du jeu pour nos entrepreneurs suisses, mais cela sans animosité ni agressivité. Ce n'est pas nécessaire pour collaborer efficacement entre nos deux régions.
M. Pierre-François Unger, président du Conseil d'Etat. Beaucoup de choses ont été dites à propos de cette motion. La première chose que j'aimerais affirmer, c'est que lorsque vous nous aurez renvoyé cette motion - ce qui paraît inéluctable, ou presque - le Conseil d'Etat s'engagera à relayer un certain nombre des préoccupations qu'il a entendues.
Mais je m'engage aussi devant vous à ne jamais livrer ce texte, sous cette forme, à qui que ce soit ! Qu'il s'agisse de l'autorité fédérale suisse ou de l'autorité étatique française ! Voilà exactement le genre de termes qu'il ne faut pas utiliser, lorsque depuis cinquante ans l'Europe se construit, notamment - notamment ! - pour y perpétrer une paix qu'elle n'avait pas connue plus de trente d'affilée ! Pour promouvoir la capacité d'un certain nombre d'échanges économiques, dont l'on voit bien que, de-ci de-là, ils vont encore cahin-caha ! Pour pouvoir permettre aux jeunes de bouger d'un pays à l'autre pour apprendre ! Bref, ces idéaux européens se marient mal avec le ton de cette motion !
Quand bien même - quand bien même, Monsieur le député ! - le fond pose des problèmes à propos desquels nous prendrons - nous avons commencé à le faire depuis un certain nombre d'années déjà - des mesures d'adaptation. Elles sont longues à venir; elles sont difficiles à obtenir. C'est long et difficile, peut-être parce que les Français font du protectionnisme, mais peut-être aussi - et cela a été exprimé par le député Meylan - parce que l'administration française est plus complexe qu'elle ne l'est chez nous. Ce n'est pas finalement une si grande surprise que d'imaginer que le temps de réactivité du gouvernement français soit plus grand que chez nous. En France, généralement, quand votre demande arrive à Paris, ce n'est plus le même ministre que celui à qui vous l'avez adressée qui traitera votre dossier... (Commentaires.) C'est une réalité ! Et nous n'allons tout de même pas interférer dans la Constitution française et ses règles de gouvernance ! La France est un pays démocratique, sa démocratie n'est pas construite de la même manière que la nôtre, enfin, elle est respectable.
Et puis, Mesdames et Messieurs, j'insisterai encore sur le ton de cette motion. L'Europe s'est construite - et hélas, de mon point de vue, nous n'en faisons pas partie; les bilatérales se construisent notamment pour que nous puissions construire, au niveau de Genève mais, plus généralement, au niveau de la région lémanique, une région transfrontalière valdo-genevoise.
Ce qui me fait plaisir dans votre motion, c'est que, pour une fois, vous vous préoccupez de la possibilité pour les Suisses d'entrer en France, alors que, jusqu'alors, votre seule préoccupation était d'empêcher les Français d'entrer en Suisse... (Rires.) Vous-même semblez comprendre le bilatéralisme ! Tous les espoirs sont permis ! (Rires.) Tous les espoirs sont permis, puisque désormais vous vous inquiétez, non sans un certain talent, de faire relayer quelques problèmes auprès des autorités françaises. Nous le ferons !
Nous l'avons fait pour la garantie décennale, à l'initiative de votre parlement et, en particulier, du député Barrillier; nous l'avions fait pour la reconnaissance des diplômes, où, là, je crois honnêtement que les choses sont à peu près acquises. Je vous rappelle tout de même, Monsieur le député, qu'il a fallu vingt ans pour arriver à la reconnaissance des diplômes entre deux cantons suisses et qu'il n'en a fallu que quatre entre la France et la Suisse ! C'est donc très remarquable de voir avec quelle célérité l'application des Accords bilatéraux a permis cette reconnaissance presque parfaite des diplômes entre les deux pays !
Pour ce qui est de la garantie décennale, les choses avancent aussi, mais - c'est vrai - nous avons interpellé les préfets de la région, s'agissant de l'affaire des taxis qui pose un problème en raison de l'obligation faite aux taxis suisses de payer la TVA en France, alors qu'il n'est pas évident de trouver un bureau de TVA ouvert. Cela n'est pas le cas sur tous les axes à n'importe quelle heure du jour et de la nuit, ce qui leur interdit d'effectuer un certain nombre de courses qui pouvaient leur être promises depuis l'aéroport.
Nous sommes sensibles à tous ces éléments. Nous les prenons en considération. Et, lors d'une prochaine réunion avec les plus hautes autorités de l'Etat suisse et de l'Etat français, nous ne manquerons pas de les rendre attentives, sectoriellement, aux difficultés que nous pouvons rencontrer.
Cela étant dit, Mesdames et Messieurs les députés, j'espère que nous sommes ici tous d'accord, en tout cas le gouvernement en est totalement persuadé, la région est en train de se construire, c'est d'ores et déjà un fait. Et nous ne pouvons pas imaginer la construire sans établir préalablement la confiance. Cela implique que les difficultés d'ajustement ne doivent pas remettre en cause le processus général et que notre intégration dans une région qui est un véritable bassin de vie, qui transcende des frontières administratives ou politiques, ne se fera pas si l'on continue à s'invectiver. A l'évidence, elle continuera à se faire d'autant plus vite que nous mettrons les formes et un minimum de courtoisie dans les invites que nous faisons à nos partenaires. (Applaudissements.)
La présidente. Je vous soumets tout d'abord l'amendement consistant à supprimer la deuxième invite.
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 36 oui contre 33 non et 7 abstentions.
Mise aux voix, la motion 1723 ainsi amendée est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 71 oui contre 2 non et 5 abstentions.