Séance du jeudi 8 juin 2006 à 17h
56e législature - 1re année - 9e session - 40e séance

P 1488-A
Rapport de la commission des transports chargée d'étudier la pétition concernant l'aménagement de la rue de Montchoisy
Rapport de Mme Nelly Guichard (PDC)

Débat

M. Georges Letellier (Ind.). Habitant les Eaux-Vives depuis vingt-cinq ans, je me sens dans l'obligation de prendre la défense des pétitionnaires. J'emprunte la rue de Montchoisy deux fois par jour et j'ai souvent l'impression d'y faire le parcours du combattant.

Néanmoins, j'aimerais émettre une petite remarque, juste de la part des habitants des Eaux-Vives: que ce soit pour les fêtes de quartier, les constructions éphémères ou les aménagements divers, les habitants des Eaux-Vives ou leurs représentants ne sont jamais consultés. (Remarque. Brouhaha.) Je répète, Monsieur: les habitants ne sont jamais consultés. Je pense que vous en prenez note. Il y a donc une incompréhension légitime parmi les administrés et les commerçants du quartier, excédés par l'autocratie des autorités de la Ville.

Concernant la pétition 1488, la mise en place d'un feu au croisement des rues de Montchoisy et du 31 Décembre ne ferait que ralentir la circulation. Pourquoi ? Et ça, c'est un problème rémanent - récurrent, plutôt - aux Eaux-Vives. Parce qu'aux heures de pointes, une partie des 20 000 à 25 000 pendulaires utilisent la rue de Montchoisy comme voie de délestage, afin de fuir les bouchons de la route de Frontenex et du quai Gustave-Ador ! Si, comme prévu, le trafic progresse de 10% à 20% dans la décennie et que l'on continue à se regarder dans le blanc des yeux sans rien dire, il ne fera plus bon vivre dans ce quartier si convivial.

Conclusion: pour régler les problèmes actuels et à venir de la rue de Montchoisy, il faudra impérativement réduire le débit des véhicules en amont, en réalisant l'incontournable traversée du lac.

Je propose donc de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.

Le président. Merci, Monsieur le député. Vous nous avez expliqué, ce qui n'était pas indispensable, que vous veniez au secours des pétitionnaires, mais c'est la conclusion de la majorité de la commission que vous soutenez. Je donne la parole à Mme Wisard-Blum... (Brouhaha. Commentaires.)

M. Georges Letellier. On n'écoute pas les habitants ! On prend les décisions et, ensuite, les habitants doivent subir. Ce n'est pas normal !

Mme Ariane Wisard-Blum (Ve). Je vais vous prouver qu'une consultation d'habitants est une bonne chose, mais ce n'est pas toujours facile d'aboutir à quelque chose de consensuel. M. Letellier se décrète habitant des Eaux-Vives, je le suis également. (Brouhaha.) Je rappellerai tout d'abord que la rue de Montchoisy - visée par cette pétition - est une rue logée au coeur du quartier des Eaux-Vives. Il s'agit d'un endroit très densément peuplé et bordé par deux écoles primaires. Si les pétitionnaires se préoccupent - comme les Verts - des problèmes liés à la circulation et au parking au centre-ville, les solutions qu'ils avancent ne correspondent pas à celles que les Verts défendent pour assainir les quartiers urbains qui suffoquent dans les gaz d'échappement.

En effet, les mesures préconisées dans cette pétition n'auraient malheureusement comme effet qu'une augmentation des nuisances, car ces invites vont vers un accroissement du flux des véhicules motorisés qui augmenteraient le bruit, la pollution de l'air, sans oublier les risques d'accident.

Par exemple, comme M. Letellier le disait, une des mesures préconisées par les pétitionnaires est l'installation de feux au carrefour de la rue de Montchoisy avec la rue du 31 décembre. Si les pétitionnaires imaginent augmenter la sécurité et la fluidité avec cette pétition, en fait, il n'en sera rien ! Au contraire, les feux provoquent des files de voitures à l'arrêt, engendrant bruit, pollution constante et augmentation de la vitesse pour prendre les feux au vert.

Pour ces raisons, les Verts vous proposent de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.

M. Michel Ducret (R). Ce soir, puisqu'on est entre Eaux-Viviens, en voici un de plus qui va prendre la parole ! Et même natif du quartier, il y a toujours habité. Mesdames et Messieurs, c'est un problème «rémanent» qui a été évoqué il y a un instant, celui de la consultation des habitants. Et c'est vrai qu'à chaque fois on s'aperçoit que ces consultations sont bien effectuées, elles ne sont pas suivies, et qu'à chaque fois cela provoque des réactions par rapport à des projets qui vont trop dans un sens et ne tiennent pas assez compte de tous les intervenants qui font la vie d'un quartier. (Brouhaha.)

Et ici, je crois que c'est exactement l'exemple de ce qu'il se passe. C'est-à-dire que le projet est présenté en consultation à des gens intéressés à appuyer ce projet, rien d'autre, et, derrière, les autres habitants finissent par se rendre compte qu'on leur prépare quelque chose qui ne va pas forcément leur convenir. C'est un véritable problème ! Je n'ai pas de solution à vous apporter pour obtenir une meilleure consultation des habitants, sinon qu'à souhaiter - ce voeu peut être partagé par tous - que ces consultations soient améliorées d'une façon ou d'une autre. Mais je n'ai pas de réponse à vous donner quant à la manière.

Que demande finalement la pétition ? De maintenir l'accessibilité au quartier, ce qui présente certains avantages: par exemple que les habitants puissent sortir aussi de leur quartier... Parce qu'on s'est déjà aperçu que les mesures proposées font que vous avez, en tant qu'habitant du quartier, beaucoup de difficultés à en sortir - vous vous retrouvez prisonnier du quartier. Vous pouvez en parler aux habitants des Pâquis: lorsqu'ils veulent quitter leur quartier en voiture, cela pose parfois de sacrés problèmes - et aussi des problèmes d'accessibilité.

Alors, il faut peut-être dire non au transit abusif - car la vocation d'un quartier d'habitation n'est pas de délester les pénétrantes, cela est certain - par contre, il faut maintenir une bonne accessibilité ! Je rappelle que les Eaux-Vives sont un quartier dont une des principales caractéristiques est précisément la mixité habitat-activités et qu'il y a là énormément d'activités.

J'aimerais aussi soutenir cette pétition dans le sens qu'elle demande un stationnement géré de manière intelligente et qui vise à ne pas trop diminuer les places de parc. Il faut savoir que, selon une étude de la Ville, qui date de plusieurs années déjà, le quartier des Eaux-Vives est considéré comme un quartier sinistré en matière de besoins en parcage. La situation s'est certes améliorée pendant la journée, grâce à l'introduction de la zone bleue, mais la situation n'est pas gérée la nuit et le nombre de places est largement insuffisant par rapport aux normes admises, sans même parler des normes en zone de développement. Il y a donc un besoin qui n'est pas satisfait, et il faut trouver des solutions ! Les demandes sont modérées, donc parfaitement acceptables. J'aimerais d'ailleurs profiter de ce que j'ai la parole à ce sujet pour dire que la mise en place de certains passages piétons - censés relier deux rives d'un trottoir - obligent les gens aller à plus de cinq mètres dans une rue transversale pour atteindre un passage piéton dont les trottoirs n'ont même pas été abaissés, alors qu'ils sont abaissés à l'angle - et cela supprime six places de parc pour strictement rien ! Ce sont des choses qui excèdent les gens, sans raisons et sans aucun avantage pour les piétons, puisqu'ils ne s'en servent pas... En effet, il faudrait être complètement débile pour utiliser ce genre de passage piéton ! Vous pouvez allez vous poster à deux ou trois endroits du quartier qui ont été aménagés ainsi ces toutes dernières années: c'est absolument ahurissant ! Le seul effet a été de supprimer six places de parc. Mais c'est d'une inutilité flagrante, car, avec l'application de LCR, il y a quinze mètres avant le passage - où il y a la ligne jaune «interdiction de s'arrêter» - et ce sont six places, trois de chaque côté, qui sont perdues pour le stationnement des habitants. Et croyez-moi, dans un quartier où les places sont si rares, c'est un véritable problème !

En conclusion, les demandes de la pétition, sans devoir être satisfaites exactement telles qu'elles sont formulées, sont des éléments de réflexion intéressants pour une amélioration de la situation du trafic - et du stationnement ! - dans ce quartier. Finalement, à ce titre, ils sont un bout de la procédure de consultation, qui a laissé des effets de frustration à une partie des habitants. Nous vous recommandons donc le renvoi au Conseil d'Etat.

Mme Virginie Keller Lopez (S). Je pense que les Eaux-Viviens et les Eaux-Viviennes vont voter quand il s'agit d'élire leurs députés au Grand Conseil - nous sommes effectivement fort nombreux. Je suis également membre d'une association d'habitants des Eaux-Vives, pas la même que M. Letellier, et je suis en désaccord total avec les propos qu'il a tenus sur le fait que les habitants n'étaient pas invités à discuter dans ce quartier, car je n'ai pas compté les innombrables séances auxquelles le Conseil administratif a convié les habitants et les habitantes des Eaux-Vives pour discuter des plans piétons, des problèmes de parking et de tous les projets d'aménagement du quartier. Donc, les séances existent, la consultation existe ! Après, il peut y avoir des désaccords lorsque le Conseil administratif prend ses responsabilités et réalise des projets. Je comprends bien que certains intérêts ne sont pas toujours équivalents à d'autres, ne vont pas toujours dans le même sens, et qu'il peut y avoir des désaccords.

Sur les propositions mêmes que cette pétition relève, je pense que ces propositions ont - entre autres - déjà été étudiées par la Ville de Genève dans les différents projets. On peut les renvoyer au Conseil d'Etat, cela ne me pose aucun problème, car tous les éléments sont toujours bons à écouter quand on est en train de travailler sur un projet.

La question du parking est évidemment éminemment importante dans le quartier des Eaux-Vives. Je vous rappelle que, depuis plusieurs années, on essaie de réaliser un parking souterrain sur la place Pré-l'Evêque, mais, malheureusement, ces parkings sont si coûteux aujourd'hui que même la Fondation des parkings ne s'intéresse pas à la réalisation de ce projet. Il faudrait savoir s'il devient une priorité pour la Ville ou l'Etat de construire des parkings, quand on sait le coût que cela représente, et il faut tenir compte de la situation budgétaire actuelle. C'est là un quartier difficile et, comme celui des Pâquis, il doit être traité de manière attentive. Pour avoir participé à de nombreuses séances - où étaient présentes la Maison de quartier et toutes les associations de parents des différentes écoles, qui sont aussi largement sollicitées pour participer à ces consultations - je peux certifier qu'elles existent.

Alors, le parti socialiste renverra volontiers cette pétition au Conseil d'Etat, en sachant qu'il n'y aura pas grand-chose à faire de concret à partir de là, puisque le Conseil administratif de la Ville de Genève se préoccupe déjà largement de ces questions, très régulièrement et avec beaucoup de sérieux.

M. Guillaume Barazzone (PDC). Je ne reviendrai pas sur les arguments développés par M. Ducret, pour ne pas prolonger inutilement la discussion, mais je reprendrai simplement un élément ou deux de la pétition et je parlerai de ces aménagements éphémères que le Conseil administratif s'obstine à mettre en place année après année, alors que précisément celui qui est à la rue de Montchoisy a posé des problèmes, non pas seulement de politique ou d'opportunité, mais de sécurité publique.

Le monticule à la rue de Montchoisy était dangereux pour les automobilistes et même pour les piétons. A ce titre-là, je ne comprends pas la position du Conseil administratif qui s'obstine à mettre en place ces aménagements éphémères, étant précisé que le groupe démocrate-chrétien a toujours contesté, au sein du Conseil municipal, leur opportunité en ville de Genève, et qu'il continuera à le faire.

Nous regrettons également que le projet de parking sous la place Pré-l'Evêque, que nous avons appelé de nos voeux depuis de nombreuses années, capote, surtout que, comme on le sait, de nombreux commerçants sont établis dans ce quartier et qu'un tel parking serait très intéressant pour eux et ceux alentours, les centres commerciaux, ainsi que pour les habitants, étant donné le débat qui a eu lieu au sujet de la création et de la répartition de places de parking pour les habitants et les commerces.

Nous sommes toujours en faveur de ce parking et nous attendons toujours qu'un signe vienne du côté du Conseil administratif pour sa réalisation. Le groupe démocrate-chrétien se rallie donc à la proposition de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.

M. Alain Meylan (L). Le groupe libéral soutiendra également le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat. Mon préopinant vient de parler des aménagements éphémères mis en place par le Conseil administratif de la Ville. S'il est vrai que celui de Montchoisy m'a permis de tester mes capacités pulmonaires en le gravissant jusqu'au sommet - pratiquement les neiges éternelles - du côté de la sécurité, il y avait beaucoup à dire ! D'ailleurs, nombre de motocycles et de voitures se sont frottés à ses cailloux rugueux. Incontestablement, à vouloir faire du développement de proximité, on se brûle les ailes, et je comprends que la gauche de ce parlement soit un peu choquée: pour une fois qu'un groupe d'habitants souhaite le développement de tous les moyens de transports dans son quartier !

M. Ducret a rappelé que les habitants d'un quartier ont besoin d'en sortir, et les enfermer dans un ghetto par des mesures de contraintes n'est pas une solution. Nous soutenons donc toutes mesures visant à faciliter la mobilité des gens dans le quartier des Eaux-Vives, qui est un quartier difficile, on l'a dit. Je ne sais la solution existe, mais, en tout cas, celle de contraindre et d'avoir une attitude répressive face à ceux qui usent de modes de transport individuels n'est pas la bonne. Il faut trouver des solutions et être solidaires, de façon à désengorger ce quartier des Eaux-Vives.

M. Georges Letellier (Ind.). J'aimerais répondre à Mme Keller Lopez et lui dire que je n'ai rien inventé. Je n'ai pas l'habitude de mentir, comme certains le font. Je dis la vérité et je transmets le message qui m'a été confié par les habitants des Eaux-Vives. Alors, pardonnez-moi si je vous ai froissée, Madame ! Bien entendu, cette commune est de gauche, et socialiste en particulier, donc dirigée par les socialistes. Mais enfin, il faut voir la vérité en face !

Une voix. Gardez votre calme !

M. Georges Letellier. Je ne parviens pas à garder mon calme quand j'entends vos propos !

Mises aux voix, les conclusions de la commission des transports (renvoi de la pétition 1488 au Conseil d'Etat) sont adoptées par 43 oui contre 20 non.