Séance du jeudi 8 juin 2006 à 17h
56e législature - 1re année - 9e session - 40e séance

M 1650
Proposition de motion de Mme et MM. Pierre Froidevaux, Thomas Büchi, Janine Berberat, Blaise Bourrit, Yvan Galeotto, Jean Rémy Roulet, Blaise Matthey : Une nouvelle administration et rendons la Vieille-Ville de Genève à nos habitants

Débat

Mme Beatriz de Candolle (L). Cette proposition de motion, présentée par nos anciens collègues radicaux et libéraux, a le mérite d'être simple et pourtant très riche en matière de réflexion.

Un seul ensemble administratif regroupant toute l'administration cantonale serait une vision d'avenir pour Genève. Pratiquement, la vie des habitants du canton serait facilitée et l'accès aux démarches administratives serait fortement simplifié, puisque regroupées dans un même lieu. Cela conduirait naturellement à la réelle concrétisation du guichet unique et à une nouvelle perception bien sympathique de l'administration. Ce serait aussi une vision cohérente face aux questionnements dans cette enceinte pour préserver l'environnement. Fermez les yeux et imaginez un lieu facilement accessible par les transports publics... Ce pourrait être également un magnifique projet urbanistique pour le centre qui est en devenir, pour toute la région franco-valdo-genevoise. Un bâtiment pouvant allier simplification administrative et réalisation architecturale où chaque citoyen pourrait se voir reconnaître un véritable droit de cité. Superbe défi pour les concepteurs et les bâtisseurs d'aujourd'hui !

Ce regroupement aurait pour conséquence de libérer des locations coûteuses pour l'administration et de valoriser le patrimoine de l'Etat. La réalisation de certains biens pourrait même contribuer au remboursement de la dette. Le rêve !

Le 12 avril dernier, j'ai lu dans «Le Temps» que le groupe démocrate-chrétien emboîtait le pas en annonçant le dépôt d'une motion allant également dans ce sens. Je cite notre collègue Luc Barthassat: «Aujourd'hui, pas moins de 85 services sont répartis dans plus de 32 bâtiments disséminés sur l'ensemble du territoire. Ainsi, la république loue annuellement 150 000 mètres carrés pour un total de 40 millions de francs.» On retrouve la même affirmation dans l'exposé des motifs de la motion qui fait suite à celle-ci.

Les conseillers d'Etat ont montré leur volonté d'être ensemble pour mieux gouverner, le problème est que leurs administrations ne peuvent pas suivre et qu'elles doivent multiplier des déplacements avec chauffeur entre leurs services - il est bien vrai qu'ils viennent de dépenser pour aménager des bureaux dans la Vieille-Ville, toutefois il paraît qu'ils ont été raisonnables. D'ailleurs, il est incontestable que la concrétisation d'un tel projet ne pourrait pas se faire en un tournemain.

Conserver le principe d'un gouvernement uni, trouver un lieu accessible et construire à cet effet, voici la recette pour une administration au service du citoyen. La question d'un regroupement n'est pas d'aujourd'hui, mais elle fait son chemin. Le moment est venu d'étudier sérieusement cette proposition.

Le 13 mars 1939, Louis Gillet, de l'Académie française, écrivait dans «Paris-Soir»: «La marchande de parapluies dans sa boutique a l'air toute chose. Les antiquaires derrière leur brocante ont des mines d'enterrement et les soldats de plomb, à la vitrine du potier d'étain, on perdu leur aspect martial... Et tout ce qui était si gai a pris soudain l'aspect fané et poussiéreux, la détresse des choses qui vont mourir.» Il ajoutait encore dans cet article, dont le titre était «On a condamné mon vieux quartier»: «C'était une ville spirituelle. vous en aurez fait une ville bête.»

«La question de la Vieille-Ville continuera longtemps encore sans doute d'animer les conversations des Genevois et de faire couler des flots d'encre.» Cette phrase n'est pas non plus d'aujourd'hui, puisqu'il s'agit du premier paragraphe d'un article du «Journal de Genève» traitant du coeur de notre cité, paru le 8 mars 1939. Et pourtant, cette affirmation est toujours d'actualité, vous en conviendrez. Il ne se passe pas une semaine sans que nos journaux locaux ne se fassent l'écho du départ de commerçants, d'agressions, ou de ses rues fantômes - c'est encore plus vrai les week-ends - vides de ses âmes, sans âme.

Alors, chers collègues, c'est peut-être le moment de couper court à la gangrène qui affecte notre Vieille-Ville ! Il est peut-être temps de lui redonner un nouveau souffle, avec des habitations, des petits hôtels, des petits commerces. De lui redonner vie tout simplement !

Le groupe libéral vous invite vivement à renvoyer cette motion à la commission des travaux.

M. Hugues Hiltpold (R). La problématique soulevée par cette motion est très intéressante. Elle met en évidence l'optimisation des surfaces de bureaux pour l'administration, avec, en filigrane, le débat sur la propriété ou la location des bureaux, selon les nécessités.

Le groupe radical votera le renvoi en commission de cette motion, mais il attire l'attention sur un point: les coûts d'investissement seront considérables. Et je me réjouis d'entendre les groupes habituellement frileux en matière d'investissements et de voir comment ils se comporteront en commission des travaux lorsqu'il s'agira d'examiner ces investissements !

Mme Virginie Keller Lopez (S). La première chose que le groupe socialiste souhaite dire est que cette motion nous semble tout à fait intéressante, néanmoins elle n'est pas du tout une priorité pour le groupe socialiste actuellement.

Regrouper tous les services au même endroit, on ose imaginer ce que cela peut vouloir dire en termes d'investissements et aussi, peut-être en termes kafkaïens, de regroupement de toute l'administration cantonale. Mais il est vrai aussi que le Conseil d'Etat est déjà en train de travailler sur ces pistes. Il faudra nous proposer des scénarios cohérents et qui tiennent compte des conséquences, par exemple pour tous les commerces de proximité qui se trouvent autour des administrations situées en ville de Genève. Il faudra prendre toutes les mesures nécessaires au niveau de la mobilité, pour que cela n'entraîne pas de conséquences graves. En effet, si un certain nombre de personnes doivent se rendre tous les matins dans le même endroit du canton - ce qui posera peut-être des problèmes - nous renforcerons nos propositions en matière de scooters électriques, de vélos électriques, etc.

Aujourd'hui plusieurs services sont en train de se regrouper à Onex, ce que le Conseil d'Etat examine; nous recevrons donc ses propositions avec intérêt, mais nous prendrons garde aux conséquences. Et puis, on ne voit pas très bien pourquoi renvoyer cette motion en commission, alors que le Conseil d'Etat travaille déjà sur cette question... Il nous semble plus rationnel de renvoyer cet objet au Conseil d'Etat et, quand il nous présentera ses propositions, puisque c'est lui qui est le mieux à même de le faire, eh bien, on les étudiera ! Mais, étudier dans le bleu une proposition qui mettra certainement des années à se réaliser en termes concrets, cela nous semble inutile et encombrer les commissions pour pas grand-chose.

M. Mario Cavaleri (PDC). Bien entendu, le groupe démocrate-chrétien accueille favorablement cette motion, d'autant plus qu'il en a lui-même déposé une allant dans le même sens.

Il est évident que nous devons, pour l'intérêt de la République, avoir une vision à long terme. Il nous semble donc très intéressant de pouvoir étudier cette motion, de manière à donner corps à un projet d'avenir qui tienne compte de l'ensemble des remarques exprimées et de celles qui pourront l'être en commission.

Par conséquent, le groupe démocrate-chrétien appuiera le renvoi de cette motion à la commission de l'aménagement - puisque j'ai entendu que, par ailleurs, il était demandé qu'elle le soit à la commission du logement. Je vous remercie.

Le président. La première demande concernait les travaux; M. Cavaleri propose la commission de l'aménagement.

M. Eric Bertinat (UDC). L'UDC soutiendra également cette motion. En précisant que l'idée d'un grand projet fédérateur - pour autant que l'idée de réunir l'administration soit un grand projet fédérateur - est intéressante. Peut-être pas à court terme, car les difficultés sont nombreuses. Mais renvoyer en commission et avoir la possibilité d'étudier le projet en prenant son temps - on a vu que de nombreux paramètres devront être inclus dans notre réflexion - serait quelque chose de positif.

Pour ma part, je verrais assez bien ce projet partir à la commission du logement. C'est donc une troisième proposition.

M. Mark Muller, conseiller d'Etat. Le Conseil d'Etat accueille avec beaucoup d'intérêt et très positivement cette proposition de motion, à tel point que - et vous l'aurez peut-être lu dans «La Tribune» d'aujourd'hui - le train est parti. Nous avons lancé une étude destinée - si elle démontre que c'est intéressant - à déboucher sur la construction d'une «cité administrative», puisque c'est ainsi que l'on appelle ce futur ensemble de locaux administratifs de l'Etat.

La démarche entreprise est la suivante. Dans un premier temps, nous allons recenser l'ensemble des locaux que l'Etat utilise pour ses besoins, qu'il s'agisse de locaux loués ou de locaux en pleine propriété.

Dans un second temps, sur la base de cet inventaire, nous allons - d'abord de façon virtuelle - procéder à une réallocation de ces locaux et à une optimalisation de l'utilisation de ces locaux pour faire en sorte de trouver des économies. Nous sommes persuadés que de magnifiques locaux à la Vieille-Ville sont utilisés comme dépôt d'archives et nous savons également que des collaborateurs de l'Etat travaillent dans des conditions déplorables, dans des portacabines, dans des sous-sols ou des soupentes. Nous savons également que des locaux sont inoccupés ou mal utilisés et que des services sont mal organisés. Ce genre de situation ne peut pas perdurer et, par le biais d'une simple réallocation des locaux actuellement loués ou propriétés de l'Etat, nous pouvons réaliser des économies importantes.

Sur la base de cette réallocation - fictive dans un premier temps - la troisième étape prévue est de faire un calcul de rentabilité de la construction d'une «cité administrative». C'est sur la base de cette étude de rentabilité que nous irons de l'avant, ou que nous n'irons pas de l'avant, avec ce projet. Il est bien évident que l'objectif premier de cette opération est de faire des économies. Il y a bien évidemment d'autres objectifs, mais l'objectif numéro un est de faire des économies dans la gestion des locaux de l'Etat et si nous constatons qu'il n'y a pas d'économies à réaliser avec un tel projet, nous ne l'entreprendrons pas.

Vous savez qu'il y a certains partisans de l'accession à la propriété au Conseil d'Etat et qu'intuitivement et instinctivement, il y a plutôt un a priori favorable pour que l'Etat devienne propriétaire d'une grande partie de ses propres locaux et réunisse un certain nombre de ses services au même endroit.

Il est vrai que ce projet a également d'autres intérêts pour l'administré, le citoyen. La réunion d'un grand nombre de services offrant des prestations à la population au même endroit permettra d'améliorer et de développer cette notion de guichet unique qui nous tient à coeur. Et puis, l'aspect urbanistique, architectural, nous intéresse beaucoup.

Cela étant - vous l'aurez peut-être lu dans la presse d'aujourd'hui - nous sommes déjà intéressés par un projet très concret qui est le projet SOVALP à la Praille. Ce projet est essentiellement en main des CFF. Nous envisageons dores et déjà - si cette étude, dont je vous ai parlé, porte ses fruits et montre que l'opération est intéressante - de prendre un certain nombre de surfaces dans ces immeubles qui seront de toute façon construits, quelle que soit la décision du Conseil d'Etat au sujet de la réalisation de la «cité administrative».

Le Conseil d'Etat ne s'oppose évidemment pas à ce que le projet soit renvoyé en commission, même si, en réalité, l'étude a déjà concrètement été lancée. Si vous deviez décider de renvoyer ce projet en commission, je vous propose plutôt de le renvoyer à la commission des travaux, car il s'agit avant tout d'un projet de construction de bâtiments publics.

Le président. Comme il y a trois demandes différentes de renvoi en commission, nous commençons par nous prononcer sur le principe du renvoi en commission.

Mis aux voix, le principe du renvoi en commission est adopté par 48 oui contre 27 non.

Le président. Voici les trois propositions: aux travaux, à l'aménagement et au logement - de sorte que je suis très heureux de vous proposer d'utiliser cette fois-ci vos trois boutons... Celle de ces propositions qui aura obtenu le plus de voix aura le privilège de traiter cette motion.

Ceux qui sont favorables au renvoi à la commission des travaux voteront oui; ceux qui sont favorables au renvoi à la commission de l'aménagement appuieront sur le bouton blanc; ceux qui sont favorables au renvoi à la commission du logement appuieront sur le bouton rouge.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1650 à la commission des travaux est adopté par 58 oui contre 11 non (commission du logement) et 0 abstention (commission d'aménagement du canton).