Séance du
vendredi 19 mai 2006 à
17h
56e
législature -
1re
année -
8e
session -
38e
séance
R 508
Débat
M. Guy Mettan (PDC). J'espère m'exprimer à présent sur un point plus consensuel que les deux précédents. Monsieur le président, le talent avec lequel vous avez salué la délégation éthiopienne montre que vous avez le goût des voyages, et si vous avez le goût des voyages, vous avez certainement eu l'occasion d'emprunter le train Genève-Lausanne entre 7h et 9h du matin. Vous aurez donc eu l'occasion de constater que si vous prenez la deuxième classe, vous ne pouvez même pas vous asseoir tellement il y a de monde dans les travées et les couloirs de ces trains. Si vous prenez la première classe, c'est presque la même chose et si vous désirez boire un café au wagon-restaurant, il faut vous précipiter pour trouver une place.
Cette simple petite constatation nous montre que les liaisons ferroviaires entre Genève et Lausanne sont malheureusement suroccupées et qu'il est urgent de construire une troisième voie CFF, afin d'augmenter la fluidité du trafic voyageurs entre ces deux grandes villes du Bassin lémanique.
Les chiffres que nous indiquons dans l'exposé des motifs sont clairs. Il y a cinquante ans, il y avait tout juste 1600 pendulaires entre le canton de Genève et celui de Vaud. Nous en sommes aujourd'hui à peu près à 100 000 personnes qui chaque jour se déplacent entre nos deux cantons. C'est pourquoi un certain nombre de députés a jugé utile de déposer cette résolution urgente pour demander que le Grand Conseil soutienne la construction d'une troisième voie, intercède auprès des élus à Berne pour soutenir ce projet et, en même temps - pour ceux qui le souhaitent - se joigne à l'action entreprise par nos collègues du Grand Conseil vaudois qui viennent de décider cette semaine d'adopter une résolution semblable à la nôtre. C'est là un geste que nous avons estimé important de faire, car vous savez que l'essentiel de cette troisième voie concerne le canton de Vaud. Le parlement pourrait faire ce geste pour montrer sa solidarité avec nos collègues vaudois. Dans le même temps, il pourrait entreprendre auprès de Berne une action conjuguée, car on sait que, pour obtenir des crédits fédéraux, il faut être ensemble et agir d'un commun accord.
La Suisse romande - on l'a vu quand les CFF présentent leurs plans - est trop souvent divisée et ce sont les Zurichois, qui sont beaucoup mieux organisés que nous, qui s'arrangent pour obtenir l'essentiel des crédits fédéraux en matière de réseau ferroviaire.
C'est pourquoi je vous invite tous, Mesdames et Messieurs les députés, à soutenir cette résolution.
Je tiens aussi à exprimer mes excuses auprès des députés Jornot et Fabienne Gautier qui souhaitaient figurer sur cette résolution, mais ils n'ont pas pu la signer, suite à une panne de ma messagerie. Je ne veux pas prolonger le débat, car je crois que l'intention est claire, et je vous invite toutes et tous à soutenir cette résolution.
M. André Reymond (UDC). Lors de la dernière session du Conseil national, l'UDC a déposé une motion qui demandait la construction d'une troisième voie CFF entre Genève et Lausanne. Et, après ma question déposée hier à l'attention du Conseil d'Etat, je demanderai à ce dernier, avec l'aide du Grand Conseil, d'intervenir à Berne pour soutenir cette démarche auprès du Conseil fédéral.
Je me permets de donner quelques explications. Le Conseil fédéral est chargé de prévoir la construction d'une troisième voie de chemin de fer entre Lausanne et Genève. Dans leur planification du développement des projets ferroviaires qui devraient être réalisés d'ici à 25 ans - soit à l'horizon 2030 - les CFF et l'OFT ne prévoient pas le bouclement de la troisième voie entre Renens et Coppet, diminuant ainsi l'attractivité du recours aux transports publics pour un bassin de plus de 700 000 habitants des cantons de Genève et de Vaud. Ce projet d'une troisième voie avait pourtant été retenu dans le premier projet de Rail 2000 et avait été présenté en votation populaire comme une réalisation à effectuer à court terme.
Depuis une vingtaine d'années, les CFF s'opposent systématiquement à tout projet de construction à proximité des voies actuelles, pour préserver le tracé de cette future réalisation. Alors, ne pas retenir la réalisation de cette troisième voie dans un délai de 25 ans est une aberration totale ! Le canton de Vaud prévoit une augmentation de sa population de 100 000 habitants, de par l'activité de la région lémanique et pour un grand nombre d'autres raisons, dont celle des transports qui n'est pas des moindres. Et je rappelle que la population du canton de Genève est aussi en constante augmentation.
D'autre part, l'autoroute Lausanne-Genève arrive déjà à saturation entre les secteurs Aubonne-Lausanne et Gland-Genève: il ne se passe pas un jour sans des ralentissements et bouchons pendant les heures de pointe, en raison des mouvements pendulaires de la population. Cette situation, totalement anormale du point de vue de la protection de l'environnement, ne fait qu'empirer.
Si les transports publics ferroviaires ne font pas le nécessaire pour résoudre ces problèmes de déplacement, il faudra inévitablement construire une autoroute à six pistes pour prendre en charge les conséquences de l'augmentation de la population. Sinon, dans une vingtaine d'années, toute la région lémanique sera dans le chaos le plus total au point de vue des transports.
Dans l'intérêt de la santé de la population et dans celui de la protection de la nature, il est primordial que la version des transports publics ferroviaires prime sur celle des transports routiers; la pire situation étant que rien ne soit entrepris pour résoudre cette problématique.
Le groupe UDC remercie les formations politiques de cette enceinte qui soutiennent cette demande par d'autres interventions politiques.
Mme Elisabeth Chatelain (S). Nous soutenons cette résolution, déjà déposée par les députés du canton de Vaud. Comme beaucoup, nous avons été très déçus de constater que la Confédération repoussait à l'horizon 2030 - autant dire aux calendes grecques - la réalisation du tronçon entre Renens et Coppet qui permet de terminer la troisième voie CFF entre Genève et Lausanne. Ce tronçon est actuellement saturé. De plus, avec une augmentation de voyageurs de plus de 16% depuis décembre 2004, cette troisième voie est parfaitement rentable et permet de mieux répartir le flot des pendulaires. Cela renforce encore notre incompréhension par rapport à la décision de Berne qui ne prend pas ces éléments importants en compte. Il est à noter que cette réalisation avait été promise dans le cadre de Rail 2000 et a déjà été reportée.
Alors que la métropole lémanique commence enfin à être reconnue par les milieux politiques et économiques, il est très important que le canton de Genève, allié avec le canton de Vaud, insiste clairement sur la nécessité de cette infrastructure, et nous pouvons le faire ce soir en acceptant cette résolution.
M. Gabriel Barrillier (R). Le groupe radical soutient évidemment cette résolution. J'aimerais remercier mon collègue Mettan d'avoir pris la peine de la rédiger. Il a été très attentif à l'évolution dans le canton de Vaud. J'aimerais insister sur le fait que, dans le projet Rail 2000 - et le conseiller national Reymond l'a rappelé - il était prévu de construire cette troisième voie. Et là, nous avons été défavorisés par la décision prise par les CFF à l'époque. Finalement, chers collègues, l'expérience nous montre que si on veut profiter de la manne fédérale pour la réalisation de certaines infrastructures, il vaut mieux partir à temps !
M. Pierre Weiss (L). Une troisième voie est un projet qui ne pouvait venir que du PDC... (Rires.) A ce titre, nous devons reconnaître à ce parti le mérite d'avoir proclamé son credo, entre la voie de gauche et la voie de droite.
Néanmoins, cette troisième voie est indispensable pour la mise en circulation de plus de trains qui permettront à davantage de pendulaires de se déplacer entre Genève et Lausanne.
Maintenant, tout en remerciant le PDC de la rédaction de cette proposition de résolution, si les libéraux avaient pu y être associés depuis le départ, ils y auraient peut-être ajouté quelques compléments... Quelques compléments d'abord un peu sceptiques sur l'absence d'illusions qu'il convient d'avoir face au désengorgement des voies de communication entre Genève et Lausanne. Cette troisième suffira-t-elle ? On sait que nos concitoyens expriment un besoin de choix entre les différents modes de transports.
Cette troisième voie est-elle aussi une voie moderne ? Peut-être aurait-il convenu que l'on fît référence à des projets plus utopiques, puisque l'on parle de 2020 et au-delà. Par exemple, on pourrait parler d'un projet auquel j'avais collaboré, à savoir le Swissmetro. Eh bien, il aurait été souhaitable que cette résolution s'y référât !
Et puis, quand on parle de projets de transports performants, il aurait été, là aussi, approprié de parler d'un «système de transports performants», les transports ferroviaires en eux seuls n'étant pas suffisamment performants. Néanmoins, il s'agit là de quelque chose d'indispensable - mais non suffisant - que nous soutenons. Et nous nous réjouissons de nous ajouter au concert de ceux qui veulent, pour Genève, désenclaver ce vingt-sixième canton, géographiquement, pour le rapprocher du reste de la Suisse. Merci, Monsieur Mettan !
Mme Catherine Baud (Ve). Les Verts s'associent bien entendu à cette proposition de résolution, même si nous ne l'avons pas signée - tout simplement par manque de temps. Il est bien évident que, le trafic pendulaire augmentant, on se doit d'avoir cette troisième voie jusqu'à Lausanne. Même si ce n'est pas un projet très utopique, c'est en tout cas un projet très réaliste qui s'inscrit dans la suite de ce qui existe avec le CEVA. Une unanimité s'est prononcée pour le CEVA et je pense qu'une unanimité doit se faire également derrière cette troisième voie. Nous soutenons nos collègues vaudois dans ce sens.
Le président. La parole va revenir à M. Guy Mettan. Je constate que la proposition à trois voies s'entend aussi à trois «voix», puisque vous avez demandé la parole une deuxième fois et Mme Schmied pour une troisième voix PDC. Puis nous entendrons M. Golay et le conseiller d'Etat, et ensuite peut-être que les voies du Seigneur nous seront enfin apparues et que nous pourrons être unanimes, car visiblement le doute vous saisit à cet instant crucial du débat.
M. Guy Mettan (PDC). Je voulais seulement rassurer mon collègue Pierre Weiss en disant que cette option n'exclut pas d'autres options, nous sommes d'accord là-dessus.
Je voulais aussi signaler à M. Reymond, qui a parlé de projet UDC, qu'il s'agit bien de... Je n'ai intentionnellement pas voulu mentionner mon parti, car il ne faut pas tirer la couverture à soi dans ce genre d'affaire. Il s'agit d'un projet qui a émané de mon parti, le parti démocrate-chrétien. Mais à l'origine, c'est vrai, d'autres partis l'ont fait, le vôtre, Monsieur Raymond, par l'intermédiaire de M. Bugnon, et, à Lausanne, c'est un projet socialiste qui a été déposé par le Grand Conseil de Lausanne. Donc, il s'agit vraiment d'une résolution qui n'a pas d'origine partisane, mais je crois que cela a été compris. Je tenais simplement à le rappeler ce soir.
Mme Véronique Schmied (PDC). Si je me permets de prendre la parole pour ajouter encore un élément, c'est en tant qu'habitante de la rive droite. Je représentante un certain nombre de citoyens qui, lorsqu'ils reviennent de Suisse ou d'ailleurs, ne peuvent pas descendre du train direct à Nyon et prendre le train régional pour rejoindre Versoix, Bellevue ou Genthod, mais doivent descendre à Genève puis remonter en sens inverse la rive droite et perdre ainsi, en ce qui concerne Versoix, trente minutes. C'est donc dissuasif quant à l'utilisation des chemins de fer ! Sans parler des pendulaires qui viennent travailler à Genève mais habitent au-delà de Coppet, et il y a sans doute un certain nombre de Genevois qui travaillent dans les zones industrielles de Renens, Ecublens, Morges, voire Lausanne.
Considérer la rive droite entre Genève et Lausanne en trois secteurs bien distincts pour les utilisateurs des CFF - avec des destinations si clairement définies - est une vision très segmentée. Il conviendrait de voir la rive droite entre Genève et Lausanne comme une réelle agglomération, avec des transferts de l'une à l'autre ville sans distinction aussi nette que cette coupure actuelle entre Coppet et Renens.
M. Roger Golay (MCG). Le groupe parlementaire du MCG a pris le train en marche - et même à grande vitesse, puisque, pour une fois, on a passé devant les libéraux. Tout cela pour dire que nous nous sommes aussi associés à cette résolution; nous la soutenons et nous félicitons le groupe PDC pour cette excellente initiative.
Le président. Merci, Monsieur le député, très touchante unanimité !
M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Tout d'abord, merci d'être unanimes à soutenir cette résolution au sein de vos groupes. Cette résolution vient à l'appui de démarches et de contacts que j'ai actuellement avec mon collègue François Marthaler qui est le conseiller d'Etat en charge des transports dans le canton de Vaud. Tous deux, nous sommes extrêmement préoccupés du fait que les CFF semblent avoir abandonné l'idée de réaliser dans l'immédiat une troisième voie, et nous entendons fortement nous mobiliser sur ce dossier. L'appui des parlements est extrêmement précieux. Nous votons ici la même résolution - à peu près - que celle votée dans le canton de Vaud, et cela est important, car cela marque que nous nous battons pour la même cause.
Je tiens à ajouter l'élément suivant qui me semble d'importance. Lorsqu'on parle de la troisième voie, on aurait tort d'imaginer qu'il s'agit essentiellement d'un objet qui concerne le canton de Vaud. C'est inexact, cela concerne Genève à trois égards.
Tout d'abord, cela concerne Genève parce qu'une de nos communes de la rive droite, Céligny, ne voit pas venir le chemin de fer de Genève. La troisième voie prolongerait le chemin de fer régional de Coppet à Céligny et permettrait la réouverture de la gare.
C'est important pour Genève pour une deuxième raison, moins anecdotique - en tous cas plus sérieuse. Il faut bien concevoir le fait qu'il n'y a pas de réelle différence entre le trafic grandes lignes et le trafic régional. Donner de meilleures capacités au trafic régional, c'est libérer de la place pour le trafic grandes lignes. En d'autres termes, si l'on veut avoir une meilleure liaison entre Genève et Lausanne et entre Genève et le reste de la Suisse, cela signifie déplacer le trafic régional sur une autre voie. Et dans le même temps, améliorer le trafic régional permet de bénéficier d'une meilleure cadence pour le trafic grandes lignes.
J'en viens au troisième élément. Quand nous examinerons ce dossier, je serai particulièrement attentif à ce que nous profitions dans le même temps pour régler la question des deux croisements, celui de Mies, sur le canton de Vaud, et celui de Prégny-Chambésy. Ils sont des espèces de quatrièmes voies partielles, mais ces croisements sont l'élément nécessaire pour que le CEVA puisse circuler à la cadence du quart d'heure. Vous voyez bien ici que les intérêts genevois et vaudois sont intimement liés, et nous aurons besoin de nous battre ensemble pour les faire triompher.
Encore un mot. C'est avec beaucoup de plaisir que j'ai assisté à cette petite joute où chacun revendiquait la paternité de cette résolution. Parce que nous aurons besoin - non pas dans le parlement genevois, non pas dans le parlement vaudois, mais dans le parlement fédéral - des voix des grands partis politiques. Et il sera nécessaire que, ce jour-là, nous ayons le soutien de l'UDC - je vois que M. le conseiller national Reymond m'écoute avec attention - nous aurons besoin des voix démocrates-chrétiennes, nous aurons besoin des voix socialistes, et je suis persuadé que ce grand parti qu'est le parti radical ajoutera ses suffrages à cette cause.
C'est donc dire qu'aujourd'hui l'engagement de ce parlement à travers cette résolution est pris de la façon la plus claire. Il faut non seulement mener ce combat à Genève, mais surtout ensemble - comme nous l'avons fait pour le CEVA - le prolonger au sein de l'assemblée fédérale.
Mise aux voix, la résolution 508 est adoptée et renvoyée aux Autorités fédérales, au Grand Conseil vaudois et au Conseil d'Etat par 78 oui (unanimité des votants).