Séance du jeudi 8 juin 2006 à 17h
56e législature - 1re année - 9e session - 40e séance

R 497
Proposition de résolution de Mmes et MM. Pierre Weiss, Gabriel Barrillier, Mark Muller, Hugues Hiltpold, Olivier Vaucher, Christian Luscher, Pascal Pétroz, Jean Rémy Roulet, Jacques Jeannerat, Stéphanie Ruegsegger, Guy Mettan, Louis Serex, Nelly Guichard, Pierre-Louis Portier, Sylvia Leuenberger, Ivan Slatkine, Georges Letellier, Beatriz De Candolle, Edouard Cuendet, Salika Wenger, Jean-Michel Gros, Blaise Matthey, Pierre Froidevaux, Claude Aubert, Alain Meylan, Alain-Dominique Mauris, Jean-Marc Odier, Janine Hagmann, Michel Ducret, Gilbert Catelain, Philippe Glatz, Renaud Gautier, Jacques Follonier, Janine Berberat, Jean-Claude Egger, Gilles Desplanches, Robert Iselin, Bernard Lescaze, Patrice Plojoux, Jean-Claude Dessuet, Patrick Schmied, Jacques Baudit, Pierre Kunz, René Koechlin, Pierre Schifferli, Blaise Bourrit, René Desbaillets, Anne-Marie Arx-Vernon Von : Ainsi échouent les ennemis de la Compagnie 1602 !

Débat

M. Pierre Weiss (L). Je vous remercie tout d'abord, Monsieur le président, d'avoir lu avec soin les quarante-huit noms des signataires de cette motion. Il est en effet assez rare que l'on voit autant de signataires pour un texte déposé sur les bancs de notre Grand Conseil, probablement parce que le nombre de membres de la Compagnie 1602 est, lui aussi, le plus grand nombre de membres d'une association de notre canton. Cela démontre l'attachement de notre Grand Conseil aux traditions patriotiques. Cela démontre aussi l'inquiétude que nous pouvons avoir face au traitement dont cette association est l'objet de la part du - je le dis sans qualificatif - Conseil administratif.

On peut en effet s'étonner. En mars 2005, c'est-à-dire plus d'une année après la date du dépôt de la résolution, aucune solution définitive n'a été apportée au problème important de l'entreposage des costumes et autres hallebardes, piques, mousquetons, mousquets, épées, bossettes - et peut-être fossettes - des membres de la Compagnie 1602.

Quels sont les motifs de cette impéritie ? Peut-être est-ce la volonté cachée de nier le passé de Genève et de favoriser des associations moins historiques mais davantage «squattantes» quant aux locaux qu'elles occupent... Bref, il y a en la matière des raisons de se préoccuper.

C'est donc le moment de demander aux autorités de notre canton les mesures qu'elles comptent prendre - ou qu'elles ont prises - et les démarches qu'elles ont initiées pour se faire le relais de nos préoccupations. Et c'est en ce sens que cette résolution conserve son actualité, malheureusement. Malheureusement aussi, le titre de cette résolution mérite d'être rappelé: «Ainsi échouent les ennemis de la Compagnie 1602 !».

Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). Vous savez, Monsieur le président, que le parti démocrate-chrétien aurait aimé retirer cette proposition de résolution. Malheureusement, nous ne pouvons pas le faire, car le problème tout à fait important présenté par les avatars de la Compagnie 1602 n'est pas résolu à ce jour.

Nous sommes particulièrement choqués du manque de respect des autorités de la Ville de Genève à l'égard de cette association. C'est un manque d'égard de la part du Conseil administratif de la Ville de Genève vis-à-vis de notre patrimoine et des citoyens genevois. Nous sommes tous concernés par ce que représente ce symbole qu'est la Compagnie 1602.

Pour travailler sereinement, le parti démocrate-chrétien vous propose de renvoyer cette résolution à la commission des affaires communales, régionales et internationales.

M. Olivier Wasmer (UDC). A l'issue de la bataille mémorable de l'Escalade, le Prince Victor-Emmanuel avait dit que c'était une belle cacade. Ce mot est toujours d'actualité, quand on voit ce que fait le Conseil administratif de la Ville de Genève concernant tout ce qui peut représenter l'Histoire du canton de Genève... On voit un maire ne pas aller au Salon de l'Auto, on voit le conseiller administratif demander l'évacuation du Musée Jean Tua, constitué d'un patrimoine de voitures genevoises, et l'on voit le Conseil administratif prendre tant de décisions contradictoires... Et l'on apprend que le Musée de l'horlogerie n'a pas été - contrairement au Musée d'Art et d'Histoire - mis sous alarme, et que des pièces d'horlogerie très rares appartenant au patrimoine genevois ont disparu. Et aujourd'hui, ce même Conseil administratif manifeste le plus grand mépris pour la Compagnie 1602.

Faut-il rappeler que la Compagnie 1602 ne date pas de ce siècle ? Elle a été crée - sauf erreur de ma part - à la fin du 17e siècle, elle est le témoignage de la sympathie et de la reconnaissance du peuple de Genève pour nos vaillants ancêtres qui ont bouté à l'extérieur de notre ville les Savoyards de l'époque, ce qui nous a valu l'indépendance que nous connaissons aujourd'hui. (Brouhaha.)

Le conseiller administratif, faisant fi de cette histoire genevoise, faisant fi de la Compagnie 1602 qui a été recrée dans les années 20 et dispose des locaux actuels depuis près de soixante ans, a pris des décisions du jour au lendemain, sans préconsultation, sans même discuter avec le comité de la Compagnie de mesures compensatoires. Comme l'a rappelé le député Weiss, la Compagnie compte près de 700 participants qui tous portent costumes, hallebardes, épées, etc., et le conseiller administratif leur a modestement proposé 60 m2 en remplacement des 300 ou 400 m2 dont ils disposent aujourd'hui.

Je vois le conseiller d'Etat Unger cheminer de l'autre côté... Le conseiller d'Etat Unger et le député Portier sont membres du cortège, ils le font à cheval et pourront donc dire l'émerveillement de tout le peuple de Genève lors de ce cortège: là, il n'y a plus de distinction politique, plus de distinction entre les jeunes et les vieux, tout le peuple de Genève manifeste avec chaleur son émotion auprès de ceux qui ont libéré Genève.

ll serait utile que le Conseil d'Etat poursuive ses démarches auprès du Conseil administratif de la Ville de Genève, puisque ce dernier n'a pas mesuré l'importance que revêtait la Compagnie 1602 qui - faut-il le rappeler ? - compte 3000 membres dont 700 font partie du cortège chaque année depuis près de quatre-vingts ans.

C'est pour cela que l'UDC soutiendra avec ferveur la position du Conseil d'Etat et lui demande d'intervenir d'une manière très forte auprès du Conseil administratif. Nous suggérons - comme la députée von Arx-Vernon l'a fait - de renvoyer cette résolution aux affaires communales.

M. Pierre Losio (Ve). Le ton comminatoire de cette résolution nous fait penser à l'appel aux armes de 1602, et on voudrait finalement savoir dans cette enceinte qui «étivé» vraiment le «patron dé Genevoi»... Alors nous, nous pensons que cela ne se passe pas comme ça ! Ce n'est pas de cette manière dont on doit traiter les choses, ni de la part du Conseil administratif, ni de la part de l'appel aux armes du Grand Conseil, ni de la part du Conseil d'Etat. On s'assied, on pose sa hallebarde, on récite son Ampro - Ampro, Giro, Carin, Caro - on salue les gens et on discute pour trouver une solution concrète ! Pas en donnant des ordres comminatoires ! Et si cette discussion tourne au règlement de comptes vis-à-vis de la Ville de Genève...

Des voix. Non...

M. Pierre Losio. ... il est impensable que nous puissions la soutenir.

Néanmoins, je voudrais commencer par répondre à mon collègue Pierre Weiss qui faisait une allusion, car peut-être que la Ville, qui a une majorité de gauche, préférerait certaines associations qui sont à la rue des Savoises - c'était une allusion à peine masquée...

Sachez que nous respectons la Compagnie 1602. Nous sommes conscients qu'elle entretient et qu'elle célèbre chaque année une victoire importante sur l'impérialisme savoyard de l'époque. (Rires.) Et nous y sommes attachés, je le dis sans ironie aucune ! Nous savons ce que cela représente, nous avons tous été enfants, nous avons tous participé au cortège, nous savons ce que cela représente pour la population. Néanmoins, il existe des contraintes, et elles sont aussi imposées par des tiers qui, eux, n'ont pas à s'asseoir et à réciter l'Ampro pour discuter autour de la table: c'est notamment cette fameuse compagnie d'assurances. Quand on dit que rien n'a été fait, cela n'est pas tout à fait la vérité. Je me suis renseigné: la Compagnie 1602, dans les discussions qu'elle a eues avec la Ville, a fait preuve de compréhension, elle a compris quel était le problème de la Ville et la chose s'est dépassionnalisée. C'est déjà une bonne chose, c'est du dialogue.

Deuxièmement, la cohabitation provisoire continue, des travaux ont été effectués par la Ville de Genève, payés par elle-même, pour que la Compagnie ait un accès indépendant à ses locaux - la Compagnie se réunit une fois par semaine le jeudi. Et, comme c'est imposé par la compagnie d'assurances à la Ville de Genève, comme à la Compagnie 1602, on paie une police privée pour venir ouvrir la porte et pour la refermer ! La Ville de Genève est soumise au même régime que la Compagnie 1602. Il est évident que cette compagnie d'assurances demande le départ de la Compagnie 1602 à cause de la proximité des ateliers de restauration, et cette assurance va probablement mettre bientôt une pression plus forte sur la Ville de Genève pour qu'elle puisse faire liquider les locaux.

Pour le moment, la cohabitation se passe bien. On a appris qu'une rencontre est prévue entre l'Etat et la Ville de Genève pour résoudre ce problème. Je pense que ce dernier peut se résoudre paisiblement, sans appel aux armes. Les problèmes ont été compris tant par la Compagnie que par la Ville et, maintenant, il s'agit aussi que la compagnie d'assurances fasse, elle aussi, preuve de compréhension jusqu'à ce que l'on trouve une solution.

Alors voilà, Mesdames et Messieurs, discutons, cessons les appels aux armes et faisons en sorte que cette noble Compagnie 1602 puisse trouver des locaux à sa disposition ! Il est évident que si l'on remet sur la table les allusions désagréables que nous avons entendues tout à l'heure, de mettre au pilori la Ville de Genève, nous ne voterons pas cette motion. En conséquence, nous nous abstiendrons. (Applaudissements.)

M. Gabriel Barrillier (R). On pourrait se contenter des propos modérés et rassurants de notre collègue Losio, mais enfin, il faut constater que la Compagnie 1602 a dû montrer les dents pour se faire entendre. Il a fallu plusieurs semaines, voire plusieurs mois, pour qu'une solution transitoire soit trouvée et c'est la raison pour laquelle, même si ce n'est pas un appel aux armes, je constate que cette compagnie a été maltraitée par la Ville: il y a eu des propos inadmissibles, un mépris, on peut le dire. Et, en tant que citoyen de la ville de Genève, j'ai mal compris que des magistrats, qui prétendent donner des leçons au monde entier et profiter du rayonnement de cette ville - que nous aimons - paraissent nier les racines. Ce n'est pas une critique grave que je fais à ces magistrats, mais j'ai un peu l'impression que l'on a voulu nier les racines de notre République.

Je prends note des propos rassurants de M. Losio, mais je vous rappelle que l'impérialisme du Duc de Savoie s'est manifesté à plusieurs reprises ! Il y a eu 1602, mais il y a eu des tentatives avant, et sauf erreur - peut-être M. Lescaze pourrait nous préciser, s'il était encore là - il y a eu des tentatives après... (Remarques.)

Donc, je propose que nous renvoyions cette résolution à la commission des affaires communales, car, comme en 1602, nous devons rester attentifs et faire le guet pour éviter un mauvais coup.

Mme Virginie Keller Lopez (S). Le groupe socialiste se ralliera au couplet de notre cher collègue Pierre Losio qui, ma foi, a bien montré notre attachement, aussi bien dans les partis de l'Entente qu'au sein des partis de gauche, à ce que représente la fête de l'Escalade et au rituel que la Compagnie 1602 nous permet de revivre chaque année.

Face au soupçons que vous semblez avoir sur un certain patriotisme que n'aurait pas une certaine majorité de gauche au Conseil municipal, c'est quand même autour de la fête de l'Escalade que s'est créée la chorale du Conseil municipal, à l'époque dirigée par notre regretté collègue Alain Marquet, qui était conseiller municipal Vert, et par notre collègue Florence Kraft qui était conseillère municipale libérale. Et c'est bien autour de la fête de l'Escalade que la totalité du Conseil municipal a passé plusieurs semaines à chanter durant les pauses au lieu d'aller manger.

Donc, loin de nous l'idée de penser que le Conseil municipal de la Ville de Genève se fiche de la Compagnie 1602 ! Et il a très bien démontré que ce n'était pas le cas en réagissant, au sein du Conseil municipal, aux quelque peu intempestives volontés de vouloir déménager un peu brutalement - et peut-être sans trop réfléchir - la Compagnie.

Alors, si l'on soutient sans faille la Compagnie 1602 et tous les rituels qui vont avec, on ne soutiendra pas cette résolution. Car elle cherche à mettre en opposition différents groupements qui font que Genève est ce qu'elle est: une ville diversifiée, culturellement ouverte, où l'on peut aller fêter l'Escalade et, ensuite, aller à une fête à la Maison des associations, puis aussi finir la nuit en allant écouter un concert à la Cave 12 .

Pour toutes ces raisons qui font que Genève est une ville merveilleusement diversifiée, nous réitérons notre soutien à la Compagnie 1602, mais nous ne soutiendrons pas cette résolution qui cherche à jeter le discrédit sur des personnes qui n'ont jamais cherché à mal.

M. Mark Muller, conseiller d'Etat. Vous comprendrez qu'il n'appartient pas au Conseil d'Etat de se prononcer sur la façon dont la Ville de Genève a traité ce dossier et la Compagnie 1602. Il n'appartient pas, non plus - pour le même type de raisons institutionnelles - au Conseil d'Etat de se prononcer sur ce projet de résolution.

Cela étant, pour faire suite à la demande de M. Weiss, je peux vous donner un certain nombre d'informations sur l'état du dossier - en tout cas du côté du département dont j'ai la charge. Nous sommes en lien avec la Ville de Genève depuis quelque temps, puisque la Ville nous a sollicités pour l'aider à trouver des locaux de remplacement pour la Compagnie 1602. Et, bien évidemment, c'est avec beaucoup de plaisir et d'attention que nous avons, dans une démarche participative, souhaité collaborer à cette recherche de locaux. Nous avons écrit à la Compagnie 1602 pour qu'elle nous indique le type de locaux dont elle avait besoin et quelle était la localisation envisagée ou envisageable pour ces derniers. Ce processus va de l'avant.

Nous espérons tout prochainement pouvoir faire une proposition concrète de relogement du matériel de la Compagnie 1602. Nous avons des solutions à proposer et attendons simplement de savoir si elles conviennent aux besoins de la Compagnie 1602. Si vous le souhaitez, je pourrai vous tenir informés du suivi de ce dossier.

Le président. Merci, très noble, redouté et magnifique Seigneur ! Nous allons procéder au vote sur la proposition de renvoi à la commission des affaires communales, régionales et internationales.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 497 à la commission des affaires communales, régionales et internationales est adopté par 47 oui contre 12 non et 12 abstentions.