Séance du
vendredi 19 mai 2006 à
20h30
56e
législature -
1re
année -
8e
session -
39e
séance
PL 9795
Premier débat
Le président. Nous avions décidé la discussion immédiate. La parole est à Mme la députée Michèle Künzler.
Mme Michèle Künzler (Ve). Nous avions demandé une procédure exceptionnelle pour ce projet de loi parce que nous pensons qu'il est extrêmement néfaste. Il est vrai que dans cette enceinte nous ne partageons absolument pas tous le même point de vue; certains, à droite, étaient favorables à ce projet de loi, mais la situation est maintenant différente: une concertation pour une nouvelle politique du logement se met en place, le Conseil d'Etat l'a aussi présentée récemment à la presse. Ce serait gâcher tout le travail de concertation qui se fait, pour un résultat qu'on sait déjà inexistant ! Puisque la population s'est prononcée sur ce sujet il n'y a pas même deux ans, en le refusant à une très large majorité.
En réalité, nous vous demandons de refuser immédiatement l'entrée en matière sur ce projet de loi qui est un brûlot et qui n'aidera en rien à résoudre la crise du logement à Genève. Je crois que nous avons des choses plus importantes à faire maintenant et je vous demande vraiment de refuser ce projet de loi.
M. Olivier Wasmer (UDC). J'imaginais bien que l'UDC allait échauffer les esprits ce soir, avec ce projet de loi. L'UDC salue d'ailleurs, à ce propos, le président, M. Mark Muller, qui a fait des efforts considérables pour trouver des moyens de faire du logement. Nous avons tous lu ses projets, qui vont effectivement dans le bon sens. Toujours est-il que cela n'est malheureusement pas suffisant. Ce ne l'est pas parce qu'aujourd'hui, à Genève, le droit de la propriété est totalement bafoué.
Je m'explique. Il faut savoir que dans les années 80, à cause de la spéculation qui avait cours à l'époque et que vous connaissez tous, à cause des crédits de l'ordre de 120% octroyés par les banques - dont la BCGe, pour parler d'elle, qui reprenait toutes les casseroles des autres banques - à des propriétaires sans le sou, pour l'acquisition d'immeubles que l'on vidait ensuite de leurs locataires, pour les revendre à des prix exorbitants.
Cette période déplorable est heureusement révolue. Les temps ont changé, ces gens-là n'existent plus et les exigences légales ne sont plus les mêmes. La preuve, c'est qu'aujourd'hui tous les établissements bancaires exigent généralement 30% de fonds propres de celui qui veut acquérir un immeuble. Bien plus encore: le marché immobilier est aujourd'hui au plus haut et, considérant le risque de remontée des taux hypothécaires, de moins en moins de banques accordent des crédits immobiliers. En tous les cas, les spéculateurs de l'époque ont, pour la plupart d'entre eux, soit fait faillite soit été condamnés pénalement.
Cela étant, le Grand Conseil avait voté un projet de loi, devenu d'ailleurs une loi, stipulant:
«L'aliénation, sous quelque forme que ce soit - notamment la cession de droits de copropriété d'étages ou de parties d'étages, d'actions, de parts sociales - d'un appartement à usage d'habitation, jusqu'alors offert en location, est soumise à autorisation dans la mesure ou l'appartement entre, à raison de son loyer ou de son type, dans une catégorie de logement où sévit la pénurie.» C'est là-dessus que l'UDC veut revenir.
Vous savez tous que la pénurie est devenue totale et sert à justifier le refus absolu du département des travaux publics - devenu le DCTI - d'accorder quelque dérogation que ce soit, puisque l'alinéa 2 de l'article 39 prévoit que l'intérêt public et l'intérêt général résident, en période de pénurie de logements, dans le maintien de l'affectation locative des appartements loués. Et c'est là que le bât blesse ! Si nous essayons, par diverses démarches, de surélever des immeubles, de construire en divers endroits et d'acquérir des immeubles de la Fondation de valorisation qui ne peuvent pas se vendre, il est vrai qu'aujourd'hui beaucoup de petits propriétaires d'immeubles aimeraient se désengager parce que les taux montent. Très souvent, malheureusement pour eux, ils sont coincés: l'autorisation d'aliéner un studio, un appartement de trois pièces, voire un cinq-pièces, leur est généralement refusée, puisque aujourd'hui les appartements de ces catégories entrent dans la liste de celles touchées par la pénurie.
Plusieurs problèmes résultent du fait que les petits propriétaires ne peuvent pas vendre leurs appartements. J'ai constaté, en tant que membre de la commission de contrôle de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe, que celle-ci a vendu de très nombreux immeubles en bloc plutôt que par lots, pendant six ans, soit depuis le début de son existence. Bien entendu préoccupé par cela, j'ai demandé à la Fondation les raisons de cette façon de faire. Il m'a été répondu ce que nous savions déjà tous, c'est-à-dire que l'article 39 de la LDTR interdisait formellement de vendre par lots ces appartements dans ces immeubles, ce qui aurait pourtant permis à la Fondation de valorisation - puisque c'était son but, et ce l'est toujours - de valoriser ces immeubles. En fait, aujourd'hui on a perdu plusieurs centaines de millions de francs à cause de cet article 39 LDTR !
La Fondation détient encore de très nombreux immeubles à vendre, et je pense que ce serait une opportunité que de pouvoir les vendre par lots, puisqu'en fait ça ne lèse personne. Il faut savoir qu'aujourd'hui, grâce à la LPP, beaucoup de petits propriétaires souhaiteraient acquérir un petit appartement, un trois-pièces ou un quatre- pièces, et on a vu encore hier, et même cet après-midi, qu'il y avait une très forte demande pour ces appartements. Les locataires eux-mêmes aimeraient souvent acquérir un appartement ! Il faut savoir que, avec la règle imposant le recueil de l'accord de 60% des autres locataires de son immeuble, un locataire qui désire acheter son logement ne parvient malheureusement jamais à acquérir son appartement, alors même que c'est son envie et qu'il possède les fonds suffisants.
Aujourd'hui, cet article 39 LDTR pénalise également les rentrées d'impôts. En effet, si ces appartements pouvaient être vendus, cela ferait des entrées fiscales en plus et, de manière générale, cela régénérerait le commerce des petits appartements.
Pour tous ces motifs, l'UDC demande aujourd'hui le renvoi de ce projet en commission.
M. Hugues Hiltpold (R). Je voudrais rappeler, comme l'a fait Mme Künzler, que le peuple s'est prononcé sur un assouplissement de l'article 39 de la LDTR, suite à un référendum sur une loi qu'avait votée notre parlement. Le peuple n'a pas voulu d'un assouplissement sur cet article 39. Je n'imagine même pas ce qu'il en serait si le peuple devait se prononcer purement et simplement sur l'abrogation de cet article. Cela étant, la problématique soulevée est intéressante parce que la LDTR pose un certain nombre de problèmes, pas uniquement avec l'article 39 mais dans nombre d'autres articles, et il nous faudra un jour ou l'autre en débattre.
Le projet de loi qui nous est proposé ce soir est une déclaration de guerre, et c'est comme cela qu'il est ressenti. Et cette déclaration de guerre, le groupe radical n'en veut pas ! Il n'en veut pas parce qu'il a confiance dans le gouvernement; il a confiance dans le Conseil d'Etat qui a fait un certain nombre de propositions. Le groupe radical se réjouit du débat qui va avoir lieu sur la question du logement, suite aux conclusions du Conseil d'Etat. C'est la raison pour laquelle, ce soir, le groupe radical refusera ce projet de loi et vous engage à en faire de même, tout en étant conscient que la LDTR pose un certain nombre de problèmes dont il nous faudra débattre. Toutefois, le devrons dans le cadre d'une réflexion politique plus générale sur la question du logement. (Applaudissements.)
M. Olivier Jornot (L). Nous avons connu le groupe UDC plus ambitieux ! A raison d'un projet de loi par législature pour supprimer un article de la LDTR, nous serons venus à bout de cette loi en 2206 ! Les libéraux espèrent bien que nous parviendrons avant à mettre cette hydre à terre ! Parce que la LDTR, et nous l'avons dit chaque fois que nous l'avons pu, est une loi qui est nuisible: c'est une loi qui empêche concrètement la rénovation du parc immobilier de notre canton; c'est une loi génératrice de pénurie, parce qu'elle institue tant de blocages et d'obstacles que les constructeurs sont découragés. Et c'est une loi qui, s'agissant particulièrement de l'article dont l'abrogation est demandée, décourage concrètement l'accession à la propriété. Je dirai même plus: elle empêche les locataires qui le souhaitent de devenir propriétaires de leur propre logement.
Et pourtant, nous nous trouvons aujourd'hui, ou depuis quelques jours par le fruit de l'actualité, dans une situation particulière. Cela a été dit: M. Mark Muller, le conseiller d'Etat en charge du département des constructions, a lancé un processus particulièrement novateur et intéressant en matière de politique du logement. Vous avez tous pu en prendre connaissance, et les membres de la commission du logement en particulier. Il y a là des perspectives qui sont ouvertes. Bien sûr, pour les libéraux, tous les éléments du projet ne sont pas aussi délectables les uns que les autres parce que, précisément, il y a ouverture de plusieurs pistes. Il y a volonté de trouver un compromis et, pourquoi pas, d'associer ceux qui traditionnellement aiment à mener une guerre intégrale sur le front du logement.
Compte tenu de cette situation-là, Mesdames et Messieurs, faut-il maintenant ouvrir un débat, commencer un combat qui ne manquera pas d'arriver devant le peuple pour un seul article de la LDTR ? (Interférence dans le micro provoquée par un téléphone portable. Brouhaha.) Voyez dans quelles conditions on travaille ! (Rires.) Mesdames, Messieurs, en dépit du fait que l'abrogation de tout article de la LDTR sonne doux à ses oreilles, le groupe libéral vous recommande aujourd'hui de ne pas suivre ce projet de loi, trop partiel et trop générateur de disputes en un moment où les chances de compromis historique sont bien réelles.
Le président. Si je comprends bien, lorsque quelque chose sonne doux à vos oreilles, cela fait une interférence dans votre micro ! La parole est à M. le député Mario Cavaleri.
M. Mario Cavaleri (PDC). Je ne veux pas répéter ce qui a été dit par plusieurs préopinants, si ce n'est, quand même, de remercier, en raison de l'actualité, le groupe UDC et notamment M. Wasmer. Parce qu'ils nous donnent l'occasion de saluer la démarche du Conseil d'Etat en vue de prévoir, enfin - et sérieusement - le dossier du logement. Alors, c'est une bonne nouvelle que nous avons eue, il y a quelques jours, à savoir que nous avons enfin des propositions qui sont certainement susceptibles de créer un consensus. «Enfin», aurais-je la tentation de dire !
Oui, on peut en penser ce qu'on veut de la LDTR, mais elle a été plébiscitée à moult occasions par le peuple. C'est un fait et il n'y a aucune raison de vouloir ouvrir une brèche sur ce que je me permettrai de nommer un faux problème.
En réalité, ce que vous recherchez, c'est une possibilité d'accéder à la propriété. Parfait ! Nous sommes, au PDC, parfaitement convaincus qu'il y a des mesures à prendre pour favoriser l'accession à la propriété des particuliers, notamment des familles. Pour preuve - un exemple, mais je pourrais en citer d'autres - c'est la «loi Opériol» qui, pour des raisons politiques, n'a pas été utilisée: on a découragé les personnes qui auraient souhaité faire appel aux dispositions de cette loi.
Alors, je me réjouis que nous puissions aborder ce problème dans le cadre de la concertation qu'a ouverte le Conseil d'Etat, par l'intermédiaire de M. le conseiller d'Etat Mark Muller. En cela, le parti démocrate-chrétien est très heureux parce que nous allons enfin agir au sens de l'article 10A de la constitution qui confère le droit au logement à toutes et à tous, mais qui oblige l'Etat - et les communes ! - à prendre des mesures d'encouragement appropriées - c'est une partie de l'article - de manière à réaliser des logements en location et en propriété. Là, je m'adresse à nos collègues de la gauche, parce que c'est une mission qui a été voulue par le peuple et que vous ne pouvez pas ignorer, mais que nous nous réjouissons de mettre en oeuvre. Avec vous et pas contre vous ! Et lorsque nous aurons trouvé des solutions qui correspondent à l'ensemble de la demande de logements, que ce soit en locations, que ce soit sous forme de coopératives d'habitations, que ce soit sous forme de copropriétés en PPE, eh bien, nous aurons rempli notre mission ! La tâche est importante, mais je ne doute pas de la volonté du Conseil d'Etat d'aboutir enfin à des solutions qui soient réellement consensuelles. Et le groupe démocrate-chrétien se réjouit de pouvoir en discuter à la commission du logement.
En conclusion, je dois vous dire que nous nous rallions à nos préopinants pour dire que ce projet de loi est inapproprié quant au fond parce qu'on ne réglerait pas le problème. Au regard de l'actualité, ce projet est d'autant moins approprié que nous allons avancer vers des solutions que nous allons certainement partager. C'est en tout cas le voeu du parti démocrate-chrétien. Enfin, si nous estimons que ce projet de loi n'est pas approprié, c'est également en fonction du fait qu'il est inutile d'ouvrir à nouveau une guerre des tranchées pour des mauvaises raisons, à un mauvais moment. En raison de toutes ces considérations, le groupe démocrate-chrétien vous propose, Mesdames, Messieurs, chers collègues, de refuser ce projet de loi.
Mme Carole-Anne Kast (S). Je tiens quand même à dire que voilà ce soir un bel oecuménisme dans cette assemblée ! Je crois que, d'une aile bien à droite - peut être pas tout à droite - jusqu'à l'aile la plus à gauche de ce parlement, on tombera d'accord pour dire que ce projet est inopportun. Probablement pas pour les mêmes raisons. En tout cas une chose est évidente: le parlement, je crois, a tiré des leçons: de la guerre des tranchées qu'il a pu se faire lors la dernière législature et de ce que les passages en force sur un certain nombre de sujets n'amenaient rien de bon. Le gouvernement l'a également compris, peut-être même avant le parlement. Alors, Mesdames et Messieurs de l'UDC, vous arrivez avec ce projet qui tombe comme un cheveu sur la soupe... Il risque véritablement de mettre le feu aux poudres, et à un moment ou le parlement semble avoir compris qu'il faut se mettre autour d'une table et discuter si l'on veut pouvoir débloquer certaines situations de crise. Nous considérons donc que ce projet est inopportun. Quant au fond, évidemment que nous y sommes aussi opposés. Je ne vais pas aller plus avant dans cette argumentation, ce n'est pas la peine.
Il est néanmoins clair que, si ce parlement devait vouloir travailler comme vous le préconisez actuellement, eh bien, il faudrait alors refourbir ses armes ! Or il me semble que la majorité de ce parlement ne veut pas de ça: elle veut d'un vrai travail de discussion, de dialogue, de débat, de confrontation d'idées. Mais pas de débats stériles ! Je crois que le parlement veut quelque chose qui puisse déboucher sur un consensus. C'est le sens, c'est le discours que le gouvernement, depuis sa composition, a réussi à afficher dans ce domaine, mais également dans d'autres. Singulièrement, c'est aussi dans ces autres domaines que vous faites des propositions qui attaquent cet esprit de dialogue et de consensus ! Vu ce qui précède, évidemment que le groupe socialiste vous invite à refuser ce projet.
M. Gilbert Catelain (UDC). Je constate que ce parlement consacre l'inégalité de traitement entre locataires, puisque cet après-midi encore ce même parlement a accepté à l'unanimité une loi qui permettait à la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe de vendre une villa à son locataire. Par contre, s'il s'était agi d'un locataire d'un immeuble, celui-ci n'aurait même pas pu imaginer racheter le logement dont il est locataire. Donc, c'est - en tout cas pour la gauche - un non-sens.
Plusieurs fois l'ouvrage a été mis sur le métier, et la droite de ce parlement a perdu - à cause d'une mauvaise communication de sa part et d'une campagne mensongère de l'Alliance de gauche - en votation populaire. On a fait peur aux gens ! Or la LDTR, et en particulier l'article qui nous est soumis ce soir, présente deux gros inconvénients. D'une part, elle engendre la pénurie, soit l'augmentation des prix du logement, dont toute la population est victime, et, par voie de conséquence, elle engendre l'appauvrissement de la population et de l'Etat, celui-ci devant suppléer par des subsides aux revenus des familles.
Ce parlement ne doit pas oublier non plus que nous sommes confrontés à un vieillissement de la population. Les rentes du deuxième pilier qui sont versées aujourd'hui ne seront pas celles de demain. (Brouhaha.) La semaine passée, la commission politique du conseil national a décidé qu'un salarié qui partirait à la retraite à 62 ans, après quarante ans de cotisations, ne toucherait que 53% du gain assuré. Nous savons que le financement de l'AVS n'est pas garanti à long terme. L'une des seules possibilités de lutter contre la dégradation des rentes et des revenus des personnes âgées dans les prochaines années, c'est de favoriser l'accession à la propriété, non pas parce qu'elles n'auront plus de charges ou plus de loyer à payer dans quelques années, mais tout simplement parce qu'elles pourront au moins revendre leur bien et alimenter leur deuxième pilier.
La situation est grave, nous devons en prendre en conscience; nous devons trouver un compromis, aussi sur cet objet là. Si nous ne le faisons pas, ce sont les charges financières de l'Etat et du département concerné qui vont prendre l'ascenseur. A savoir que dans quelques années, lorsqu'un couple de personnes âgées aura un revenu de 3000 F par mois et qu'il devra payer 2000 F de loyer et 1000 à 2000 F de caisse maladie, c'est l'Etat qui passera à la caisse !
Je vous invite donc à prendre vos responsabilités et à, au moins, avoir l'élégance de renvoyer ce projet de loi en commission.
M. André Reymond (UDC). Je trouve que tout ce qui s'est dit est navrant... Bon, je peux comprendre que la gauche ait une grande peur à l'idée de l'abrogation de cette LDTR. Mais il est un peu plus difficile à comprendre que les milieux qui se prétendent de droite et veulent protéger la promotion du logement à Genève aient une position aussi tiède en disant qu'il ne faut pas ouvrir une nouvelle guerre des tranchée.
Je tiens tout simplement à rappeler que des caisses de pension dont les cotisations sont prélevées à Genève commencent à se faire du souci quant à la position de Genève en matière de politique du logement... Et ces caisses de pension préfèrent aller investir dans un autre canton ! Parce que nous nous montrons tièdes, parce que les milieux de droite ont peur et veulent avoir une position très transparente et très neutre. C'est dommage. Quand on pense que dans le canton de Vaud le Grand Conseil a chargé le Conseil d'Etat de réaliser des logements et a accepté, lors de sa séance du 28 mars dernier, une motion demandant l'abrogation de la loi sur l'aliénation d'appartements loués et de la loi sur les démolitions, qu'il considérait comme archaïque et rigide... Et Genève est le seul canton à vouloir garder cette loi vieillotte et qui paralyse le marché du logement !
On l'a dit tout à l'heure, nous ne sommes plus dans la période des spéculations, quand des locataires étaient mis sous pression pour acheter leur logement. Je crois - comme mon collègue Wasmer l'a dit - que nous ne sommes plus dans cette situation-là ! Je trouve regrettable de donner ce signe à notre population, même si je comprends qu'on soit plus strict avec les banques. Même si vous ne voulez pas que la Fondation de valorisation puisse réaliser des gains substantiels en vendant des appartements au coup par coup, pour amortir cette fameuse dette dont on a parlé longuement cet après-midi, je trouve regrettable que personne, dans ce parlement, n'ose parler des petits épargnants ou des personnes modestes qui ont un ou deux appartements et qui, elles, sont bloquées et mises en difficulté à cause de cette loi.
Je crois que les électeurs se souviendront de la position de tous les partis dans cette enceinte, et l'UDC restera un parti d'opposition qui saura garder sa ligne de conduite.
Le Président. Merci, Monsieur le député. Sont encore inscrits: M. Pétroz et M. Jeanneret. Ensuite, la liste est close.
M. Pascal Pétroz (PDC). M. André Reymond a raison sur un point: le peuple se souviendra des positions des différents partis politiques. Et le peuple se souviendra qu'il y a deux ans nous avons eu une votation populaire sur les ventes d'appartements. Il s'agissait d'une proposition de réforme extrêmement tempérée, visant à rendre un peu moins difficiles les ventes d'appartements. Le peuple a donné tort à une large majorité qui était celle des partis l'Entente, de l'UDC, et des Verts qui nous avaient suivis sur ce plan, au prix de concessions mutuelles. Et le peuple a donné tort à ce point de vue.
Alors, il faut parler clair dans cette enceinte: il faut distinguer le fond, il faut distinguer la forme ! Sur le fond du problème, Monsieur le député Reymond, nous sommes tout à fait d'accord. Ce ne sont pas les députés de l'Entente, et encore moins ceux du parti démocrate-chrétien, qui vont vous dire que le fait de soumettre à autorisation une vente d'appartement est quelque chose qui nous paraît enthousiasmant. Non ! Cela ne nous plaît pas et nous voulons combattre cela.
Cela étant, maintenant il y a la forme. Lors de la précédente législature, il y a eu trois votations populaires concernant la LDTR. A chaque fois, les propositions de l'Entente, si petites fussent-elles, ont été battues en brèche par le peuple. Et il me semble que lorsqu'on on fait de la politique on doit respecter la volonté populaire ! Si l'on veut se battre pour quelque chose et que le peuple nous dit: «Non, vous avez tort, il faut faire autrement !», eh bien, il faut respecter la volonté du peuple ! Si vous, Mesdames et Messieurs de l'UDC, vous voulez encore une fois - après le projet sur la conciliation obligatoire dont nous avons débattu tout à l'heure - réinventer la roue et redéposer des projets qui ont déjà été discutés, alors faites-le ! Mais il est de notre rôle de vous dire que le peuple doit être respecté. Et le message délivré par le peuple durant ces quatre dernières années est particulièrement clair: ne pas toucher pas à la LDTR ! Même si nous ne sommes pas d'accord avec la LDTR, que nous n'aimons pas cette loi et que nous aimerions beaucoup la changer, il faut la respecter ! Honnêtement, il serait totalement contre-productif de se lancer dans un combat à ce sujet, indépendamment de toutes les considérations de ce soir, qui sont pertinentes, sur la nécessité de cesser la guerre du logement et d'arriver à des compromis acceptables. (Brouhaha.) En ce qui concerne la LDTR en particulier, il ne sert à rien d'arriver avec une idée, qui est intéressante, qui est pertinente sur le fond, mais dont on sait très bien qu'elle n'arrivera à rien. Dans un combat, Mesdames et Messieurs les députés de l'UDC, quand a une chance de gagner, il faut y aller; mais quand on sait qu'on va perdre, il faut s'asseoir ! C'est ce que je vais faire maintenant, en demandant à ce parlement de refuser cette loi.
M. Claude Jeanneret (MCG). Je vais être très bref parce que je crois que tout a été dit. Mais il y a quand même quelque chose qu'il faut relever ce soir: nous avons découvert un nouveau Conseil d'Etat ces derniers jours et M. Muller nous a annoncé qu'il a allait entreprendre beaucoup de choses pour construire des logements à Genève. Je pense que c'est là que réside le plus grand intérêt pour nous. Le blocage de constructions pour divers motifs plus ou moins idéologiques depuis près de dix ans fait qu'aujourd'hui Genève n'a pas assez de logements pour sa population. Le grand drame, c'est le manque de logements. (Brouhaha.)
La LDTR avait ceci de particulier: elle protégeait au moins ceux qui avaient un logement, leur permettant de le conserver. Je ne pense pas que la LDTR soit en elle-même une très bonne loi pour l'avenir, mais tant qu'on n'aura pas suffisamment de logements, elle protégera au moins les gens qui en ont un et qui le méritent.
Je crois qu'il faut accorder notre confiance à M. Muller et il faut attendre la réalisation de nouveaux logements. Et lorsque Genève aura enfin trouvé une solution pour loger tous ses habitants, à ce moment la LDTR mourra de sa belle mort. Parce qu'elle ne sera plus nécessaire ! Puisque chacun pourra faire le choix d'être ou propriétaire ou locataire. Le Suisse n'a jamais eu la vocation d'être propriétaire, le nombre d'habitants intéressés à devenir propriétaires en Suisse a toujours été beaucoup moins important que chez nos grands voisins européens. (Brouhaha.) Cette mentalité peut changer, mais, pour le moment, nous ne devons pas modifier des lois existantes. Nous devons attendre de nouveaux appartements, de nouveaux logements, de nouvelles maisons.
C'est la raison pour laquelle le MCG ne trouve pas opportun de changer la loi maintenant, et nous dirons non à ce projet.
M. Mark Muller, conseiller d'Etat. Je ne vous cacherai pas une certaine sympathie pour ce projet de loi. Il fut un temps, pas si éloigné où j'aurais peut-être même pu le signer ! Cela étant, aujourd'hui le moment est à la discussion, le moment est à la négociation et à la concertation autour des véritables enjeux de la politique du logement, qui consistent à nous donner les moyens politiques, économiques de construire davantage de logements. Et c'est dans ce sens-là que le Conseil d'Etat a formulé un certain nombre de propositions tout récemment, propositions qui consistent à mettre sur la table des solutions, des pistes, qui sont équilibrées et susceptibles de réunir un très large consensus.
Dans ma très brève intervention, je voudrais essentiellement vous remercier, tous partis confondus - à l'exception, bien sûr, du parti qui a proposé ce projet de loi. Je voudrais vous remercier pour la modération de vos propos: je n'ai pas entendu parler de démantèlement des acquis sociaux, d'attaque frontale contre les locataires ou... (Brouhaha.) ... de violation des droits inaliénables des propriétaires. Les propos sont restés mesurés et je vous en suis reconnaissant. C'est dans cet esprit que je souhaite que les discussions continuent dans le domaine du logement. Et, lorsque nous aurons trouvé un consensus sur cette question là - cette année encore, je l'espère - il sera nécessaire que le Conseil d'Etat revienne devant vous avec d'autres propositions, dans d'autres domaines que celui de la construction de logements. Ce ne sera pas sur la question de la vente d'appartements loués, ce sera plus précisément dans un autre domaine touché par la LDTR, c'est la question de la rénovation des immeubles locatifs. Mais il est trop tôt pour en parler, ça viendra en temps utile, lorsque nous aurons traité les questions urgentes qui sont celles de la construction de logements. Je vous remercie.
Mis aux voix, le renvoi du projet de loi 9795 à la commission du logement est rejeté par 68 non contre 8 oui et 2 abstentions.
Mis aux voix, le projet de loi 9795 est rejeté en premier débat par 66 non contre 8 oui et 4 abstentions.