Séance du
vendredi 17 novembre 2006 à
15h
56e
législature -
2e
année -
1re
session -
3e
séance
RD 647
Débat
M. François Thion (S). La lecture de ce rapport nous montre qu'il n'est pas simple de mettre sur pied une véritable politique d'intégration des étrangers à Genève. Et le Conseil d'Etat en a conscience, puisqu'il nous avoue, je cite: «... un fonctionnement insatisfaisant des institutions et des mécanismes institués par la loi sur l'intégration des étrangers.» Il nous paraît donc nécessaire de clarifier les rôles des différents acteurs délégués à l'intégration: Bureau de l'intégration, médiateurs, délégations au Conseil d'Etat, Conseil d'Etat lui-même et, d'un autre côté, le monde associatif, les communes genevoises, la Confédération, qui sont également des acteurs importants.
Cela dit, j'aimerais rappeler qu'en matière d'intégration un certain nombre de choses ont déjà été faites. Je donne rapidement trois exemples. D'abord, le droit de vote pour les élections municipales, octroyé aux étrangers le 24 avril 2005. Ces élections vont avoir lieu au printemps 2007 et, pour la première fois, des étrangers âgés de plus de 18 ans, qui résident légalement en Suisse depuis huit ans et qui habitent dans une commune genevoise, pourront élire le conseil municipal et les exécutifs. Ensuite l'école genevoise, qui admet l'ensemble des jeunes, Suisses comme étrangers, quel que soit leur statut, et qui est une véritable machine d'intégration. Enfin, troisième et dernier exemple. J'étais invité il y a quelques semaines aux promotions citoyennes organisées par la Ville de Genève, par Manuel Tornare qui fait cela chaque année de manière tout à fait adéquate. Non seulement cela concerne les jeunes suisses, mais aussi, bien entendu, les jeunes étrangers, qui sont invités à cette soirée. (Brouhaha.) C'est une occasion importante pour intégrer ces jeunes qui vont avoir 18 ans dans l'année en cours.
Au-delà des communes, au-delà du canton, des décisions importantes en matière de politique d'accueil des étrangers se prennent à Berne, aussi bien en ce qui concerne le nombre que l'origine. Malheureusement, la politique suisse d'immigration est une véritable machine à fabriquer des sans-papiers, puisque les conditions d'admission continuent de nier les besoins en main-d'oeuvre peu qualifiée. Et cela ne va pas dans le sens de l'intégration.
Maintenant, parmi les priorités en matière de politique d'intégration des étrangers, j'en retiendrai deux, et il faut vraiment aller de l'avant dans ce domaine. Tout d'abord, il faut soutenir et valoriser, de manière générale, les associations suisses et étrangères qui oeuvrent pour favoriser l'intégration de l'ensemble des étrangers et non pas seulement ceux d'une communauté particulière. Deuxième priorité: il faut lutter contre toutes les formes de discrimination, de xénophobie, de racisme et d'antisémitisme.
Pour nous, socialistes, l'objectif de l'intégration est de faire en sorte de parvenir à une égalité des chances globale. L'intégration est un succès à partir du moment où les statistiques concernant les personnes de nationalité étrangère sont comparables à celles des personnes de nationalité suisse dans des domaines comme la formation, l'emploi, la santé, la culture, mais aussi, pour ce qui est de la dépendance à l'aide sociale, du risque de pauvreté, d'invalidité, ou encore en matière de criminalité.
En conclusion, l'intégration des étrangers doit rester une priorité politique à Genève. Il faut donc prendre notre temps. Il faut prendre le temps de réfléchir à la manière d'appliquer au mieux notre loi sur l'intégration en tenant compte de ce qui se fait déjà. Disons, pour finir, que le parti socialiste souhaiterait que ce rapport soit renvoyé à la commission des Droits de l'Homme.
La présidente. Merci, Monsieur Thion. Mesdames et Messieurs les députés, je vous rappelle juste vous que nous en sommes aux extraits, qu'il est bientôt 17h, et je souhaiterais que nous ayons une pause... Par conséquent, je vous demande d'être concis. Je vous en remercie d'ores et déjà.
M. Thion ayant demandé le renvoi de cet objet en commission, je vous prie de vous exprimer à ce propos et je rappelle qu'une seule personne par groupe peut prendre la parole. Monsieur le député Gilbert Catelain, je vous la donne.
M. Gilbert Catelain (UDC). Je prends la parole pour la première fois aujourd'hui... Je vais m'exprimer sur le renvoi en commission. Je dirai un certain nombre de choses sur ce rapport, qui est effectivement le reflet de toute la sollicitude de nos autorités à l'égard de la population étrangère - ce qui ne nous dérange pas, l'UDC étant favorable à une politique active d'intégration pour les étrangers qui le souhaitent et qui en manifestent la volonté. Et cette politique vis-à-vis de cette catégorie des étrangers doit être soutenue.
Nous devons prendre en compte les enjeux pour l'avenir, qui sont importants. En France, une association déclarait qu'il y avait septante mille mariages forcés chaque année dans ce pays... D'autres problèmes se posent aussi. Par exemple, l'Eglise catholique refuse de baptiser - ou y renonce - de nouveaux membres, comme les musulmans souhaitant se convertir, mais qui sont menacés de la peine de mort dans le cadre de la charia. Donc, il y a effectivement un énorme travail à effectuer pour que les étrangers qui habitent dans ce canton puissent y vivre dans le respect des droits fondamentaux régissant ce canton, ce pays.
Avec un taux de fécondité de 1,3 enfant par femme...
La présidente. Monsieur le député, nous n'allons pas entrer maintenant dans un débat de fond, qui est évidemment essentiel,...
M. Gilbert Catelain. Excusez-moi, Madame la présidente, mais j'ai le droit de m'exprimer !
La présidente. ... et je souhaiterais que vous vous prononciez sur le renvoi en commission !
M. Gilbert Catelain. Avec un taux de fécondité de 1,3 enfant par femme, Genève se situe en dessous de la moyenne. L'immigration implique de mener une politique. Cette dernière doit tenir compte de l'immigration légale, laquelle doit être soutenue - l'intégration - par tous les moyens à disposition de la société.
Dans son rapport, le Conseil d'Etat nous propose un certain nombre de mesures qui se déclinent en sept ou huit points. Il s'agit notamment d'avoir une politique d'accueil et d'information ciblée comportant, par exemple, l'édition de dépliants en plusieurs langues. Cela permet d'expliquer aux nouveaux arrivants leurs droits et leurs devoirs, de même que le fonctionnement de notre canton - ce qui est tout à fait positif.
Le Conseil d'Etat - toujours dans son rapport - prévoit aussi une mission de valorisation de toutes les associations des communautés étrangères et une aide leur permettant d'être les relais nécessaires en matière d'information et d'intégration. Sur ce point, nous rendons le Conseil d'Etat attentif au fait que toutes les associations ne méritent pas forcément d'être soutenues. Certaines associations tiennent des discours qui enfreignent...
La présidente. Monsieur le député, j'aimerais que vous prononciez sur le renvoi en commission ! Le débat de fond aura lieu en commission: je vous remercie de vous prononcer sur le renvoi en commission.
M. Gilbert Catelain. Je rappelle, Madame la présidente, que le groupe que vous représentez a toujours défendu... (Protestations.) ... des débats d'entrée en matière qui permettent de favoriser... (Exclamations.)
La présidente. Monsieur le député !
M. Gilbert Catelain. ... les travaux en commission ! Je trouve tout de même regrettable de ne pas pouvoir s'exprimer sur un tel sujet pour une histoire de pause !
La présidente. Ce n'est pas qu'une histoire de pause !
M. Gilbert Catelain. ... et de confort personnel.
La présidente. Monsieur le député, il ne s'agit pas d'une histoire de pause ! C'est une histoire d'ordre du jour très lourd qui fait suite à notre séance des extraits, sans parler des quatre objets que nous devons traiter en urgence ! Je vous demande simplement de nous dire ce que vous souhaitez par rapport au renvoi en commission. Je vous remercie. (Brouhaha.)
M. Gilbert Catelain. Alors, je vais répondre très simplement, puisqu'il n'est pas possible d'argumenter ou d'expliquer pourquoi on souhaite, ou pas, renvoyer cet objet en commission ! Le groupe UDC soutiendra le renvoi en commission de ce rapport. Et il demandera des éclaircissements sur certains points de la politique du Conseil d'Etat relative à ce thème, notamment sur les actions qu'il entendra mener dans le cadre de la loi sur les étrangers, qui concerne précisément l'intégration des étrangers dans notre pays, et dans ce canton en particulier.
La présidente. Merci, Monsieur le député. Monsieur Mettan, je vous donne la parole - sur le renvoi en commission exclusivement.
M. Guy Mettan (PDC). Merci, Madame la présidente. Je vous rassure, je serai plus bref que mes deux préopinants. En qualité de chef du groupe démocrate-chrétien et président, pour quelques jours encore, de la commission des Droits de l'Homme, je vous informe que nous soutiendrons, bien entendu, le renvoi en commission de cet objet.
Je tenais au passage à féliciter le Conseil d'Etat pour son rapport. Ce n'est pas si courant. Il a eu le courage de mettre le doigt sur les points qui demandaient à être améliorés, à ses yeux. Je le répète, ce n'est pas une démarche habituelle, et je voulais le faire remarquer.
Je souhaite rendre hommage au Conseil d'Etat aussi pour sa volonté de transparence en la matière, puisqu'il s'agit d'un sujet - cela a été dit - très important et qui mérite que l'on en parle sans utiliser la langue de bois et, surtout, sans a priori idéologique.
Mme Mathilde Captyn (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, nous vous engageons à renvoyer ce rapport à la commission des Droits de l'Homme. Parmi les priorités formulées par le Conseil d'Etat, l'une d'entre elles nous semble particulièrement importante, je cite: «Une identification de toutes les discriminations qui découlent des lois ou des règlements nationaux, cantonaux ou communaux en donnant la priorité à leur suppression au niveau cantonal et communal et en tentant d'influencer la politique fédérale dans ce sens.»
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Je vous remercie de bien vouloir renvoyer ce rapport en commission, parce que je pense que, sur ce sujet et dans le contexte actuel, il est extrêmement important que nous parvenions à définir des axes d'une politique d'intégration qui soit le plus largement soutenue par l'ensemble de votre Grand Conseil.
Mis aux voix, le renvoi du rapport du Conseil RD 647 à la commission des Droits de l'Homme (droits de la personne) est adopté par 51 oui et 2 abstentions.