Séance du jeudi 21 septembre 2006 à 14h30
56e législature - 1re année - 11e session - 51e séance

PL 9664-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi de Mme et MM. Alberto Velasco, Laurence Fehlmann Rielle, Christian Brunier accordant une subvention annuelle de fonctionnement au Trialogue (exercices 2006, 2007 et 2008)
Rapport de majorité de M. Edouard Cuendet (L)
Rapport de minorité de M. Antoine Droin (S)

Premier débat

Le président. Le rapporteur est M. Edouard Cuendet, qui n'a pas l'air d'être dans la salle. Il ne s'attendait peut-être pas à devoir intervenir si vite. Monsieur Weiss, est-ce que vous pouvez le remplacer ?

M. Pierre Weiss. Certainement, Monsieur le président.

Le président. Merci, Monsieur le chef de groupe. Le rapporteur de minorité est M. Antoine Droin, qui a pris place.

M. Antoine Droin (S), rapporteur de minorité. Etre au chômage est une rude épreuve; être au chômage et recevoir un regard réprobateur de la société; être au chômage est une injustice dans une société qui a encore trop souvent pour devise «Le travail est ta vie». Etre au chômage est dévalorisant et rejette les victimes au second rang.

Entre 1999 et 2005, les partenaires de Trialogue ont eu huit fois plus de dossiers à traiter, soit près de trente-cinq prestations par jour. Cinquante et un pourcent des consultants sont envoyés par des conseillers en placement de l'OCE, de l'Hospice général ou de l'OFAS. Ces chiffres sont éloquents et démontrent bien la complémentarité du travail de Trialogue avec celui de l'Etat, puisque c'est précisément lui qui recommande majoritairement aux personnes sans emploi d'avoir recours à cette institution.

Aujourd'hui, affirmer qu'une telle association n'a qu'à recourir davantage au bénévolat est presque une injure face aux nombreuses personnes qui y travaillent avec compétence. (Brouhaha.) Le bénévolat a aussi ses limites. Si le Grand Conseil refuse aujourd'hui cette rallonge de subvention, ce sera l'expression claire que l'on choisit de ne pas voir et de ne pas considérer un problème de société qui va grandissant. Ce sera aussi un refus de considérer l'engagement solidaire de la société civile au travers d'une aide opportune aux tâches de l'Etat, aide fournie à un coût dérisoire.

Prenant en compte le fait que nous sommes en septembre, il paraît juste d'effectuer un amendement. Puisque l'amendement précédent datait du mois de juin, j'ai même préparé un sous-amendement. D'un montant de 9 000 francs pour l'année 2006 en lieu et place des 80 000 souhaités initialement. Je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à voter ce projet de loi ainsi amendé.

M. Pierre Weiss (L), rapporteur de majorité ad interim. Au fond, ce dont il s'agit ici, c'est d'un doublement de la subvention versée à l'association Trialogue. Celle-ci reçoit déjà une subvention de 80 000 francs.

Vous savez que je ne suis pas systématiquement d'accord avec la position du Conseil d'Etat, mais, en l'occurrence, celui-ci - notamment le département concerné - nous a clairement expliqué en commission que, d'une part, l'Etat allait proposer une pérennisation des activités de la Fondation, en tout cas pour les années 2006, 2007 et 2008, et, d'autre part, que le département, dans le même temps, était contre le doublement de la subvention, donc contre ce projet de loi émanant de nos collègues socialistes.

En d'autres termes, je vous propose que nous suivions et la position de la majorité de la commission et la position du Conseil d'Etat, et que nous refusions d'entrer en matière sur cette affaire.

M. Alberto Velasco (S). J'aimerais dire à mon collègue Weiss la chose suivante: quand vous parlez de doublement de la subvention, c'est parce que vous regardez la valeur absolue au niveau du projet de loi. Par contre, vous faites totalement fi des raisons pour lesquelles ce prétendu doublement a été demandé.

Il y a trois ou quatre ans, un poste, nécessaire, avait été accordé à cette association - que M. le conseiller d'Etat Longchamp connaît très bien, d'ailleurs. Et il est connu et respecté par cette dernière, il faut le dire. Alors, il se trouve que Mme Gorgé, qui fait bénévolement office de juriste à mi-temps pour cette association, ne pourra pas toujours être là; et il y a une personne sans emploi, juriste de formation, qui s'est investie dans l'association, qui fait très bien son travail, qui s'est formée et qui connaît très bien le travail de l'association. Donc, Trialogue a voulu que ce Grand Conseil permette, par cette augmentation de la subvention, que l'on puisse créer un nouveau poste et pérenniser le travail de Mme Gorgé. En quoi consiste le travail de Mme Gorgé ? Le Conseil d'Etat dit qu'il s'agit de ne pas pallier les carences administratives du Conseil d'Etat dans les associations, mais de rendre le Conseil d'Etat responsable de sa gestion; c'est pourquoi il nous demande de refuser la subvention. Mais, chers collègues, quand Trialogue fait, par exemple, recours contre l'office cantonal de l'emploi - ce qui est juste dans une démocratie: chaque citoyen doit pouvoir se défendre et avoir un défendeur vis à vis de l'administration. Et quand on fait recours contre une assurance sociale, contre l'Hospice, contre des jugements administratifs rendus par le département des finances, eh bien, l'office cantonal de l'emploi, ou même l'administration, ne peut pas le faire ! Il faut que cela soit fait par un organe neutre, un organe comme le Trialogue ! C'est la raison pour laquelle ils ont demandé ce poste ! Qui était bénévole jusqu'à présent, mais qui ne pourra plus l'être.

C'est une raison fondamentale pour vous montrer que, pour les 9 000 personnes dont l'association s'occupe aujourd'hui, le ratio passerait à 10, 20 ou 30 francs par personne - c'est un des ratios les plus bas de la République pour les associations.

J'aimerais vous dire aussi que le problème du chômage n'a pas régressé ! Il est toujours latent dans ce canton ! Et je suis d'accord avec M. le président que, si demain le chômage venait à régresser et à être de l'ordre de un ou deux pourcent, on aurait peut-être plus besoin de Trialogue ! Peut-être ! Mais le fait est qu'on en a besoin aujourd'hui.

Monsieur le président, vous avez déclaré, très justement d'ailleurs, que, s'agissant de l'économie sociale, il y avait des postes à créer qui étaient complémentaires, avec les milieux privés, et que cela faisait aussi partie de l'économie... Je suis d'accord avec vous, il n'y a pas seulement l'économie privée, l'économie marchande, mercantile, qui rend des bénéfices, qui crée de l'emploi: il y a une économie parallèle, qui dépend des deniers de l'Etat, qui remplit des missions de l'Etat, parce que celui-ci ne le peut pas ou qu'il estime que cela lui coûte trop cher, ou tout simplement parce que la neutralité de la fonction ne lui permet pas de le faire. Alors, c'est une association qui doit s'en charger ! Et elle touche une subvention. Et nous avons là des emplois, disons, d'économie sociale. En l'occurrence, il s'agit d'un emploi.

Donc, Mesdames et Messieurs les députés, peut-être que pour mon collègue Weiss l'argument fondamental qui a porté en commission des finances, c'est que le libellé du projet était signé par le groupe socialiste...

M. Pierre Weiss. Non !

M. Alberto Velasco. Si c'est cela, Mesdames et Messieurs les députés, je vous engage, les libéraux, à substituer nos noms par ceux de membres de votre groupe ou d'un autre groupe de droite - cela m'est égal ! Nous avons fait ce projet parce que... Personnellement, j'ai depuis longtemps des contacts, je dois le dire ici, avec Mme Gorgé, et j'ai compris que le problème de Trialogue était important. J'ai d'ailleurs proposé la signature à des partis politiques autres que ceux de l'Alternative, mais ils n'ont pas voulu signer... Donc, ce n'est pas un projet dont nous nous sommes gardé l'exclusivité.

Par conséquent, Mesdames et Messieurs - et Monsieur Weiss, quoique vous n'ayez pas entendu tous mes exposé - je crois avoir suffisamment justifié les raisons pour lesquelles... Monsieur Longchamp, comme la commission des finances vous a engagé, vous ne pouvez peut-être pas accepter aujourd'hui, mais moi j'aimerais vraiment, quelle que soit la solution - par un projet de loi, par un contact avec vous, peu m'importe - que l'on réponde à la demande d'une association qui offre vraiment une prestation d'utilité publique. Je vous remercie.

M. Pierre Kunz (R). Mesdames et Messieurs les députés, M. Velasco n'a pas justifié, il a défendu son projet avec la fougue qu'on lui connaît d'habitude. Le projet de loi qui nous occupe ne doit en aucun cas constituer un motif de mettre en doute le dévouement des personnes engagées dans la mission que s'est fixée Trialogue.

Par contre, il doit être l'occasion de nous questionner sur la démarche de certains députés et parfois du Conseil d'Etat, s'agissant de la multiplication des subventions à laquelle nous avons assisté ces dernières années. C'est une démarche pour le moins discutable et c'est ce que nous allons essayer de décortiquer maintenant.

Parce que les choses se passent quasiment toujours de la même manière: il y a au départ des citoyens qui constatent des zones de friches dans l'intervention de l'Etat, des domaines où l'Etat n'a pas prévu d'aller. En l'occurrence, les fondateurs de Trialogue ont relevé que certains chômeurs pourraient être aidés mieux, davantage, en complément des aides fournies par l'office cantonal du chômage et les travailleurs sociaux. Alors, ces citoyens se rassemblent en une association bénévole, nouvelle, pour apporter leur contribution. Qu'ils en soient félicités. Ils offrent bien sûr ces contributions gratuitement. Il n'est donc pas étonnant que la masse de leur travail croisse sous l'effet d'une demande par définition illimitée. Et c'est ainsi que Trialogue a passé entre 1999 et 2005 de 1189 consultations à 9445.

C'est alors le moment que choisissent généralement les associations de ce genre, bénévoles au départ, pour rendre publique leur utilité et pour demander une subvention destinée, disent-elles toujours, M. Velasco l'a rappelé, «à faire face à une réalité sociale évidente, à des besoins révélés, prouvés par la forte demande croissante et non couverte par les interventions publiques». Ces demandes ne sont d'ailleurs jamais, Mesdames et Messieurs les députés, étayées par des chiffres portant sur les résultats obtenus. En l'occurrence, sur la réinsertion. Jamais personne, chez Trialogue, ne nous a parlé du succès des réinsertions tentées.

Cependant, ces demandes sont parfois soumises telles quelles au Conseil d'Etat, qui les filtre relativement mal, disons-le, en tout cas jusqu'à présent, et il arrive aussi que des députés, par conviction, ou parfois par souci électoral, mais ne parlons pas de cela, se chargent de proposer au Grand Conseil ce genre de demandes, sans jamais, bien sûr, procéder à une analyse sérieuse des besoins réels et des structures publiques et associatives existantes.

Le cas de Trialogue, Mesdames et Messieurs, est particulièrement éloquent et révélateur de l'aisance avec laquelle certains députés sont prêts à engager l'argent des autres, celui des contribuables. Révélateur aussi de cette forme trop fréquente de récupération et d'étatisation du bénévolat. Il est aussi - on y vient, Monsieur Velasco - révélateur des risques d'inefficacité et de dépendance qui découlent généralement du subventionnement public pour ces associations. D'ailleurs, les responsables de Trialogue ont paru, quand nous les avons auditionnés - Monsieur Weiss ne l'a pas souligné, mais il l'a rappelé - tout à fait conscients de ces risques, eux qui se sont montrés particulièrement ouverts et réceptifs lors de leur audition. Eux qui n'ont pas, j'aimerais le souligner, paru particulièrement convaincus de la nécessité d'une subvention complémentaire à celle dont ils bénéficiaient !

En conclusion, Mesdames et Messieurs, nous relevons que Trialogue se situe dans le secteur du chômage et de ses conséquences sur les individus. L'Etat, dans ce domaine, dépense chaque année 100 millions. C'est plus que partout ailleurs, probablement dans le monde entier. Il ne répond certes pas à la totalité des situations individuelles, mais faut-il pour autant accroître ses dépenses en étatisant Trialogue ? Pour nous, Mesdames et Messieurs, la réponse est non et nous rejetterons ce projet de loi.

Le président. Je donne la parole à M. Gilbert Catelain, tout en vous signalant que sont encore inscrits: M. Bertinat, M. Mettan, Mme von Arx-Vernon, M. Stauffer, M. Brunier, M. le conseiller d'Etat, bien sûr, Mme Schneider-Bidaux et M. Velasco - qui bien qu'ayant dépassé son temps de parole tout à l'heure a encore des choses à nous dire - puis M. Weiss et M. Droin. Donc, la liste est close. Nous allons perdre sur cette modeste subvention le temps que vous aviez admirablement gagné sur les comptes. M. Catelain n'est pas là... M. Catelain n'a donc plus la parole, elle est à M. Eric Bertinat.

M. Eric Bertinat (UDC). Après ce qu'a dit notre ami Pierre Kunz, il n'y a plus grand-chose à ajouter. Les chiffres sont, à mon avis, plus que clairs. Je voudrais simplement revenir brièvement sur l'activité de l'association, qui est décrite comme complémentaire.

Lors de la séance de la commission des finances, nous avons appris qu'une bonne partie des personnes qui s'adressent à Trialogue y sont envoyées par des travailleurs sociaux et des conseillers en placement. Il y a là quelque chose qui ne joue pas ! Malgré la somme de 100 millions de francs que nous octroyons régulièrement pour résoudre le problème du chômage, nous nous apercevons que les personnes qui sont chargées de régler ce problème doivent encore avoir une aide complémentaire qui serait Trialogue ou d'autres associations se trouvant sur ce terrain.

Cette position, du reste, est partagée par le Conseil d'Etat et je me plais à rappeler la remarque de M. Hiler, figurant dans le projet de loi. Il dit que ce ne sont pas les associations qui sont faibles, mais que c'est, au contraire, le système administratif qui comporte des faiblesses. De manière plus générale, la problématique de la lutte contre le chômage ne dépend pas du domaine associatif, mais de l'administration étatique, raison pour laquelle M. Hiler préférait que la commission n'entre pas en matière sur ce projet et laisse au Conseil d'Etat le temps de donner de nouvelles impulsions en matière de lutte contre le chômage.

Cette réflexion peut d'ailleurs être appliquée à de nombreux cas qui nous seront soumis ultérieurement, quand des associations viennent vers nous pour demander soit des compléments de financement, des subventions, ou chercher d'une manière ou d'une autre à pérenniser leur démarche. On remarque souvent que c'est parce qu'il y a un problème au sein de l'administration, parce qu'il y a un manque d'efficience, que l'on a recours à ces associations qui s'imposent petit à petit et finissent par coûter très cher.

M. Guy Mettan (PDC). Il est évident que le parti démocrate chrétien soutient les activités de Trialogue et continuera à les soutenir en votant le crédit de la subvention ordinaire de 80 000 francs que cette association reçoit.

En revanche, il en va différemment du supplément de subvention qui nous est demandé aujourd'hui. Pourquoi ? Parce qu'effectivement ce projet de loi nous donne l'impression d'être un peu ad personam, c'est-à-dire fait pour une personne plus que dans un but général, et c'est cela qui me semble un peu gênant dans ce qui nous est proposé aujourd'hui. Je ne crois pas que l'on puisse faire un projet de loi pour une seule personne, aussi généreuse et aussi engagée soit-elle.

La deuxième chose est que le parti démocrate-chrétien est conscient qu'il y a de nombreuses associations qui s'occupent des chômeurs. On s'en réjouit, je crois que c'est une chose tout à fait positive, mais, par la même occasion, nous souhaitons que ces associations collaborent davantage entre elles et, éventuellement, partagent les ressources humaines utiles pour les chômeurs. Dans le cas d'un juriste, il nous semble que ce serait intéressant qu'il n'y ait pas une juriste ou un juriste pour une seule association, mais qu'évidemment ce juriste puisse être partagé avec d'autres associations actives dans la lutte conte le chômage.

Il semble que l'on soit en ce moment dans une période où il faut plutôt que les associations se lient pour faire du travail commun plutôt que de développer chacune dans son petit coin des services et des prestations particulières.

Donc malheureusement, le PDC s'opposera à cette augmentation de subvention mais continuera à soutenir toutes les associations qui luttent contre le chômage, et il souhaite ardemment qu'elles mettent en commun leurs ressources pour développer à la fois leur efficacité et leurs ressources d'accueil pour les chômeurs.

Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). Je voudrais préciser encore une chose parce qu'effectivement, à la commission des finances, le problème du Trialogue nous a beaucoup interpellés. Si je me suis opposée à ce supplément de subvention, c'est en m'engageant à accompagner Mme Gorgé auprès des associations, mais surtout auprès des entreprises et des banques pour qu'elle fasse sa recherche de fonds auprès des personnes qui ont elles-mêmes créé le chômage à Genève.

M. Eric Stauffer (MCG). Encore une fois nous sommes tout à fait d'accord avec le parti socialiste et nous allons donc soutenir cette motion. Tant et aussi longtemps que l'on aura pas endigué le problème du chômage, toute aide sera la bienvenue ! A Genève, nous avons plus de 20 000 demandeurs d'emploi. Ce n'est pas tolérable et nous soutenons donc toute initiative qui va dans ce sens.

M. Christian Brunier (S). Tout d'abord, une petite remarque à M. Kunz: quand vous dites que seule la gauche fait des projets de lois pour obtenir des subventions pour des associations proches d'elle, ce n'est pas le cas ! Je rappelle qu'ici tous les partis ont fait des projets de lois ou ont soutenu des augmentations de subventions. Vous l'avez fait, d'ailleurs, pour l'Institut national ! Dernièrement - en commission, cette semaine encore - il y avait des députés de droite qui voulaient non pas verser une subvention à la Compagnie 1602, mais lui proposer des loyers gratuits... On est tous logés à la même enseigne.

L'important, c'est de savoir si une association est utile. Jusqu'à présent, je n'ai pas entendu une seule personne de ce parlement dire que Trialogue était inutile. On voit donc qu'on est face à une association utile. Je rappelle quand même les montants: on est en train de débattre depuis bientôt une demi-heure ou trois quarts d'heure pour 40 000 francs pour les chômeurs ! J'aimerais que chaque député accorde autant d'attention lorsqu'on vote, par exemple, des investissements de prestige à raison de millions qu'il en accorde maintenant à la question de ces 40 000 francs destinés aux chômeurs ! Visiblement, l'Etat de Genève - ou le parlement genevois - a plus de peine à sortir 40 000 francs pour les chômeurs qu'à sortir des millions pour des installations qui n'ont pas beaucoup de retours sur investissements.

Deuxième chose: lorsqu'une association fait du bon travail, et c'est le constat fait ici par tous les partis politiques de ce Grand Conseil, il faut mesurer si l'augmentation de subvention va être utile. Il s'agit de 40 000 francs de plus pour une association qui, je vous le rappelle, permet de réinsérer nombre de chômeurs ! Cette association permet premièrement d'aider 9000 chômeurs par année et, deuxièmement, elle permet à des chômeurs de retrouver du travail. Eh bien, les 40 000 francs ont un taux de retour sur investissement énorme ! Et il y a peu de projets de lois que l'on vote ici avec un taux de retour sur investissement aussi grand.

Alors, M. Bertinat dit: «Oui, mais cela, c'est le rôle de l'Etat... C'est parce que l'Etat fait mal son travail qu'il faut laisser de la place aux associations.» Monsieur Bertinat, si l'Etat couvrait toutes les activités que le monde associatif prend en charge, on aurait d'autres déficits à gérer à Genève ! Le monde associatif est un monde relativement léger, rapide, qui permet d'agir vite sur le terrain, et aucun service de l'Etat, même si l'Etat était réorganisé profondément, n'arrivera à être aussi performant qu'une association qui est proche des gens et avec de petites structures. Le rôle joué par Trialogue n'est pas celui de l'Etat ! Je crois qu'il y a une complémentarité importante entre l'Etat et le monde associatif, si l'on veut faire marcher la société. Je crois que beaucoup de conseillers d'Etat ont compris cela dans de nombreux domaines. Il ne faut pas revenir là-dessus au niveau des chômeurs.

Il faut que l'Etat central, l'office cantonal de l'emploi, fonctionne bien. Ce n'est pas le cas aujourd'hui. La priorité de ce parlement et de ce gouvernement, c'est de faire marcher l'office cantonal de l'emploi, qui n'est pas performant par rapport aux chômeurs, et de s'appuyer en complémentarité sur des associations. Aujourd'hui, faire l'économie de 40 000 francs sur les chômeurs et ne pas augmenter la subvention de Trialogue, c'est un très mauvais calcul en matière de gestion publique. En tout cas, ce n'est pas le choix que le parti socialiste veut faire.

Mme Brigitte Schneider-Bidaux (Ve). C'est vrai que l'association Trialogue a une importance extrême dans tout le dispositif d'insertion des chômeurs. Il y a l'Etat, mais il y a aussi toute une gamme d'associations, dont Trialogue. La soutenir ce soir est quelque chose d'extrêmement important, parce qu'elle apporte un complément juridique dont plusieurs députés ont relevé l'importance.

Je voulais juste répondre à M. Kunz, qui parlait de bénévolat. Bénévolat, oui, mais contrôlé. La part de l'Etat est aussi importante dans le soutien des associations, parce qu'autrement on se retrouvera comme au XIXe siècle et il n'y aura que des associations qui fonctionneront. Et malheureusement, on sait comment cela se passait à cette époque-là !

Le président. La parole est au député Alberto Velasco, dont je mesurerai le temps. (Rires.)

M. Alberto Velasco (S). Chers collègues, Monsieur Kunz, Monsieur Weiss et Monsieur Bertinat, je tiens à vous dire qu'en 1999, quand l'association a reçu la première subvention, il s'agissait environ de 1200 prestations. Aujourd'hui il y en a plus de 10 000; pour 40 000 francs supplémentaires ! Plus de 10 000 prestations: cinq fois plus ! Et ils ne demandent que 40 000 francs supplémentaires !

M. Mettan dit qu'on ne peut pas donner de l'argent à une personne... Mais qui a dit que l'on allait donner de l'argent à une personne ?! On donne de l'argent à une association ! Ils ont la probité et la transparence, Monsieur Mettan - contrairement à d'autres qui ne disent rien - d'indiquer que cet argent sera affecté à un poste ! Cela permettra au parlement, le jour où ce poste n'existera plus, de leur retirer l'argent.

Madame von Arx, j'ai beaucoup de respect pour le travail que vous faites et c'est vrai qu'en commission vous avez déclaré ce que vous avez exprimé il y a un instant. Mais dernièrement, j'ai dit à Mme Gorgé que vous vous étiez engagée à lui prêter main forte pour aller devant les entités financières, bancaires et autres, pour que les subventions soient obtenues. (Remarques. Brouhaha.) Vous n'avez pas fait cette démarche. Je ne vous en veux pas ! Je ne vous en veux pas, parce que ce n'est pas votre rôle de députée, Mme von Arx ! Et c'est très bien comme ça.

Ici, ce que l'on demande, contrairement à ce que disent M. Bertinat et M. Kunz, parce qu'ils ont le même concept, ce n'est pas une étatisation. C'est justement parce qu'on ne veut pas l'étatisation de ces prestations, parce qu'elles doivent être transitoires... (Brouhaha.) Parce qu'elles doivent disparaître, ces prestations ! Parce que le chômage doit régresser ! Et c'est pour cela qu'on demande que l'on subventionne cette association de manière, je le répète, transitoire. Simplement pour ça, Mesdames et Messieurs ! Et si l'on voulait l'étatiser, ce n'est pas comme cela qu'on ferait. On ferait un projet de loi demandant au chômage d'inscrire deux postes supplémentaires au budget, ce qui nous coûterait au moins 300 000 francs par année. Vous le savez, Monsieur Kunz !

Alors s'il vous plaît, que chacun ait un minimum d'intégrité ! Et disons qu'on ne veut pas, parce que notre politique de groupe ne le veut pas. Et c'est fini ! Mais il ne faut pas faire du slalom comme cela. En cela, Monsieur Weiss, il est vrai que les libéraux sont plus directs. Vous dites: «Cela ne correspond pas à notre politique, et c'est comme cela !»

Mesdames et Messieurs, je vous engage vraiment à voter ce projet de loi. Même pour une année, si vous le voulez !

M. Antoine Droin (S), rapporteur de minorité. En fait, M. Velasco a dit en grande partie ce que je voulais ajouter. J'aimerais simplement insister par rapport aux propos de M. Bertinat sur la collaboration entre l'Etat et la société civile. Cette collaboration est essentielle, elle est pertinente. Elle coûte bien moins cher, comme le disait M. Velasco. Donc, la condamner simplement sous prétexte qu'on ne veut pas accorder quelques dizaines de milliers de francs supplémentaires pour un travail qui coûterait beaucoup plus cher s'il était étatisé, c'est aberrant ! Cela va même à l'encontre de ce que pourrait vouloir l'UDC dans son discours politique. (Brouhaha.)

C'est vrai que les prestations offertes par Trialogue ont décuplé en six ans. C'est important, Monsieur Weiss ! Décuplé en six année ! Cela veut simplement dire que si une subvention de 80 000 francs était valable en 1999, elle n'est pas suffisante aujourd'hui pour pouvoir assumer les 10 000 prestations offertes par Trialogue !

Je ne reviendrai pas sur le discours de M. Kunz par rapport à la conviction qu'il y aurait pu avoir ou ne pas avoir lors de l'audition... Parce que moi, je n'ai pas du tout entendu la même chose que lui. (Brouhaha.) Quand nous avons eu l'audition de Trialogue, j'ai, au contraire, trouvé que ces gens avaient l'air parfaitement convaincus. C'est vrai que leur manière de s'exprimer n'était pas forcément celle dont on a l'habitude dans les commissions des finances, mais la prestation qu'ils ont offerte démontrait que ces gens vivaient profondément ce qu'ils présentaient, qu'ils vivaient avec conviction - plus qu'avec conviction, si cela peut exister ! - au travers des prestations qu'ils offrent. Ils ne l'ont pas forcément très bien exprimé, c'est vrai, mais on ne peut pas demander à tout le monde d'être un parfait orateur.

M. Pierre Weiss (L), rapporteur de majorité ad interim. Au fond, nous discutons ici de quelques dizaines de milliers de francs et l'affaire pourrait a priori sembler secondaire, étant donné le nombre de milliards dont nous avons tout à l'heure réglé le compte. Néanmoins, ce projet de loi pose un certain nombre de problèmes concrets sur lesquels j'aimerais revenir pour essayer d'emporter la conviction de ceux qui parmi nous, peut-être, hésiteraient encore. Et après une remarque de forme et quelques unes de fond, je me permettrai de faire une proposition, Monsieur le président.

La remarque de forme m'a été suggérée par l'intervention de notre collègue Kunz. Récemment, Monsieur le président, vous nous avez fait remettre des modules pour le dépôt des projets de lois comportant notamment in fine l'incidence financière desdits projets. Ce n'est pas que celle-ci manque ici, elle est bien précisée, mais peut-être que le service du Grand Conseil, dans sa grande sagesse et connaissance de notre fonctionnement, pourrait développer un module de génération automatique de projets de lois quant au motif des subventions.

C'était bien là le point de M. Kunz. On pourrait, grâce à ce module, avec quelques paramétrages rapides, cocher les bonnes cases qui permettraient d'arriver aux conclusions en mettant en cause qui l'activité de l'Etat, qui l'activité du secteur privé, qui l'insuffisance de tel ou tel acteur. On désignerait des bénéficiaires de façon tout aussi automatique. Je pense que l'on pourrait peut-être avoir une réflexion à ce sujet, mais je passe.

Je passe pour arriver au fond du problème. Au fond, paradoxalement, par ce projet de loi qui est de sa plume et qui l'honore, notre excellent collègue Velasco critique la qualité de l'activité menée par un des départements de l'administration de notre canton lorsqu'il dit, les faits à l'appui, que le département en question n'est pas en mesure d'offrir par ses conseils une réponse satisfaisante aux chômeurs qui se présentent à lui. Cela met en cause, d'une certaine façon, la qualité des collaborateurs de ce département. Je laisse à M. Velasco la responsabilité de ses propos, mais je tenais brièvement à le souligner.

Le deuxième point est un côté gênant de cette demande, qui a été rappelé par notre collègue Mettan, à savoir le côté ad personam de la demande de subvention. Le responsable de la direction du marché du travail, M. Perrin, qui est aujourd'hui à la retraite, avait bien précisé les liens qu'il pouvait y avoir entre les ARE qui pourraient être accordées à l'association et la demande de subvention. Au fond, nous avons ici affaire à une association qui demande une subvention de l'Etat pour permettre de salarier une personne qui se trouve elle-même dans une situation d'emploi peut-être atypique, afin qu'elle puisse, se professionnalisant, se pérennisant dans sa fonction, aider au replacement sur le marché du travail d'autres chômeurs se trouvant dans la même situation... (L'orateur est interpellé.) N'avons-nous pas affaire, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, à un système qui tourne en une boucle sur lui-même ! Qui se nourrit ? Et qui démontre les effets pervers que l'on doit, je crois, regretter et qui doivent être pris en considération lorsque nous sommes en présence de la demande qui nous est ici faite.

Il y a encore un point sur lequel nous ne pouvons qu'être d'accord avec les auteurs du projet de loi, c'est la transparence de la demande: on en connaît le destinataire de façon quasiment identitaire, mais il y a quelque chose qui m'interpelle - comme l'on dit en français moderne - c'est le décuplement des consultations. Comment, dans un canton qui a connu ces dernières années un taux de chômage élevé, mais stable dans son élévation, est-on parvenu à une telle augmentation du nombre de consultations ? Doit-on vraiment y voir un décuplement de l'incapacité à répondre du service étatique ? Ou ne doit-on pas, au contraire, découvrir là une création de la demande par l'offre ? Veut-on, par les moyens supplémentaires qui seraient accordés, arriver cette fois-ci à doubler ce qui a déjà décuplé ? Je ne crois pas que cela devrait être le but de l'adoption, si elle avait lieu, de ce projet de loi.

En d'autres termes, il y a là un certain nombre de points sur lesquels il vaut peut-être la peine de réfléchir plus sérieusement, et c'est la raison pour laquelle, au terme de ce qui est à la fois mon essai de conviction de ceux qui n'auraient pas pris position et ma réflexion personnelle, j'en arrive à vous proposer, Monsieur le président, un renvoi en commission de ce projet de loi.

Le président. Merci, Monsieur le député. Cette proposition eût été bienvenue de mon point de vue il y a une heure. Je signale, Monsieur le rapporteur, que notre travail coûte aussi à l'Etat et que l'écoulement du temps que nous y consacrons n'est pas gratuit. Une séance - je vous le dis, parce que cela peut vous intéresser - revient à peu près à 25 000 francs. Il faut donc essayer d'adapter nos efforts à nos prix de revient. Cela étant, je suis saisi d'une demande de renvoi en commission.

M. François Longchamp, conseiller d'Etat. Saisis de cette demande de renvoi en commission, il me semblerait effectivement judicieux d'y donner une suite favorable, pour une autre raison que celle indiquée par le rapporteur de majorité. C'est l'existence au point 65 de votre ordre du jour d'un projet de loi important, qui scelle un accord passé entre la Ville de Genève et l'Etat de Genève sur la répartition des subventions dans le domaine social. Vous savez qu'il y a dans ce domaine-là des doublons importants. Celles et ceux qui ont déjà lu l'exposé des motifs de ce projet de loi s'en seront aperçus. Le Conseil d'Etat et le Conseil administratif de la Ville vous proposent de donner plus de cohérence au système actuel quant à l'octroi de subventions et au lien organique de tutelle qui lie certains organismes à des collectivités publiques.

Le Trialogue, vous l'aurez vu dans l'exposé des motifs, est concerné par ce projet de loi. Nous avons passé un accord avec la Ville de Genève qui implique que le Trialogue serait, à compter de l'adoption de cette loi, placé sous la responsabilité de la Ville de Genève. J'aurai l'occasion, le moment venu, de vous parler plus longuement de ce projet de loi important et qui a demandé un travail conséquent.

Par ailleurs, je ne vous cache pas que je suis interpellé par le fait qu'une institution, le Trialogue, puisse voir son activité à ce point augmentée alors même qu'elle est censée être prise en charge par les services étatiques qui, c'est le moins qu'on puisse dire, ne sont pas modestement dotés. Je pense notamment ici au budget de l'OCE.

J'aimerais dire qu'il me paraît préférable de renvoyer ce projet de loi en commission. Quant aux activités - comme, Monsieur Velasco, vous l'avez mentionné - les activités du Trialogue sont tout à fait honorables. L'activité de Mme Doris Gorgé et son militantisme sont tout à fait remarquables. J'en sais quelque chose, vous l'avez dit, puisque j'ai moi-même été un bénévole du Trialogue il y a quelques années. Ce n'est pas l'activité même du Trialogue qui est importante ici, mais c'est bien son insertion dans une logique d'emploi, dans une logique de fonctionnement des services d'Etat et des institutions privées qui militent pour les mêmes causes.

Je vous inviterai donc à renvoyer ce point en commission, ce qui permettra à la commission des finances, en rapport avec le point 65 et avec la nouvelle politique d'emploi que le Conseil d'Etat vous présentera dès le 3 octobre, de faire toute la lumière sur ce projet.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 9664 à la commission des finances est adopté par 61 oui contre 7 non et 1 abstention.