Séance du
vendredi 9 juin 2006 à
17h15
56e
législature -
1re
année -
9e
session -
43e
séance
PL 9534-A
Premier débat
Le président. Vous avez trois rapports dans lesquels le rapporteur de majorité est M. Barazzone et le rapporteur de minorité M. Stauffer, les rapports 9534-A, 9535-A (PL 9535-A) et 9537-A (PL 9537-A) . J'invite donc les rapporteurs de majorité et de minorité à garder le siège qu'ils occupent déjà et je donne la parole à M. le rapporteur de majorité.
M. Guillaume Barazzone (PDC), rapporteur de majorité. Vous me donnez l'occasion de dire à quel point nous retrouvons les mêmes termes dans le rapport de minorité de M. Stauffer que ceux qu'il a développés à de nombreuses reprises ici, en plénière, ainsi qu'en commission. M. Stauffer remet en question le principe des contrats de portage. Il souhaiterait dénoncer ces contrats de portage en affirmant que ceux-ci sont illicites et contraires au droit des obligations, notamment. A ce titre, je lui réponds, encore une fois et à nouveau, que tant que la justice n'a pas tranché nous devons respecter ces contraintes qui, je le rappelle, ont été signées par la Banque cantonale. Nous ne pouvons nous substituer à la justice. La Fondation de valorisation se retrouve dans la situation où ses contrats doivent être exécutés conformément au principe pacta sunt servanda.
Je crois que je ne vais pas développer davantage les arguments que M. Stauffer avance à répétition en faisant du «copier-coller». D'ailleurs, il fait exactement la même chose que ce qu'il reproche à l'Etat de faire. Il fait du «copier-coller» à chaque rapport ! Je ne peux que le regretter. Je lui cède maintenant la parole pour qu'il répète ce qu'il dit à chaque fois. (Applaudissements.)
M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de minorité. Effectivement, le Conseil d'Etat, dans ses rapports, fait du «copier-coller» puisqu'en fait l'aliénation des objets qui passent par la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe sont toujours les mêmes. Et effectivement, Monsieur le président, nous, Mouvement Citoyens Genevois, martelons depuis quelques mois que les contrats dits de portage seront bientôt - nous l'espérons, le plus rapidement possible - déclarés comme étant des contrats illicites, impliquant toute une série de désagréments pour les coauteurs de ces infractions.
Je vais être bref, j'ai fait un assez long exposé dans mon rapport de minorité et j'ai expliqué par quel chemin nous sommes arrivés à la conclusion que ces contrats devaient être déclarés illicites.
Bien entendu, il y a la séparation des pouvoirs, que nous respectons pleinement, et il n'appartient pas à notre Grand Conseil, Monsieur le président, de se substituer à la justice. Néanmoins, je dois dire que ce que nous demandons dans l'amendement que nous avons introduit dans ce projet de loi n'est en aucun cas de se substituer à la justice, mais simplement, parce que c'est dans nos compétences, de refuser le paiement d'une commission de courtage au courtier qui n'est autre que le porteur, le régisseur et celui qui a vendu l'objet, mais non pas par un travail actif, simplement par contrat, puisqu'il a obtenu l'exclusivité de vente par le contrat de la BCGe. Evidemment, quand le locataire achète le bien dans lequel il réside, eh bien, la commission revient à ce même courtier.
Le montant n'est pas très important, mais c'est une question de principe - d'éthique - encore une fois. Partant de ce principe, ce que nous voulons, nous, Mouvement Citoyens Genevois, c'est que vous, Mesdames et Messieurs les députés, acceptiez, pour une fois, l'amendement proposé par le MCG, ce qui évidemment ne manquera pas de provoquer une procédure du courtier contre la Fondation de valorisation. La justice pourra alors se prononcer sur la légalité de ces contrats. Le montant n'étant pas important, ce n'est pas une dépense qui sera conséquente pour l'Etat de Genève, mais à tout le moins, si nous avons raison - et nous, MCG, maintenons que nous avons raison - cela fera économiser des millions de francs à l'Etat, puisque les commissions qui ont été payées par la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe se montent à plus de 25 millions de francs ! Je pense donc que le jeu en vaut la chandelle et, je le dis avec beaucoup de respect pour ce Grand Conseil, il est de notre devoir de tout faire pour économiser des sous.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. Le Bureau apprécie en effet la modération du ton et de la forme qui laissent bien augurer de la suite. La parole est à M. le député Roger Deneys.
M. Roger Deneys (S). Le groupe socialiste ne soutiendra pas le rapport de minorité de M. Stauffer ni sa proposition d'amendement. Le principe qu'il évoque de ne pas payer de commission est certes défendable et il est vrai que la Fondation de valorisation a, quelque part, continué dans la lancée de la Banque cantonale. Mais c'est bien ce qu'on lui a demandé à l'époque: on lui a demandé de reprendre tous les contrats de la banque. Et qui dit «contrats » dit «conditions qui vont avec». En l'occurrence, ces commissions et ces mandats d'exclusivité faisaient partie des contrats de la Banque cantonale.
C'est vrai, on aurait pu souhaiter que la Fondation de valorisation agisse différemment, à l'époque, et décide de changer de courtier, de changer de régisseur, pour tous les objets en litige qui étaient à la Fondation de valorisation. Cela n'a pas été le cas, mais je trouve que c'est assez discutable, comme méthode de travail, de proposer de provoquer un conflit entre la Fondation et un courtier à propos d'un objet.
Nous pourrions, Monsieur Stauffer, parler de cela sur le fond, vous pourriez déposer une motion. Or, même ainsi, le principe d'opportunité est discutable aujourd'hui, alors que tous les contrats ont déjà été conclus selon cette manière. Il me semble dommage que cela n'ait pas été changé à l'époque. Mais aujourd'hui, sur cet objet, nous n'entrerons pas en matière, même si nous partageons votre souci de transparence sur cette débâcle de la Banque cantonale de Genève.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, la liste est close. La parole sera donnée à Mme Fabienne Gautier, à M. Pascal Pétroz, puis à nos deux rapporteurs. Madame Fabienne Gautier, vous avez la parole.
Mme Fabienne Gautier (L). Il est à nouveau désolant, dans ce rapport de minorité, de constater que son rapporteur se substitue à la justice et ne respecte pas cette séparation des pouvoirs, ainsi que le rapporteur de majorité l'a déjà précisé. Je crois qu'il n'est absolument pas acceptable, dans un rapport de minorité, de s'ériger en juge.
Maintenant, concernant l'amendement présenté dans ce rapport de minorité, le parti libéral ne l'acceptera pas. Parce que, pour revenir sur la manière de travailler de la Fondation, comme l'a évoqué M. Deneys, il faut savoir que la commission de contrôle existe depuis que la Fondation de valorisation existe, et elle a toujours accepté cette façon de faire. Elle savait que les courtiers étaient souvent les gérants d'immeubles. Quoi de mieux puisqu'en fait ils connaissaient bien les immeubles et les biens à vendre pour trouver acquéreur ? Je pense que c'est une chose très importante.
D'autre part, payer un courtier ou payer un gérant d'immeuble est normal, parce que tout travail mérite salaire. C'est pour cela que je vous demande de voter oui à ce projet de loi, de le soutenir et de ne pas accepter l'amendement demandé.
M. Pascal Pétroz (PDC). Le groupe démocrate-chrétien votera ce projet de loi tel qu'il nous est soumis ce soir. Il ne souscrira bien évidemment pas à l'amendement proposé par le groupe MCG, pour des raisons qui ont déjà été évoquées lors de nos précédentes sessions, à savoir, comme l'a rappelé le rapporteur de majorité, que des contrats doivent être honorés pacta sunt servanda, comme disent les latinistes.
Mais si je souhaite intervenir ce soir, c'est surtout pour poser un problème institutionnel. A plusieurs reprises, le MCG a proposé des amendements totalement identiques à ceux qu'il nous présente aujourd'hui. Ces amendements ont été rejetés par des majorités écrasantes; je crois qu'ils ont dû obtenir six ou sept voix à chaque fois, ce qui fait que la majorité était loin d'être atteinte. Ce que j'aimerais savoir, c'est combien de temps on va encore continuer ce petit jeu. Si l'on commence à procéder comme ça, cela veut dire que, chaque fois qu'un projet de loi émanant d'un groupe sera rejeté, il sera déposé exactement à l'identique à la session d'après ! Je vous signale, Mesdames et Messieurs les députés, que nous avons cent sept points à notre ordre du jour. C'est énorme ! Nous travaillons de plus en plus, notre président du Grand Conseil - qui opine du chef - est épuisé à cause de la charge de travail que nous lui infligeons. Si nous commençons à lui présenter toujours les mêmes projets de lois et les mêmes amendements, nous n'en sortirons plus !
Alors, de grâce, votons une dernière fois sur cet amendement, et je prie instamment le groupe MCG de tenir compte de la chose décidée !
Le président. Merci, Monsieur le député. Je ne suis pas épuisé par l'ordre du jour mais uniquement par la redondance, et je vous remercie, Monsieur le député, d'avoir souligné les effets délétères qu'elle peut avoir sur les meilleurs d'entre nous. La parole est à M. Stauffer, rapporteur de minorité.
M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de minorité. Vous me voyez désolé que vous le soyez par la redondance de certains propos, mais il y a une redondance qui persiste la vie durant de nos contribuables, c'est celle des bordereaux d'impôts à chaque fin d'année. C'est aussi une forme de redondance ! Partant de ce principe, je vais répondre quand même à certains de mes collègues. A M. Pétroz, qui demande combien de temps on va devoir encore répéter les choses, je rappellerai qu'il est dans un parlement démocratique. Peut-être pouvez-vous le lui rappeler, Monsieur le président ? Nous avons été élu par le peuple. Et si nous avons été élu par le peuple, c'est peut-être justement pour faire bouger les choses dans cette République. Dans le dossier qui nous occupe, force est de constater qu'il n'a peut-être pas été traité avec une célérité remarquable... Mais bon, passons !
Monsieur le président, Mme la députée Gautier fait allusion à la séparation des pouvoirs. Eh bien, c'est justement ce que j'ai prôné en ouverture de mon rapport de minorité, puisqu'en aucun cas le parlement ne doit se substituer à la justice pénale ! C'est la raison pour laquelle nous rentrons uniquement dans notre domaine de compétence, à savoir le paiement, puisque c'est nous qui autorisons la Fondation de valorisation à payer ces commissions - à coup de dizaines de millions - aux mêmes personnes qui, jadis, ont réalisé ces opérations de portage et se sont enrichies grâce à des contrats et à des actes illicites qui ont eu pour conséquence de camoufler les pertes de la Banque cantonale qui ont coûté 2,5 milliards de francs aux contribuables ! La séparation des pouvoirs est donc complètement respectée par le Mouvement Citoyens Genevois.
Partant de ce principe, nous vous demandons de soutenir cet amendement, pour ne pas payer cette commission à un acteur qui a coûté des dizaines de millions de pertes à la Fondation de valorisation des actifs de la Banque cantonale, respectivement à la Banque cantonale de Genève, et respectivement, in fine, au contribuable genevois. Pour des dizaines de millions, je vous le répète ! A tout le moins, cette commission devrait être déduite des dizaines de millions de dettes causées. Cela me paraît être simplement une responsabilité éthique par rapport aux gens qui nous ont élus, et je terminerai par là, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. Monsieur le rapporteur de majorité, la parole est à vous, puis nous voterons.
M. Guillaume Barazzone (PDC), rapporteur de majorité. Je tenais à revenir sur un argument de M. Stauffer,qui consiste à dire que l'Etat et le contribuable genevois gagneraient finalement beaucoup d'argent en dénonçant les contrats de portage et en ne payant pas les commissions qui sont dues en vertu desdits contrats. Je crois que M. Stauffer se trompe dans la mesure où l'Etat encourt un risque financier majeur en dénonçant ces contrats. L'Etat s'expose à de nombreuses actions en dommages et intérêts, à toute une machine d'avocats qui s'empresseraient de faire durer les procédures et litiges.
En ce sens, je crois qu'il faut rétablir la vérité, nous la devons aux citoyens. Si nous dénonçons ces contrats de portage - indépendamment du fait de savoir si c'est une bonne idée ou pas - l'Etat ne gagnera pas un sou ! Ce serait totalement illusoire de le croire.
Mis aux voix, le projet de loi 9534 est adopté en premier débat par 67 oui contre 5 non.
Deuxième débat
Le président. Nous sommes en deuxième débat, au cours duquel je ferai voter la proposition d'amendement présentée par M. le rapporteur de minorité.
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que l'article 1.
Le président. Pour l'article 2, il y a une proposition d'amendement qui figure à la page 9 du rapport, que je vous lis pour que chacun l'ait à l'esprit au moment de voter. Le texte est le suivant: «Le paiement d'une commission de courtage et tout autre paiement n'est pas autorisé par la fondation à toute entité considérée comme société dite de portage et/ou à d'autres sociétés de gérance immobilière ou les dirigeants et/ou administrateurs sont les mêmes personnes physiques siégeant au conseil d'administration des sociétés dites de portage.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 61 non contre 5 oui et 1 abstention.
Mis aux voix, l'article 2 est adopté, de même que l'article 3.
Troisième débat
La loi 9534 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 9534 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 59 oui et 5 abstentions.