Séance du
vendredi 23 juin 2006 à
8h
56e
législature -
1re
année -
10e
session -
47e
séance
PL 9833-A
Premier débat
M. Pierre Kunz (R). Le projet de loi 9833, contrairement à ce que croient ou prétendent croire certains, ne pose pas un problème financier ou de tiroir-caisse. Il pose un problème de management, un problème de gestion. Et cela, nos collègues libéraux en particulier semblent ne pas l'avoir compris. Ils n'ont pas compris que le projet de loi 9833, au vu des engagements stratégiques du Conseil d'Etat, n'a pas de lien comptable et financier avec le rétablissement du compte de fonctionnement.
Nous, les radicaux, mesurons bien la pression en forte augmentation sur l'ensemble des collaborateurs de l'administration cantonale et nous sommes conscients de la véritable révolution culturelle qui a commencé à intervenir au sein de l'administration publique. Car c'est bien d'une telle révolution qu'il s'agit. Et ceux qui, ici, à un titre ou l'autre, ont vécu ce genre de processus, savent combien sont considérables les efforts d'adaptation exigés de chacune des personnes concernées.
Le Conseil d'Etat demande beaucoup à ses cadres et à son personnel, c'est-à-dire à une fonction publique habituée à grossir année après année - plus 16% entre 1997 et 2005, 3500 collaborateurs supplémentaires en huit ans. Eh bien, le Conseil d'Etat dit à ses cadres et à ses collaborateurs: «Soyez imaginatifs, inventifs, dans l'accomplissement de vos tâches, soyez plus productifs, plus efficaces, car vous allez devoir faire face à la même masse de travail avec moins de moyens et moins de collègues. Soyez également économes dans l'accomplissement de ce travail.»
Nous les radicaux, nous sommes convaincus que ces exigences sont non seulement raisonnables, mais nécessaires. Mais nous sommes également convaincus que l'objectif ne pourra être atteint que grâce à l'adhésion de l'ensemble des collaborateurs de l'Etat. C'est le rôle du Conseil d'Etat d'emporter cette adhésion, en expliquant, en convaincant, en faisant naître l'enthousiasme. Mais aussi, en rémunérant équitablement ceux sur qui le Conseil d'Etat compte pour atteindre l'objectif que M. Hiler a rappelé tout à l'heure.
Dans ce contexte, quel est le rôle de chacun nous ? Puisque nous avons enfin un gouvernement qui s'engage, qui gouverne, il revient à chacun de nous décider s'il est d'accord avec les objectifs fixés et les moyens proposés pour les atteindre par ce Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs, les radicaux ont choisi: ils font, jusqu'à nouvel, avis confiance à ce nouveau gouvernement. Non parce qu'il y siège des gens qui sourient peut-être un peu plus que les précédents, ou parce qu'un radical y a retrouvé sa place...
Une voix. Non, non!
M. Pierre Kunz. Pas du tout. (Commentaires. Brouhaha.) D'ailleurs, je tiens à souligner ce point, parce que vous n'êtes pas sans vous souvenir qu'à l'époque des gouvernements de droite, libéralo-radicaux en particulier, où nous étions fortement représentés, nous n'avons - en tout cas certains d'entre nous - jamais hésité à contester la façon de fonctionner de ces gouvernements fantoches. (Brouhaha.)
Mesdames et Messieurs, pourquoi refuserions-nous donc de soutenir le projet de loi 9833, alors que le gouvernement s'est obligé - et c'est une première - à réduire la masse salariale de 5% sur une période de quatre ans, ceci indépendamment des niveaux salariaux accordés et du nombre de fonctionnaires ? Pourquoi refuserions-nous de soutenir ce projet de loi alors que ce gouvernement s'est engagé à maîtriser les charges dans une hausse annuelle de 1%, quelle que soit l'évolution des dépenses sociales et l'importance du report des charges de la Confédération ? Pourquoi refuserions-nous de voter ce projet de loi alors que celui-ci est limité...
Le président. Il va vous falloir conclure, Monsieur le député.
M. Pierre Kunz. Oui, Monsieur le président, j'achève. Ce projet de loi est limité à 2006. Eh bien, notre réponse est claire: il n'y a aucune raison. Par contre, et mon collègue Barrillier l'a rappelé, nous attendons le Conseil d'Etat au mois de septembre, avec un projet de budget cohérent, réaliste et honnête pour 2007, et nous l'attendons aussi sur sa prise de position concernant le projet de loi relatif au nouveau statut qui, à l'heure actuelle, est désastreux pour la fonction publique, en témoignent les taux d'absentéisme qui ont monté l'année dernière d'une manière vertigineuse.
Le président. Monsieur le député, je vous retire la parole. Je regrette de vous rappeler à l'ordre constamment, mais nous avons suffisamment de travail pour rester avec un oeil rivé sur le chronomètre. Le groupe radical a épuisé son temps de parole sur ce projet de loi.
M. Roger Golay (MCG). En quatorze ans, les mécanismes salariaux ont été versés intégralement quatre fois seulement. Uniquement pour l'indexation, il y a une diminution pour l'ensemble de la fonction publique de 12% du pouvoir d'achat depuis le début des années nonante. Ces 12% représentent une somme de 400 millions de perte salariale par année pour l'ensemble de la fonction publique. Les sacrifices salariaux de la fonction publique sont là, et nous pouvons estimer que l'effort a été consenti par celle-ci afin d'essayer de rétablir les comptes de l'Etat.
Parlons de la prime de fidélité qui sera tout à l'heure attaquée - comme d'habitude - par l'UDC. Pour bon nombre de fonctionnaires, il faut vingt ans pour obtenir l'équivalent d'un treizième salaire. Et aujourd'hui, il faut 23 ou 24 ans de service pour obtenir l'intégralité de cette prime de fidélité.
Lorsque les collaborateurs du service public regardent autour d'eux et voient que pratiquement toutes les autres administrations cantonales versent un treizième salaire, que peuvent-ils penser ?
D'autre part, on peut saluer l'accord salarial qui a été arraché au Conseil d'Etat par l'ensemble des organisations syndicales de la fonction publique. Pour avoir participé à ces négociations salariales, je peux vous dire que rien n'est facile, d'un côté ou de l'autre. Et je pense que l'employeur est encore le Conseil d'Etat, c'est inscrit dans la constitution. Nous pouvons faire confiance au Conseil d'Etat, s'il a accepté cet accord, c'est aussi pour redynamiser l'ensemble des fonctionnaires.
Que coûte cette démotivation ? Jusqu'à maintenant, il y a eu des effets. Quand M. Weiss parle du taux d'absentéisme, ce n'est pas très éloigné du peu de considération que les libéraux portent à la fonction publique. Il est vrai que la fonction publique est relativement satisfaite de cet accord, car elle y voit un signe de volonté politique, un encouragement par rapport aux autres sacrifices prévus dans le plan de mesures. Je vous rappelle qu'il n'y aura aucune augmentation de postes de travail par rapport à l'année 2005 et je ne pense pas qu'il y en aura dans les années à venir.
Le groupe MCG soutiendra donc le projet de loi 9833. En revanche, par respect de l'article 24, trois d'entre nous s'abstiendront lors du vote. Mesdames et Messieurs, pour redonner un signal fort à la fonction publique, pour repartir sur un meilleur pied, pour obtenir tout ce qui est prévu dans le plan de mesures, nous vous invitons à soutenir ce projet de loi sans tenir compte des divers amendements déposés.
Le président. La parole est au député M. Eric Stauffer à qui il reste une minute et dix secondes.
M. Eric Stauffer (MCG). Je vais être bref et revenir sur les promesses électorales que le groupe libéral a faites en 2001. Ils avaient promis de réduire le chômage, ils avaient promis de réduire la dette. Ils ont été aux commandes des finances pendant quatre ans et ils ont augmenté la dette, le chômage a augmenté, et cela, ce n'est pas tolérable et nous voulons saluer encore une fois l'effort du gouvernement qui a pris en considération la fonction publique. Comme nous l'avons dit, le groupe MCG soutiendra et continuera de soutenir la fonction publique.
M. Guy Mettan (PDC), rapporteur de majorité. Vous savez, Monsieur le président, que j'apprécie votre art consommé de présider notre assemblée, permettez-moi cependant de regretter que vous ayez transgressé les traditions en ne nous ayant pas accordé la parole, comme il se doit, en début de débat. Mais enfin, bref. Venons-en au fond. Si une majorité de la commission et une majorité de ce Grand Conseil - je l'espère - soutiennent ce projet de loi accordant des annuités sur six mois à la fonction publique, c'est parce que nous estimons que cela en vaut la peine pour au moins quatre raisons.
La première est que la charge qui nous est demandée aujourd'hui est de 12,3 millions de francs. Cette charge est évidemment lourde, mais elle nous paraît acceptable, car, dans une saine gestion de l'Etat, il nous paraît sain que l'employeur, en l'occurrence le gouvernement et le Conseil d'Etat, puisse garder la maîtrise de la rémunération de ses collaborateurs. Il n'y a seulement que des régimes socialistes de la pire espèce pour tout planifier et empêcher le patron de disposer librement de la masse salariale et du pouvoir de rémunérer ses collaborateurs. Dans l'économie privée - c'est un des avantages - une des prérogatives essentielles du patron de l'entreprise est de pouvoir décider lui-même de la marge de manoeuvre salariale qu'il veut avoir pour récompenser ses collaborateurs. Il nous semble indispensable que l'Etat-patron puisse bénéficier également de cette compétence.
Ensuite, il faut se rendre compte que l'indexation ne sera accordée aux fonctionnaires que si l'on vote le budget et que cette indexation n'est que de 0,4%, soit presque trois fois moins que l'inflation qui est à 1,1%. Il faut quand même que les collaborateurs de la fonction publique puissent, comme l'ensemble des salariés, bénéficier d'un certain rattrapage et puisque ce rattrapage n'est pas accordé dans son intégralité, nous pensons que le versement des annuités peut être une compensation utile.
Troisième raison. Il nous paraît un peu absurde - et c'est là où se trouve peut-être mon principal argument - de voter la défiance préalable du gouvernement. Cette nouvelle notion que mon collègue Pierre Weiss essaie de nous vendre aujourd'hui consiste à vouloir sanctionner le gouvernement pour sa gestion, avant même qu'il ait eu le temps de travailler et de nous fournir un résultat, puisqu'il n'a commencé son travail que fin décembre, début janvier. Nous devrions donc voter une sorte de défiance préalable en l'empêchant de jouer son rôle de patron. Mais cela n'est pas possible, car, à nos yeux, la sanction ne peut venir qu'après qu'on a commis une faute et non pas en supputant que, peut-être, une erreur de gestion sera commise.
Dernier argument. Dans cette législature, nous allons revoir - je l'espère - le statut de la fonction publique. Mon collègue Pierre Weiss est rapporteur d'un projet de loi - il nous a promis de déposer son rapport durant l'été - qui vise à réexaminer le statut de la fonction publique. Ce projet de loi sera déposé à l'automne prochain et c'est à ce moment que nous devrons mettre l'accent et porter toute notre attention. C'est un enjeu bien plus important que d'accorder, ou non, six mois d'annuités à la fonction publique.
Comme hier soir il n'y a eu que 39 manifestants pour protester contre ce budget, on peut constater que le Cartel n'a plus aucune légitimité au sein de la fonction publique. Cela n'est donc pas le moment de heurter l'immense majorité des fonctionnaires qui font correctement leur travail en les rejetant dans les bras exsangues du Cartel et en les vexant parce que nous ne voulons pas reconnaître la qualité de leur travail en leur accordant ces six petits mois d'annuités auxquels nous pensons qu'ils ont droit.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur, et désolé de vous avoir frustré de votre premier tour, mais, généralement, quand on veut la parole, on la demande, et je ne m'étais pas aperçu que votre timidité vous en avait empêché.
M. Pierre Weiss (L), rapporteur de minorité. Dans la vie, il faut arbitrer, y compris au Conseil d'Etat et pas seulement lorsque l'on se trouve en Allemagne pour des matchs de football très importants qui vont probablement mobiliser l'attention de certains cet après-midi. Il faut arbitrer entre l'intérêt public et l'intérêt de ceux qui sont au service du public. Et dans cet arbitrage, il faut être cohérent.
La cohérence de cette action - M. Mettan l'a rappelé fort justement - est de soutenir un projet de loi qui réforme un statut obsolète. Et, comme l'a dit M. Golay, ce projet de loi est d'autant plus nécessaire que la loi actuelle n'a pas pu être appliquée - complètement ou partiellement - depuis x années.
Il faut être cohérent. Or, nous avons affaire sur ce point à un manque de coopération larvé, pour dire les choses gentiment, de la part du gouvernement. On pourrait se mettre à sa place et craindre d'affronter le mécontentement, la démotivation, l'absentéisme et tous ces maux certes justifiés, mais qui résultent précisément de l'inadaptation du statut.
On pourrait espérer qu'ils réforment le statut en question, mais on voit bien que ces velléités sont freinées par la peur d'un ectoplasme. Il y a une contradiction dans ce projet, car la négation de la volonté de l'ancien Conseil d'Etat montre que de passer d'une majorité nominalement de droite à une majorité réellement de gauche, ce n'est pas bonnet blanc et blanc bonnet. Il y a des conséquences pour les citoyens qui se marqueront à terme en hausses d'impôts. Ce projet de loi est un marchepied vers les hausses d'impôts.
Aujourd'hui, il ne s'agit pas de voter une défiance préalable, comme l'a dit M. Mettan, mais il s'agit d'endiguer par une mesure un certain nombre d'incohérences. Le choix que nous avons à faire, c'est d'être rigoureux pour la République, et s'il le faut, rigoureux à la place du Conseil d'Etat qui, en la matière, comme toujours, fait les choses en partie dans la bonne direction, mais en partie seulement. Ou bien, on peut aller dans la voie du laxisme pour la suite de cette législature. Il s'agit de marquer un signe. Nous avons marqué un signe en acceptant d'entrer en matière sur ce budget dans le vote précédent. Mais nous marquerons aussi un signe si la position du rapport de majorité n'est pas suivie, en refusant le budget à la fin de ce débat.
Je vous adjure, Mesdames et Messieurs les députés, de vous rendre compte des responsabilités que vous prenez, des incohérences, des signes que vous donnez à la population, et des impôts que vous mettrez à la charge des contribuables et des citoyens de ce canton, soyez-en conscients aujourd'hui ! Monsieur Mettan, comprenez-le, s'il vous plaît.
M. Christian Bavarel (Ve). Les Verts voteront ce projet de loi pour une raison qui est très claire et très simple. On ne réforme pas l'Etat contre la fonction publique, on réforme l'Etat avec la fonction publique. Nous ne pouvons pas signer des contrats que nous ne respecterons pas. Quand vous engagez quelqu'un et que vous lui dites que des mécanismes salariaux vont s'appliquer, vous appliquez ces mécanismes, ou alors vous changez la règle. Aujourd'hui, c'est une fois oui, une fois non, suivant l'humeur du parlement et suivant la conjoncture, et c'est quelque chose qui n'est pas supportable en termes de droits. Nous prenons des engagements, nous entendons les respecter.
Un autre effet pervers que nous dénonçons depuis un certain temps quant au non-respect des mécanismes salariaux, c'est que le principe est de punir les derniers arrivés. Les collaborateurs récemment entrés dans la fonction publique ne touchent pas leurs annuités, alors que ceux qui travaillent depuis un certain nombre d'années et qui sont en fond de classe bénéficient de l'ensemble des mécanismes salariaux. La personne qui arrive et qui ne voit ces mécanismes se mettre en route qu'une fois ou l'autre est donc punie sur l'ensemble de sa carrière.
Cela est aberrant et il est temps de cesser ce jeu d'une fois oui, une fois non. Nous sommes très satisfaits de la volonté du Conseil d'Etat de rétablir le dialogue avec la fonction publique et de revenir à de meilleures pratiques.
Le président. Une minute trente secondes est décomptée à votre groupe.
M. Edouard Cuendet (L). Pour commencer, je ne peux pas m'empêcher de répondre très brièvement à mon collègue Stauffer qui s'en est pris vigoureusement aux libéraux, notamment par rapport à leur programme de 2001. Je rappellerais que depuis 2001, ce sont surtout les chefs d'entreprises libéraux qui, à Genève, ont créé des emplois dans différents domaines... (Exclamations.) ...financiers ou horlogers, et qui contribuent par leurs impôts au lourd fonctionnement de l'Etat. (Applaudissements.)
Deuxièmement, pour répondre à M. Golay qui s'est beaucoup lamenté sur le statut de la fonction publique genevoise. Elle fait un travail tout à fait remarquable et n'est certainement par critiquable, mais, en comparaison intercantonale, les fonctionnaires genevois - même si le coût de la vie est plus élevé à Genève - ne sont de loin pas à plaindre. Il ne faut donc pas non plus faire pleurer dans les chaumières, ce n'est pas très crédible.
Pour revenir au projet de loi particulièrement visé ici, ce qui est surtout reproché au Conseil d'Etat, c'est d'avoir capitulé devant le Cartel intersyndical dont on a vu l'influence limitée hier soir, comme l'a relevé M. Mettan. Ils étaient une grande quarantaine à manifester devant l'Hôtel de Ville, ce qui en dit long sur leur représentativité. On peut donc se demander ce qui a poussé le Conseil d'Etat à être aussi ouvert aux exigences du Cartel, alors que ce dernier ne représente que lui-même.
Je rappellerais tout de même que cet accord salarial représente certes une somme relativement modique en 2006, puisqu'on parle de 12 à 15 millions, mais l'explosion sera considérable en 2007, puisqu'on passe à 52 millions et que l'on arrive à 80 millions en 2008, sans compter les automatismes de cotisation aux caisses de pension de l'Etat. Si l'on ajoute cela à la RPT - 85 millions - et, si le référendum sur les allocations familiales n'aboutit pas, on rajoutera 30 millions et on arrivera en gros à 200 millions de charges supplémentaires en 2008.
Nous avons déjà eu à ce sujet quelques inquiétants indices en provenance du Conseil d'Etat avec l'abandon du «ninisme», évidemment au profit d'une hausse d'impôts. Et on nous a dit que, pour les 200 millions, même l'excellente tenue des entreprises libérales ne suffirait pas à compenser cette hausse de charges.
Donc, il est inquiétant que le Conseil d'Etat n'ait rien obtenu en échange de cette capitulation - on l'a bien vu dans la presse. Même pas une ouverture sur une réformette ou une toute petite réforme du statut de la fonction publique. Et le Cartel a répondu à ce cadeau bienvenu par des menaces de grève. C'est donc un exercice raté et, pour cette raison, le groupe libéral vous invite à refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi, et, si l'entrée en matière est votée, de le rejeter.
Le président. Deux minutes et cinquante secondes sont décomptées au groupe libéral.
M. Gilbert Catelain (UDC). Fondamentalement, je suis persuadé que la grande majorité du personnel de la fonction publique a compris que ce canton ne pouvait plus continuer sur cette voie et engager davantage de charges sur le dos des générations futures sans se remettre en cause et assurer un meilleur fonctionnement de l'Etat. Le personnel est composé de personnalités qui sont toutes éduquées et qui savent faire la différence entre une addition et une soustraction.
Le groupe UDC en commission a voté non sur le projet de loi, ce qui ne veut pas dire - contrairement à ce qu'a dit M. Golay - que le groupe UDC va systématiquement s'opposer aux mécanismes salariaux. Si le groupe UDC a voté non en commission, c'est surtout et principalement parce que ce parlement a refusé de renvoyer en commission des finances le projet de motion 1688 qui est un projet consensuel qui aurait permis à la fois d'accorder les annuités et de demander une contribution de solidarité qui touche l'ensemble des fonctionnaires de l'Etat, sans toucher leur pouvoir d'achat.
Le groupe UDC prend ses responsabilités. Il considère que la situation budgétaire de ce canton ne permet pas d'alourdir la masse salariale versée dans ce canton et qu'en conséquence nous devons trouver d'autres pistes. Je regrette que dans le projet de loi qui nous est soumis ne figure pas le coût total de ces annuités, et le coût, non pas seulement pour 2006, mais à moyen terme. Je prierai donc le Conseil d'Etat - s'il m'écoute... apparemment ce n'est pas le cas - de bien vouloir nous indiquer quel est le coût total de ces annuités. (Brouhaha.)
Effectivement, M. Golay a raison, les mécanismes salariaux n'ont pas été versés intégralement ni même partiellement à de nombreuses reprises. Cela induit, comme l'ont dit MM. Bavarel et le rapporteur de majorité, des inégalités de traitement intolérables entre fonctionnaires de la fonction publique. Le groupe UDC l'avait lui-même mentionné dans le cadre de la motion 1688, mais M. Golay n'a pas dit qu'en contrepartie la fonction publique a trouvé une parade à l'absence de mécanismes salariaux en utilisant le principe des réévaluations de fonction qui ont coûté à ce canton - ce sont les chiffres du Conseil d'Etat - entre 30 et 50 millions par année. Ce sont donc des charges en plus pour la même prestation, à la charge du contribuable.
Nous regrettons que ce Conseil n'ait pas utilisé - ou au moins voulu étudier - la possibilité d'attribuer une allocation unique en complément des mécanismes salariaux. Nous regrettons que le Conseil d'Etat n'ait pas proposé de lui-même cette possibilité, car, à elle seule, elle aurait permis de réalimenter les caisses de pension et de réduire le déficit technique, ce qui représenterait globalement une économie de plus de 100 millions sur quatre ans, selon les indications du Conseil d'Etat.
Dans d'autres cantons, on ne supprime pas les mécanismes salariaux, c'est vrai, mais on réduit les postes de la fonction publique. Je rappelle que même dans le canton de Vaud, la police a dû réduire le nombre de ses inspecteurs pour atteindre «l'équilibre budgétaire», ou en tout cas réduire le désendettement, ce que je condamne. Je préfère avoir une mesure qui touche l'ensemble de la corporation, mais où l'on puisse conserver les ressources pour assumer les tâches de l'Etat.
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Gilbert Catelain. Je terminerai en indiquant que le projet de loi sur la fonction publique a été voté en commission. Si on avait été cohérents, on aurait dû avoir pour conséquence un refus du vote sur les mécanismes salariaux tels qu'ils sont appliqués dans ce canton, mais je rappelle aussi que le projet de loi n'interdit pas de rémunérer la fidélité et l'expérience des fonctionnaires.
Le président. Votre groupe a épuisé son temps de parole.
Mme Béatrice Hirsch-Aellen (PDC). J'aimerais apporter une clarification. Les députés démocrates-chrétiens qui s'abstiendront sur ce projet de loi le feront uniquement car ils y sont directement concernés. Il nous semble effectivement impossible de se prononcer sur un objet qui touche directement nos salaires.
Mme Loly Bolay (S). Le groupe socialiste salue la démarche du Conseil d'Etat qui consiste à entamer le dialogue avec la fonction publique. Ce n'est que rendre justice à des employés qui font un effort considérable, surtout à l'heure actuelle où la réforme de l'Etat est en marche. Elle est lourde et importante. Cette démarche est à saluer car ce sont les prémices indispensables à un dialogue constructif sur les statuts de la fonction publique.
Par contre, nous regrettons que ces mécanismes salariaux ne puissent pas s'appliquer au personnel des EMS, étant précisé qu'un budget quadriennal a été attribué aux EMS qui représente, pour les quatre années à venir, moins de 20 millions. C'est-à-dire que la convention collective de travail pour ces personnes ne pourrait pas être appliquée, à moins de baisser les prestations ou de diminuer le personnel de ces institutions.
Malgré ces réserves qu'il regrette, le parti socialiste votera ce projet de loi et suivra les conclusions du rapport de majorité.
M. Roger Golay (MCG). Lorsqu'on parle des 40 fonctionnaires qui ont manifesté avec le Cartel à l'entrée de l'Hôtel de Ville hier, je vous rappelle que le Cartel compte plus de 15 000 membres. Si l'on décidait d'amender, voire de bloquer de nouveau les mécanismes salariaux, ce ne sont pas 40 fonctionnaires, mais peut-être 10 000 ou 15 000 qui manifesteront à la rentrée, je peux vous l'assurer.
Lorsque M. Weiss...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Roger Golay. Je vais bientôt terminer.
Le président. Non pas bientôt, mais maintenant, Monsieur le député.
M. Roger Golay. Je ne suis pas sûr des quarante secondes qui restaient. Le laxisme... Qui a fabriqué le déficit jusqu'à présent ? Avec la diminution de 12% des impôts ? Je pense que c'est un parti qui est représenté ici. (L'orateur est interpellé.) Oui, c'est le peuple.
Le président. Merci, Monsieur le député.
M. Roger Golay. J'ai tout de suite terminé...
Le président. Je regrette, le temps est le même pour tous les groupes et je ne peux pas commencer à en favoriser l'un ou l'autre. La parole est brièvement donnée au rapporteur de minorité, puis au rapporteur de majorité.
M. Pierre Weiss (L), rapporteur de minorité. Je voudrais tout d'abord rendre hommage aux fonctionnaires PDC qui siègent dans ce Conseil pour leur sens de l'étique. Apparemment, ce sens de l'étique n'est pas partagé par tous les groupes, n'est-ce pas Monsieur Golay ? (Exclamations.)
Ensuite, je souhaiterais indiquer à ce parlement que cette loi est obsolète. Tout le monde l'a dit. Néanmoins, certains vont voter la continuation d'une partie de cette loi. Rendez-vous compte de votre incohérence ! Face à cette incohérence, il faut refuser la position du Conseil d'Etat et d'une majorité de la commission, pour que nous puissions aller vers une approbation du budget beaucoup plus large et cette fois-ci beaucoup plus cohérente.
M. Guy Mettan (PDC), rapporteur de majorité. Je pense qu'avec tout ce qui a été dit, on tombera d'accord pour convenir qu'il faut accepter l'augmentation de ces annuités. D'une part, parce qu'elles sont minimes et ne portent que sur six mois. D'autre part, parce qu'elles compensent à peine le rattrapage de l'indexation et que chaque salarié, où qu'il soit, privé ou public, a le droit de voir son salaire suivre au minimum l'inflation.
Je salue la proposition de l'UDC qui n'est pas dénuée d'intérêt car elle porte notamment sur l'aménagement et la part que devraient payer les fonctionnaires pour la caisse de pension, mais je pense qu'il faut voter cette loi sans amendement. Il est prématuré de faire ce débat pour le projet de loi qui nous occupe aujourd'hui, mais à l'avenir, on pourrait entrer en considération sur ce type de projet, car il est logique que les collaborateurs financent leurs propres caisses de pension et ne comptent pas uniquement sur l'employeur, comme c'est encore un peu trop le cas à Genève.
Je voulais revenir sur les propos de M. Bavarel qui a dit assez justement qu'il ne fallait pas pénaliser les jeunes collaborateurs ou les nouveaux fonctionnaires. C'est parfaitement juste. Le système des annuités privilégie effectivement les anciens. Mais, dans ce cas, je lui demande pourquoi il n'a pas accepté l'amendement démocrate-chrétien que j'ai proposé en commission et qui visait précisément à accorder les annuités aux nouveaux arrivés et à ne pas les accorder aux anciens. Monsieur Bavarel, la prochaine fois, en commission, soyez attentif et soutenez les propositions intelligentes qui sont faites.
M. David Hiler, conseiller d'Etat. Je souhaiterais, à l'issue de ce débat, en l'honneur du rapport de majorité, remettre l'église au milieu du village. D'abord pour dire que les associations représentatives du personnel ont accepté par cet accord que 60% de l'indexation ne soit pas compensée. L'inflation est comprise un peu au-dessus de 1,1%, nous accordons 0,4%, et jusqu'à preuve du contraire, les associations représentatives du personnel ont accepté cet effort, puisque nous avons signé un accord pour 2006. Elles ont également accepté que l'annuité ne commence pas au début de l'année, mais au milieu, à la moitié. Enfin, elles ont accepté le non-versement de la prime de fidélité, sauf pour ceux qui étaient à zéro pendant cinq ans et qui auraient dû passer à 30% - ou 50% pour certaines classes salariales - et il a été jugé par le Conseil d'Etat qu'en effet il n'était vraiment pas équitable de bloquer ceux qui n'avaient rien du tout au titre de la prime de fidélité.
C'est cela qu'ont accepté les associations représentatives du personnel, conscientes des difficultés dans lesquelles se trouve notre canton. Voilà l'état actuel des négociations et je pense que c'est un bon accord. S'il n'y a pas eu foule dans les rues hier soir, cela s'explique aussi par le fait que la majorité des fonctionnaires a estimé que c'était un accord correct étant donné la situation financière très négative du canton.
J'aimerais rappeler aussi que le Conseil d'Etat a fixé une sorte de priorité, quel que soit le nouveau mécanisme salarial qui viendra. D'abord les annuités, ensuite l'indexation. Pourquoi ? Tout simplement parce que freiner les annuités, c'est effectivement ne toucher qu'une partie des collaborateurs. On a parlé des jeunes collaborateurs, Mesdames et Messieurs, mais si ce n'était que les jeunes ! C'est aussi tous ceux qui dans leur carrière ont demandé à occuper de nouvelles responsabilités. Vous savez que le secrétaire général du département des finances se retire à l'âge de soixante ans, après une carrière de plus de trente ans à l'Etat de Genève et qui l'a conduit à la direction d'un office. Annuités ? Huit. J'ai un directeur adjoint qui travaille depuis vingt-deux ans à l'Etat de Genève. Annuités ? Cinq. Pourquoi ? Parce qu'il a fait un apprentissage, qu'il est devenu comptable, qu'il a monté dans la hiérarchie des comptables et que, finalement, il a eu des responsabilités hiérarchiques. Vingt-deux ans à l'Etat de Genève, annuités: cinq. Alors, oui, je vous suis sur un point, on ne va pas garder ce système très longtemps. Il décourage effectivement des gens qui ont fait un parcours remarquable et à qui il faut rendre hommage.
Mais, pour le moment, tant que nous n'avons pas mis en place le nouveau système et accepté de prendre à la charge de l'Etat le coût de transition d'un système à l'autre, il faut rendre le système existant le moins injuste possible. Le système des annuités tel qu'il est pratiqué à l'Etat de Genève n'est pas un bon système. Et avec le système d'une annuité une année sur deux, le résultat est encore plus désastreux. Une majorité de ce parlement l'a compris et le Conseil d'Etat va de l'avant sur ces questions. Vous aurez à en discuter, car aucun changement de système n'est facile, ni ne peut se faire sans vous.
Mais, aujourd'hui, étant donné l'accord et la nécessaire adhésion de la part des employés de l'Etat de Genève et des entités autonomes, nous devons travailler par négociation - je l'ajoute à l'intention de certains. Dans ce domaine, comme dans d'autres, les passages en force ne donnent rien de très bon. On peut échouer dans des négociations, mais la moindre des choses est d'essayer de donner du temps. Le système de rémunération à l'Etat de Genève est parti à la dérive. Le système des annuités est mauvais.
Toutefois, je dois aussi vous dire qu'avec les ressources disponibles il y a un moment où l'on séquence pour arriver à des choses convenables. Et même le recours à des mandataires externes ne nous permettrait pas de faire des miracles.
Nous avons pris position. Nous ferons connaître notre position dans l'entrée de la négociation au prochain point de presse du Conseil d'Etat. Nous viendrons avec un projet de loi à l'automne. Mais, pour le moment, ce projet de loi doit être accepté tel qu'il est, c'est-à-dire comme une transition. Et comme dans d'autres domaines, la réflexion existe.
Vous aimerez ou n'aimerez pas les propositions du Conseil d'Etat, ce que je peux simplement vous indiquer, c'est qu'elles seront sans doute, pour des raisons de transition uniquement - et uniquement pour cela - un peu plus coûteuses que le projet de loi que vous vous préparez à voter maintenant.
Mis aux voix, le projet de loi 9833 est adopté en premier débat par 43 oui contre 18 non et 7 abstentions.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Le président. Il y a une proposition d'amendement à l'article 1 (souligné). Il s'agit de l'ajout d'un article 4: «Les 50% de la prime de fidélité sont affectés à la prévoyance LPP». Je passe la parole à M. Catelain.
M. Gilbert Catelain (UDC). Comme vous le savez, le fait d'augmenter le gain assuré par voie de prime de fidélité induit des obligations supplémentaires pour les caisses de retraite. Et plus on avance en âge et plus le salaire augmente, moins la durée de cotisation restante complétera le financement permettant à la caisse d'assurer de manière autonome le versement de la rente, et cela peut donc affecter la couverture de la caisse de pension.
Cet amendement vise simplement à élargir - parce que cela se fait déjà à l'Etat de Genève, notamment pour les classes supérieures à la classe 15 - une participation de l'employé au rattrapage du gain assuré de la caisse de pension. Cet amendement vise à permettre à l'employé d'améliorer la situation financière de sa caisse de pension en y affectant, la première année, les 50% du gain supplémentaire.
Au vu de la situation difficile des caisses de pension de l'Etat, je vous invite à soutenir cet amendement. Il vise à une plus grande solidarité entre les actifs et les pensionnés des caisses de pension de l'Etat. On sait que l'on verse probablement plus de rentes que n'entre d'argent des cotisations et, à terme, si l'on ne prend pas de mesures telles que celle-ci, ce sont les actifs d'aujourd'hui qui feront les frais du manque de recettes de demain.
M. Pierre Kunz (R). Dans certaines situations, d'aucuns utilisent un canon pour détruire un moustique, mais dans ce cas précis c'est l'inverse: on tire, à la sarbacane, une boule de gomme pour effacer un éléphant... (Brouhaha.) Mesdames et Messieurs, le déficit actuel des caisses publiques genevoises atteint près de 3 milliards... (Remarque.) Oui, 3 milliards ! Et les signataires entendent apporter un début de solution à ce découvert en «chipant» quelques millions - la moitié de l'augmentation que nous voterons tout à l'heure - pour combler, paraît-il, une partie du découvert. Tout cela, sans aucun plan pour la suite, sans le début de ce que j'appellerai l'ombre d'une solution au problème majeur constitué par le découvert des 3 milliards en question. Un découvert qui - je profite de le rappeler car ce n'est pas très clair dans l'esprit de certains - ne pourra être comblé que par trois mesures, complémentaires ou pas. 1) Réduction des prestations. 2) Augmentation des cotisations. 3) Comblement du découvert par l'impôt, c'est-à-dire par l'Etat, puis par l'impôt.
Alors, les radicaux vous recommandent de ne pas entrer en matière sur cet amendement. Par contre, ils apprécieraient que le gouvernement nous dise quand et comment il entendra faire face à cet énorme problème que constitue le découvert grave des caisses publiques de pension.
M. Roger Golay (MCG). L'UDC vous propose le miroir aux alouettes. Que représentent ces 50% de progression sur la dizaine de milliards - à peu près - de découvert des trois caisses de prévoyance de la fonction publique ? Quasiment rien. Simplement, l'UDC cherche à tout prix à entrer en conflit. Je vous rappelle cependant qu'il est plus facile d'entrer en conflit avec la fonction publique que de trouver une porte de sortie, Messieurs de l'UDC ! Et je pense que ce que vous proposez ne vaut absolument pas la peine, si ce n'est que vexer l'ensemble des collaborateurs du service public.
M. Gilbert Catelain (UDC). J'aimerais simplement rappeler que le système du deuxième pilier est fondé sur la solidarité. C'est la solidarité des actifs avec les rentiers, respectivement une solidarité des rentiers vis-à-vis des actifs. Cela marche pour la grande majorité des caisses de retraite où il y a une solidarité directe entre actifs et retraités, sauf dans ce canton, notamment au niveau des caisses de pension de l'Etat où la solidarité ne fonctionne pas totalement des actifs vers les rentiers, mais des contribuables vers les rentiers des caisses de pension de l'Etat de Genève, puisque le renchérissement des rentes n'est pas assuré par la caisse de pension, mais par l'impôt, et que le découvert des caisses de pension ne sera probablement pas couvert par les actifs - ce qui devrait être le cas par les rentiers - mais par les contribuables.
Donc, vous avez dans cette société une inégalité majeure de traitement entre des intouchables qui, quoi qu'il advienne, vont pouvoir bénéficier d'entre 60% et 75% de leur dernier salaire parce qu'ils ont un statut privilégié, et de l'autre côté il y a le tiers payant qui paie son deuxième pilier et la solidarité des rentiers de sa caisse de pension... Et en plus, par solidarité, il devra payer le découvert et l'indexation des caisses de pension de l'Etat de Genève.
En 2005, le groupe UDC a déposé une motion qui invite le Conseil d'Etat à revoir tout le fonctionnement des caisses de pension. Cette motion a été renvoyée en commission par ce parlement qui a compris l'intérêt de réformer ce système, mais elle dort en commission depuis maintenant deux ans. Au cours de cette période, les découverts techniques des caisses de pension ont augmenté et les charges futures - pour l'Etat - ont également progressé ! Cela fait qu'au niveau du bilan de l'Etat nous aggravons la situation, et nous ne sommes de loin pas dans la situation de retrouver un triple A. Je vous rappelle que la France, malgré sa situation catastrophique, a encore le triple A.
Par conséquent, il ne s'agit pas de tirer avec une sarbacane sur un éléphant, il s'agit simplement de prendre une première mesure qui vise à responsabiliser l'ensemble des acteurs de la fonction publique sur le fait que, à terme, et contrairement à ce qu'on leur dit aujourd'hui, leur retraite n'est pas du tout garantie et qu'il leur appartient aussi de participer financièrement à l'assainissement des caisses en prélevant le 50% de cette augmentation.
Je rappelle que si 200 millions étaient affectés cette année aux annuités - aux mécanismes salariaux - cela ferait 100 millions pour les caisses de pension; ce serait de l'argent directement versé aux principaux intéressés, les fonctionnaires. Et sur dix ans, cela ferait un milliard.
Mme Véronique Pürro (S). Beaucoup de choses ont été déjà dites, et je vois deux sources de problème: d'une part, au niveau de la fonction publique, d'autre part au niveau des caisses de pension et de la proposition qui nous est faite par l'UDC.
Le problème au niveau de la fonction publique - les collègues MCG l'ont dit - c'est cette attaque supplémentaire contre les collaborateurs de l'Etat, où l'on essaie de leur faire payer les déficits ou de les faire participer à revoir positivement la situation actuelle.
On vient de nous dire, par la voix de M. Hiler, qu'une négociation était en cours. Au niveau de la méthode, je crois qu'il faut que l'on fasse confiance au Conseil d'Etat et j'imagine que le sujet des caisses de pension fera partie des objets discutés - je ne vois pas comment cela pourrait être autrement.
Deuxième source de problèmes sur les caisses de pension... M. Catelain a rappelé que l'UDC a été à l'origine de propositions, mais elle n'est pas la seule. Ces propositions ont été largement débattues à la commission de contrôle de gestion et, contrairement à ce que vous venez de dire, le sujet n'est pas gelé ! Mais, comme nous avons pu le voir pendant les discussions, il est très complexe: il y a plusieurs caisses, plusieurs situations, les taux de couverture sont différents d'une caisse à l'autre. Et là aussi, le Conseil d'Etat nous a montré sa volonté d'aller de l'avant sur le sujet, de le prendre en compte et de nous faire des propositions. Mais il faut aussi discuter avec les caisses et, comme c'est le cas pour la fonction publique, c'est en négociant et non pas en imposant que l'on trouvera des solutions.
Donc, votre proposition est très mauvaise à tous les niveaux. Il faut la rejeter.
M. Pierre Weiss (L), rapporteur de minorité. L'amendement qui nous est soumis a un caractère modéré, lorsqu'on le prend pour une année en soi. Mais le caractère cumulatif a aussi été rappelé. Et de ce point de vue, cela rend sa prise en considération nécessaire. Je suis étonné du refus du premier pas - car, évidemment, il n'y a que le premier pas qui coûte, notamment dans un budget - énoncé par mon cher ami Pierre Kunz, dont je vois aujourd'hui que d'ange exterminateur qu'il était dans le passé, du temps de l'Ancien Testament, il s'est transformé, avec le Nouveau Testament, en bon berger... (Rires.) Eh bien, cher Pierre Kunz, là aussi, je souhaiterais que vous relisiez toutes les Ecritures avant de vous prononcer.
Certes, l'aspect technique de cet amendement est certainement perfectible, Mme Pürro a raison, et de ce point de vue le projet de loi sur la révision du statut de la fonction publique permettra d'y voir beaucoup plus clair, compte tenu en particulier des propositions que ne manquera pas de faire le Conseil d'Etat. Mais aujourd'hui il y a un signe de solidarité intergénérationelle à donner. C'est pour cela que les libéraux voteront cet amendement.
Le président. Monsieur Kunz, vous n'avez pas été mis en cause: on n'est pas mis en cause quand on est appelé «bon berger». Je passe la parole à M. Marcet.
M. Claude Marcet (UDC). Simplement pour répondre à une remarque qui nous est toujours faite lorsque nous venons sur le sujet: ce n'est absolument pas une atteinte à la fonction publique ! Il s'agit simplement de mettre les choses à plat, de dire la vérité, d'annoncer les faits tels qu'ils sont. C'est tout !
Je rappelle simplement que le déficit actuariel que nous devrons payer au travers de nos impôts, ce n'est que du salaire déguisé pour la fonction publique. Or, je le rappelle aussi, la fonction publique est pour certains un énorme lobby de 30 000 personnes - plus les familles, cela fait 45 000 personnes - et on se cache là derrière pare qu'on a la trouille de dire la vérité, car ces gens vont voter dans le sens de leurs intérêts. Mais que la vérité soit ! Que la vérité soit présentée et que l'on dise exactement ce qu'il en est et ce que cela coûtera plus tard ! A partir de là, remettons les pendules à l'heure !
Dans le privé, en primauté des cotisations, on a une retraite en fonction de ce que l'on a. A l'Etat, en primauté des prestations, quel que soit le montant que vous allez mettre, 60% ou 70% de votre dernier salaire est acquis. Et encore, on fait des petites combines parfois, comme monter de classe pour les deux ou trois dernières années, car cela fait une retraite plus intéressante ! Je ne rappellerais qu'un seul exemple. J'ai un vieux frère, un vieux papy de 82 ans qui a passé quarante ans dans la fonction publique; il a déjà reçu plus de trois fois en retraite ce qui a été accumulé dans les caisses de retraite pour lui, par lui et par l'Etat, intérêts capitalisés. Je suis désolé, mais techniquement, ce genre - excusez-moi d'être un peu vulgaire - de conneries nous amène droit dans le mur ! Et demain, lorsqu'il faudra dire à la fonction publique que nous n'avons plus les moyens de payer effectivement ce que nous avons promis, ceux qui actuellement ici ne sont pas capables de regarder la vérité en face devront se poser un certain nombre de questions, comme celle de savoir pourquoi ils n'ont pas voté au moment où ils devaient voter les assainissements qui s'imposent. Ce n'est pas une attaque contre la fonction publique, c'est un fait ! Il faut remettre les pendules à l'heure et dire la vérité. Mais cette vérité, certains ne veulent absolument pas l'entendre, parce qu'elle gêne leurs intérêts politiques et le copinage qui se cache derrière beaucoup des décisions qui se prennent dans ce parlement.
Le président. Je passe la parole à M. Stauffer. La liste est close.
M. Eric Stauffer (MCG). On entend que les fonctionnaires, c'est du lobbying qui représente 45 000 voix. Mais que dire du lobbying de la droite, du dernier orateur ? Ce lobbying qui favorise les milieux immobiliers... (Bruit de larsen. Brouhaha.) Excusez-moi, cela doit être mon natel... Voilà. Donc, lobbying qui favorise toute une série de castes genevoises, ce qui a ont provoqué, toutes ces dernières années, les déficits que nous connaissons. Et j'aimerais quand même attirer l'attention de la population qui nous écoute sur les mécanismes salariaux qui ont été «sucrés» à nos fonctionnaires. Et je ferai ce raccourci, certes un peu simpliste: avec la BCGe, combien d'annuités on aurait pu payer ? (Brouhaha.)
Le président. Monsieur le député, je pense que nous pouvons partir de l'idée qu'il y a longtemps que les auditeurs ont cessé de vous écouter. (Brouhaha.) Donc, si c'est à leur attention que vous vous exprimez, je pense que vous pouvez y mettre un terme.
M. Eric Stauffer. Bien sûr, Monsieur le président. J'aimerais terminer, si vous le permettez. Puisqu'ils prônent les PMI et les PME, j'aimerais aussi demander combien de PME auraient pu être financées avec ces mêmes «casseroles» ? Alors, encore une fois, Messieurs, ne parlez pas de lobbying: quand on veut faire le ménage ailleurs, on commence par balayer devant sa porte.
M. David Hiler, conseiller d'Etat. Je suis toujours impressionné, quelle que soit ma place dans cette enceinte, par l'infinie capacité de ce parlement à digresser. Parce que, malgré tout, aux dernières nouvelles, nous parlions d'une demi-annuité. Certains trouvaient que son coût était excessif, d'autres pas. Là-dessus vient un amendement qui déchaîne des flots oratoires sur la question des caisses de pension. C'est un sujet qui, vu son impact financier, mérite un certain nombre de débats. Mais je ne suis pas tout à fait sûr que le biais proposé soit adéquat et que le moment soit idoine.
Maintenant, j'aimerais rappeler, pour ceux qui connaissent peu ces questions, les enjeux principaux, concrets, auxquels nous sommes confrontés.
Le premier enjeu est de savoir si, à terme, avec le vieillissement et une croissance démographique générale au niveau du canton, qu'on attend comme plutôt modérés, nous pourrons encore payer des rentes dans vingt ans. Ce sont ces systèmes actuariels en place qui sont vérifiés périodiquement par les caisses de pension. Jusqu'ici, ça va. Il est vrai que, notamment à la CIA, les enfants du baby-boom vont arriver à la retraite les uns après les autres et que l'on peut imaginer que ce calcul actuariel sur vingt ans donne des résultats un peu moins encourageants que ceux que l'on a eus jusqu'ici. Ceci est une réalité de nature économique et ce n'est pas tout à fait pour rien que, dans la classification du premier plan de mesures, la fusion des deux caisses - CIA et CEH - était sous la rubrique «gestion des risques». Il y a donc un risque et il est identifié.
Il y a un deuxième risque, de nature législative. La question est de savoir que va décider le parlement fédéral concernant les taux de couverture des caisses de pension. L'ensemble de la Romandie et le canton de Berne connaissent des systèmes, où l'on fait du calcul à vingt ans et, tablant sur la pérennité de l'Etat, on n'estime pas qu'à chaque moment on soit en mesure de couvrir à l'instant T l'ensemble de ce qui est dû aux pensionnés. Cette manière de faire a été mise en place sous l'égide de Robert Ducret, et jusqu'ici le système mixte - qui a le défaut d'être assez peu répandu - a manifesté, lorsqu'il était bien géré, une bonne solidité. En d'autres cas - malheureusement, il faut le dire - dans le Valais et dans certains cantons suisses alémaniques, il y a eu des choses assez difficiles, comme il y a eu des grandes sociétés au niveau mondial qui ont disparu en absorbant et en perdant tout le capital des assurés - cela existe aussi. Donc, les deux systèmes ont leurs inconvénients.
Aujourd'hui, que peut-on dire à ce propos ? Les Chambres fédérales, dans le cadre de l'initiative Beck et de sa concrétisation, restent dans des limites raisonnables qui pourraient être de deux types: l'obligation pour les cantons de légiférer, comme l'a fait le canton de Fribourg, ou un taux de l'ordre de 70%. Là, nous sommes tranquilles sur des impacts à court terme et non pas sur le long terme, et c'est ce que nous devons préparer. J'aimerais vous signaler que nous devons voir... Comment déjà ? «Au delà de nos frontières».
Le canton de Berne a décidé, à un moment donné, de recapitaliser intégralement une caisse. Il y a mis un milliard - je vous donne ce nombre de tête - en 2000. En 2003, il avait perdu le milliard qu'il avait mis dans la caisse, pour cause de fluctuation boursière. Donc, il avait retiré sa garantie et recapitalisé. Je ne suis pas sûr que cela soit la bonne méthode, puisqu'à la fin le canton de Berne a remis sa garantie. Nous devons donc approcher cette question de façon extrêmement prudente... Je vous dis d'emblée que la fusion des caisses ne représente pas trois ou quatre semaines de discussions et de négociations: il faut trouver le cadre juridique, il faut trouver le plan de prestations idoine, il ne faut pas désavantager les pensionnés d'une caisse par rapport à l'autre, et tout cela prendra un certain temps. Quel est l'intérêt fondamental de la fusion ? C'est que les classes d'âge ne sont pas les mêmes dans les deux caisses au niveau de retraités: à la CEH la moyenne d'âge est de 66 ans et à la CIA c'est un peu plus, la pyramide des âges du personnel hospitalier étant très différente de celle du personnel enseignant, très marquée par le baby-boom - démocratisation des études exige.
Nous devons maintenant avoir une approche qui nous prévaut du risque. Quand deux risques sont identifiés et que nous réagissons sur les deux, il y a deux méthodes: prendre des mesures ou provisionner. L'idée du Conseil d'Etat est que nous pouvons encore éviter de provisionner, et j'aimerais dire à ce propos que la Conférence des directeurs des finances romands, qui comprend un socialiste, un Vert, des démocrates-chrétiens, un radical, un UDC, et M. Gasche de Berne, est unanime sur la défense du système mixte, si celui-ci est bien géré. Et ce sur quoi vous devrez vous prononcer, ce sont les calculs actuariels effectués sur des hypothèses «crédibles» quant à ce qui va se passer au cours de ces vingt prochaines années. Tout cela, nous allons en parler longuement.
Maintenant, c'est une autre question que de savoir s'il faut changer la répartition entre le salarié et l'employeur. Vous savez qu'elle est de deux tiers/un tiers. En moyenne, au niveau suisse, elle est de 60% - privés compris - pour l'employeur et 40% pour les employés. C'est une autre question, mais le Conseil d'Etat a déjà donné ses options dans le cadre de la CIA. Première mesure, la fusion...
Le président. Il vous faudrait conclure, s'il vous plaît.
M. David Hiler. Je terminerai par là. Première mesure: la fusion pour lisser les effets de classe d'âge. Deuxième mesure: une éventuelle prolongation de 38 à 40 ans de la durée de cotisation et troisième mesure: non indexation des prestations. Parce que le Conseil d'Etat n'est pas d'avis qu'avec un taux global de 24% de cotisations nous puissions encore augmenter la pression sur les actifs alors qu'un retraité - il faut tout de même se le rappeler - qui a l'ensemble des années de cotisation, gagne mieux que la personne qui commence le métier en annuité zéro, et en travaillant. Et là, il y aura des choses difficiles, douloureuses sur lesquelles nous devrons nous pencher, avec les intéressés ! Le premier risque, c'est l'abolition du système mixte au niveau fédéral, celui-ci nous coûterait la bagatelle de 4 millions de francs à provisionner en nos comptes, mais nous allons, si vous le voulez bien, commencer par... (L'orateur est interpellé.) Oui, pardon ! C'est évidemment 4 milliards. Nous allons, avec les autres cantons latins et le canton de Berne, essayer de prévenir ce premier risque qui mettrait tout la région lémanique à genoux sur le plan financier.
Le président. Je vais mettre aux voix la proposition d'amendement. Si vous le permettez, je vais numéroter cet article autrement que l'ont fait les auteurs, puisqu'ils lui ont donné le numéro 4 qui est celui d'un article existant déjà dans cette loi. Nous allons donc, s'il n'y pas de protestations de la part des auteurs de l'amendement, l'appeler article 3A.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 38 non contre 24 oui et 3 abstentions.
Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté, de même que l'article 2 (souligné).
Troisième débat
La loi 9833 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 9833 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 40 oui contre 22 non et 6 abstentions.
Le président. Nos travaux sont suspendus 10 minutes.