Séance du
vendredi 22 septembre 2006 à
20h30
56e
législature -
1re
année -
11e
session -
56e
séance
M 1668
Débat
M. Gilbert Catelain (UDC). Cette motion s'inscrit dans le cadre des mesures structurelles que le Conseil d'Etat s'est engagé à prendre pour assainir la situation financière de l'Etat. Les mesures structurelles qu'avaient prises l'ancien Conseil d'Etat et ce parlement à plusieurs reprises consistaient surtout à supprimer les mécanismes salariaux prévus par la loi B 5 05. Cela avait des effets pervers. En effet, sur le plan purement comptable, au niveau du budget annuel, nous pouvions maintenir - ou en tout cas maîtriser - une certaine hausse des dépenses salariales. Mais, d'un autre côté, on accroissait l'inégalité de traitement entre fonctionnaires de l'Etat. Tous les collaborateurs, notamment les jeunes collaborateurs, ceux qui ont les plus bas revenus, ne bénéficiaient pas de l'augmentation prévue par les mécanismes salariaux, alors que les collaborateurs les plus expérimentés, mais aussi les mieux payés, bénéficiaient, eux, automatiquement de l'indexation de renchérissement. Il s'ensuivait donc, en résumé, une sorte de fracture sociale au sein même de la fonction publique, que certains groupes ne pouvaient pas accepter.
Jusqu'à ce jour, aucune proposition n'est venue pour essayer de compenser cet effet pervers et permettre à l'Etat de maintenir la progression de la masse salariale dans des normes acceptables.
Le deuxième effet pervers consistait aussi à pénaliser les jeunes collaborateurs de l'Etat, puisque, leur revenu n'augmentant pas, ils ne pouvaient pas alimenter davantage leur caisse de retraite. Ce déficit de recette pour les caisses de retraite devait être compensé par la garantie de l'Etat au niveau des caisses de pension.
La proposition qui vous est soumise se soir consiste en fait à instaurer une sorte de solidarité à l'intérieur de la fonction publique afin de maintenir les mécanismes salariaux qui sont prévus par la loi. Il s'agit de supprimer simplement le renchérissement et de le compenser par une adaptation unique d'un montant équivalent qui permette de garantir... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) ... le revenu des salariés de la fonction publique, mais qui soit non assuré.
Dans le cadre d'une interpellation urgente que j'avais déposée avant de rédiger cette motion, le Conseil d'Etat avait reconnu que ce mécanisme aurait permis d'économiser plusieurs dizaines de millions sur le budget de l'Etat, peut-être 50 millions - je ne me souviens plus du chiffre, en tout cas plusieurs dizaines de millions sur quatre ans.
Au niveau de la Confédération, cette mesure a été perpétuée sur plusieurs années et ce mécanisme a permis à la caisse de pension PUBLICA d'économiser 54 millions. Par voie de conséquence, de gagner en taux de couverture. La caisse de pension PUBLICA atteint aujourd'hui un taux de couverture de 107%, ce qui n'est pas le cas des différentes caisses de pension de l'Etat de Genève, à part la caisse de la police qui, elle, est mieux alimentée.
Il ne s'agit pas ce soir, vu l'heure tardive de nos débats, de prendre position sur cette motion et de forcer la main au Conseil d'Etat, je vous suggère simplement de renvoyer cette motion en commission des finances...
Une voix. D'accord !
M. Gilbert Catelain. Afin de permettre un vrai débat et aussi d'auditionner les personnes qui ont été confrontées au niveau des ressources humaines, voire des caisses de pension, à la mise en oeuvre de ce type de mécanisme.
Une voix. D'accord !
M. Roger Golay (MCG). M. Catelain évoque le fait que, par les blocages de l'annuité, les jeunes à l'administration sont pénalisés... Mais c'est vous qui les pénalisez, Messieurs, en bloquant chaque fois les progressions salariales, les mécanismes salariaux ! Je pense qu'il faut un certain culot pour dire des choses comme celles que l'on vient d'entendre. Il faut savoir que vous proposez de supprimer carrément l'indexation des salaires des fonctionnaires...
La présidente. Monsieur le député, sur le renvoi en commission !
M. Roger Golay. Oui, oui, j'y viens, j'expliquerai pourquoi on va s'y opposer ! Simplement, pour dire à M. Catelain que, effectivement, on peut supprimer l'indexation ! On vous suivra sur cette motion si vous arrivez à supprimer l'inflation ! Cela n'a pas de sens. Il faut savoir que la loi sur l'indexation est générale. Lorsque vous voulez supprimer l'indexation uniquement pour la fonction publique, vous la supprimez aussi pour toutes les rentes de personnes qui sont à la retraite, les pensions pour les personnes défavorisées qui bénéficient de l'aide sociale, etc. Donc, vous allez pénaliser tout le monde avec votre projet. On ne peut pas faire une coupe de saucisson en supprimant simplement l'indexation pour la remplacer par une prime exceptionnelle et unique, qui ne sera pas forcément renouvelée l'année prochaine... Non, Monsieur Catelain, votre motion est totalement insensée !
Je vous rappelle encore une chose avant de conclure, Madame la présidente: l'indexation sur les quinze dernières années a été bloquée quatre fois. Elle a été négociée à cinq reprises sur quinze ans. L'indexation complète, c'était vraiment lorsque les taux étaient au plus bas, quand c'était du 1% environ; on accordait une progression salariale au personnel de l'administration et à toutes les personnes qui en avaient besoin.
Le taux de cette perte de pouvoir d'achat, Messieurs de l'UDC, Madame la présidente, représente aujourd'hui pour l'ensemble de la masse salariale une perte de l'administration, du personnel, d'environ 400 millions ! Voilà le sacrifice qui a été fait par l'ensemble du personnel de l'Etat aujourd'hui par rapport à toutes ces coupes budgétaires et à ces restrictions salariales. Quatre cents millions de perte de pouvoir d'achat ! Pour les fonctionnaires, on arrive bientôt à 15% de perte de pouvoir d'achat par rapport aux années 1980. Alors, ne venez pas nous dire aujourd'hui que c'est nécessaire, etc. ! Je pense que la fonction publique a largement fait son sacrifice.
Arrêtez maintenant de toujours vouloir abaisser les taux d'impôt. On souffre encore aujourd'hui de la baisse d'impôts proposée, ces fameux 12%, qui fait qu'on a un déficit. Non, Madame la présidente, nous ne pourrons pas suivre la demande de l'UDC de renvoyer cette motion à la commission des finances. Nous la refuserons.
M. Pierre Weiss (L). Je m'exprimerai uniquement sur le renvoi en commission et, avec l'autorisation de mon aimable collègue, chef de groupe radical, je m'exprimerai aussi au nom de son groupe, par souci d'efficacité... (Commentaires.) Madame la présidente... (L'orateur est interpellé.) Je vous ai bien dit: uniquement sur ce point !
Madame la présidente, la motion qui nous est proposée, au fond, dessine un tableau qui est celui des finances cantonales, un tableau dont nous connaissons encore mieux après l'avoir lu, la situation désolante, si nous ne la connaissions pas avant.
Cette motion nous montre deux problèmes essentiels: d'une part le problème du déficit des finances publiques, d'autre part la situation délicate, pour dire le moins, des caisses de pensions étatiques. Face à ce double problème, elle propose un remède que l'on peut résumer par un mot: une gratification. Une gratification qui serait proposée aux employés de l'Etat de Genève - pour prendre le terme que nous employons avec la future loi sur le statut du personnel de l'administration cantonale que nous avons déjà adoptée en commission.
Dans cette perspective, nous considérons effectivement que - quelles que soient les opinions que l'on puisse avoir sur les causes du déficit budgétaire, quelles que soient les opinions que l'on puisse avoir sur les moyens d'assainir les caisses de pension publiques - la proposition qui est faite mérite un examen attentif. La commission des finances nous semble être le lieu pour le faire. Nous nous rallions donc, radicaux et libéraux, à la proposition faite par notre collègue Catelain et nous voterons en ce sens quand vous nous soumettrez cet objet. J'ai tenu ma parole, Madame la présidente !
M. Christian Bavarel (Ve). Le sujet...
Une voix. On parle aussi pour les radicaux ! (Brouhaha.)
M. Christian Bavarel. ... qui nous occupe maintenant est un sujet important, même si nous sommes en fin de soirée. Il s'agit des collaborateurs de l'Etat. La motion qui est là est inacceptable. Vous êtes face à une attaque contre la fonction publique... (Remarque.) ... et j'aimerais qu'on soit très clair: nous ne réformerons pas l'Etat de Genève contre la fonction publique ! Nous réformerons l'Etat de Genève avec la fonction publique. Le Conseil d'Etat a fait des pas dans ce sens-là, nous entendons soutenir le Conseil d'Etat dans cette démarche.
Je pense que cette motion est inopportune, qu'elle va simplement raviver les tensions entre la fonction publique et le Conseil d'Etat. Les Verts sont soucieux d'avoir une fonction publique qui avance avec l'ensemble de la population de ce canton pour améliorer l'ensemble des prestations de l'Etat. Nous vous invitons simplement à ne pas renvoyer cette motion en commission et à la refuser de la manière la plus ferme.
Mme Carole-Anne Kast (S). Dans le même ordre d'idées, nous pensons qu'il est temps que ce parlement arrête de jouer aux apprentis sorciers sur le dos de la fonction publique. Comme vous le savez très bien, effectivement, on ne va pas réformer la fonction publique contre les partenaires que sont les représentants des employés de l'Etat. Dans la mesure où le Conseil d'Etat est l'interlocuteur indiqué pour faire ces négociations, pour trouver un accord, pour équilibrer les concessions qui peuvent être faites de part et d'autre, il serait de bon ton que les groupes ultra-minoritaires de ce parlement cessent de s'amuser à dire au Conseil d'Etat que c'est mieux de faire comme ceci ou que c'est mieux de faire comme cela, sans être allés consulter le personnel de l'Etat. Par conséquent, nous vous invitons évidemment à refuser cette motion et son renvoi en commission.
M. Mario Cavaleri (PDC). Cette proposition de motion est d'autant plus malvenue qu'en fonction du développement de l'actualité le Conseil d'Etat, qui est responsable de la gestion des ressources humaines, a pris certaines mesures. Et je ne pense pas qu'il incombe à notre Grand Conseil d'interférer dans les relations que le Conseil d'Etat entretient avec le personnel de l'administration. (Brouhaha.)
Par conséquent, il faut dire très fermement que, faute de pouvoir travailler sur la question du statut, toutes les manoeuvres consistent finalement en des attaques qui sont totalement gratuites et tout à fait malvenues. Si nous voulons avoir une discussion sereine sur le statut du personnel de l'administration, ce n'est pas avec ce genre de motion que nous aurons le climat propice.
Par conséquent, le groupe démocrate-chrétien s'opposera et au renvoi en commission et à l'adoption de cette motion.
M. David Hiler, conseiller d'Etat. Le Conseil d'Etat, dans le discours de Saint-Pierre, a indiqué qu'il entendait revenir à l'équilibre en assainissant les finances d'ici à 2009. Il a également défini la notion d'équilibre comme intégrant la capacité de l'Etat à payer les mécanismes salariaux et à assurer une indexation pleine et entière.
Pour l'heure, nous sommes loin de l'assainissement et, donc, loin aussi d'assurer l'ensemble des mécanismes et une indexation totale. Pour l'année 2006, vous vous le rappelez, il a été décidé de verser l'année à partir du 1er juillet, ce qui a donc coûté une demi-annuité et une indexation de 0,4%, alors que l'inflation était de 1,2%. Pour l'année 2007, le budget prévoit le maintien de cette indexation décalée et une indexation de 0,4%. Cette fois, sur 1,4% d'inflation annoncée, avec une possibilité - et c'est là la nouveauté - de revoir cette indexation à la fin de l'exercice dans le cas où les résultats de l'Etat seraient meilleurs que ceux qui figurent dans le budget.
Ces éléments ont fait l'objet d'un accord. Ils ont fait l'objet d'un accord, même s'ils ne sont pas très favorables du point de vue des employés du service public. Ceux-ci, au vu de la gravité de la situation de l'Etat, les ont acceptés. Pour le reste, le Conseil d'Etat a indiqué clairement dans les négociations qu'il entendait systématiquement privilégier le paiement de l'annuité et négocier l'indexation en fonction des ressources de l'Etat. Cette position vise en effet à assurer le mieux possible l'égalité de traitement entre les fonctionnaires.
Pour ce qui concerne des mesures qui seraient de nature à aider les caisses de retraite publiques à conserver des taux immédiats - mais aussi, et surtout, qui permettent à moyen terme le paiement des prestations sans opération de renflouement par les pouvoirs publics - nous avons proposé le remplacement d'un treizième salaire qui, lui, serait soumis en partie aux caisses de retraite, contrairement à la prime de fidélité que nous entendons supprimer. Une négociation a été acceptée sur ce point et le principe de la contrepartie a été accepté par les organisations représentatives du personnel. Cette contrepartie consiste en une moindre progression des annuités qui aurait au moins l'avantage de nous permettre de les payer chaque année sans bloquer totalement la possibilité de l'Etat de faire face à des besoins nouveaux.
C'est la raison pour laquelle le Conseil d'Etat n'entend pas utiliser l'expédient qui est proposé. Il en use d'autres, d'expédients, mais celui-là, il n'entend pas l'utiliser. Cependant, il est vrai que l'assainissement des finances publiques est nécessaire, parce que le chiffre de 15% de pouvoir d'achat perdu par la fonction publique depuis 1990 est parfaitement exact. On le voit d'ailleurs: dans certains secteurs, en période de haute conjoncture - et pas seulement pour les cadres - nous commençons à ne pas être concurrentiels sur le marché de l'emploi, notamment dans des fonctions financières, notamment dans des fonctions d'acheteurs, pour les biens de l'Etat. Là où nous sommes en concurrence avec le tertiaire haut de gamme, dirons-nous, qui, lui, accorde des enveloppes de 2 à 3, ou 2 à 4% d'augmentation de sa masse salariale depuis plusieurs années, eh bien, l'Etat commence à avoir du mal à maintenir sa capacité concurrentielle, sa compétitivité, en tant qu'employeur.
C'est la raison pour laquelle, le Conseil d'Etat ayant fixé une politique, l'ayant négociée avec le personnel, l'accord sur la LPAC étant intimement lié à ces éléments, je vous suggère effectivement de donner un signal clair pour la suite des événements en rejetant cette motion.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1668 à la commission des finances est rejeté par 46 non contre 36 oui.
Mise aux voix, la proposition de motion 1668 est rejetée par 46 non contre 26 oui et 11 abstentions.