Séance du
jeudi 18 mai 2006 à
20h30
56e
législature -
1re
année -
8e
session -
36e
séance
IN 128 et objet(s) lié(s)
Débat
Le président. Je donnerai la parole à Mme Sandra Borgeaud, si elle me la demande... Elle la demande, je lui donne ! Elle a donc bénéficié... (Sonnerie d'un téléphone portable.) Madame, c'est votre téléphone, ce n'est pas la machine ! (Rires.) Mais vous avez la parole tout de même !
Mme Sandra Borgeaud (MCG), rapporteuse. Merci, Monsieur le président. Je voudrais juste apporter une correction à la page 2 de mon rapport, au troisième paragraphe en partant du bas. Il est écrit: «Un commissaire socialiste...» alors que j'avais bien spécifié: «Une» commissaire socialiste... Je ne sais pas si c'est au niveau de l'imprimerie que cela a été modifié, mais, comme il n'y a que des femmes, je ne peux pas garder le masculin...
Et puis, à la ligne du dessous, il ne s'agit pas de 32%, mais de 3,2%.
Le président. Merci de ces utiles précisions. Nous sommes en débat sur la validité de l'initiative 128, je le rappelle pour ceux qui n'en seraient pas tout à fait certains. Je donne la parole à M. Guillaume Barazzone.
M. Guillaume Barazzone (PDC). En ce qui concerne la recevabilité de cette initiative, je tiens à souligner que la commission a fait du bon travail, à une exception près: elle a déclaré le chiffre 3 de l'initiative irrecevable dans la mesure où il ne respectait pas l'unité de la matière...
En réalité et après réflexion - et nous en avons discuté avec certains membres de la commission législative - j'ai l'impression que nous avions raison de déclarer le chiffre 3 de l'initiative non valide, mais pas en raison d'une violation de l'unité de la matière. Je rappelle que le principe de l'unité de la matière veut qu'il y ait un rapport intrinsèque entre les différents éléments d'une initiative, et le groupe démocrate-chrétien considère qu'en l'occurrence le fait de vouloir accélérer les procédures pour pouvoir construire plus de logements sont deux éléments intrinsèquement liés. Accélérer les procédures et construire plus de logements sont deux éléments qui ne s'excluent pas. Le premier est un moyen pour atteindre l'objectif du second.
En revanche, nous avions raison de déclarer le chiffre 3 irrecevable en ce qu'il ne respecte pas le droit supérieur et notamment le principe de l'égalité dans la loi. En effet, le chiffre 3 prévoit d'accélérer les procédures uniquement pour les zones qui seraient déclassées. Or, vous le savez, la loi doit prévoir une égalité de traitement et l'accélération des procédures doit être décidée pour tout le territoire genevois, soit toutes les zones constructibles. C'est dans ce sens que nous considérons que le chiffre 3 de cette initiative doit être invalidé.
A l'exclusion du chiffre 3, l'initiative est recevable; par conséquent, je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à suivre les conclusions du rapport, sous réserve de l'amendement précité.
M. Pierre Kunz (R). Les initiants tiennent d'abord à remercier les membres de la commission législative pour leur travail. Ils regrettent, certes, l'invalidation du troisième article de cette initiative, mais ils n'entendent pas contester cette décision, qui a certainement été prise en toute connaissance de cause même si - et M. Barazzone l'a indiqué - les arguments invoqués ne sont pas parfaitement convaincants.
Les initiants aimeraient pourtant - si vous permettez que je m'exprime en leur nom - insister sur les points suivants. Chacun le sait, le problème du logement est devenu pour les Genevois d'aujourd'hui - comme pour ceux de demain, d'ailleurs - extrêmement critique. Il est donc nécessaire que les mesures accélérées que nous préconisions - et que nous préconisons toujours - soient mises en oeuvre. Et puisque, semble-t-il, ce n'est pas possible pour les quinze mille logements dont il est question ici, eh bien, élargissons cette réforme à l'ensemble de la législation ! Il nous paraît du reste, et je crois qu'il ne s'agit pas simplement d'un fantasme, que le Conseil d'Etat a entendu un tant soit peu les initiants et qu'il a pris d'ores et déjà un certain nombre de mesures allant dans ce sens et qui nous réjouissent...
Le deuxième point concerne le travail parlementaire qui va suivre. Les initiants souhaitent bien évidemment que ce travail s'effectue dans les meilleurs délais et avec la coopération de tous. Ils souhaitent en particulier que ce travail bénéficie du soutien ferme et inconditionnel du Conseil d'Etat que rien n'empêche - soulignons-le, lui qui affirme vouloir construire beaucoup et vite ! - d'engager dès maintenant des consultations avec l'ensemble des communes en vue de préparer les déclassements demandés par l'initiative. Car - il n'est pas non plus inutile de le rappeler - rien n'oblige ce parlement et le Conseil d'Etat d'attendre le 5 mars 2007 pour décider de la suite concrète à donner à l'initiative 128. Nous avons le droit effectivement, Mesdames et Messieurs les députés, d'aller plus vite.
M. Christian Luscher (L). J'aimerais d'abord apporter une précision importante. Je manifestais tout à l'heure mon émotion de parlementaire et non pas de juriste - parce que, comme me le rappelait Jean-Michel Gros, les juristes n'ont pas d'émotion ! (Rires.)
Deuxième chose: je voudrais féliciter Mme Borgeaud pour son premier rapport devant la commission législative. Celui-ci comporte en effet une erreur, pas de la rappor... «teuse» mais des membres de la commission qui ont statué et répondu par la négative sur la question de l'unité de la matière.
A la réflexion et compte tenu des propos de M. Barazzone, qui, visiblement, bénéficie d'un solide bagage et d'une solide formation juridique... (Rires et exclamations.) ... nous devons arriver à la conclusion que l'unité de la matière est respectée. En revanche, par substitution de motif, nous devons arriver au même résultat en remettant en cause la conformité au droit supérieur.
Il n'en demeure pas moins que le résultat de l'invalidation sera exactement le même !
Le président. Vous venez, Monsieur le député, de faire la démonstration qu'on n'est jamais si bien servi que par soi-même ! Pour ceux qui ne le sauraient pas, la formation juridique de M. Barazzone est assurée sans états d'âme et sans émotion par Me Christian Luscher... (Rires.) Je donne la parole à Mme la députée Carole-Anne Kast.
Mme Carole-Anne Kast (S). Merci, Monsieur le président. Pour commencer, je dirai que l'ensemble des personnes sans émotion de ce parlement partagent l'analyse juridique qui vient d'être exprimée... Il nous semble également que le point 3 de cette initiative doit être invalidé pour non-respect au droit supérieur et, peut-être, pour non-conformité à l'unité de la matière, mais surtout pour la première raison.
Par ailleurs, cette initiative a la force de ses faiblesses, si vous me permettez l'expression, puisqu'elle comporte d'autres points qui pourraient être litigieux vis-à-vis du respect au droit supérieur, mais le fait qu'elle soit non formulée impose une interprétation conforme, ce qui permet, à ce stade de la recevabilité, la déclarer valide, sous réserve de l'invalidation du point 3.
Il faut donc examiner comment améliorer ce texte en commission de l'aménagement. Notre groupe soutiendra ce renvoi, même s'il a des critiques à formuler sur le fond, mais il ne va pas l'attaquer avec des arguments juridiques fallacieux.
M. Damien Sidler (Ve). Je crois que tout a été dit, en effet. La commission a probablement jugé trop vite de la problématique de l'unité de la matière. En relisant ce texte, je conçois qu'on puisse estimer qu'un lien intrinsèque existe bien, et que c'est plutôt au niveau de la conformité au droit supérieur que cet alinéa 3 pose problème et non par rapport à l'unité de la matière.
D'autres points ont été soulevés en commission, notamment en ce qui concerne la révision nécessaire du plan directeur, qui pose aussi problème. Peut-on y arriver dans de tels délais ? L'initiative, si elle est appliquée telle quelle, sera-t-elle vraiment conforme au droit supérieur ? Ce n'est pas certain !
Ce qui sauve cette initiative, c'est qu'elle n'est pas formulée à ce stade, et que l'on va pouvoir encore travailler dessus dans la commission adéquate.
M. Philippe Guénat (UDC). Le groupe UDC est étonné de la discussion qui a lieu ce soir... L'initiative 128 a pour but de créer quinze mille logements - de toutes sortes - et nous entendons les uns et les autres chipoter pour une virgule, pour un point ! Vous, les socialistes, vous êtes les premiers à réclamer avec force la création de logements, mais aucun d'entre vous n'est favorable à ce projet ! Vous vous contentez de critiquer, de démolir, ou d'accepter du bout des lèvres...
Nous soutenons cette initiative, malgré la faiblesse du point 3.
M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. J'ai eu l'occasion de le souligner tout à l'heure, le Conseil d'Etat répugne à proposer au parlement de déclarer une initiative partiellement ou totalement irrecevable... Nous avons tout de même dû nous y résoudre dans le cas présent, puisque, dans le rapport que nous vous avions remis au mois de novembre de l'année dernière, nous vous indiquions déjà que le troisième point de cette initiative posait des difficultés juridiques insurmontables. Et c'est également la conclusion à laquelle la commission législative est arrivée.
En réalité, ces difficultés juridiques insurmontables sont effectivement liées essentiellement au fait que cette initiative consacre une inégalité dans la loi. Il n'est pas possible de traiter de façon tellement différente des situations qui seraient similaires, car cela entraîne toutes sortes de conséquences dont, notamment, la violation du principe d'égalité.
Pour le surplus, dès l'instant où cette initiative va être renvoyée en commission, je crois utile de saisir la perche tendue par M. Kunz, dont je déplore par ailleurs le ton quelque peu ironique quant aux efforts du Conseil d'Etat... (M. Kunz hoche la tête négativement.) J'affirme qu'ils sont tout à fait réels: merci, Monsieur Kunz, de me rassurer ! Pour le surplus - disais-je - je tiens à saisir la perche que vous nous tendez, Monsieur Kunz, et je suis persuadé que nous aurons l'occasion d'avoir de très fructueux entretiens ces prochains mois.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vais vous soumettre le vote sur la recevabilité de cette initiative. Nous allons procéder comme tout à l'heure. Je vais suivre le rapport de Mme Borgeaud, et, comme d'habitude, nous allons voter sur l'unité du genre, de la forme et de la matière, puis sur l'invalidation du point 3, et ensuite sur la conformité au droit supérieur, sur l'exécutabilité et sur le vote d'ensemble. Au lieu de mettre la déclaration de l'invalidité partielle en quatrième position, nous la mettrons à la fin, car cela n'a pas de sens de la placer au milieu.
Je vous soumets maintenant l'unité du genre. La commission a conclu en faveur de l'unité du genre. Si vous l'acceptez à votre tour, vous votez oui, sinon vous votez non ou vous vous abstenez.
Mise aux voix, l'unité du genre de l'initiative 128 est adoptée par 63 oui (unanimité des votants).
Le président. Je vous soumets maintenant l'unité de la forme. La commission a conclu au même préavis. Si vous l'acceptez, vous votez oui, sinon vous votez non ou vous vous abstenez.
Mise aux voix, l'unité de la forme de l'initiative 128 est adoptée par 63 oui et 1 abstention.
Le président. Nous passons à l'unité de la matière. La commission a donné un préavis négatif, mais vous avez entendu les regrets des commissaires... Si vous pensez que l'unité de la matière est respectée, vous votez oui, sinon vous votez non ou vous vous abstenez.
Mise aux voix, l'unité de la matière de l'initiative 128 est adoptée par 56 oui et 8 abstentions.
Le président. Nous passons à la question de l'invalidation du point 3 de l'initiative, recommandée par la commission. Celles et ceux qui sont favorables à l'invalidation du point 3 votent oui, celles et ceux qui y sont opposés votent non ou s'abstiennent.
Mise aux voix, l'invalidation du point 3 de l'initiative 128 est adoptée par 57 oui contre 2 non et 10 abstentions.
Le président. Cette initiative étant ainsi amendée, vous devez vous prononcer sur sa conformité au droit supérieur, que la commission vous recommande d'accepter. Je soumets cette question à votre sagesse.
Mise aux voix, la conformité au droit supérieur de l'initiative 128 ainsi amendée est adoptée par 68 oui et 2 abstentions.
Le président. Nous passons à l'exécutabilité de l'initiative 128 ainsi amendée. Ceux qui estiment que cette initiative ainsi amendée est exécutable votent oui, les autres votent non ou s'abstiennent.
Mise aux voix, l'exécutabilité de l'initiative 128 ainsi amendée est adoptée par 66 oui et 3 abstentions.
Le président. Vous vous prononcez maintenant sur la validité de l'ensemble de l'initiative 128 ainsi amendée, c'est-à-dire sans son point 3. Celles et ceux qui l'acceptent votent oui, les autres votent non ou s'abstiennent.
Mise aux voix, la validité de l'ensemble de l'initiative 128 ainsi amendée est adoptée par 67 oui et 2 abstentions.
Le président. Vous avez donc déclaré recevable cette initiative telle qu'amendée, soit déclaré les points 1 et 2 valides et le point 3 invalide.
L'initiative 128 est renvoyée à la commission d'aménagement du canton.
L'initiative 128-A est renvoyée à la commission d'aménagement du canton.
Le Grand Conseil prend acte du rapport IN 128-B.
Le président. Nous passons à présent à la dernière initiative du jour, soit au point 107.