Séance du vendredi 17 novembre 2006 à 20h30
56e législature - 2e année - 1re session - 5e séance

IN 135
Initiative populaire 135 "Anti-dette"
IN 135-B
Rapport de la commission législative chargée d'étudier la validité de l'Initiative populaire 135 "Anti-dette"
Rapport de Mme Sandra Borgeaud (MCG)

Débat

Mme Sandra Borgeaud (MCG), rapporteuse. J'aimerais juste apporter une correction quant à la date du dépôt de mon rapport. Une petite erreur s'est glissée: il ne s'agit pas du 26 mai 2006 mais du 31 octobre. Je tenais à le faire savoir formellement.

Mme Anne Emery-Torracinta (S). Je tenais à vous donner quelques explications par rapport à l'abstention des commissaires socialistes sur ce projet. Vous savez qu'une abstention peut vouloir dire beaucoup de choses, elle peut vouloir dire un «non, bien que», un «oui, mais», et je trouvais intéressant, en l'occurrence, que vous ayez des explications.

Vous connaissez peut-être le contexte dans lequel travaille la commission législative. Le parti libéral cherche assez systématiquement, à coups d'arguties juridiques, à déclarer irrecevables les initiatives qui proviennent d'autres bords politiques que le sien ou qui défendent des idées qui ne sont pas les siennes. Je vous donnerai deux exemples récents: l'initiative 126, qui a fini au Tribunal fédéral, avec, d'ailleurs, une défaite pour les libéraux, et l'initiative 129 sur la fumée passive qui fait l'objet d'un recours au Tribunal fédéral.

Alors, pour illustrer mon propos, je voudrais que vous imaginiez que l'initiative que nous examinons actuellement n'émane pas du parti libéral et d'Olivier Jornot, mais de l'Alliance de gauche et de Christian Grobet. Et je vais me livrer à un petit exercice d'imagination pour vous montrer comment les choses se passent en commission.

Si cette initiative venait de l'Alliance de gauche, les commissaires libéraux auraient sans nul doute expliqué que l'unité de la matière n'était pas respectée... Eu égard à l'exigence qui consiste à ne pas mêler plusieurs objets différents, car le citoyen pourrait ne pas savoir choisir.

En ce qui concerne le droit supérieur - vous l'avez peut-être constaté - le Conseil d'Etat a émis un certain nombre de réserves d'interprétation. Eh bien, les députés libéraux n'auraient sûrement pas manqué de relever les contorsions intellectuelles qu'il faut effectuer pour déclarer cette initiative recevable.

En ce qui concerne l'exécutabilité, l'alinéa 5 stipule que: «L'Etat vérifie périodiquement que les prestations qu'il fournit et les subventions qu'il octroie sont efficaces, nécessaires et supportables financièrement.» Vous pouvez bien imaginer, dans un tel cas, que le parti libéral aurait dénoncé le flou d'un tel article, en mettant en évidence les difficultés, tant pour l'administration que le parlement, de répondre à la demande de cet alinéa.

Enfin, le parti libéral n'aurait certainement pas manqué de souligner que M. Grobet, en tant qu'éminent juriste, qui a siégé dans ce parlement et à la commission législative, n'avait qu'à s'en prendre à lui-même si, en fin de compte, son initiative était déclarée irrecevable.

Ainsi convaincus par cette brillante démonstration, Mesdames et Messieurs les députés, vous n'auriez sans doute pas manqué - en tout cas, beaucoup d'entre vous - de conclure à l'irrecevabilité du texte. Vous l'aurez compris, au-delà de la boutade, je voulais essayer de vous montrer que, dans cette commission, certaines personnes fonctionnent selon l'adage: «Quand on veut tuer son chier, on déclare qu'il a la rage.»

Alors, pour ce qui est de ce que j'appellerai l'«abstention dynamique» du parti socialiste, il ne s'agit pas d'un «non, bien que», mais plutôt d'un «oui, mais». Oui, nous estimons que cette initiative est recevable, même si, s'agissant du fond, nous ne défendons pas les mêmes idées. Nous estimons effectivement qu'il appartient au peuple de trancher sur le fond. Mais, nous rappelons que, dans une démocratie, il est nécessaire que le débat politique ait lieu sur la place publique et qu'il est particulièrement malsain de vouloir le confiner entre les quatre murs du Tribunal fédéral. (Applaudissements.)

M. Christian Luscher (L). Je constate que le parti socialiste s'est bien gardé de trouver un seul défaut à cette initiative, puisque - en tout cas, en ce qui concerne sa recevabilité - il n'y a pas eu la moindre contestation en commission. Je ne vois pas, sur un seul des sujets sur lesquels nous sommes appelés à voter en commission législative, que le parti socialiste ait voté de manière négative. Donc, de toute évidence, aux yeux mêmes du parti socialiste, cette initiative est recevable.

Je remarque d'ailleurs que, pour d'autres initiatives que nous devrons bientôt traiter devant cette commission, le parti socialiste est beaucoup plus sévère. Je pense notamment à l'initiative 136, que nous traiterons dans deux semaines, Madame, et pour laquelle vous avez rédigé un rapport de minorité. Vous avez considéré dans cette initiative de l'Alliance de gauche - il s'agit de sauver l'hôpital, avec beaucoup d'autres sujets qui se greffent dessus - que le respect de l'unité de la matière était violé. Vous n'avez, Dieu merci, pas émis un constat d'une telle nature pour cette initiative ! A juste titre, d'ailleurs !

Je vous rappelle en effet très brièvement quel est l'objet de l'initiative. Il s'agit de faire en sorte que la gestion de l'Etat soit économe et efficace, qu'elle respecte le principe de subsidiarité, notamment à l'égard des communes et des particuliers. Evidemment, c'est un point qui mérite de figurer dans notre constitution - comme d'autres, d'ailleurs... L'on pense à l'alinéa 2: «L'Etat se dote d'une planification financière quadriennale.» Je ne crois pas que l'Etat viole le droit cantonal ou le droit supérieur ! Et, puis, il y a cette cautèle imposée à l'Etat, dont nous nous réjouissons qu'elle soit votée par le peuple, je veux parler de l'alinéa 3 qui prévoit que: «L'approbation d'un budget de fonctionnement déficitaire ou dont le montant des dépenses dépasse le plafond fixé par la planification financière quadriennale requiert la majorité des deux tiers des membres du Grand Conseil.»

Il s'agit de faire, Mesdames et Messieurs les députés, ce qui se fait déjà au niveau fédéral, ce qui se fait dans d'autres cantons...

Une voix. A Neuchâtel !

M. Christian Luscher. A Neuchâtel, notamment, absolument ! Qui, sauf erreur de ma part, s'est doté d'un gouvernement de gauche - de gauche, certes, mais un gouvernement de gauche qui assume plus que notre gouvernement de gauche, à nous, puisque ses budgets sont in bonis, je crois... (Remarque.) Et puis, surtout, ses comptes ne sont pas aussi déficitaires que les nôtres !

Eh bien, je dis que, lorsqu'on veut véritablement faire des économies, lorsqu'on veut afficher les ambitions qui sont celles du Conseil d'Etat, on ne peut que se réjouir que le parti libéral présente ce type d'initiative. Et je suis certain que M. Hiler appelle son approbation de ses voeux, parce que cela le mettra, notamment vis-à-vis de ses rangs, dans une situation parfaitement confortable. Parce que, Monsieur le président, vous êtes en train, petit à petit, de vous en approcher, mais vous avez encore du chemin à faire ! Vous le ferez peut-être, et vous le ferez d'autant plus facilement que cette initiative sera adoptée ! Il n'est plus question, en l'état actuel des finances et dans la haute conjoncture dans laquelle nous nous trouvons - je dirai même que c'est indécent - Monsieur le ministre des finances, de présenter encore des budgets déficitaires ! Une telle initiative vous permettra, précisément, d'être parfaitement à l'aise vis-à-vis de la population lorsqu'elle aura accepté ce texte et de dire que vous avez reçu le mandat du peuple de diminuer la dette, que vous avez reçu le mandat du peuple de ne plus présenter des budgets déficitaires...

La présidente. Monsieur le député, je vous prie de vous exprimer sur la recevabilité !

M. Christian Luscher. L'ensemble des propositions qui figurent dans l'initiative respectent l'unité de la matière et, c'est certain aussi, celles-ci doivent être soumises au peuple en un tout. Le parti socialiste n'en a pas disconvenu, et nous nous réjouissons que le peuple vote sur cette initiative et l'accueille favorablement ! (Applaudissements.)

M. Damien Sidler (Ve). S'agissant de la recevabilité de l'initiative, vous avez pu le lire, les Verts n'ont rien trouvé à redire. Cette initiative est effectivement recevable.

Cependant, en tant que président de la commission législative, j'aimerais quand même m'associer aux propos de la préopinante socialiste pour vous dire que la majorité de la commission trouve tout de même quelque peu bizarre qu'un parti qui soutient les finances publiques dépose des recours suite aux décisions du Grand Conseil. Ces recours qui sont traités par le Tribunal fédéral nous coûtent en effet relativement cher. Ces derniers temps, le Tribunal fédéral a été saisi de deux recours. Vous en avez perdu un, Monsieur Luscher. J'espère que vous perdrez le suivant ! Mais, je le répète, ces recours ont un coût, et je pense qu'il faudrait respecter les décisions prises par le Grand Conseil. Il me semble en effet curieux que des députés avocats déposent des recours pour passer par-dessus ces décisions. La majorité de la commission - je vois une personne du parti radical acquiescer - trouve que vous allez un peu loin à cet égard et, par souci des finances publiques, nous proposons que vous arrêtiez ce mode de faire. (Applaudissements.)

M. Yves Nidegger (UDC). L'heure avance, il est tard... Le groupe UDC ne voit rien à redire à la recevabilité de cette initiative. Il la juge parfaitement recevable et, dans ce sens, votera la recevabilité.

M. Christian Luscher (L). J'ai été pris à partie par mon collègue Damien Sidler, qui me reproche, d'une certaine façon, d'être député avocat...

Je tiens donc à lui répondre très brièvement pour dire deux choses. D'abord, contrairement à lui, quand je suis ici, je ne suis pas payé ! Deuxièmement, lorsque nous nous sommes prononcés sur la validité de l'initiative «Energie: notre affaire !», à sa place, en tant qu'employé des SI, je ne me serais pas permis de me prononcer devant cette assemblée ! Finalement, à chacun sa morale !

La présidente. Merci, Monsieur le député. J'aimerais bien que le débat reste serein... Monsieur Barazzone, renoncez-vous à prendre la parole ? Non. Alors, vous l'avez. (Brouhaha.)

M. Guillaume Barazzone (PDC). Etant donné que l'on parle des droits populaires, il est important que le parti démocrate-chrétien s'exprime. Je dirai tout simplement que cette initiative ne pose aucun problème de recevabilité, que l'unité de but existe. Donc, nous soutiendrons la recevabilité de ce texte.

Mise aux voix, l'unité de la forme de l'initiative 135 est adoptée par 58 oui et 4 abstentions.

Mise aux voix, l'unité du genre de l'initiative 135 est adoptée par 68 oui et 1 abstention.

Mise aux voix, l'unité de la matière de l'initiative 135 est adoptée par 56 oui et 13 abstentions.

Mise aux voix, la conformité au droit supérieur de l'initiative 135 est adoptée par 57 oui et 13 abstentions.

Mise aux voix, l'exécutabilité de l'initiative 135 est adoptée par 68 oui et 1 abstention.

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets maintenant la validité de l'initiative dans son ensemble.

Mise aux voix, la validité de l'initiative 135 est adoptée par 55 oui et 13 abstentions.

Le Grand Conseil déclare valide l'initiative populaire 135. Elle est renvoyée à la commission des finances.

L'IN 135-A est renvoyée à la commission des finances.

La présidente. La commission des finances traitera donc du fond de cette initiative. Nous passons maintenant à la deuxième initiative à l'ordre du jour.