Séance du
vendredi 7 avril 2006 à
17h
56e
législature -
1re
année -
7e
session -
33e
séance
M 1656
Débat
La présidente. Monsieur Follonier, vous avez la parole. (Remarque. ) Oui, mais visiblement les auteurs de la motion ne souhaitent pas s'exprimer... (Remarque.) Monsieur Follonier, si vous êtes d'accord, je vais passer la parole à M. Stauffer. Excusez-moi, mais son nom n'apparaissait pas en premier sur mon écran.
M. Eric Stauffer (MCG). Ne vous faites pas de souci, Madame la présidente ! Je vous remercie.
Nous aimerions tout d'abord saluer l'effort et le travail effectués par notre conseiller d'Etat Pierre-François Unger dans le domaine des primes de l'assurance-maladie, mais il faut aller plus loin.
Il faut aller plus loin, car il n'est pas acceptable que les résidents genevois payent pour le déficit d'autres cantons. Vous le savez, les primes d'assurance-maladie de Genève sont quasiment les plus élevées de Suisse: elles ont augmenté de huit à quatorze fois plus que les salaires. Et il n'est pas simplement concevable pour nos concitoyens de payer, pour une famille entière, des primes avoisinant les 1500 francs par mois ! Nous voudrions donc, par cette motion, encourager le Conseil d'Etat. Nous savons qu'il s'agit de dispositions fédérales, mais nous aimerions que notre gouvernement puisse faire entendre la voix des citoyens et citoyennes genevois afin que l'équité règne dans le domaine des primes d'assurance-maladie.
Ces primes d'assurance-maladie reposent sur des prévisions difficiles à établir quant à la hausse des coûts, donc grossières. En outre, les erreurs de prévisions faites par le passé sont également intégrées dans le calcul... Partant de là, puisque tous les citoyens de ce pays sont obligés de s'assurer contre la maladie, il n'est pas normal que ce soient des compagnies privées qui effectuent des réserves à coups de centaines de millions ! Sous prétexte qu'«on ne sait jamais» et qu'il faut avoir des réserves en termes d'assurance...
J'aimerais juste vous donner quelques chiffres: Genève aurait, sur les primes d'assurance-maladie, réalisé des réserves de plus de 27% dans les compagnie d'assurance privées. Donc, nous avons d'un côté l'obligation légale de devoir s'assurer auprès d'une caisse maladie et, de l'autre côté, les primes nous sont imposées. Devons-nous déceler ici un impôt caché qui n'aurait pas été soumis à la votation populaire ? Cela n'est pas normal, il faut que ces choses se rétablissent ! Il faut une équité de traitement entre le canton de Genève et les autres cantons suisses. Il n'est tout simplement pas normal que les primes d'assurance soient quasiment moins chères de 50% dans le canton du Valais que dans le canton de Genève !
Raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, nous vous demandons de soutenir cette motion déposée par le Mouvement Citoyens Genevois. Merci !
M. Jacques Follonier (R). Je crois qu'il faudra être très prudent dans le traitement de cette motion. En effet, je vois dores et déjà que M. Stauffer se trompe dans sa manière de penser: il mélange l'assurance publique et l'assurance privée. C'est une chose que l'on ne doit jamais faire, Monsieur Stauffer, je vous en prie ! Faites au moins attention à cela, sinon votre argumentation ne sera pas crédible et ce serait dommage.
Je dois dire quelque chose sur le fond: c'est une problématique que le parti radical a dénoncée - je l'ai fait il y a trois ans - et qui me touche personnellement beaucoup. Nous avons examiné ces problèmes, parce qu'effectivement tout dépend de la position dans laquelle on se place... Je pense que vous connaissez déjà la statistique des assureurs et celle des assurés. Selon le camp dans lequel on se place, c'est très simple à voir... Si vous prenez tous les assurés de Genève et que vous comptez ce qu'ils y consomment, vous obtenez une vision réelle de ce que sont les coûts à Genève; mais si vous prenez la statistique des assureurs, c'est-à-dire avec tous les assurés qui consomment à Genève - y compris les Vaudois et d'autres personnes qui y viennent pour consommer de la médication et des soins médicaux - et que vous divisez cela par le nombre de prestataires de soins, eh bien, les coûts sont entièrement changés ! Et c'est ce qui a longtemps causé une énorme divergence de vues concernant Genève, de même que d'énormes problèmes quant à la fixation du coût des primes genevoises - choses que nous devrions arriver à changer un jour, je l'espère.
Par ailleurs, il est vrai que l'on entend tout le temps - et c'est dommage - parler de la «transparence des caisses maladies». On nous a dit - même au département - qu'aujourd'hui la transparence commençait à s'instaurer... Je reste malgré tout très sceptique, parce que l'OFAS lui-même a de la peine à comprendre les comptes des caisses, la manière dont ils sont présentés à l'OFAS - et M. Britt, chef de l'OFAS, sait parfaitement que la manière dont ils sont présentés est souvent sommaire, voire relativement simpliste, ce qui permet difficilement de trouver une solution compréhensible concernant l'augmentation des coûts de ces caisses maladie.
Dès lors, on peut aussi s'étonner - comme l'ont fait les motionnaires - que les coûts de la santé diminuent à Genève mais que les primes d'assurance continuent à augmenter. Je pense que c'est le bon moment pour que le Conseil d'Etat bouge un peu et qu'il se saisisse de cette difficulté. Je sais, Monsieur le Conseiller d'Etat, que c'est difficile. J'en suis conscient ! Néanmoins, dans certains cantons, quelques-uns ont eu une petite part de chance - qu'on vous souhaite dans cette argumentation. Et j'espère que vous réussirez, à l'instar du canton de Vaud, à remettre un peu d'ordre en ce qui concerne notre canton.
C'est la raison pour laquelle le parti radical se réjouit de renvoyer cette motion à la commission de la santé pour l'y étudier.
Mme Brigitte Schneider-Bidaux (Ve). Cette motion nous paraît extrêmement intéressante, car il est vrai que les primes d'assurance-maladie ne cessent d'augmenter. Mais il est vrai aussi que les besoins du domaine de la santé sont inépuisables. Si vous êtes malades ou si vous avez un accident et que vous pouvez bénéficier de soins de très haut niveau, il est clair que c'est ce que vous choisissez. Et nous avons la chance, à Genève, de pouvoir s'offrir, et offrir à notre population, des soins d'une très grande qualité ainsi qu'un large choix de prestations.
Il est important de réclamer une transparence totale dans la compatibilité des caisses maladies - car des problèmes se posent à l'heure actuelle - et le Conseil d'Etat effectue des démarches en ce sens. C'est pourquoi nous soutiendrons cette motion.
Probablement que le renvoi en commission de la santé est une chose intéressante, mais les Verts ont une proposition par rapport aux coûts de la santé: vous la connaissez tous, il s'agit d'une initiative fédérale qui sera probablement votée au mois de janvier 2007 et qui concerne une caisse unique... (Exclamations)... qui n'est pas forcément la panacée ! C'est toutefois un petit progrès dans la limitation des coûts. Effectivement, il n'y aura pas 50 ou 150 caisses, comme il en existe maintenant - il y en avait 300 il y a encore dix ans - et cela permettra de savoir ce que l'on fait dans tous les cantons. Cette initiative représente donc une petite avancée dans la réduction des coûts de la médecine.
Ensuite, il s'agit un choix politique. Il s'agit aussi d'un choix personnel concernant la santé, qui permettra de savoir ce que veulent les gens. Là, le débat est beaucoup plus important.
Je vous propose donc de renvoyer cette motion en commission de la santé.
M. Michel Forni (PDC). Nous sommes le 7 avril et c'est la Journée mondiale de la Santé. «Travaillons tous pour la santé !», tel est le slogan d'aujourd'hui. Alors, permettez-moi de vous faire part d'une certaine interrogation lorsque l'on parle d'une «transparence totale» et d'une arnaque. La santé, c'est vrai, n'a pas de prix, mais, comme on l'a dit, elle a un coût ! Et réduire ce coût reste l'obsession de tous, y compris des gouvernements et aussi des assurances. Cette approche est, bien sûr, réductrice et culpabilisante, mais elle implique surtout un financement public qui devient de plus en plus préoccupant et qui s'amplifie. D'un autre côté, nous avons une transparence et une clarté - de notre Conseil d'Etat - et nous avons une solidarité et une responsabilité au niveau des citoyens, qui restent les deux piliers du développement durable et équitable de la santé, pour autant que les assureurs s'occupent prioritairement des assurances, et aussi des assurés, et qu'ils associent démocratiquement leurs efforts en faisant preuve d'une éthique, qui à ce jour n'est malheureusement pas irréprochable.
Le parti démocrate-chrétien a clairement exprimé sa vive préoccupation face à l'attitude et à l'opacité du traitement réservés aux assurés - mais aussi aux soignants, il faut le dire - et il s'est indigné, à de nombreuses reprises, peut-être naïvement mais fermement, en se permettant de dénoncer, encore ce soir, le diktat de certains assureurs. A cet effet, le PDC avait déposé une proposition de résolution le 9 janvier 2001, s'inquiétant de la hausse préoccupante des primes d'assurance-maladie, de l'inexistence d'un contrôle sérieux validant les augmentations successives des primes, du manque de personnel et de la volonté politique handicapante de l'OFAS, surtout face à l'absence totale de transparence des comptes des assurances-maladie. Je rappelle également le refus du Conseil des Etats, en date du 11 décembre 2000, de donner suite à l'initiative cantonale émanant du canton de Genève à propos de la loi fédérale sur l'assurance-maladie, qui a été adoptée par ce même Grand Conseil le 29 octobre 1999.
Permettez-moi de vous rappeler trois éléments. Cette proposition de résolution demandait: premièrement, de garantir un audit externe annuel et complet des comptes, et ceci pour chaque compagnie d'assurance; deuxièmement, l'accessibilité à ces comptes pour chaque citoyen; et enfin, la publication de l'état des réserves et des provisions pour les trois derniers exercices courants.
Force est de constater ce soir l'absence de transparence dans les comptes des caisses - et ceci reste inadmissible; la non-concordance des chiffres et des primes avec ceux des coûts - et ceci reste inexplicable. Enfin, les sous-entendus: de l'argent disparaît de certaines comptabilités; personne ne sait comment les caisses décident de leurs tarifs; pourquoi, lorsqu'il y a comparaison de chiffres, des différences restent inexpliquées. Plus grave encore: il est de plus en plus probable que l'argent manquant ne se trouve pas dans l'augmentation des réserves, ni même dans les comptes d'autres cantons. Et ceci reste incompréhensible et probablement à dénoncer ! Plus encore: le jeu de coulisses qui permet à l'OFSP de répéter: «tout va bien»... Curieux message !
La liste des subtilités et absurdités s'amplifie de jour en jour: en s'éclaboussant dans le TARMED, neutralité des coûts, droits acquis, valeur intrinsèque, économies citées des prises en charge... Et vous n'y comprenez plus rien du tout ! Nous non plus. C'est-à-dire que ce «catéchisme», qui influence parfois l'esprit des soignants et des soignés, qui réduit ses acteurs à une seule fonction économique, reste dirigé par des technocrates qui jonglent avec des noms prétentieux et qui, avec arrogance et du haut de leur perchoir, pérorent dans leurs luxueux buildings ou hantent les couloirs du Palais fédéral !(Rires. Applaudissements.)
Nous souhaitons que le fond de la motion du MCG soit soutenu, mais nous n'acceptons pas sa forme et demandons ce soir au Conseil d'Etat d'accélérer les projets de révision, et de surtout apporter son appui aux motions que j'ai décrites tout à l'heure. Il est évident que planifier et proposer une réforme profonde doit laisser au Canton un pouvoir de représentation de ces caisses: il est important que les assurés et les soignants puissent savamment vérifier comptes et équations. Il est important aussi que les acteurs de la santé ne soient pas que des clients mais aussi des partenaires.
Nous ne voulons plus d'une stratégie en contresens. Et, s'il y a des lobbies - et probablement que ce problème d'assurance en est un - nous tenons à le dénoncer. Car derrière «lobby», il y a «scandale». Et lorsqu'il y a scandale, il y a toujours des répercussions.
C'est la raison pour laquelle je me permets de revenir à une citation d'un certain M. Michel Rocard, lequel disait : « On peut avoir le coeur en étendard, mais parfois c'est l'esprit qui est en berne.» (Applaudissements.)
M. Claude Aubert (L). Vous savez que la LAMal a été votée en 1994 et qu'elle est entrée en vigueur 1996. Et pourquoi fallait-il une nouvelle loi ? Parce qu'à l'époque il y avait un gros problème: la hausse du coût de la santé. Dans les années 80, compte tenu du fait qu'un certain nombre de caisses étaient au bord de la faillite - pour des raisons sur lesquelles il n'est pas nécessaire de s'étendre - quatre rapports fédéraux ont été demandés pour savoir quelle était la meilleure formule. A cette époque-là, je vous rappelle que les caisses maladie n'avaient pas un grand souci des dépenses, étant donné qu'un subventionnement était automatiquement accordé. Mais nous avons malheureusement une seule certitude - c'est une donnée - à savoir que, à peu près depuis le milieu ou la fin des années 60, les coûts de la santé augmentent inexorablement de l'ordre de 5%. C'est une réalité ! C'est une droite qui monte inexorablement chaque année. Plus 5% ! Par conséquent, nous autres, libéraux, ne pouvons pas tellement nous associer à toutes ces démarches qui recherchent des coupables, à gauche et à droite, au centre et au milieu. Nous ne pouvons que difficilement nous associer à toutes ces discussions où, pour finir, des gens très distingués se traitent de menteurs... Parce que nous n'avons aucune conception globale pour expliquer cette hausse de 5% par an et que seule une réflexion de fond sur ces processus nous permettrait d'avancer. Sans cela, c'est simplement de la guérilla qui, à nos yeux, n'a pas de sens.
Pourquoi les coûts de la santé augmentent-ils régulièrement de 5% depuis 30 ou 40 ans - pourquoi disons-nous toutes les décennies que c'est inadmissible et pourquoi est-ce que cela continue ? Telle est la question.
M. Alain Charbonnier (S). Effectivement, les coûts de la santé augmentent. Pas seulement en Suisse: dans tous les pays qui nous entourent, dans tous les pays industrialisés, et à peu près au même rythme que chez nous. Finalement, cette motion ne porte pas sur les coûts de la santé mais sur le financement de ces coûts, et je crois que c'est ce qui intéresse la population. C'est à cette question que l'on devrait réfléchir. Parce qu'il devient insupportable, pour un grand nombre de personnes, de devoir s'acquitter de ces primes de la façon dont on doit les payer aujourd'hui ! C'est-à-dire la même prime pour tout le monde. En effet, qu'une personne soit millionnaire ou qu'elle ne perçoive pratiquement pas de revenu, elle paie la même prime ! Et que vous ayez un ou cinq enfants, chacun doit payer la même prime... Donc, cela devient insupportable pour les familles, essentiellement pour les familles modestes, voire de la classe moyenne.
Cette motion vise à obtenir une meilleure transparence, à mieux savoir ce qui se passe à travers toutes ces caisses, et je pense que l'on ne peut que soutenir les démarches qui vont dans ce sens. Y compris les démarches déjà effectuées par le Conseil d'Etat au cours de ces dernières années, démarches que nous saluons ici et qui ont pour but de mieux contrôler ce que font les assurances.
Maintenant, ce que le constate aussi, c'est que ces multiples caisses étaient censées, par la concurrence, diminuer les coûts ou, en tout cas, diminuer les primes... Il n'en est rien du tout ! C'est un échec total. On voit bien aujourd'hui où mène cette concurrence effrénée entre les caisses: les primes ne vont pas vers le bas mais plutôt vers le haut ! C'est donc un échec de ce côté-là, avec un coût inexorable pour les citoyens: lorsqu'ils changent de caisse, les réserves constituées ne les suivent pas et restent dans la caisse précédente.
Donc, la solution - Mme Schneider-Bidaux en a parlé tout à l'heure - sera la votation, l'année prochaine, sur une caisse unique. D'une part, une caisse unique permettra une meilleure transparence - puisqu'il n'y aura qu'un seul compte, évidemment qu'il sera plus facile d'aller voir ce qui s'y passe - et, aussi, parce que cette initiative, en plus de la caisse unique, propose un financement différent, c'est-à-dire en pourcentage du revenu, comme tout impôt solidaire - comme l'AVS et comme l'impôt que nous payons au niveau cantonal ou fédéral.
Pour toutes ces raisons, nous sommes d'accord d'entrer en matière sur cette motion et de l'étudier en commission. Je pense qu'en général ce sont les affaires sociales - plutôt que la santé - qui se chargent de ce genre de questions, mais il s'agit-là d'un problème technique. Quant à nous, nous étudierons avec plaisir cette motion en commission.
M. Eric Stauffer (MCG). Je crois que l'ensemble de ce parlement sera unanime, et je m'en félicite... (Brouhaha.) ... puisque tout le monde a pris conscience de ce problème... (Remarques.) Eh bien, on verra si les libéraux veulent améliorer la qualité de vie de nos concitoyens, ou pas ! (Brouhaha.) Sur ce, je n'ai rien ajouter, sinon que je remercie ceux qui soutiendront cette motion !
M. Gilbert Catelain (UDC). Cette motion relance le débat sur les coûts de la santé, débat qui a fait l'objet de travaux du Grand Conseil lors de la dernière législature. A de nombreuses reprises, le Conseil d'Etat a pu exprimer son souci de transparence à propos de la comptabilité des caisses et il est intervenu plusieurs fois auprès du Conseil fédéral à ce propos. Malheureusement, il faut admettre que le Conseil d'Etat n'a pas beaucoup de pouvoir, puisque la plupart des cartes sont entre les mains du Conseil fédéral et qu'il appartient à ce dernier, respectivement aux Chambres fédérales, d'intervenir pour que cette transparence soit ancrée dans la LAMal, ce qui malheureusement n'est pas le cas.
Donc, le Conseil fédéral aurait déjà pu répondre aux invites de cette motion. On pourrait ne pas l'envoyer en commission mais l'envoyer directement au Conseil d'Etat. Parce que le Conseil d'Etat a effectivement fait beaucoup et qu'il peut nous donner un bilan de son activité - on en a des traces écrites dans le Mémorial pour mesurer tout ce qui a été réalisé. Cela ne signifie pas que nous devons renoncer à remettre l'ouvrage sur le métier - le mérite de cette motion étant de le faire.
Où en sommes-nous ? Que faisons-nous de plus, par rapport à que ce qui a été effectué jusqu'à présent, pour que le Genevois ne soit pas le dindon de la farce ? Quoique, par rapport à d'autres cantons, il fait une consommation excessive de soins. On sait très bien que la consommation des cantons-villes est plus importante que dans les cantons de campagne... (Brouhaha.) On sait très bien que la densité médicale dans ce canton - par exemple celle des physiothérapeutes - est supérieure à celle d'autres cantons. Ce n'est pas une caisse unique ou une prime unique qui va résoudre le problème !
Par exemple, nous savons très bien qu'en ce qui concerne l'assurance-accidents, l'assurance nationale a négocié le point TARMED a un prix plus élevé que les assureurs privés, et c'est d'ailleurs bien pour cela que la gauche soutient la caisse unique: parce qu'elle sait que le point TARMED coûtera plus cher aux cotisants, soit à l'assuré. Avec l'introduction d'une prime unique et d'une caisse unique, il faut donc s'attendre plutôt à une augmentation de primes.
L'une des invites de cette motion concerne aussi la répartition des charges entre cantons. Il est vrai que pour maintenir une activité de pointe à l'Hôpital Cantonal Universitaire de Genève, le canton de Genève est obligé de faire un certain nombre de concessions. C'est à dire que les forfaits qui sont payés par les cantons voisins pour des soins délivrés dans le canton de Genève sont, dans certains cas, insuffisants. Le Conseil d'Etat avait évoqué le cas d'un Valaisan venu se faire opérer d'une greffe de foie qui coûte 20 000 francs: le canton du Valais paiera 150 francs par jour alors que le premier jour d'hospitalisation coûte déjà 10 000 francs... Ce coût-là est entièrement à la charge de l'assuré genevois - en plein !
Puisqu'il assure le financement du budget social du département à raison de 50%. Il y a donc un vrai problème de répartition des coûts entre les cantons, et le risque, c'est vrai, est de perdre un certain nombre de prestations fournies à l'hôpital et qui seraient effectuées dans d'autres cantons. A ce moment-là, ce serait à l'assuré genevois de se déplacer lui-même dans d'autres cantons, mais, au moins, on pourrait imaginer une meilleure répartition des coûts entre les cantons.
Pour ces différents motifs, nous vous proposons de renvoyer cette motion en commission.
Mme Brigitte Schneider-Bidaux (Ve). Juste quelques mots pour corriger mon intervention de tout à l'heure. Je ne plaide pas pour le renvoi en commission, mais pour le renvoi au Conseil d'Etat.
M. Pierre-François Unger, président du Conseil d'Etat. Je ne serai évidemment pas exhaustif dans les quelques explications que je donnerai aujourd'hui. Je pense qu'il vaut néanmoins la peine de faire un tour en commission, ne serait-ce que pour limiter un peu l'ampleur d'invites qui, de toute évidence, ne sont pas réalisables. Demander au Conseil fédéral de faire baisser les primes... Cela ressemble à des manoeuvres d'une autre nature, du type de celles que l'on effectue avec des violons. (Remarques.) Cela n'a aucun sens de demander ça quand les primes augmentent. Parce que les coûts augmentent !
En revanche, Mesdames et Messieurs, il serait important de faire le point sur les choses qui ne vont pas et de dire ce qui continue à ne pas aller. Alors, j'ai fait une modeste liste: bien sûr, ce sont les réserves et leur non-transmissibilité lorsque les assurés changent de caisse; ce sont évidemment les conditions qui sont imposées aux cantons pour se prononcer sur la validité des primes - avec un délai ridicule pour analyser les comptes de toutes les caisses qui exercent dans le canton ! C'est lorsque des patrons d'assurance font publier des déclarations et ne corrigent pas ce qui est mis dans leur bouche... Le fait qu'ils trouvent tout à fait normal que, quand les coûts augmentent d'un franc, les cotisations augmentent d'un franc cinquante ! On l'a encore vu l'automne dernier. Et puis, il y a des choses qui ne sont pas plus subtiles, mais qui sont tout aussi inacceptables: que la commission «santé et social» du Conseil des Etats soit composée pour moitié de membres de conseils d'administration des assurances ! Alors, voilà des choses qui ne vont pas et que l'on pourra détailler en le disant avec la vigueur nécessaire !
Mais il y a aussi un certain nombre de choses qui se sont améliorées: notamment, le conseiller fédéral Couchepin a accepté nos hypothèses - et celles de M. Maillard, du canton de Vaud - de dire qu'un taux de réserves, qui est d'autant plus important que les primes sont chères, n'a pas de sens. Et à Genève, on a 26% de taux de réserves ! Alors qu'on n'a pas besoin de plus de 6 à 7%. Vous l'avez dit, et M. Couchepin l'a accepté, ce taux s'abaissera progressivement sur les trois ans à venir - c'est plutôt une bonne nouvelle. C'est aussi sa négociation de plus de 100 millions avec les industries pharmaceutiques pour faire baisser le coût des médicaments - qui est invraisemblablement élevé en Suisse alors même que beaucoup d'entre eux y ont été créés. Il est tout de même un peu singulier d'imaginer que la population suisse serait la seule à payer une recherche dont la «boîte» pharmaceutique profite par une étendue à la vente du médicament dans le monde entier... Alors, voilà des choses dont on pourra discuter !
Et puis, nous pourrons aussi - c'est important - nous sensibiliser à d'autres domaines que les caisses: quelle est la validité que l'on va continuer d'accorder aux scientifiques qui, chaque année, abaissent un peu le seuil de ce qu'on appelle «trop de cholestérol» ou «trop de sucre», au motif que c'est bien de le traiter plus tôt - pour mourir à 135 ans plutôt qu'à 129... - en vendant pour cela des médicaments pendant vingt ans, médicaments dont la personne concernée n'a vraisemblablement pas besoin ?!
Voilà pourquoi cela vaut la peine de faire un détour en commission ! Parce qu'on y abordera d'autres aspects qui dépassent le simple problème des caisses maladies, soit la perception que l'on peut avoir ou non de ce qu'est une maladie.
Je vous prie donc de renvoyer cette motion en commission de la santé. Je me réjouis déjà d'une discussion qui sera nourrie et d'impératives corrections qui devront être apportées à certaines invites, si vous désiriez nous adresser, par la suite, cette motion.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1656 à la commission de la santé est adopté par 63 oui contre 5 non et 13 abstentions.