Séance du
jeudi 22 juin 2006 à
20h30
56e
législature -
1re
année -
10e
session -
46e
séance
La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Michel Halpérin, président.
Assistent à la séance: MM. Pierre-François Unger, président du Conseil d'Etat, Charles Beer, Laurent Moutinot, David Hiler, François Longchamp et Mark Muller, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: M. Robert Cramer, conseiller d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Luc Barthassat, Maurice Clairet, Edouard Cuendet, Marie-Françoise de Tassigny, Pierre Ducrest, Gabrielle Falquet, Christiane Favre, Georges Letellier, Pierre-Louis Portier, Henry Rappaz, André Reymond et Pierre Schifferli, députés.
Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle à présent la prestation de serment de M. Bertrand Reich.
Le président. M. Bertrand Reich est assermenté. (Applaudissements.)
Correspondance
Le président. Vous avez trouvé sur vos places l'énoncé de la correspondance reçue par le Grand Conseil, énoncé qui figurera au Mémorial.
Correspondance de M. MANFRINI Pierre Louis demandant au Grand Conseil d'appuyer la suspension de la procédure devant le Tribunal administratif relative au recours contre la loi 9415 du 18 mars 2005 (PAC "La Chapelle-Les-Sciers"), avec en annexe sa demande de suspension adressée au Tribunal administratif (transmis à la Commission de l'aménagement pour information) (voir correspondance C 2049 à C 2051, C 2069 à C 2071, C 2121, C 2122, C 2125, C 2140 à C 2142, C 2159, C 2183 et C 2213) (C-2245)
Annonces et dépôts
Néant.
Le président. Nous reprenons nos travaux là où nous les avons laissés, c'est-à-dire à l'initiative 129.
Suite du débat
Mme Janine Hagmann (L). Participer à la commission législative pour un non-juriste donne l'occasion de faire d'intéressantes découvertes... J'ai toujours cru personnellement que le droit déterminait un cadre rigoureux dans lequel était clairement défini si un objet était noir ou blanc. La Suisse est un Etat fondé sur le droit - on l'a vu dans cette enceinte déjà: le droit prévaut sur tout, même sur la morale. C'est donc avec un certainement étonnement que l'on constate que, pour nous conforter quant à la décision à prendre aujourd'hui sur la recevabilité de l'initiative 129, trois avis de droit sollicités donnent trois avis différents ! Je regrette que Mme le rapporteur de majorité ne soit pas présente, parce qu'il me semble qu'il aurait été logique de joindre au rapport les trois avis de droit et pas seulement celui du professeur Martenet...
Je vous rappelle pour information que le professeur Auer recommande l'invalidation, que le professeur Martenet recommande l'invalidation partielle de l'alinéa 3, afin de rendre l'initiative compatible avec le droit supérieur tout en ne détournant pas le sens de cette dernière, et que Me Doris Vaterlaus recommande la validation.
Aujourd'hui, je vais essayer d'argumenter pour expliquer la position du groupe libéral qui, lui, recommande l'invalidation de l'initiative, même si - soyons clairs ! - personne dans le groupe libéral ne conteste les méfaits du tabac.
Dans «libéral», Mesdames et Messieurs les députés, il y a «liberté»... La doctrine du parti est basée, entre autres, sur les vraies valeurs de la liberté et de la responsabilité. Dans le manuel remis aux jeunes à l'école, intitulé «Pratiques citoyennes», le parti libéral explique que son choix de société, c'est de croire en la capacité de l'homme d'assumer sa liberté dans le respect de celle des autres, de faire confiance à l'homme et de se méfier des systèmes. Le sens large de la liberté, c'est l'état de ce qui ne subit pas de contrainte. Il est donc pour nous impossible d'accepter une initiative qui ne prévoit aucune exception !
Au Tessin, en France, en Autriche, en Irlande, en Norvège, etc., toutes les lois édictées l'ont été avec des champs d'application moins vastes que ceux prévus par l'initiative 129 ! Ici, aucune marge de manoeuvre ne nous est donnée ! Il est vrai que l'alinéa 1 ne respecte le principe de la légalité que s'il est interprété de façon restrictive, comme autorisant le gouvernement à prendre des mesures douces et non contraignantes qui n'affectent pas les libertés. Cela n'est pas de moi, mais du professeur Auer ! L'initiative n'est conforme ni à la règle de la nécessité ni à celle de la proportionnalité, mais, dans la balance, il faut évidemment mettre dans un des plateaux le droit au respect de la liberté personnelle et de la sphère privée et, dans l'autre, l'interdiction générale de fumer dans tous les lieux publics. Sans aucune exception, je vous le rappelle !
Je le signale pour que les choses soient bien claires: ni le rapporteur de minorité ni moi-même n'appartenons à la catégorie des fumeurs... Tout à l'heure, j'ai refusé de prendre l'ascenseur au parking Saint-Antoine, parce qu'une personne de sexe masculin y entrait en même temps que moi une cigarette allumée à la bouche...
Des voix. Oh !
Mme Janine Hagmann. J'ai trouvé cela inadmissible, et je le lui ai dit ! (Rires et exclamations.)
Nous ne défendons qu'un dogme, un principe vital pour nous, basé sur le respect des droits et des libertés garantis par l'ordre juridique fédéral et international. Je le répète, c'est le côté intolérant de cette initiative qui nous amène à refuser sa validation. Et je pense sincèrement que le Tribunal fédéral est capable de l'invalider.
Mesdames et Messieurs les députés, montrons-nous intelligents: invalidons cette initiative, et, comme l'a dit le rapporteur de minorité, remettons l'ouvrage sur le métier ! Protéger les personnes qui subissent la fumée passive est extrêmement important, nous en sommes tous conscients, mais ce texte a été rédigé sans tolérance, sans marge de manoeuvre !
C'est pourquoi je vous demande, au nom du groupe libéral, de refuser sa recevabilité. (Applaudissements.)
Mme Sandra Borgeaud (MCG). (Bruit de larsen.) J'espère que, cette fois, cela va fonctionner du premier coup...
Mesdames et Messieurs les députés, le MCG votera l'irrecevabilité de cette initiative. Il est clair que, pour nous, elle ne va pas du tout dans le sens du droit constitutionnel. Nous devons respecter la santé des non-fumeurs, nous en sommes parfaitement conscients et nous le souhaitons aussi, mais nous devons également respecter les fumeurs !
Nous ne voyons pas comment nous pourrions demander à une personne âgée vivant dans un EMS d'aller fumer sa cigarette sur un balcon, par moins 15 degrés en plein hiver ! Pour certaines personnes, fumer est le seul plaisir qui leur reste dans la vie, et nous devons respecter ce droit. Nous sommes bien conscients, je le répète, des dangers de la fumée passive, mais tout le monde a sa place dans cette société et, jusqu'à nouvel ordre, fumer n'est pas considéré comme un crime dans nos lois !
Nous invaliderons donc cette initiative et nous sommes tout à fait d'accord de soutenir un éventuel projet de loi qui pourrait être déposé à l'avenir, qui soit élaboré correctement et avec cohérence, cela dans le respect de la dignité humaine. Nous souhaitons aussi que des exceptions y soient prévues. Quand on veut prendre exemple sur d'autres villes, d'autres pays, il faut faire comme eux pour ce qui est des exceptions. Ils ont tous prévu des exceptions alors que cette initiative n'en prévoit absolument aucune ! Et nous ne pouvons pas accepter d'aller à l'encontre du droit constitutionnel.
Pour cette raison, le MCG votera l'irrecevabilité de cette initiative et vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, d'en faire autant.
Mme Loly Bolay (S). Tout d'abord, je remarque que tous les députés disent que la fumée est nocive, qu'ils sont prêts à agir, mais, lorsqu'on leur présente un projet, ce n'est jamais le bon moyen !
Mesdames et Messieurs les députés, l'initiative 129 vise à protéger les non-fumeurs de la fumée passive. Mais, c'est vrai, elle est trop restrictive, car elle ne prévoit pas d'exceptions. C'est la raison pour laquelle la majorité de la commission législative a décidé de l'invalider partiellement. L'article 178B dit, en son alinéa 3: «Par lieux publics dont les locaux intérieurs ou fermés sont concernés, il faut entendre: a) tous les bâtiments ou locaux publics dépendant de l'Etat et des communes ainsi que de toutes autres institutions de caractère public;...». Le Tribunal fédéral stipule qu'en vertu du principe de proportionnalité l'invalidité d'une partie de l'initiative ne doit entamer celle du tout que si le texte ne peut être amputé sans être dénaturé. Selon la doctrine, une initiative partiellement invalide doit être soumise au peuple, et cela même si l'invalidité frappe l'une de ses parties importantes. L'invalidité totale de l'initiative 129 ne se justifie donc pas, compte tenu de la jurisprudence du Tribunal fédéral.
Le professeur Martenet confirme dans son avis de droit que l'interdiction de fumer dans les lieux publics, intérieurs ou fermés, est, dans son principe, compatible avec le droit supérieur. Il ajoute: elle s'inscrit du reste dans le droit-fil des recommandations émanant de l'OMS. Or, il existe, selon le professeur Martenet, des lieux considérés comme des lieux privatifs auxquels l'interdiction de fumer est susceptible de ne pas s'appliquer. Car l'initiative 129, en visant tous les bâtiments ou locaux publics dépendant de l'Etat - comme je l'ai dit tout à l'heure - va trop loin.
D'ailleurs, le rapport du Conseil d'Etat le dit expressément. L'interdiction totale de fumer dans les établissements de détention peut constituer une atteinte à la liberté personnelle des détenus. Comme, du reste, dans d'autres lieux de vie, par exemple - Mme la députée Borgeaud en a parlé - les EMS, les instituts psychiatriques, les hôpitaux où les malades font des séjours de longue durée. Cette mesure doit donc être fortement restreinte.
Pour toutes ces catégories de personnes, l'atteinte à la liberté personnelle se double effectivement d'une atteinte à la vie privée, parce que, justement, l'interdiction les touche dans un environnement dont elles ne peuvent sortir facilement, elle les touche véritablement dans leur sphère privée ! Cette lecture vaut également pour les lieux d'hébergement ou les chambres d'hôtel, en vertu notamment de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme ou de l'article 13 de la Constitution fédérale qui stipule que toute personne a droit à la protection de son domicile.
Je voudrais également relever la prise de position de la Commission fédérale pour la prévention du tabagisme - qui a été nommée par le Conseil fédéral - qui plaide pour que tout soit mis en oeuvre pour préserver les non-fumeurs de la fumée passive.
Pour conclure, la majorité de la commission a interprété et corrigé cette initiative dans le sens voulu par les initiants. A ce propos, je m'inscris en faux contre l'affirmation du rapporteur de minorité qui prétend que cela s'est fait contre leur volonté, parce que cela ne remet pas en cause le but de l'article 178B de protéger le public et le personnel ! Et il ne faut pas oublier que le principe de proportionnalité commande de choisir la solution qui préserve la plus grande partie du texte de l'initiative. J'ajoute que cette solution a le mérite de répondre aux interrogations du Conseil d'Etat et, peut-être, cette initiative, telle qu'elle a été corrigée par la commission législative, peut-elle éviter un contreprojet du Conseil d'Etat.
Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais enfin faire remarquer que des pays comme l'Espagne, l'Italie, ou le canton du Tessin, se sont dotés de lois qui interdisent la fumée, sans que cela ne soulève une levée de boucliers, contrairement à ce qui se passe ce soir. C'est la raison pour laquelle je vous demande de voter les conclusions du rapport de majorité. (Applaudissements.)
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Je souhaiterais quand même rappeler que cette initiative traite d'un problème de santé publique extrêmement grave. Nous savons maintenant que la fumée passive entraîne le décès d'environ soixante à quatre-vingts personnes dans notre canton par année, ce qui n'est pas négligeable ! A peu près mille personnes en Suisse, personnes qui n'ont pas choisi de fumer, mais qui la subissent !
Dans ces circonstances, parler de mode, de tendance, de politiquement correct, tout simplement pour discréditer tous ceux qui proposent des mesures de protection, me semble tout à fait inapproprié et déplacé ! Lutter contre le politiquement correct semble pourtant le parti-pris et la principale préoccupation du rapporteur de minorité... Ce faisant, il n'hésite pas à balayer celles des milliers de signataires qui ont soutenu cette initiative, parce qu'ils ont réalisé qu'une industrie leur ont menti pendant des décennies !
Donc, M. Luscher, dans son rapport de minorité, nous fait l'apologie de l'avis de droit de M. Auer, de sa prétendue objectivité, en omettant soigneusement de rappeler qui a mandaté M. Auer pour cet avis de droit... Eh bien, tout simplement un cigarettier bien connu ! Toute personne qui s'est penchée un tant soit peu sur la stratégie des multinationales ne peut donner foi à un avis de droit mandaté par une industrie qui a menti aussi longtemps à la population, qui a caché volontairement et très longtemps que la nicotine avait un pouvoir «addictif» extrêmement fort et qui, ensuite, a tout fait pour empêcher les scientifiques d'alerter la population et en a même payé certains pour qu'ils nient les effets du tabagisme passif.
Heureusement, la commission législative a eu la sagesse de demander un autre avis de droit, et, pour cela, elle s'est adressée à M. Martenet. Là encore, M. Luscher a essayé d'interpréter dans son sens l'avis de droit rendu par M. Martenet ! Je n'épiloguerai pas, car la rapporteuse de majorité et Mme Loly Bolay sont très bien intervenues à ce sujet. En fait, il reproche à M. Martenet de vouloir sauver cette initiative à tout prix... Mais, M. Luscher, tout juriste qu'il est - ou avocat - a oublié que le Tribunal fédéral demande à l'autorité qui est chargée de statuer sur la validité matérielle d'une initiative de l'interpréter dans le sens le plus favorable aux initiants. Il ne s'agit donc pas d'une fantaisie de juriste ou d'une contorsion juridique comme il l'a prétendu ! C'est tout simplement ce que commande la Constitution pour garantir les droits politiques de la population.
J'aimerais encore faire une petite parenthèse. Dans cette enceinte, tout le monde semble maintenant d'accord qu'il faut lutter contre les méfaits du tabagisme... Alors, Mesdames et Messieurs les députés - surtout ceux de l'Entente - vous avez la mémoire un peu courte ! Il y a un an - c'était avant les élections, donc certains d'entre vous n'étaient pas encore élus - nous avons déposé un projet de loi, qui était une copie conforme du projet de loi tessinois sur le même sujet, qui a été accepté. Il demandait essentiellement l'interdiction de fumer dans les établissements publics, c'est-à-dire les cafés-restaurants, qui représentent une grande partie des lieux où l'on peut fumer. Quoi qu'il en soit, nous avions proposé que ce projet de loi soit signé par tous les partis, car cette problématique dépasse largement les clivages politiques traditionnels gauche/droite. Eh bien, nous n'avons trouvé personne, dans les partis de l'Entente, pour signer ce projet de loi ! (Exclamations.) Même un futur conseiller d'Etat, pourtant partisan de lutter contre le tabagisme passif, n'a pas osé, pour des raisons électoralistes, le signer ! Maintenant, apparemment, selon M. Luscher, ce sujet est très porteur: on surfe sur la vague anti-fumée ! Mais il y a une année très exactement, personne parmi les députés des bancs de l'Entente n'a voulu accepter de signer ce projet de loi ! Si bien que ce projet est actuellement devant la commission judiciaire et il n'a été signé que par les partis de l'Alternative: les socialistes, les Verts et les députés de l'ancienne l'Alliance de gauche. Alors, avant de vouloir proposer des projets mirobolants pour essayer de les substituer à cette initiative, pensez qu'un projet de loi à ce sujet existe et que vous l'avez tout simplement dédaigné !
Je terminerai en disant que, finalement, l'excellent rapport de notre collègue Anne Emery-Torracinta expose très clairement les problèmes juridiques posés par cette initiative et que nous pouvons soutenir la solution qui est issue des travaux de la commission, à savoir l'invalidation très partielle de l'initiative, de façon à pouvoir respecter le principe de proportionnalité et le droit supérieur.
De toute manière, la population n'attend pas des politiques qu'ils continuent à exprimer leurs états d'âme: elle attend de pouvoir se prononcer à ce sujet ! Vous le savez, cette initiative a reçu un très fort soutien et notre responsabilité est de la soumettre le plus rapidement possible au peuple. (Applaudissements.)
M. Damien Sidler (Ve). J'aimerais tout d'abord remercier la rapporteure de majorité pour son rapport extrêmement complet et, surtout, pour son préambule dans lequel elle exprime bien quelle est précisément notre mission de ce soir et le rôle que la commission doit jouer lorsqu'elle évalue la recevabilité formelle d'une initiative.
Nous sommes dans un cas un peu spécial effectivement, puisque nous sommes en présence de trois avis de droit, qui partent du même constat sur les problèmes mais qui arrivent chacun à des conclusions opposées ou différentes. Le Conseil d'Etat, qui joue la carte du in dubio pro populo, l'a déclarée recevable, mais propose de lui opposer un contreprojet pour essayer de trouver une porte de sortie... Le professeur Auer préconise de tout jeter... Et le professeur Martenet essaie de proposer des solutions, qui, a priori, doivent être trouvées par la commission, si elles existent. C'est vraiment ce qu'on attend d'elle.
Que nous demande cette initiative ? D'ancrer un principe dans la constitution selon lequel dans tout lieu public - un lieu de rencontres et d'échanges, par définition - ce soit le fumeur qui sorte de l'espace fermé pour aller «griller» une cigarette et non le contraire. Actuellement, effectivement, si un non-fumeur ne veut pas être exposé à la fumée de cigarette, c'est lui qui doit sortir, ou alors il ne peut pas entrer dans ces lieux... Cette initiative ne demande donc rien d'autre que d'inverser l'usage qui prévaut actuellement, ce qui, à mon avis, ne restreint pas forcément la liberté davantage dans un sens que dans l'autre.
Certains juristes trouvent cela excessif et invoquent le principe de proportionnalité... A ce sujet, j'aimerais quand même dire - à M. Auer, par exemple, qui prétend qu'au niveau scientifique on n'est encore pas tout à fait sûr de la dangerosité de la cigarette - qu'il faut rester sur le terrain du droit, notamment du droit fédéral, qui impose tout de même que figure la mention: «Fumer nuit gravement à votre santé et à celle de votre entourage» sur chaque paquet de cigarettes. Si cette inscription est obligatoire au niveau fédéral, j'imagine qu'il doit y avoir une base légale suffisante !
La solution proposée par la commission et préconisée par le professeur Martenet consiste à nous mettre en garde par rapport aux fumeurs qui ne peuvent pas sortir de l'espace dans lequel ils se trouvent, notamment les personnes qui se trouvent en prison, à l'hôpital, etc., et de prévoir des exceptions. Eh bien, M. Martenet les a identifiées, il a essayé de lister tous les problèmes que cette interdiction pouvait poser, et sa proposition nous semble tout à fait acceptable.
Mais les Verts placent le débat un peu plus loin... Nous disons en effet qu'il s'agit d'un débat de société, qu'il faut voir comment la société de demain va évoluer, et nous demandons, à l'instar des initiants, que la question soit posée au peuple. Nous pensons que ce n'est pas forcément à nous d'y répondre ici.
Cela a été le cas pour l'énergie... Plus ou moins les mêmes partis - en tout cas le parti libéral - ont aussi voulu occulter le débat de société sur l'énergie en opposant des arguments juridiques pour attaquer l'initiative. Nous trouvons cette façon de faire quelque peu regrettable. Comme le Conseil d'Etat le préconise, nous ferons tout pour que les initiatives soient soumises au peuple, pour qu'il puisse trancher, surtout lorsqu'il s'agit de débats de société aussi importants.
J'aimerais encore rappeler - M. Pétroz et Mme Borgeaud ont évoqué les problèmes qu'une telle mesure posait pour les personnes qui ne peuvent pas sortir de l'endroit où elles se trouvent - que la solution préconisée, notamment pour les personnes en prison, tient tout à fait compte des cas particuliers. L'interdiction est décidée pour l'ensemble d'un lieu public, mais pas forcément dans son intégralité. Autrement dit, il est possible de prévoir des exceptions dans certaines parties d'un bâtiment.
Les exceptions que vous réclamez pourront donc être prévues, et nous vous proposons donc de voter la recevabilité de cette initiative ainsi amendée, comme la commission le propose.
Mme Brigitte Schneider-Bidaux (Ve). Je ne vais pas répéter tout ce qui a été dit par mes préopinants... Je vous encourage simplement à accepter la validité de cette initiative, pour que l'on puisse en discuter en commission de la santé, afin d'en améliorer - éventuellement - encore le texte.
M. Claude Marcet (UDC). J'avoue adorer nos collègues juristes lorsqu'ils s'expriment, les funambules du verbe, des rois de la circonvolution verbale, ni oui ni non, mais bien au contraire... (Exclamations.)
Le malheur, c'est que dans cette affaire, dans leurs jeux de mots, auxquels ils sont habitués professionnellement, ils oublient l'important, le fond du problème, la santé de nos concitoyens ! Au moins ceux qui refusent de se laisser empoisonner au nom de la prétendue liberté.
Cette initiative n'est pas parfaite... soit ! Alors, acceptons sa recevabilité et amendons-la en commission ! Ses défenseurs se font traiter d'intégristes, d'ayatollahs, de pourfendeurs des libertés... Eh bien soit, là aussi ! Si cela peut amuser la galerie !
Mais je me permets tout de même de rappeler une fois encore que la liberté des uns finit où commence celle des autres ! Et ma liberté me permet d'exiger - moi, non-fumeur - de ne pas respirer la saleté que les fumeurs nous expédient ! Que les fumeurs se tuent ne me dérange nullement, dès lors qu'ils payent avec leurs «clopes» le coût intégral des soins au bout du chemin de leur vice, mais ils me dérangent fortement, lorsqu'ils tuent ceux qui ne veulent pas l'être, c'est-à-dire quelques centaines de personnes par année, en Suisse ! Mais à cela, nos funambules du verbe ne semblent guère être intéressés...
Je me permets de vous donner quelques exemples. La tenancière du bar du Grand Conseil ne fume pas... Eh bien, sachez qu'elle est en permanence empoisonnée par la fumée d'un certain nombre d'entre nous ici, qui ne lui demandent même pas si la fumée l'importune ! Cela ne les intéresse pas ! Pour moi, c'est un manque d'éducation notoire, mais il est vrai qu'à ce niveau la mémoire fait défaut à certains !
Beaucoup arrivent dans la salle des Pas-Perdus en fumant et ne demandent même pas aux autres personnes présentes si la fumée les importune... Les mêmes qui nous disent ici qu'il faut garantir la santé des autres n'y font pas attention ! J'y suis, j'y reste et j'empoisonne les autres ! Nous pouvons malheureusement constater ces comportements - je le répète - de la part même de ceux qui prétendent vouloir garantir la santé des autres ! Alors, regardons-nous d'abord dans un miroir et faisons ensuite quelques efforts !
Je signale également que les serveurs dans les restaurants subissent la fumée des clients... Et dans leur profession, ou ils acceptent ou ils «foutent le camp» ! Trouvez-vous cela normal ? Moi, pas du tout ! Je trouve même cela tout à fait inadmissible ! Mais, encore une fois, pour nos funambules du verbe, c'est le juridisme exacerbé qui prime et non pas la défense de la santé publique !
J'ajouterai que les cigarettiers - cela a été dit - font tout ce qu'ils peuvent pour vendre leur saleté... Il n'y a strictement aucun autre mot pour le dire ! (L'orateur est interpellé.) Mais on ne parle pas d'alcool ! L'alcool tue aussi, certes...
Une voix. Non, non, l'alcool, c'est bon pour la santé ! (Rires.)
M. Claude Marcet. ... mais, au moins, je ne subis pas l'alcool que tu ingurgites et qui peut te tuer ! (Exclamations.) C'est la différence avec la fumée ! C'est un lobby...
Une voix. Ça tue les tympans !
M. Claude Marcet. Eh bien, il faut changer de place ! (Rires et exclamations.) ... Donc, c'est un lobby puissant qui peut se payer absolument toutes les autorités qu'il veut !
Pour mémoire, je vous dirai simplement que le «cow-boy célèbre» est mort d'un cancer du poumon, mais personne ne veut le savoir, parce que, manifestement, le fric prime ! Eh bien, moi, je ne suis pas d'accord ! Je pense que la santé publique prime sur le fric, et, à ce niveau, je me permets encore une fois de vous rendre attentifs au fait que la santé prime, même si la recevabilité de cette initiative n'est pas tout à fait acceptable pour nos juristes !
C'est la raison pour laquelle je vous invite à voter la recevabilité de cette initiative, quitte à amender ce texte en commission. (Applaudissements.)
M. Christian Luscher (L), rapporteur de minorité. Beaucoup de choses, voire toutes, ont été dites... J'aimerais toutefois faire une remarque à propos du professeur Auer qui a rendu un avis de droit et qui se fait attaquer ici en son absence... (Exclamations.) Vous êtes en train de nous dire qu'une société de cigarettier n'a plus le droit de demander un avis de droit ! En effet, dès l'instant où cette société le fait, la personne qui rendra cet avis de droit sera taxée d'être un suppôt de son mandant !
Mais je ne vous ai pas entendus protester de ce qu'une personne, jusqu'ici totalement inconnue dans le monde du droit administratif - Maître Doris Vaterlaus - a rendu une analyse juridique sans indiquer - contrairement au professeur Auer qui a signalé qui l'avait mandaté - qu'elle était la collaboratrice de M. Roland Burkhardt, vice-président du comité d'administration... Je le répète, je ne vous ai pas beaucoup entendus protester à ce sujet !
On s'en prend aux cigarettiers, alors qu'il est écrit sur les paquets de cigarettes: «Fumer nuit à la santé»... Mais enfin, Mesdames et Messieurs, à ma connaissance, la cigarette est encore un produit licite, et je constate que le produit des impôts payés par les cigarettiers ne nuit pas aux finances publiques... Tant que la cigarette sera un produit licite, il faudra tout de même se demander si les discours à ce sujet ne sont pas, pour le moins, hypocrites et paradoxaux ! Ayez le courage de dire que la cigarette est un produit qui doit devenir totalement illicite, mais demandez-vous comment nous pourrons financer l'AVS ! Et puis, vous irez expliquer aux cinquante mille employés concernés en Suisse qu'ils doivent trouver un autre job !
Bref, quoi qu'il en soit, Mesdames et Messieurs, je dirai pour conclure ces discussions que, quelle que soit la position que nous allons adopter - la recevabilité ou l'irrecevabilité - c'est en fin de compte le droit qui aura triomphé, parce que nous sommes tous d'accord pour dire que, telle qu'elle a été présentée, l'initiative 129 est contraire à la constitution et qu'elle est en soi irrecevable, sauf à lui apporter un certain nombre d'aménagements.
En d'autres termes, le coup de force n'a pas réussi, puisque le Conseil d'Etat lui-même n'a pas été dupe et a annoncé d'entrée de cause qu'il allait présenter un contreprojet qui comporterait un certain nombre d'exceptions.
Toutefois je me permets d'ores et déjà, dans l'hypothèse - très peu probable, évidemment - où cette initiative serait déclarée recevable, de mettre en garde le Conseil d'Etat sur les exceptions qui devront être prévues à cette initiative. Il faudra en effet éviter que des combines ne se généralisent sur la place genevoise, du style un nombre incalculable de restaurants qui se transformeraient en clubs privés pour pouvoir permettre aux personnes qui les fréquentent - en réalité des restaurants - de fumer.
Mesdames et Messieurs, ce n'est pas pour rien - même en Espagne, Madame Bolay - que des exceptions ont été prévues dans les établissements publics d'une certaine taille pour que les gens aient le droit, dans des espaces fumeurs, de s'adonner à leur vice... (Brouhaha.) ... car, Dieu merci, nous vivons encore dans une République et dans un monde où nous avons des libertés !
Certes, il faut lutter contre le tabagisme, mais faites attention, n'allez pas trop loin ! Aujourd'hui, on s'attaque à la fumée - ce qui est justifié dans une certaine mesure et dans certaines limites - mais, demain, nous ne savons pas quelle sera la prochaine liberté à laquelle on essayera de porter atteinte ! (Applaudissements.)
Mme Anne Emery-Torracinta (S), rapporteuse de majorité. Je souhaiterais reprendre... (M. Luscher continue de parler.) Monsieur le rapporteur, taisez-vous ! Je souhaiterais reprendre certaines remarques qui ont été faites et qui méritent, à mon avis, une réponse.
Tout d'abord, Madame Hagmann, vous avez repris le propos du professeur Auer, disant qu'il fallait invalider cette initiative, parce que, dans son coeur même, elle ne répondait pas aux trois sous-principes de la proportionnalité, à savoir qu'elle n'était pas apte et nécessaire à résoudre le problème posé... Eh bien, c'est faux, Madame la députée: même si nous l'invalidons partiellement, cette initiative permet tout à fait d'atteindre le but visé qui est celui de la santé publique !
D'autre part - c'est le deuxième point - jusqu'à preuve du contraire, nous n'avons actuellement pas trouvé de solutions qui permettent de régler la question. Tous les systèmes de ventilation se révèlent inefficaces. Il n'y a donc pas de moyens moins incisifs permettant de régler le problème de la fumée passive.
Reste uniquement la proportionnalité au sens étroit, c'est-à-dire la mise en balance des intérêts des uns et des autres... En l'occurrence, la solution proposée par la majorité de la commission permet justement de régler cette question, puisque - et je répondrai entre autres à Mme Borgeaud, comme l'a d'ailleurs très bien fait Loly Bolay précédemment - l'on peut tout à fait permettre à des personnes qui se trouvent en EMS de fumer dans leur chambre, dans la mesure où une chambre est considérée - grâce à l'invalidation - comme un lieu privatif et non pas comme un lieu public.
Autre point que critiquait le rapporteur de minorité: la liberté économique... Je tiens à préciser, Monsieur le rapporteur de minorité, qu'il n'y a en l'occurrence pas de violation de la liberté économique, mais seulement une atteinte à la liberté économique, ce qui, en droit constitutionnel, n'est pas la même chose. Il est possible - je l'ai déjà dit tout à l'heure - de porter atteinte à cette liberté pour autant que l'on respecte un certain nombre de règles, à savoir notamment: la base légale, l'intérêt public ou la protection d'un droit fondamental pour autrui. Et cette initiative permet d'aller dans ce sens.
Je me permets de faire une dernière remarque. Les initiants sont favorables à la proposition de la majorité de la commission, contrairement à ce qui été prétendu. Ils l'ont d'ailleurs confirmé tout à l'heure devant les caméras de Léman Bleu... (Dénégation du rapporteur de minorité.) Ecoutez, Monsieur le rapporteur, vous êtes de mauvaise foi ! Cela figure même dans les procès-verbaux de la commission législative ! (Rires.)
Je conclurai en vous demandant de suivre la majorité de la commission, qui invite le Grand Conseil à choisir une solution qui permette tant le respect des droits populaires que celui des droits fondamentaux auxquels nous sommes tous attachés. Et je reprendrai la formule d'un journaliste, Marc Moulin, qui disait ce matin à la Radio Romande que, si la minorité reproche aux initiants leur intégrisme, on leur répond par l'intransigeance... Je crois que nous devons essayer, dans notre Etat de droit qui privilégie le consensus et le dialogue, d'aller, justement, vers ce consensus et ce dialogue.
Enfin, en tout dernier lieu, j'aimerais, comme l'a fait le rapporteur de minorité, vous transmettre aussi une citation sur la liberté. Je dois dire que j'ai hésité... J'aurais pu vous citer Sartre, Jaurès, en tant que socialiste...
M. Jean-Michel Gros. Lénine !
Mme Anne Emery-Torracinta. Non, pas en tant que socialiste ! (Rires.)
M. Jean-Michel Gros. Velasco ! (Rires et exclamations.)
Mme Anne Emery-Torracinta. S'il vous plaît ! J'ai préféré choisir un philosophe et écrivain anglais, qui a également été député et qui se trouve avoir été l'un des plus grands théoriciens du libéralisme: je veux parler de Jones Stuart Mill. Voici ce qu'il disait dans un livre intitulé «La liberté»: «La liberté de l'individu doit être ainsi bornée; il ne doit pas se rendre nuisible aux autres.»
C'est par ces propos et en soulignant, Mesdames et Messieurs les députés, qu'il y a lieu de ne pas confondre la liberté et l'anarchie, que je termine mon intervention, en vous remerciant de votre attention. (Applaudissements.)
M. Pierre-François Unger, président du Conseil d'Etat. Votre parlement a abondamment disserté sur les concepts de proportionnalité et de proportionnalité étroite, là où notre gouvernement avait eu également quelques hésitations. Nous les avons tranchées en disant que nous préférions déclarer l'initiative recevable, quand bien même nous soulevions ce problème de proportionnalité, et proposer d'emblée un contreprojet qui soit lisible par le peuple amené à le voter. Il ne fait aucun doute, en effet, que personne ne veut vraiment maintenir cette initiative dans sa forme actuelle, car elle comporte trop de risques, selon vos analyses - analyses que nous n'avons pas eu le temps d'effectuer étant donné le temps imparti au Conseil d'Etat - que le Tribunal fédéral l'invalide.
Mais nous avions aussi pensé à la possibilité de vous proposer une invalidation partielle, notamment concernant l'alinéa 3 de l'article 178 de la constitution. Si nous ne l'avons pas fait, ce n'est pas par paresse intellectuelle, c'est parce qu'ayant fait, en gros, le même travail que celui effectué par le professeur Martenet, nos juristes sont arrivés à un texte proche du sien qui rend prétendument lisible l'encre invisible indiquant les exceptions que l'on ne nomme pas !
Et, de notre point de vue, si nous étions d'accord, in dubio pro populo, de ne pas invalider l'initiative, il ne nous apparaissait pas acceptable de procéder à une invalidation partielle qui, par ce qu'elle cache, est censée montrer ce qu'elle veut montrer... Or, le texte proposé par M. Martenet est totalement incompréhensible pour le commun des mortels qui ne peut pas comprendre que, bien que rien n'est autorisé, les exceptions sont innombrables !
C'est la raison pour laquelle nous avions proposé d'emblée un contreprojet. Il est là ! Il est là - notre Conseil l'a déjà accepté - et il est prêt à être soumis à la commission en laquelle votre parlement va renvoyer le projet dont vous discutez ce soir. Et si, par impossible, vous ne le renvoyiez pas, cela deviendrait un projet du Conseil d'Etat, pour que le débat ne soit pas amené à traîner trop longtemps devant des tribunaux alors que des solutions sont possibles à extrêmement court terme.
C'est pourquoi, en fonction des décisions que vous prendrez - et, probablement, en fonction de l'invalidation partielle et incompréhensible qui en déboucherait - je vous suggère d'adresser le texte, tel que vous l'avez retenu, non pas à la commission de la santé mais à la commission judiciaire, où nous pourrons lui associer le contreprojet tel qu'il a été retenu par le Conseil d'Etat et qui précisera clairement au peuple ce que l'on entend par «des exceptions».
Ces exceptions, je vous les avais citées lors du débat de préconsultation. Il ne s'agit pas du tout de créer des zones fumeurs dans des restaurants non-fumeurs ou d'utiliser des moyens qui ont montré leur totale inefficacité. Il s'agit - je m'adresse à ceux qui prétendent défendre le mieux les minorités et les personnes dans la difficulté - de faire inscrire ces exceptions dans la loi - et cela a un sens plus politique que juridique - pour des personnes qui, dépourvues de leur liberté, ne disposent plus de lieux privés dans lesquels elles pourraient s'adonner au vice décrit par M. Marcet. On ne peut pas condamner deux fois les personnes privées de liberté qui se trouvent en prison ! On ne peut pas condamner deux fois des personnes qui se trouvent internées parce qu'elles ont perdu la raison ! On ne peut pas condamner deux fois les personnes qui sont condamnées à mort ! Ce sont ces exceptions dont parle le Conseil d'Etat dans son contreprojet ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat ! Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes donc en procédure de vote. Il faut vous rappeler qu'il s'agit d'un vote sur la recevabilité et que, par conséquent, nous allons procéder comme à l'accoutumée - par séquences - de manière que notre vote, quel qu'il soit, soit lisible par les autorités qui auraient éventuellement vocation à en prendre connaissance. Je vais suivre l'ordre qui vous est proposé par la commission législative.
Première question: l'initiative 129 respecte-t-elle l'unité du genre ? Unanime, la commission répond oui. Je soumets cette proposition à vos suffrages. Celles et ceux qui estiment que l'unité du genre est respectée votent oui, les autres votent non ou s'abstiennent.
Mise aux voix, l'unité du genre de l'initiative 129 est adoptée par 78 oui (unanimité des votants).
Le président. Nous passons à la deuxième question: l'initiative 129 respecte-t-elle l'unité de la forme ? La commission unanime estime que c'est le cas. Celles et ceux qui pensent comme elle votent oui, les autres votent non ou s'abstiennent.
Mise aux voix, l'unité de la forme de l'initiative 129 est adoptée par 78 oui et 1 abstention.
Le président. Nous passons à la troisième question: l'initiative 129 respecte-t-elle l'unité de la matière ? La commission a également répondu par l'affirmative à cette question et à l'unanimité. Si vous êtes du même avis, vous votez oui, sinon vous votez non ou vous vous abstenez.
Mise aux voix, l'unité de la matière de l'initiative 129 est adoptée par 78 oui et 1 abstention.
Le président. Quatrième question: l'initiative 129 est-elle exécutable ? La commission estime à l'unanimité que c'est le cas.
Mise aux voix, l'exécutabilité de l'initiative 129 est adoptée par 76 non et 3 abstentions.
Le président. Cinquième question: l'initiative 129 respecte-t-elle le droit supérieur ? A la majorité, la commission a estimé que ce n'était pas le cas.
Mise aux voix, la conformité au droit supérieur de l'initiative 129 est rejetée par 51 non contre 5 oui et 24 abstentions.
Le président. La majorité du Grand Conseil considère que l'initiative ne respecte pas le droit supérieur. Dès lors, deux possibilités lui sont données: l'invalidité totale, comme le propose le rapport de minorité, ou l'invalidité partielle, comme le propose le rapport de majorité. Je soumets la proposition la plus lointaine, c'est-à-dire l'irrecevabilité totale à vos suffrages. Celles et ceux qui estiment cette initiative totalement irrecevable votent oui, les autres votent non ou s'abstiennent.
Mise aux voix, l'irrecevabilité totale de l'initiative 129 est rejetée par 47 non contre 30 oui et 3 abstentions.
Le président. L'initiative n'étant pas déclarée totalement irrecevable, je vous soumets maintenant la proposition de la majorité de la commission, soit l'invalidation partielle. Celles et ceux qui acceptent l'invalidation partielle votent oui, les autres votent non ou s'abstiennent.
Mise aux voix, l'invalidation partielle de l'initiative 129 est adoptée par 45 oui contre 26 non et 9 abstentions.
L'initiative 129 est donc déclarée partiellement valide.
Le président. Je vous soumets maintenant la proposition d'amendement de l'initiative, telle qu'elle est proposée par la commission majoritaire, c'est-à-dire de ne conserver que les termes «sont concernés» dans la première phrase de l'alinéa 3 de l'article 178B et de remplacer le s minuscule de «sont» par un S majuscule. La majorité de la commission vous recommande d'accepter cet amendement. Celles et ceux qui l'acceptent votent oui, les autres votent non ou s'abstiennent.
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 46 oui contre 31 non et 5 abstentions.
Le président. Nous voici à l'avant-dernier vote, mais au dernier sur le texte même de l'initiative. Le Grand Conseil accepte-t-il l'initiative 129 ainsi amendée, comme l'a fait avant lui la majorité de la commission ? Celles et ceux qui l'acceptent votent oui, les autres votent non ou s'abstiennent.
Mise aux voix, l'initiative 129 (déclarée partiellement valide) ainsi amendée est adoptée par 46 oui contre 30 non et 6 abstentions.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, il faut encore décider à quelle commission elle va être renvoyée. J'ai entendu deux propositions: la commission de la santé et la commission judiciaire. Je vais donc les opposer... (Brouhaha.) Mesdames et Messieurs, je vous recommande d'écouter ce que je dis, je n'ai pas l'intention de le répéter ! Celles et ceux qui souhaitent que cette initiative soit renvoyée à la commission de la santé votent oui, celles et ceux qui souhaite qu'elle soit renvoyée à la commission judiciaire votent non.
Mis aux voix, le renvoi de l'initiative 129 à la commission de la santé est adopté par 43 oui contre 34 non et 2 abstentions. (Applaudissements.)
LIN 129 ainsi amendée est donc renvoyée à la commission de la santé pour lexamen de sa prise en considération.
L'IN 129-A est renvoyée à la commission de la santé pour lexamen de sa prise en considération.
Le Grand Conseil prend acte du rapport IN 129-B.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons maintenant au point 57 de notre ordre du jour.
Débat
M. Guillaume Barazzone (PDC), rapporteur de majorité. La commission législative s'est penchée sur l'initiative 130 ainsi que sur l'initiative 131 et je précise, en préambule, que la commission les a examinées en même temps. Bien que ces deux initiatives ne traitent pas exactement du même sujet, elles traitent de la même thématique.
La commission a auditionné le professeur Oberson qui nous a éclairés sur certains points. Je précise que le rapport de majorité, comme le rapport de minorité, citent la doctrine du professeur Oberson. Je précise que le professeur Oberson s'est présenté devant la commission législative alors qu'il n'avait pas été dûment informé qu'il devrait se prononcer sur la validité de ces initiatives.
La majorité de la commission est parvenue à la conclusion que cette initiative fiscale ne posait aucun problème juridique. En revanche, elle soulève un certain nombre de questions juridiques. Concernant la conformité au droit au supérieur, la commission, dans sa grande majorité, a décidé qu'elle le respectait.
Le Conseil d'Etat nous indique dans son rapport qu'en cas d'acceptation de l'initiative 130 la charge fiscale globale pourrait représenter - dans la commune dont les centimes additionnels sont les plus élevés - jusqu'à 49,4% du revenu, en additionnant l'impôt communal, l'impôt cantonal et l'impôt fédéral sur le revenu.
Le rapporteur de minorité ainsi que les différents députés ayant voté pour ce rapport nous indiquent que, dans un arrêt rendu il y a quelques années, le Tribunal fédéral a jugé qu'une charge fiscale globale d'un total de 55% sur une rente viagère revêtait un caractère confiscatoire. C'est bien le caractère confiscatoire et les conséquences que pourrait avoir l'adoption de l'initiative qui ont fait l'objet de nombreuses discussions dans notre commission.
Le rapporteur nous indique que cette initiative - si elle était acceptée, et si l'on prend en compte toutes les contributions publiques additionnées aux différents impôts communaux, cantonaux et fédéraux - pourrait avoir pour conséquence - dans un cas d'espèce bien particulier - de péjorer la situation d'une famille ou d'un particulier qui paie ses impôts, et cela de telle manière que cette nouvelle législation doit être considérée comme confiscatoire.
Mesdames et Messieurs, le rapporteur de minorité est un si bon juriste qu'il ne peut pas ignorer la jurisprudence du Tribunal fédéral selon laquelle, en matière fiscale, nous devons faire preuve de retenue. En effet, quand le Tribunal fédéral prend en compte les critères pour juger de la conformité au droit supérieur d'une initiative, il juge avec une extrême retenue.
Je précise aussi que le rapport de minorité est lacunaire, car il ne cite qu'une jurisprudence du Tribunal fédéral et ne prend pas en compte toute une série d'arrêts du Tribunal fédéral selon lesquels une charge fiscale de plus de 50% peut être considérée comme étant conforme au droit supérieur.
Il y a deux raisons de faire un rapport de minorité. Une consiste être certain que cette initiative ne respecte pas le droit supérieur. L'autre est de faire un rapport de minorité pour faire passer un message politique. Quel est-il dans le cas particulier ? C'est celui de dire qu'il y a trop d'impôts à Genève, trop de contributions, que les gens paient des loyers trop élevés et que les primes d'assurance-maladie sont trop élevées. En ce sens, le rapporteur de minorité a raison.
En revanche, sur le plan juridique - et c'est bien de cela qu'il s'agit, c'est d'avoir un débat sur la forme et sur des aspects juridiques - cette initiative ne pose aucun problème juridique.
Pour ne pas faire le débat deux fois, je conclus en vous encourageant à accepter la recevabilité de l'initiative 130 ainsi que celle de l'initiative 131, sur laquelle nous ne reviendrons pas, puisqu'elles ont été traitées en même temps.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je comprends bien que vous avez épuisé vos capacités de travail sur l'initiative précédente, il fallait y penser avant de vous inscrire pour prendre la parole. Maintenant, l'initiative que nous traitons n'a pas moins de dignité que la précédente et par conséquent, pour ceux qui sont restés dans la salle, je vous prie d'écouter les orateurs avec la même attention que tout à l'heure.
M. Christian Luscher (L), rapporteur de minorité. J'ai écouté le rapporteur de majorité avec beaucoup d'attention et malheureusement, je crois qu'il se trompe dans la mesure où il confond le débat sur la constitutionnalité avec le débat sur le fond. Dans l'initiative précédente, on a porté atteinte à nos libertés, et maintenant on porte atteinte à nos droits de propriété. Très brièvement, que dit le Tribunal fédéral ? Il dit que lorsqu'on arrive à un degré de taxation tel que l'on confisque le revenu et la fortune des personnes taxées, cette façon de procéder porte atteinte au droit de propriété auquel nous sommes tous attachés, puisqu'il s'agit d'un des piliers de notre Constitution fédérale.
Le Conseil d'Etat a rendu son rapport sur l'IN 130-A et il est arrivé à la conclusion qu'avec cette initiative on peut se retrouver dans la situation où un contribuable payerait en impôt communal, cantonal et fédéral, 49,4% - c'est-à-dire 50%, n'ayons pas peur des mots ! - de son revenu, à quoi s'ajouteraient bien évidemment toutes les autres taxes qui rongent notre existence jour après jour, comme l'AVS, ou l'impôt immobilier complémentaire pour un propriétaire d'immeuble, etc.
Lorsque nous avons interrogé le professeur Oberson qui a été entendu devant notre commission législative, il nous a concédé que dans des cas extrêmes on pouvait arriver à la situation où un contribuable paierait jusqu'à 70% ou 80% d'impôts sur son revenu. Mesdames et Messieurs, si cela n'est pas une atteinte au droit de la propriété, c'est que nous nous sommes trompés de concept en l'inscrivant dans notre constitution !
A quoi s'ajoute que nous ne nous trouvons pas en Appenzell, mais à Genève. Dans quelle situation nous trouvons-nous à Genève ? Lisez «Le Temps» d'hier qui nous apprenait - c'est une étude du Crédit Suisse - que les Genevois sont les plus mal lotis de Suisse: la charge fiscale y est supérieure à la moyenne suisse, le coût du logement est élevé et les primes d'assurance-maladie sont les plus chères du pays. Voilà, Mesdames et Messieurs, comment on veut traiter dans cette république nos citoyens qui sont déjà les plus grevés de Suisse en matière d'impôts, qui sont ponctionnés jour après jour, mois après mois ! Et l'on veut encore augmenter cette fiscalité ! Si l'on continue à augmenter cette fiscalité, nous porterons atteinte au droit de la propriété prévu dans la Constitution fédérale.
Je sais ce que l'on va me rétorquer. On va me dire que ce que j'avance est complètement absurde, parce qu'en fait cette initiative vise à revenir au système que nous avions connu avant la baisse d'impôts que certains disent imposée par les libéraux. Je rappelle qu'elle a quand même été plébiscitée par le peuple - 75% - et qu'elle a d'ailleurs permis l'augmentation des revenus dans notre République.
On va me demander: «Si ce n'était pas confiscatoire avant, pourquoi cela le deviendrait maintenant ?» Mais, c'était peut-être déjà confiscatoire et nous ne l'avons pas constaté ! Si l'on roule tous les jours sur une autoroute à 150 km/h, le jour où il y a un radar et qu'on se fait «choper» - pour parler trivialement - on ne peut pas dire qu'on n'est pas d'accord parce qu'on a roulé à la même vitesse tous les jours précédents et que personne n'a dit que l'on commettait une infraction ! Eh bien, Mesdames et Messieurs, nous nous trouvons dans la même situation ! Ce n'est pas parce que nous n'avons pas constaté à l'époque que cet impôt était confiscatoire qu'il ne l'était pas. Aujourd'hui, en analysant la situation, on se rend compte que nous reviendrions à une situation d'impôt confiscatoire qui viole le droit à la propriété.
Raison pour laquelle, sur la question de la recevabilité, le rapporteur vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à déclarer cette initiative irrecevable. Je précise que ce que je viens de dire s'applique aux deux initiatives et je ne reviendrai pas non plus - essayant de faire preuve de la même sagesse que le rapporteur de majorité - sur l'IN 131-B. (Applaudissements.)
Le président. Je remercie de leur sagesse les deux rapporteurs et je passe la parole à Mme Loly Bolay.
Mme Loly Bolay (S). Je m'exprimerai également sur les deux initiatives. Mesdames et Messieurs les députés, les initiatives 130 et 131 visent à supprimer progressivement la baisse de 12% d'impôts consentie en 2001 pour les très hauts revenus. Car les petits revenus n'ont, eux, rien vu à l'horizon ! Je rappelle que ces baisses d'impôts ont plombé les finances de l'Etat de 345 millions par an, c'est-à-dire près de 2 milliards.
Dans son rapport, le Conseil d'Etat admet la recevabilité des deux initiatives tout en demandant leur rejet. La majorité de la commission confirme cette recevabilité. Comme il nous l'a dit, le rapporteur de minorité considère que ces deux initiatives ne sont pas conformes au droit supérieur et qu'il faut donc les considérer comme irrecevables, au motif qu'elles violent la garantie constitutionnelle de la propriété qui prohibe l'imposition confiscatoire dont il nous a parlé. Or, d'une part, l'initiative 130 vise à revenir à la situation antérieure à 2001, c'est-à-dire à gommer la baisse de 12% des impôts. D'autre part, l'initiative 131 stipule en son article 16 que l'impôt prévu n'est pas perçu pour les exercices fiscaux au cours desquels le résultat des comptes de fonctionnement courants est positif et le montant de la dette financière de l'Etat est inférieur au total des recettes de fonctionnement de l'exercice fiscal précédent. C'est-à-dire qu'elle vise uniquement une période bien déterminée.
Par ailleurs, d'après le Tribunal fédéral, pour juger de l'effet confiscatoire d'une imposition, le taux de l'impôt exprimé en pourcents n'est pas seul décisif. Il faut examiner la charge que représente l'impôt sur une assez longue période, ce qui n'est de toute façon pas le cas pour l'IN 130, ni pour l'IN 131.
Raison pour laquelle je vous invite à voter l'excellent rapport de majorité.
Mme Michèle Künzler (Ve). Revenons-en aux faits. Nous sommes appelés à nous prononcer sur la recevabilité ou non de l'initiative, et pas sur le fond. Ce qui me déplaît profondément dans le rapport de minorité, c'est qu'on déclare irrecevable quelque chose qui ne nous plaît pas. En l'occurrence, cette initiative est tout à fait recevable. Elle a l'heur de ne pas vous plaire, mais ce n'est pas un argument contre sa recevabilité. C'est cela l'essentiel que j'aimerais faire passer.
Pour nous, ces initiatives sont valables et il faut les envoyer en commission fiscale. Elles n'ont rien de confiscatoire et c'est clair que l'on veut rétablir la situation ante.
L'autre chose que dénonçait le rapporteur de minorité, c'est que les Genevois seraient ponctionnés outre mesure, selon un reportage que l'on a vu hier. Mais soyons clairs ! Qu'est-ce qui grève le budget des genevois ? Les loyers et les assurances, pas tellement les impôts ! (Exclamations. Huées.) On voit que ceux qui protestent sont ceux qui paient beaucoup d'impôts, car ils ont énormément de revenus. Mais, pour la plupart des gens, la fiscalité genevoise est plutôt douce. L'exemple produit représente 2% des contribuables ! Une famille avec 150 000 F de revenus ou plus, avec deux enfants, c'est 3% des contribuables. La réalité, c'est que la contribution peut toujours être améliorée, mais nos finances ne sont pas saines. Et ce n'est pas le moment de diminuer les rentrées, comme vous le proposez encore en commission - car vous persistez à proposer des baisses d'impôts... Je pense qu'il faut plutôt stabiliser.
La seule chose que l'on peut reprocher à ces initiatives, c'est qu'elles sont peut-être inopportunes pour l'instant. On peut attendre de voir si le Conseil d'Etat arrive à stabiliser un peu nos finances et nos rentrées. A part cela, ces initiatives sont tout à fait acceptables et, surtout, recevables (Applaudissements.)
M. Olivier Jornot (L). Décidément, ces débats sur la recevabilité des initiatives ne sont pas faciles. Tout à l'heure, un député agonisait ceux qui avaient eu le malheur de tenir des raisonnements juridiques, et maintenant le rapporteur de majorité nous dit: «Mais enfin ! C'est quand même incroyable, la minorité fait de la politique !» Parfois, il n'est pas très facile de savoir ce qu'il faut faire.
J'aimerais en tous cas faire une chose, c'est dire, à tous ceux qui prétendent que cette initiative vise le retour à la situation d'avant la baisse d'impôts des 12%, que ce sont des menteurs. Cette initiative ne vise absolument pas cela ! Elle vise à supprimer cette baisse avec des paliers, de manière qu'elle ne profiterait qu'à une partie des contribuables. C'est factuel, c'est le texte de l'initiative, mais cela doit être rappelé. Et quelles conséquences cela comporte-t-il ? Cela a pour conséquence d'augmenter de manière considérable la progressivité de l'impôt genevois.
Du coup, évidemment, le raisonnement de M. Luscher porte sur certaines catégories seulement. Il a rappelé ce chiffre de 49,4%, tout comme le rapporteur de majorité. Ce chiffre correspond uniquement à l'addition de l'impôt sur le revenu et ne tient pas compte des autres impôts. Bien sûr, cela ne tient pas compte des loyers, de tout cela, et cela n'a pas à en tenir compte ! On est tous d'accord là-dessus. En revanche, cela doit tenir compte de la charge fiscale. Logiquement, quand on regarde le caractère confiscatoire ou non d'un impôt, on doit regarder ce que cela donne une fois qu'on a additionné l'impôt sur la fortune. C'est ce raisonnement qu'il faut faire.
Mesdames et Messieurs, j'aimerais vous rappeler qu'en 2001 deux projets de loi ont été déposés par les libéraux et par d'autres signataires. C'étaient les PL 8638 et 8639 - on est déjà quelques milliers de numéros plus loin. Depuis 2001, la commission fiscale n'a pas eu le temps de s'occuper de ces deux projets de loi. Ils traitent exactement du même problème, à savoir que le cumul des charges fiscales peut aboutir à des situations confiscatoires. Quel que soit le résultat du vote de ce soir, il serait temps que la commission fiscale s'intéresse sérieusement à cette problématique.
J'aimerais terminer en adressant mes plus chaleureux remerciements à Mme Bolay. J'aimerais vous dire qu'à chaque fois que vous le pouvez, dites-le: dites, comme vous l'avez fait aujourd'hui, que les impôts ont baissé de 12% grâce aux libéraux ! Dites que des centaines de millions sont restés dans la poche des contribuables grâce à cela, le parti libéral vous en remercie ! (Applaudissements.)
M. Hugues Hiltpold (R). Le groupe radical prend acte de la position de la commission législative qui arrive à la conclusion de la recevabilité de ces deux initiatives, même si l'on considère le cumul des différents impôts pour l'une, et pour l'autre l'impôt sur la fortune qui peut engendrer une fiscalité confiscatoire de plus de 50% et rendre, de fait, une non-conformité au droit supérieur. Nous estimons toutefois que ce sont des cas de figure très particuliers qui ne permettent en tout cas pas de conclure à l'irrecevabilité de ces initiatives.
Le groupe radical n'entend pas débattre sur le fond ce soir, car - le débat portant uniquement sur la forme - c'est un débat de juristes. Nous aurons l'occasion de débattre du fond ultérieurement. Mais nous pouvons dores et déjà affirmer que nous n'entrerons pas en matière sur la création d'un nouvel impôt, quelle qu'en soit la forme.
Nous vous invitons, Mesdames et Messieurs, à déclarer ces deux initiatives recevables et à les envoyer à la commission fiscale qui les examinera avec la bienveillance qui la caractérise.
Mme Sandra Borgeaud (MCG). Le groupe MCG ne va pas non plus s'étendre sur le fond, puisque ce n'en est pas le débat. En ce qui concerne les initiatives 130 et 131-B, on dira la même chose pour toutes les deux: nous sommes d'avis de les renvoyer à la commission fiscale. Nous acceptons la recevabilité de ces deux initiatives.
Mme Loly Bolay (S). J'ai été mise en cause par M. Jornot... (Exclamations.) C'est la première fois que je me permets cet exercice: j'aimerais juste dire à M. Jornot qu'il n'a pas du tout parlé de la recevabilité et qu'effectivement - je m'en tiens à ce que j'ai dit - c'est grâce aux libéraux qu'il y a eu cette baisse, mais c'est aussi grâce à eux que l'on a 2 milliards de dettes en plus et que la République se trouve dans l'état qu'elle connaît aujourd'hui ! (Applaudissements.)
M. David Hiler, conseiller d'Etat. Le Conseil d'Etat a pris connaissance du rapport de minorité de M. Luscher et nous devons avouer qu'il ne nous a pas fait changer d'avis sur la recevabilité. L'exemple cité concernant le Tribunal fédéral est celui d'une rente viagère pour une personne de condition modeste, mais il ne nous est pas apparu très clairement que les initiatives concernées visaient des personnes de condition modeste. M. Luscher a sans doute été trop bref dans son argumentation, ce sorte que nous n'avons pas pu en suivre toute la subtilité.
Nous avons également - en toute transparence, il me semble - indiqué que dans certains cas, s'il habitait la mauvaise commune au mauvais moment et s'il avait une structure de revenu très particulière, un contribuable pourrait - comme il pouvait - se retrouver taxé à 49%. Mais le cas reste éventuel. Cas échéant, dans la situation d'une personne extrêmement fortunée, il resterait à prouver que le Tribunal fédéral considérerait ceci comme confiscatoire. Et il reste en premier chef à prouver que ce cas rencontre une éventualité assez importante de se produire.
Mais surtout, Monsieur Luscher, je dois dire que le fait d'avoir, dans votre rapport, mêlé l'AVS - qui est une assurance - avec la fiscalité me paraît discutable d'abord, puis dangereux si l'on tire les conséquences... Parce qu'en somme, si l'AVS c'est de la fiscalité, alors on peut aussi imaginer de prélever l'AVS sur les rentes ! Ses dividendes, les revenus de toutes sortes de produits financiers, puisque c'est un impôt ! Pourquoi, si ce n'est pas une assurance, devrions-nous nous limiter au travail ? Donc, de façon manifeste, l'AVS n'a pas à être prise en considération quand il s'agit de savoir si l'impôt est confiscatoire. C'est un argument qui n'était pas de nature à emporter l'adhésion de la commission.
Le Conseil d'Etat estime donc que la commission a fait sérieusement son travail et que les conclusions de la majorité peuvent être suivies. Et, comme l'a indiqué une oratrice pendant le débat, le fait de savoir si une telle ponction est bonne ou nuisible doit être l'objet d'un débat politique et pas une argutie juridique.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je mets aux voix les propositions de la commission législative, en procédant comme tout à l'heure. Unité de la matière: à l'unanimité, la commission estime qu'elle est respectée. Celles et ceux qui l'acceptent votent oui, les autres votent non ou s'abstiennent.
Mise aux voix, l'unité de la matière de l'initiative 130 est adoptée par 65 oui et 1 abstention.
Le président. Unité de la forme: la proposition de la commission est affirmative à l'unanimité. Celles et ceux qui l'acceptent votent oui; les autres votent non ou s'abstiennent.
Mise aux voix, l'unité de la forme de l'initiative 130 est adoptée par 66 oui (unanimité des votants).
Le président. Unité du genre: celles et ceux qui l'acceptent, comme la commission, votent oui; les autres votent non ou s'abstiennent.
Mise aux voix, l'unité du genre de l'initiative 130 est adoptée par 69 oui (unanimité des votants).
Le président. Nous en sommes à la recevabilité matérielle: conformité au droit supérieur. Celles et ceux qui considèrent, comme la majorité de la commission, que cette initiative est conforme au droit supérieur votent oui; les autres votent non ou s'abstiennent.
Mise aux voix, la conformité au droit supérieur de l'initiative 130 est adoptée par 49 oui contre 21 non.
Le président. Nous passons à l'exécutabilité. Celles et ceux qui estiment que cette initiative est exécutable votent oui, les autres non ou s'abstiennent.
Mise aux voix, l'exécutabilité de l'initiative 130 est adoptée par 56 oui contre 4 non et 10 abstentions.
Le président. Vous allez vous prononcer quant à savoir si cette initiative est globalement recevable. Celles et ceux qui déclarent cette initiative recevable votent oui, les autres non ou s'abstiennent.
Mise aux voix, la validité de l'initiative 130 est adoptée par 49 oui contre 21 non.
L'initiatiave 130 est donc déclarée valide.
Le président. J'ai entendu une proposition de renvoi à la commission fiscale, y a-t-il une autre proposition ? Il n'y en a pas.
L'initiative 130 est renvoyée à la commission fiscale pour l'examen de sa prise en considération.
L'IN 130-A est renvoyée à la commission fiscale.
Le Grand Conseil prend acte du rapport IN 130-B.
Le président. Messieurs les rapporteurs de majorité et de minorité, je vous invite à rester à vos places, puisque nous enchaînons immédiatement sur l'initiative 131.
Le président. La parole n'est pas demandée, le débat ayant déjà eu lieu. Je mets aux voix les mêmes questions que celles que nous venons de nous poser à propos de l'initiative 130.
Unité de la matière: à l'unanimité, la commission estime qu'elle est respectée. Celles et ceux qui l'acceptent votent oui, les autres votent non ou s'abstiennent.
Mise aux voix, l'unité de la matière de l'initiative 131 est adoptée par 69 oui (unanimité des votants).
Le président. Unité de la forme: la proposition de la commission est affirmative à l'unanimité. Celles et ceux qui l'acceptent votent oui, les autres votent non ou s'abstiennent.
Mise aux voix, l'unité de la forme de l'initiative 131 est adoptée par 68 oui et 1 abstention.
Le président. Unité du genre: celles et ceux qui l'acceptent, comme la commission, votent oui; les autres votent non ou s'abstiennent.
Mise aux voix, l'unité du genre de l'initiative 131 est adoptée par 67 oui contre 2 non et 1 abstention.
Le président. Nous en sommes à la recevabilité matérielle: conformité au droit supérieur. Celles et ceux qui considèrent, avec la majorité de la commission, que cette initiative est conforme au droit supérieur votent oui, les autres votent non ou s'abstiennent.
Mise aux voix, la conformité au droit supérieur de l'initiative 131 est adoptée par 48 oui contre 22 non.
Le président. Nous passons à l'exécutabilité. Celles et ceux qui estiment que cette initiative est exécutable votent oui, les autres votent non ou s'abstiennent.
Mise aux voix, l'exécutabilité de l'initiative 131 est adoptée par 58 oui contre 5 non et 4 abstentions.
Le président. Déclaration générale de recevabilité de l'initiative 131. Celles et ceux qui déclarent cette initiative recevable votent oui, les autres votent non ou s'abstiennent.
Mise aux voix, la validité de l'initiative 131 est adoptée par 47 oui contre 21 non.
L'initiative 131 est donc déclarée valide.
Le président. Y a-t-il une autre proposition de renvoi qu'à la commission fiscale ? Tel n'est pas le cas.
L'initiative 131 est renvoyée à la commission fiscale pour l'examen de sa prise en considération.
L'IN 131-A est renvoyée à la commission fiscale.
Le Grand Conseil prend acte du rapport IN 131-B.
Débat
Le président. La commission vous demande de déclarer cette initiative irrecevable. La parole n'étant pas demandée, je mets aux voix la prise... (Exclamations.) Nous étions déjà en procédure de vote, et j'aimerais que vous soyez attentifs ! Ce n'est pas ma faute si les débats sont trop longs ! Madame Künzler, vous avez la parole.
Mme Michèle Künzler (Ve). Il vaut peut-être mieux ne pas se taire, puisque c'est l'unique occasion que nous aurons encore de traiter cette initiative. Sans doute va-t-elle être déclarée irrecevable ou invalide... Comme nous l'avons déjà relevé la fois précédente, je voudrais dire que nous soutenons le logement alternatif, le logement pour les jeunes, le logement pour les artistes - cela doit être maintenu. Tout ce qui a été positif dans l'expérience RHINO, dans le sens d'un logement différent, d'un logement collectif, d'un logement pour artistes, doit être soutenu.
Mais cette initiative doit être invalidée, parce qu'elle ne respecte pas le droit supérieur: elle constitue par conséquent une incohérence qui ne doit pas être soutenue. Nous ne la soutiendrons donc pas, même si nous sommes favorables aux objectifs poursuivis par l'Association RHINO qui sont louables. Nous pensons qu'il faut les poursuivre, mais pas forcément à cet endroit.
Mme Virginie Keller Lopez (S). Excusez-moi, Monsieur le président, je n'étais pas très concentrée, mais le beau match que l'on peut voir dans la salle juste à côté rend nos travaux quelque peu difficiles...
Le président. Je peux faire fermer l'écran, si vous le désirez !
Mme Virginie Keller Lopez. Non, non ! J'imagine qu'il y a un but car j'entends des hourras...
Concernant l'initiative RHINO, le parti socialiste est un peu déçu de la façon dont se sont déroulés les travaux en commission. Nous pensons en effet que nombre d'arguments n'ont pas été donnés au cours de l'audition de l'Association RHINO, qui était manifestement mal préparée. Il nous paraît également que la complexité de la jurisprudence en matière d'expropriation, l'ambiguïté de certains textes, semblent finalement avoir eu raison, beaucoup trop vite, des débats à la commission législative. Celle-ci n'a finalement pas vraiment fait son travail, c'est-à-dire essayer jusqu'au bout de démontrer qu'il était possible d'interpréter cette initiative de manière à prouver sa compatibilité avec la loi.
Nous aimerions quand même reprendre trois points qui nous semblent avoir été étudiés superficiellement. Tout d'abord, l'argumentation du Conseil d'Etat et de la commission, qui, en fait, n'a pas vraiment réétudié la question et s'est bornée - on l'a vu dans le rapport de M. Luscher - à reprendre la totalité des arguments du Conseil d'Etat. Cette argumentation part du principe que l'initiative n'est pas conforme à la loi sur l'expropriation pour cause d'utilité publique, notamment en son article 25. Selon cet article, seul le Conseil d'Etat - ou une commune - aurait la possibilité de demander une expropriation.
Selon les interprétations que l'on fait de cet article 25, il semble que nous pourrions tout à fait imaginer que le Conseil d'Etat s'est fondé non pas sur la lecture de la loi, mais sur une habitude, parce qu'en général - c'est vrai - les expropriations sont présentées par le Conseil d'Etat ou par une commune. Toutefois, il n'est inscrit nulle part dans la loi que le peuple ne pourrait pas, à travers une initiative, proposer lui-même une expropriation.
Nous avons trouvé - au parti socialiste - que la manière dont le Conseil d'Etat interprétait la loi à l'endroit de cet article 25 - et, donc, la commission - était finalement extrêmement restrictive et ne permettait pas réellement d'essayer de faire coïncider cette initiative avec la loi.
Le deuxième argument, avancé par le Conseil d'Etat et repris par la commission, concerne l'alinéa 2 de l'article 25, qui stipule que rien ne peut obliger le Conseil d'Etat à prononcer une expropriation... Mais, Mesdames et Messieurs les députés - relisez le texte de l'initiative - il n'est en aucun cas question d'une quelconque obligation du Conseil d'Etat ! Il est simplement indiqué que le Conseil d'Etat «peut» procéder à l'expropriation une fois, évidemment, qu'il aura terminé soit de négocier un éventuel autre arrangement avec les propriétaires, soit après avoir mis l'expropriation à l'enquête publique.
De ce point de vue aussi, nous avons le sentiment - nous, les socialistes - que le Conseil d'Etat et la commission ont fait une interprétation bien trop restrictive.
Enfin, et ce sera notre dernier argument en faveur de cette initiative, le Conseil d'Etat et la commission décrètent que l'expropriation sollicitée ne répond pas à un intérêt public suffisant compte tenu de la législation cantonale... Il s'agit de la question de l'intérêt public de l'initiative RHINO. Mesdames et Messieurs les députés, il faut vraiment rappeler ce qu'est le projet RHINO ! C'est d'abord de faire sortir des immeubles du marché spéculatif, qui ont été, en fin de compte, soustraits à la location pour la population, et c'est ensuite de garantir du logement social pérenne, qui appartiendra finalement à la collectivité publique, puisque le projet prévoyait de vendre les immeubles à la Ville de Genève pour qu'elle puisse ensuite les mettre en droit de superficie à l'Association RHINO.
Si l'on se réfère à l'avis de droit demandé par la Ville, que l'on trouve dans le rapport de M. Luscher à la page 17, on peut voir que: «... le Tribunal fédéral a constaté que: la création de logements à loyer modéré est effectivement d'intérêt public, quand bien même les prestations de l'Etat en vue de la construction d'habitations servent en premier lieu les intérêts privés des personnes admises à occuper ces logements.» Nous pouvons donc constater que mettre du logement social sur le marché du logement est reconnu d'utilité publique par le Tribunal fédéral lui-même !
Le projet RHINO entre bien dans ce cas de figure. Si les septante habitants de l'Association RHINO devaient être évacués, les loyers des appartements qui seront mis sur le marché à travers le projet défendu par les propriétaires seront effectivement plafonnés et soumis au contrôle de la LDTR pendant cinq ans, mais, après ce délai, nous savons bien que ces loyers atteindront des sommes très importantes étant donné le quartier concerné.
Si vous permettez ce soir au projet RHINO de se réaliser - bien que ce soit un voeu pieux des socialistes - vous contribuerez à augmenter le parc de logements à loyer modéré à Genève. De plus, ce ne sont peut-être pas seulement les douze mille signataires de l'initiative qui salueront cet acte courageux, mais toute la population !
Enfin, Mesdames et Messieurs les députés, nous vous demandons de voter la recevabilité de cette initiative. Vous permettrez ainsi non seulement la création de logements sociaux pérennes - cela ne concerne pas seulement les habitants de RHINO, mais la plupart des projets qui visent à lutter contre la spéculation immobilière - mais, aussi, la poursuite de l'expérience exceptionnelle, qui dure depuis dix-huit ans, des habitantes et habitants de RHINO, du logement associatif, de la Cave 12, lieu culturel apprécié et reconnu, en bref, de toutes ces expériences qui font aussi que notre ville a cette réputation d'ouverture et de diversité qui fait son rayonnement. (Applaudissements.)
M. Pascal Pétroz (PDC). Qu'il soit rappelé ici, à toutes fins utiles et une fois de plus, qu'il ne s'agit, pour cette quatrième initiative que nous traitons ce soir, que de se prononcer sur sa recevabilité.
J'aimerais dire à ma préopinante que je suis un peu surpris de sa remarque... Elle a - si j'ai bien compris - indiqué que les représentants du Comité d'initiative étaient mal préparés pour leur audition à la commission législative, dont le but, précisément, était de disserter sur la recevabilité de cette initiative. Il ressort du rapport qu'ont été auditionnés Me Marco Ziegler, Me Pierre Bayenet, Mme Gisèle Thievent, Mme Miriam Kerchenbaum et M. Maurice Pier. J'en déduis donc que deux avocats, sur les cinq personnes convoquées, ne s'étaient pas préparés à répondre à des questions de droit s'agissant de la recevabilité de cette initiative... Honnêtement, cela me laisse songeur !
D'autre part, s'étant déjà longuement exprimé lors du débat de préconsultation - soit avant que cette initiative soit renvoyée en commission législative - sur les problèmes que cette initiative soulevait au niveau de la recevabilité, le parti démocrate-chrétien est satisfait que la commission ait décidé de la déclarer irrecevable.
Il sollicite de votre Grand Conseil d'en faire de même.
M. Christophe Aumeunier (L). Certains cherchent des buts louables là où il y a des actes illicites... Le groupe libéral cherche des appartements louables ! (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
M. Christophe Aumeunier. L'initiative 132 est contraire au droit: elle est clairement contraire à la loi sur l'expropriation pour cause d'utilité publique; elle fait fi des règles imposées en cas d'expropriation, qui nécessitent des procédures d'enquêtes publiques et des procédures d'opposition qui en découlent, préalables et nécessaires à un vote déclarant d'utilité publique l'expropriation d'un immeuble.
Au surplus, lorsqu'une utilité publique doit être constatée en vue d'une expropriation dans l'intérêt d'une commune, l'initiative de l'ouverture de la procédure d'expropriation appartient à la commune. Et la saisine du Grand Conseil appartient, ensuite de la procédure d'enquête publique mentionnée précédemment, uniquement au Conseil d'Etat.
Enfin, de manière superfétatoire, j'indiquerai qu'il faut constater que l'initiative 132 ne peut en aucun cas relever d'une utilité publique, puisqu'elle fait fi des règles établies, des règles démocratiques et des règles qui ont été mises en place pour contrôler et, éventuellement, autoriser une mesure extrêmement grave, puisqu'il s'agit d'une mesure confiscatoire.
En réalité, il faut relever que cette initiative vise à procurer un avantage qui est de nature purement individuel, et ce à l'encontre d'un propriétaire légitime. Il ne faut pas s'en étonner: l'initiative vient des squatters !
En conséquence, nous vous invitons à invalider l'initiative 132. (Applaudissements.)
M. Christian Bavarel (Ve). Les séances plénières servent à rendre publiques les positions des uns et des autres. Michèle Künzler a donné la position des Verts... Il se trouve que le groupe des Verts compte deux dissidents: Jean Rossiaud et moi-même.
Je vais donc juste vous expliquer pourquoi nous allons voter la recevabilité de cette initiative. Nous pensons que la commission aurait pu traiter cette initiative en adoptant une autre position - mais cela n'a pas été le cas - en considérant RHINO sur un plan culturel, comme un monument de la culture, pour ce qu'il a apporté à la vie culturelle genevoise, mais aussi comme un monument au niveau de la lutte politique à Genève et au niveau du mode de vie. Notre point de vue est donc purement culturel. Il ne répond pas à une logique de légalité pure et dure, mais à une logique culturelle, et c'est pour cette raison que nous accepterons la recevabilité de cette initiative. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Je salue la présence à la tribune de notre ancienne collègue Mme Marianne Mathez-Roguet... (Applaudissements.) ... et je salue à ses côtés la femme du bien-aimé président du Conseil d'Etat, Mme Unger. (Applaudissements.) La parole est à Mme la députée Sandra Borgeaud.
Mme Sandra Borgeaud (MCG). Merci, Monsieur le président. Le groupe MCG ne soutiendra pas l'initiative RHINO, pour la simple et bonne raison qu'elle ne respecte pas le droit. Un avis de droit établi par la Ville de Genève va exactement dans le même sens, ainsi que l'avis du conseiller d'Etat, en son temps.
Nous avons auditionné plusieurs personnes concernant RHINO, mais, malheureusement, force est de constater qu'elles ne nous ont pas convaincus ni donné d'éléments qui auraient éventuellement pu porter la réflexion un peu plus loin.
Nous ne pouvons, bien évidemment, pas nous substituer au droit, et nous ne parlerons pas du fond ici.
C'est la raison pour laquelle nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à refuser cette initiative.
M. Damien Sidler (Ve). En tant que président de la commission, j'aimerais tout de même réfuter ce qui vient d'être dit par Mme Virginie Keller Lopez quant au travail et à la qualité du travail effectué par la commission. Cette commission travaille tous les vendredis soirs où nous ne siégeons pas en plénum. Nous devons traiter ces temps-ci un nombre incroyable d'initiatives, avec des délais - vous le savez tous - très serrés. Mais nous avons tout de même fait tout ce qui devait l'être pour cette initiative, notamment l'audition des initiants.
Nous avons tous constaté - cela figure dans le rapport - le manque flagrant de préparation des personnes auditionnées. Pour ma part et en tant que président, j'ai réagi, puisque, avec le service du Grand Conseil, nous avons préparé une lettre à l'attention des auditionnés pour les rendre attentifs aux questions qui leur seront posées dorénavant et aux points précis examinés par la commission. Nous ne pouvons pas faire plus ! Madame Keller Lopez, j'estime que vous pouvez adresser vos critiques aux membres du parti socialiste, qui font partie de la commission et qui se sont abstenus lors de ce débat, mais pas à la commission !
Mme Carole-Anne Kast (S). Je voudrais apporter une précision pour répondre à mon préopinant à propos de l'argumentation de ma camarade Virginie Keller Lopez...
En aucun cas, me semble-t-il, il n'a été question de critiquer la préparation de la commission, mais bien celle des personnes auditionnées. Et nous devons pouvoir reconnaître qu'elles auraient pu avancer des arguments juridiques pointus, comme ceux que, en quelques mots, Virginie nous a exposés tout à l'heure et qui ont démontré - recherches juridiques à l'appui - que tout n'est pas aussi simple que le rapport du Conseil d'Etat a bien voulu le faire croire, quant à la recevabilité et la conformité au droit supérieur.
Maintenant, j'aimerais encore préciser, à l'attention de Me Pétroz - il n'est pas dans la salle, mais ce n'est pas grave - que ce n'est pas parce que deux avocats sont auditionnés qu'ils vont forcément être bien préparés et dire des choses de grande qualité... La preuve, c'est qu'il y a plein d'avocats dans cette salle, ce n'est pas une garantie ! (Commentaires.)
Je ferai une dernière remarque. Il est évident que cette mauvaise préparation a fait les affaires d'une certaine majorité de la commission, qui ne peut pas voir l'intérêt public dans le projet RHINO, puisqu'elle pose en dogme la propriété privée. C'est la raison pour laquelle elle ne peut admettre la moindre limitation de celle-ci, même pour protéger une expérience de dix-sept ans, même pour dénoncer des cas de spéculation flagrants d'il y a quinze ans, alors que certaines personnes abusaient véritablement, voire «crassement», de la situation de pénurie de l'époque. (L'oratrice est interpellée.) C'est peut-être fini, mais c'était le cas ! Et RHINO s'est mis en place dans ce contexte-là ! Les habitants de RHINO ont prouvé - bien qu'ils ne soient pas les sacro-saints propriétaires que certains, dans ce parlement, s'acharnent à défendre - qu'ils ont été capables d'en faire un lieu de vie, un lieu culturel, un lieu d'habitation, et d'entretenir ces immeubles ! Et les entretenir probablement mieux que certains propriétaires privés qui perçoivent pourtant des loyers pour cela et qui ne le font pas ! (Applaudissements.)
M. Gabriel Barrillier (R). Je n'avais pas l'intention d'intervenir dans ce débat, mais il se trouve que j'étais remplaçant lors des auditions effectuées par la commission législative au sujet de RHINO... C'était vraiment pitoyable ! Je suis désolé d'avoir à le dire: la moitié des personnes auditionnées - je ne vais pas donner leur nom - ne savaient pas pourquoi elles étaient là. Notamment un avocat connu de la place, qui se débat pour des problèmes de transports publics, ne savait pas pourquoi ni à quel titre il était auditionné !
Par ailleurs, le rapport montre clairement que, pour le vote final sur la recevabilité, il n'y a eu aucune voix favorable: sept voix contre - dont les Verts, et M. Sidler, le président de la commission fait partie du groupe des Verts - et deux abstentions socialistes.
Certes, on peut changer d'avis en plénière, mais, franchement, nous voyons bien que les initiants tirent toutes les ficelles de nos institutions démocratiques - absolument toutes ! C'est un véritable dévoiement institutionnel et démocratique ! Comment l'Alternative peut-elle défendre cette initiative en plénière ? Ayez une fois pour toutes le courage de suivre vos commissaires ! Jusqu'à maintenant, vous ne l'avez pas eu, et c'est mauvais signe ! (Exclamations.)
Nous refuserons la recevabilité de cette initiative.
M. Christian Luscher (L), rapporteur. Je m'étonne également des propos tenus ce soir et je m'inscris en faux, au même titre que M. Sidler, sur ce qui a été dit tout à l'heure par le parti socialiste. Le parti socialiste est représenté en commission législative par deux membres qui, après les auditions, que nous avons décidées conjointement et communément, ont décidé de ne pas voter en faveur de la recevabilité de cette initiative.
Vous semblez aujourd'hui reprocher à la majorité de ne pas voir l'intérêt public que représente l'expérience RHINO... Ce n'est pas la majorité qui considère qu'elle ne constitue pas un intérêt public, ce sont les autorités judiciaires !
En effet, faut-il le rappeler, dans l'avis de droit qui a été produit en annexe à mon rapport il est dit ceci: «La mesure préconisée par l'initiative est destinée à bénéficier à une petite poignée de personnes dont le statut juridique aujourd'hui est semble-t-il celui d'occupants illégaux des immeubles litigieux. Il convient de rappeler à ce sujet que le Tribunal administratif a, à plusieurs occasions, jugé que ces personnes qui se maintiennent de façon illicite dans des immeubles n'ont pas qualité pour recourir: «L'intérêt évoqué à la jouissance d'un habitat qu'ils se sont procuré au mépris du droit (...) ne saurait dès lors être considéré comme digne de protection au regard de l'ordre juridique en vigueur...».
C'est probablement pour cela également que le Tribunal de première instance, dans sa grande sagesse, a dissous l'Association RHINO, car il s'agit d'une association illicite. Et, comme le disait M. Olivier Jornot, lors du débat de préconsultation, une association qui est dissoute pour son illicéité est, en réalité, une association de malfaiteurs: il faut le dire ! (Exclamations.)
Mesdames et Messieurs les députés, vous avez voulu entrer sur le terrain du débat politique - je m'étais totalement abstenu de le faire dans mon rapport, qui est d'une totale neutralité - vous avez décidé de donner à ce débat une coloration politique, eh bien, nous répondrons aussi, ce soir, par des arguments politiques ! J'en ai terminé !
Des voix. Bravo !
Mme Virginie Keller Lopez (S). Je voudrais juste vous répondre, Monsieur Luscher sur la question de la qualité pour agir et sur la manière dont le tribunal traite aujourd'hui l'ordonnance d'évacuation du Procureur général, qui a été déclarée inégale, suite à un recours de l'Association RHINO. Et j'ose imaginer que si le Tribunal administratif a déclaré l'évacuation illégale, sans jugement ordonné par le Procureur général, c'est que dans les milieux de la justice on considère quand même que l'Association RHINO, forte de ses septante membres et de ses dix-huit ans d'action politique a une certaine légitimité, même si vous ne voulez pas la reconnaître ! Elle est effectivement illégale. (Exclamations.) Mais elle est parfois et peut-être souvent considérée comme légitime quand, dans une période de crise du logement, certains abusent à laisser des immeubles vides alors que la population entière souffre de la crise du logement. (Brouhaha.) A Genève, depuis longtemps, les tribunaux ont reconnu la qualité pour agir de ces associations-là, qui se battent pour que du logement social au centre-ville soit conservé pour toutes et pour tous. (Applaudissements.)
M. Mark Muller, conseiller d'Etat. Le Conseil d'Etat prend acte de la décision de la commission législative de déclarer cette initiative irrecevable, ainsi que le Conseil d'Etat l'avait proposé. Je ne dirai pas que le Conseil d'Etat est satisfait de cette décision - on n'est jamais satisfait de l'irrecevabilité d'une initiative, car, d'une certaine façon, c'est un échec. Cela étant, c'est maintenant votre choix.
Sur le fond, je voulais donner quelques indications sur la suite des opérations, parce que le Conseil d'Etat imaginait, il y a quelques semaines, lors du débat de préconsultation, que cette initiative deviendrait rapidement sans objet, puisque le Conseil d'Etat avait fait des propositions de relogement très généreuses aux habitants de RHINO pour leur permettre de quitter cet immeuble de leur plein gré et dans de bonnes conditions.
La proposition était la suivante: il s'agissait de leur mettre à disposition, contre rétribution - bien sûr, pas gratuitement - des locaux d'habitation à Loëx, une région magnifique. Certes, elle n'est pas un centre urbain, mais elle présente d'autres avantages, notamment il s'y trouve des animaux, dont des hérissons... (Rires.) Par ailleurs, nous leur avions également proposé de reloger un certain nombre d'étudiants au Carlton, dans l'hypothèse où ce dernier aurait été affecté à du logement pour étudiant, ce qui n'est en revanche par certain.
Malheureusement, les occupants de RHINO n'ont pas choisi de retenir notre proposition: ils ont préféré demeurer dans leur immeuble et continuer à utiliser les moyens juridiques et politiques à leur disposition pour rester sur place. Résultat des courses: de mon point de vue, la situation n'est pas favorable pour les occupants de RHINO, car ils ne bénéficient plus de proposition de relogement, et l'attitude de l'administration va probablement se durcir puisqu'ils sont répréhensibles à divers titres. Vous avez longuement parlé d'occupation illicite des locaux, mais ils violent aussi la loi dans cet immeuble en termes de protection des bâtiments, en termes de police des constructions, en termes de sécurité, en termes de fiscalité, en termes d'autorisations et patentes. Toute une batterie de dispositions légales cantonales ne sont pas respectées. Alors, si les occupants de RHINO veulent utiliser des moyens juridiques pour s'y maintenir, eh bien, l'administration appliquera dorénavant la loi avec beaucoup plus de sévérité et de rigueur que jusqu'à présent ! Malheureusement, personne ne sortira gagnant de cette situation. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes en procédure de vote. Je mets aux voix la proposition de la commission concernant l'unité de la forme... Celles et ceux qui, avec la commission unanime, estiment que l'unité de la forme est respectée par l'initiative 132 votent oui, les autres votent non ou s'abstiennent ?
Mise aux voix, l'unité de la forme de l'initiative 132 est adoptée par 42 oui contre 10 non et 18 abstentions.
Le président. L'unité du genre est-elle réalisée en l'occurrence ? La commission a répondu à l'unanimité par l'affirmative. Je mets la proposition de la commission aux voix: celles et ceux qui acceptent de reconnaître l'unité du genre votent oui, les autres votent non ou s'abstiennent.
Mise aux voix, l'unité du genre de l'initiative 132 est adoptée par 43 oui contre 3 non et 24 abstentions.
Le président. Ces abstentions sont sans doute constructives... Nous passons à l'unité de la matière. La commission la constate à l'unanimité. Je soumets cette recommandation à vos suffrages.
Mise aux voix, l'unité de la matière de l'initiative 132 est adoptée par 46 oui contre 5 non et 18 abstentions.
Le président. Nous devons à présent nous prononcer sur la conformité de l'initiative au droit supérieur. La commission l'a refusée à l'unanimité moins deux abstentions.
Mise aux voix, la conformité au droit supérieur de l'initiative 132 est rejetée par 60 non contre 11 oui et 3 abstentions.
Le président. Par souci et scrupule d'exactitude juridique, je vous soumets néanmoins la question de l'exécutabilité de l'initiative 132. Celles et ceux qui considèrent que cette initiative est exécutable voteront oui, celles et ceux qui comme la commission, à peu près unanime à trois abstentions près, pensent que cette exécutabilité n'est pas donnée voteront non ou s'abstiendront.
Mise aux voix, l'exécutabilité de l'initiative 132 est rejetée par 56 non contre 11 oui et 7 abstentions.
Le président. Nous passons au vote d'ensemble sur la recevabilité. Celles et ceux qui déclarent l'initiative recevable votent oui, les autres votent non ou s'abstiennent.
Mise aux voix, la recevabilité de l'initiative 132 est rejetée par 58 non contre 11 oui et 2 abstentions.
Le Grand Conseil déclare donc invalide l'initiative populaire 132.
Le Grand Conseil prend acte du rapport IN 132-B et du rapport IN 132-A.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons à l'initiative suivante, point 79 de notre ordre du jour.
Débat
Le président. Madame le rapporteur de majorité, vous avez la parole. (Un instant s'écoule. Commentaires. Brouhaha.) Que vous arrive-t-il, Madame le rapporteur ? (Rires.)
Mme Michèle Ducret (R), rapporteuse de majorité. Juste un problème de micro, Monsieur le président ! Voilà c'est bon ! (Exclamations de satisfaction.)
Le problème que nous devons trancher aujourd'hui est assez simple en vérité... La majorité de la commission considère que l'initiative 133-B est non conforme au droit supérieur dans son article 182, alinéa 2, parce qu'il introduit une notion de rétroactivité qui est en principe interdite par le Tribunal fédéral. Nous considérons qu'il s'agit d'une réelle rétroactivité et nous ne pouvons, par conséquent, pas accepter la condition de la conformité au droit supérieur.
Par respect pour les signataires et pour la démocratie, nous avons tout de même accepté de modifier légèrement cet article pour le rendre conforme, selon nous, au droit supérieur, car nous considérons aussi que les signataires ont pu être trompés par les initiants qui s'étaient bien gardés de leur signaler que l'argent avait déjà été distribué avant le lancement de l'initiative. Comme je viens de le dire, par respect pour les signataires et pour la démocratie, nous vous proposons d'accepter que cet article soit modifié pour rendre l'initiative recevable.
Mme Loly Bolay (S), rapporteuse de minorité. Je ferai vite parce qu'il est déjà tard et que tout le monde est fatigué... Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, pour pouvoir annuler une initiative, il faut qu'elle soit manifestement non conforme au droit. La violation du droit supérieur doit être manifeste. Faute de quoi la demande populaire doit être exposée au peuple, conformément au principe selon lequel l'initiative populaire est présumée valable.
Ce que conteste la majorité de la commission, c'est la rétroactivité introduite par l'article 182 qui demande que la somme versée par la Confédération soit mise en réserve en attendant le vote populaire. J'aimerais rappeler ici que la question concernant la rétroactivité a déjà été tranchée par le Tribunal fédéral en faveur des initiants de l'initiative 133. Puisque, le 26 mai 2004, il a tranché dans ce sens pour l'initiative 120, et également pour l'initiative contre les avions de combat, en 1992.
C'est la raison pour laquelle - même si je sais que, ce soir, nous allons être très minoritaires - je vous demande de voter les conclusions du rapport de minorité.
M. Olivier Jornot (L). Cette initiative populaire exige - il faut peut-être le rappeler pour statuer en pleine connaissance de cause sur la question qui nous est posée - que la totalité du produit des ventes d'or de la BNS revenant au canton et que 50% des dividendes annuels soient affectés à une fondation, laquelle fondation aurait pour tâche de mener une politique particulièrement active en matière de logement social. Cela, c'est ce qui est dit dans la première partie de l'initiative. Et puis, la deuxième partie indique - cela a été évoqué, parce que c'est le sujet qui fâche - que l'or, ou plus exactement le montant correspondant à l'or qui a déjà été vendu doit être stocké, gardé, conservé.
Bref, les initiants ont essayé, par un artifice - il faut dire les choses comme elles sont - de combattre l'affectation voulue, notamment par ce parlement, du produit de la vente d'or de la Banque nationale. Et ils ont fait signer cette initiative - il faut le rappeler - uniquement sur ce point: elle était destinée à empêcher l'affectation du produit de la vente de l'or à la réduction de la dette, pour l'affecter uniquement au développement du logement social. Les électeurs ne l'ont signée que pour cette seule et unique raison !
Or, nous savons tous que cette somme a déjà été entièrement utilisée. Je l'ai dit, ce parlement avait demandé l'affectation du produit de la vente à la réduction de la dette, et le Conseil d'Etat a annoncé qu'il avait en effet utilisé cette somme dans le cadre des comptes 2005 pour, en quelque sorte, corriger les allègements sur amortissements qui avaient été autorisés pendant un certain nombre d'années. Ce qui revenait effectivement à dire que cette somme était affectée à la réduction de la dette ou, je dirais, à la correction de son augmentation pour être plus honnête.
Du coup, cela pose la question, qui a été évoquée par les deux rapporteurs, de la rétroactivité. Mme Bolay a précisé la distinction entre la rétroactivité proprement dite et la rétroactivité improprement dite en indiquant que le Tribunal fédéral avait déjà tranché cette question à plusieurs reprises dans le cadre de l'initiative 120.
J'aimerais dire à ce sujet que nous sommes précisément dans une situation qui n'est pas comparable à celle de l'initiative 120 ! Dans l'initiative 120, le Tribunal fédéral explique qu'en effet, quand on veut simplement soumettre au peuple des textes déjà votés, eh bien, il faut simplement tenir compte d'événements dans le passé mais pour des opérations qui auront lieu dans l'avenir. Ce qui est interdit - nous dit le Tribunal fédéral - c'est de vouloir changer quelque chose qui a déjà été effectué, par le biais d'une norme. Pas seulement quelque chose qui a été introduit dans la loi, mais quelque chose qui a réellement eu lieu !
C'est exactement de cela qu'il s'agit dans le cas qui nous est soumis, puisqu'on nous parle de l'affectation d'une somme d'argent qui n'existe tout simplement plus ! Il ne s'agit donc pas d'un cas de rétroactivité improprement dite, mais d'un cas de rétroactivité proprement dite, ce qui pose un problème clair de recevabilité. Auquel j'ajouterai la célèbre question sur laquelle nous avons généralement beaucoup de peine à répondre de manière très structurée dans ce parlement: celle de la possibilité d'exécuter l'initiative. Bien entendu, il n'est pas possible de l'exécuter dans le cas présent, puisque les sommes ont déjà été utilisées !
La minorité nous dit que l'on peut très bien comprendre cela autrement et se dire que, finalement, les gens ont simplement voulu qu'une somme d'argent équivalente soit affectée au logement social... Eh bien, c'est faux - c'est faux ! On n'a pas dit aux gens qu'on allait augmenter les dépenses de l'Etat au moyen des recettes générales, si nécessaire, par exemple, en diminuant d'autres dépenses ou bien en augmentant les impôts... Ce n'est pas ce qu'on leur a dit ! On leur a dit qu'une manne tombait du ciel et qu'elle était à leur disposition, tout en leur proposant de l'utiliser pour du logement social. A mon sens, il n'est pas du tout possible d'interpréter l'initiative dans ce sens !
Il faut donc, comme le propose le rapport de majorité, amputer l'initiative des dispositions qui portent sur l'affectation de l'or de la BNS d'ores et déjà versé.
La question que je me pose, Mesdames et Messieurs les députés - et cela m'amènera à vous proposer une solution encore différente des deux autres - est la suivante: que faut-il faire du solde de l'initiative ? Parce que, finalement, on se retrouve avec une initiative qui porte sur tout sauf sur ce pour quoi les gens l'ont signée. Ils l'ont fait pour affecter le produit des ventes d'or de la BNS qui ont eu lieu ces dernières années, mais c'est précisément ce que cette initiative ne pourra pas faire, parce que nous allons, avec sagesse, la priver d'une disposition rétroactive et inexécutable ! Vous connaissez la jurisprudence du Tribunal fédéral... Une fois que l'on procède à une invalidation partielle, il faut se demander si le reste est toujours présentable au peuple, et lorsque l'on arrive à la conclusion que le peuple n'aurait pas signé le reste, parce que cela ne présente pas d'intérêt pour lui, on doit prononcer l'invalidité totale de l'initiative.
C'est exactement ce qu'il faut faire ici, puisque, je le répète, une fois enlevée l'affectation des ventes d'or des dernières années, il ne reste plus rien !
C'est la raison pour laquelle je vous propose, Mesdames et Messieurs, de suivre les recommandations du rapport de majorité pour l'amputation partielle de l'initiative, mais, ensuite, lorsqu'il faudra déterminer si cette initiative ainsi amputée est conforme au droit, je vous demanderai de dire non, et d'accepter l'irrecevabilité totale de cette initiative. (Applaudissements.)
M. Damien Sidler (Ve). Cette initiative se résume finalement à doter une fondation d'un montant équivalent à l'intégralité de l'or de la Banque nationale suisse ainsi que la moitié des dividendes annuels.
Il s'agit donc effectivement d'une nouvelle dépense. De toute façon, il y aura une rentrée et des dépenses dans les comptes... Ce n'est pas vraiment le problème. La question qui se pose est de savoir si nous sommes prêts à effectuer une nouvelle dépense...
La suppression des dispositions transitoires - nous avons examiné ce point en commission - est possible, à mon avis, mais on peut très bien laisser le texte comme il est et décider qu'il est acceptable en l'état.
Ce qui importe plus, à notre sens - à nous, les Verts - c'est de savoir quelle sera la politique du Conseil d'Etat en matière de logement. Elle devrait être présentée à l'automne - nous l'espérons. Je pense que l'étude de cette initiative dans une commission spécialisée tombera à pic avec les propositions du Conseil d'Etat pour, éventuellement, envisager un contreprojet.
Alors, arrêtons de faire du juridisme, étant donné que, de toute façon, l'une ou l'autre des solutions amènent au même point: il faudra que le peuple soit conscient, en votant cette initiative, qu'il s'agit d'une nouvelle dépense. Mais il me semble que nous pouvons la valider ce soir.
Mme Carole-Anne Kast (S). Comme vient de le dire le président de la commission législative, il faut tout de même rappeler que l'initiative ne prévoit pas de payer la politique du logement social avec de l'or en barres, mais avec des bénéfices. Lesquels, comme l'a dit M. Jornot, sont d'une certaine manière tombés du ciel. Et, pendant que les initiants récoltaient des signatures, le parlement décidait d'affecter cette manne - mais pas de l'or en barres, juste un crédit ! - à certains postes tout aussi valables. Il faudrait quand même rappeler que seulement un tiers des bénéfices est concerné par l'initiative et pas la totalité, comme l'a dit M. Jornot tout à l'heure.
Effectivement, l'interprétation conforme semble nous diriger tout droit vers le fait qu'il ne s'agit pas des espèces sonnantes et trébuchantes qui avaient été données au canton de Genève, par le biais des bénéfices de la vente de l'or de la BNS, mais d'une ligne de crédit correspondante au tiers des montants en question, pour créer une fondation active dans le domaine du logement social avec cet argent.
Et il faut considérer que, comme il y a eu des versements dans le temps, on doit trouver un dies a quo. Et, fondamentalement, la question qui oppose le rapport de majorité et le rapport de minorité est seulement de savoir à partir de quand la comptabilité commence.
Si l'on admet le principe de la rétroactivité indirecte de l'initiative, qui est, comme la rapporteure de minorité vous l'a rappelé, conforme au droit selon le Tribunal fédéral, l'on peut tout à fait considérer que le décompte commence au moment du dépôt de l'initiative, sans que cela pose le moindre problème.
Par conséquent, nous vous invitons à soutenir le rapport de minorité, à admettre la validité de l'initiative dans son ensemble, et à ne pas vous laisser abuser par les pirouettes juridiques développées par M. Jornot qui, en argumentant sur un point de droit - qui pourrait effectivement, si l'on oublie le principe de l'interprétation conforme, être sujet à interprétation - a essayé d'écarter une initiative qui ne lui plaît pas politiquement !
Mme Sandra Borgeaud (MCG). Je ne vais pas épiloguer trop longtemps sur le sujet dans la mesure où tout a été dit. Le MCG soutiendra l'initiative 133-B avec l'amendement proposé, à savoir qu'il acceptera l'invalidité partielle. C'est uniquement dans ce contexte qu'il acceptera cette initiative.
M. Pierre Weiss (L). Dans sa brillante démonstration, mon collègue Jornot a démontré en quoi cette initiative constituait, au fond, un acte impossible. C'est un acte impossible dans la mesure où la rétroactivité ne peut pas s'exercer, sauf à considérer que toutes les sommes qui se trouvent dans le budget de l'Etat sont tangibles, que l'on peut prendre à gauche, que l'on peut prendre à droite, que l'on peut donner au dernier arrivé, après coup, en présentant une initiative !
On peut aussi prétendre, face à cette initiative, que l'on se trouve face à une volonté de susciter de l'insécurité juridique... Dans la mesure où, si l'on venait à accepter le texte qui est soumis ici, eh bien, l'on déferait ce qui vient d'être décidé par les autorités et par la volonté de ce parlement !Au fond, cette initiative revient à rendre illisible la politique menée par notre Grand Conseil !
Demain nous allons voter, Monsieur le président, le budget pour l'année 2006; de nombreuses déclarations sur la nécessité de rétablir l'équilibre budgétaire, sur la nécessité de réduire la dette, vont être faites à cette occasion. Eh bien, si nous acceptions la recevabilité de cette initiative aujourd'hui, nous donnerions à la population un signal tout à fait contraire aux discours que bon nombre d'entre nous feront demain. C'est la raison pour laquelle il faut dire non à cette proposition.
Le président. Nous examinons la recevabilité de l'initiative 133. Celles et ceux qui, comme la commission à l'unanimité, considèrent que l'unité du genre est respectée votent oui, les autres votent non ou s'abstiennent.
Mise aux voix, l'unité du genre de l'initiative 133 est adoptée par 63 oui et 2 abstentions.
Le président. La question se pose maintenant pour l'unité de la forme, acceptée par la commission à l'unanimité. Je soumets cette recommandation à vos suffrages.
Mise aux voix, l'unité de la forme de l'initiative 133 est adoptée par 59 oui et 2 abstentions.
Le président. L'unité de la matière est à présent soumise à vos suffrages. Celles et ceux qui, comme la commission législative, l'acceptent votent oui, les autres votent non ou s'abstiennent.
Mise aux voix, l'unité de la matière de l'initiative 133 est adoptée par 59 oui et 3 abstentions.
Le président. Nous abordons la question, plus délicate, de la conformité avec le droit supérieur. La majorité de la commission a estimé que l'initiative 133 ne respectait pas l'exigence de conformité. Elle l'a donc partiellement invalidée. Celles et ceux qui considèrent que l'initiative doit être partiellement invalidée, comme le recommande la commission, votent oui... (Le président est interpellé.) Pardon, je dois d'abord vous soumettre la conformité au droit supérieur ! Excusez-moi ! Je suis trop pressé... Je fais marche arrière. Celles et ceux qui considèrent que l'initiative est conforme au droit supérieur votent oui, celles et ceux qui pensent qu'elle n'est pas conforme au droit supérieur votent non.
Mise aux voix, la conformité au droit supérieur de l'initiative 133 est rejetée par 46 non contre 18 oui.
Le président. Nous devons maintenant voter sur la conséquence de cette déclaration: l'initiative doit-elle être partiellement invalidée ? C'est la recommandation de la commission qui propose, pour l'invalider partiellement, de supprimer du texte de l'initiative l'article 182, alinéas 2 et 3 (nouveaux). Celles et ceux qui acceptent la proposition de la commission, à savoir la suppression de l'article 182, alinéa 2 et 3 votent oui, les autres votent non ou s'abstiennent.
Mise aux voix, l'invalidation partielle de l'initiative 133 (suppression de l'article 182, alinéas 2 et 3) est rejetée par 33 non contre 25 oui et 5 abstentions.
Le président. L'article 182, alinéas 1 et 2 restent donc dans le texte de l'initiative. Nous passons à l'exécutabilité de cette initiative. Je vous la soumets. Celles et ceux qui estiment que l'initiative 133 est exécutable votent oui, les autres votent non ou s'abstiennent.
Mise aux voix, l'exécutabilité de l'initiative 133 est rejetée par 44 non contre 21 oui et 1 abstention.
Le président. Cette initiative est donc déclarée inexécutable en plus d'être non conforme au droit supérieur. Il faut maintenant voter sur la recevabilité d'ensemble. La commission, à la majorité, soutenait cette recevabilité après amendement. Des propositions ont été faites d'une manière différente, notamment de la déclarer totalement irrecevable. Je vous soumets donc maintenant la question que voici: l'initiative 133 - qui n'a pas été amendée, mais qui a été déclarée non conforme au droit supérieur et inexécutable - est-elle recevable dans son ensemble ? Celles et ceux qui pensent qu'elle l'est votent oui, les autres votent non ou s'abstiennent.
Mise aux voix, la recevabilité de l'initiative 133 est rejetée par 44 non contre 21 oui et 1 abstention.
Le Grand Conseil déclare donc invalide l'initiative populaire 133.
Le Grand Conseil prend acte du rapport IN 133-B et du rapport IN 133-A.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, il est 22h55. Nous reprenons nos travaux demain matin à 8h pour l'examen du budget. Bonne nuit.
La séance est levée à 22h55.