Séance du
vendredi 7 avril 2006 à
17h
56e
législature -
1re
année -
7e
session -
33e
séance
PL 9328-B
Premier débat
M. Claude Aubert (L), rapporteur. Pour celles et ceux qui, peut-être, ne sont pas au courant de l'ampleur de ce projet de loi, je rappellerai en quelques mots qu'il s'agit d'une loi-cadre qui a permis d'inclure dans un seul texte un ensemble de dispositions législatives complétées et actualisées et qui permet aussi un certain nombre d'innovations.
Historiquement, c'est en avril 2002 que le Conseil d'Etat nomme une commission extraparlementaire sous la présidence de M. Gobet, directeur de cabinet, pour élaborer un avant-projet. Le 17 décembre 2003, le Conseil d'Etat lance une procédure de consultation auprès des départements et organisations intéressés: 77 organisations cantonales et fédérales; 8 organisations et 2 personnes physiques; 58 réponses parvenues au DASS. C'est dire la préoccupation du département de réunir les avis extrêmement diversifiés.
Ce projet de loi, qui fera date, vous est soumis maintenant en discussion plénière, et je me réjouis de pouvoir parvenir au vote final.
Mis aux voix, le projet de loi 9328 est adopté en premier débat par 72 oui (unanimité des votants).
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 1 à 3 et l'alinéa 1 de l'article 4.
La présidente. A l'alinéa 2, nous sommes saisis d'un amendement présenté par Mme Fehlmann Rielle, M. Christian Brunier et M. Alain Charbonnier. Je vous le lis: «Quand un projet législatif peut avoir une influence sur la santé, le Conseil d'Etat l'accompagne d'une évaluation de son impact potentiel sur la santé». Monsieur Charbonnier, vous avez la parole.
M. Alain Charbonnier (S). Notre amendement est tout simple, il consiste à revenir au texte original qui avait été proposé par le président du DASS de l'époque - maintenant «département de l'économie et de la santé» - et qui demande, lorsqu'un qu'un projet législatif quel qu'il soit a un impact sur la santé, qu'il soit accompagné d'une évaluation de son impact potentiel sur cette santé. Cela paraît simple et évident, et prendre les précautions d'usage dans le domaine de la santé est la moindre des choses. C'est déjà le cas actuellement, mais il s'agit simplement d'inscrire cela dans la loi.
Or, en commission, des commissaires ont voulu supprimer complètement cet alinéa. Le Conseil d'Etat est revenu avec un amendement lui donnant la possibilité de décider d'accompagner une évaluation de son impact potentiel sur la santé, et nous, nous estimons que dès qu'un projet législatif a un impact sur la santé, il doit s'accompagner de cette évaluation. Donc, nous vous prions d'accepter notre amendement.
M. Claude Aubert (L), rapporteur. Il est utile que nous reprenions tranquillement cet amendement, puisque nous avons, en commission, discuté longuement de la formulation. Le sujet est donc important et mérite qu'on lui consacre un petit moment.
En commission, une certaine majorité a réfléchi aux conséquences pratiques de la formulation initiale et, au fond, s'est posé une quantité de questions sur les limites possibles. En effet, la santé étant définie d'une manière exhaustive, comment peut-on savoir si un projet de loi aura ou non une répercussion sur la santé, et à quel niveau ? Je prends un seul exemple: lorsque vous avez une loi sur le chômage, compte tenu des répercussions de ce dernier sur la santé, est-ce que cette formulation imposerait des expertises quant aux conséquences de cette loi sur les formulations législatives ? Par conséquent, cela entraînerait toute une série de travaux, voire de perturbations, étant donné tout ce qui a trait, par exemple, aux transports ou à l'aménagement ? En fait, tout peut avoir un impact sur la santé... C'est pourquoi la majorité de la commission avait demandé que l'on supprime cet article; ensuite le Conseil d'Etat est revenu avec le texte du projet de loi 9328B.
Quand on se penche sur l'amendement, il est assez difficile de savoir quelles sont les nuances... Premièrement, on lit: «Quand un projet législatif...» - et dans le texte du projet de loi, on lit: «Si un projet législatif...». Deuxièmement, dans l'amendement, c'est: «... peut avoir une influence sur la santé»; dans le texte du projet de loi, c'est: «... est susceptible d'engendrer des conséquences négatives sur la santé...». Troisièmement, dans l'amendement, c'est: «... le Conseil d'Etat l'accompagne d'une évaluation...» - dans le texte du projet de loi, c'est: «le Conseil d'Etat peut décider de l'accompagner...».
Donc, il y a une grande différence entre l'amendement et le texte qui est proposé ! Cela donne au Conseil d'Etat la latitude de pouvoir définir si on doit aller plus loin ou non. Et c'est ce texte qui a été adopté par une grande majorité de la commission.
M. Christian Brunier (S). Lorsqu'on veut refuser quelque chose, on peut toujours complexifier les choses... La différence est claire: lorsqu'un projet a un impact sur la santé, on demande une évaluation. Toutes les fois ! Or actuellement, ce n'est pas indiqué dans la loi, et c'est cela la grande différence. C'est: vous laissez le choix au gouvernement de décider s'il veut ou non procéder à une étude d'impact sur la santé par rapport à tel ou tel projet législatif. Et s'il y a une incidence, présumée, d'un projet sur la santé publique, nous pensons que le gouvernement se doit absolument de faire une étude d'impact. Lorsqu'on s'occupe d'aménagement du territoire, maintenant on ne se pose plus les questions... Quand il y a un aménagement, des études d'impact sont réalisées dans de nombreux domaines, notamment au niveau environnemental. Eh bien, au niveau de la santé, nous pensons que c'est la moindre des choses de demander cela ! Le Conseil d'Etat l'avait prévu, visiblement il pensait que cette démarche n'était pas d'une lourdeur absolue.
Nous demandons simplement de revenir à la sagesse du Conseil d'Etat et de rétablir l'article comme il l'était.
M. Michel Forni (PDC). Il est évident que dans la santé comme dans d'autres milieux on peut toujours recourir à l'inflation législative ! L'inflation, c'est du temps, c'est de l'argent. Et je rappellerai à M. Brunier que quand on travaille en médecine, on travaille par phases, par études. Et lorsqu'un projet est lancé, il a toujours un impact. Alors, la médecine n'est pas une science exacte, c'est vrai, mais c'est en principe une succession d'événements qui permet d'apprécier, d'analyser et d'«y aller». Donc, lorsqu'un Conseil d'Etat est en mesure d'envisager un objectif, de le fixer et de l'atteindre, il est évident qu'il prend des mesures ! Alors attention: soignants, soignés, «acteurs juridiques» - appelons cela ainsi - disposent d'un cadre légal qui est le même.
L'objectif, c'est de maîtriser les nouvelles subtilités de la réglementation, mais c'est aussi d'arrêter l'inflation législative. Il faut cesser de devoir lutter contre cette dernière. Donc, dans ce sens-là, je propose de renoncer à cet amendement.
M. Gilbert Catelain (UDC). Effectivement, la commission a longuement débattu de cet objet, et je crois qu'elle l'a traité en toute confiance. Le débat a été long mais pas passionné, c'est un débat rationnel. D'ailleurs, à la commission de la santé il n'y a, en principe, pas de clivages politiques.
La commission a décidé de ne pas entrer en matière sur cet aspect de la loi. Parce qu'il est possible d'imaginer que la multiplication d'études d'impact poursuive le but politique de freiner n'importe quel objet d'investissement dont on peut se douter qu'il aura un impact sur la santé... Exemple: la traversée de la Rade. Faisons une étude d'impact sur la santé dans le cadre de la traversée de la Rade... (Remarques. Brouhaha.) Par exemple !
Donc, rien qu'en raison de ce motif et des coût engendrés par les études d'impact que l'on pourra réaliser tout au long de l'année - plus le développement de lobbies dans lesquels M. Brunier et ses amis ont des intérêts - je vous propose de renoncer à voter cet amendement.
M. Christian Brunier (S). Si vous voulez lutter contre l'inflation législative, il faut supprimer cet article. Car inscrire dans une loi «le gouvernement peut faire quelque chose»... Il peut toujours le faire ! Là, vous vous donnez un peu bonne conscience, vous dites: «S'il y a un impact sur la santé, le gouvernement "peut" faire une étude d'impact»... S'il a envie, n'est-ce pas ?! Cet article ne sert à rien.
Soit l'on pense que, s'il y a une incidence sur la santé, on doit faire une étude d'impact - alors on l'écrit clairement dans la loi et le gouvernement doit faire cette étude ! Soit on dit: «Le gouvernement fait ce qu'il veut», et l'on supprime carrément cet article. Mais ne faites pas des articles pour faire des articles ! C'est ça, l'inflation législative ! Et prévoir un article stipulant: «Le gouvernement peut faire...», cela ne sert à rien et c'est du texte juste pour se donner bonne conscience ! (Remarques. Brouhaha.)
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 53 non contre 13 oui et 8 abstentions.
Mis aux voix, l'alinéa 2 de l'article 4 est adopté, de même que les alinéas 3 à 6.
Mis aux voix, les articles 5 à 70 sont adoptés.
Mis aux voix, les alinéas 1 et 2 de l'article 71 sont adoptés.
La présidente. Nous sommes saisis d'un amendement à l'alinéa 3. Il est présenté par Mme Laurence Fehlmann Rielle et M. Alain Charbonnier. Je vous le lis: «Le Grand Conseil sur proposition du Conseil d'Etat se prononce sur toute modification de la liste des professions de la santé qui figure dans le règlement de la présente loi. Le Conseil d'Etat établit périodiquement par voie réglementaire les conditions spécifiques des droits de pratique de ces professions». Madame Fehlmann-Rielle, vous avez la parole.
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Cet alinéa a aussi fait l'objet de discussions controversées et c'est pourquoi nous proposons un amendement.
Il nous semble que le Grand Conseil doit avoir un droit de regard sur la liste des professions de la santé. D'ailleurs, plusieurs organismes auditionnés se sont exprimés dans le même sens, notamment pour des raisons de transparence et d'information du public. Il a été objecté à cela qu'il était trop compliqué et trop lourd d'effectuer un changement chaque fois qu'il y avait une modification de la liste.
Pour notre part, nous pensons que la liste ne se change pas toutes les cinq minutes et qu'il est tout à fait possible d'interroger le Grand Conseil lorsque c'est nécessaire, lors d'une modification ou d'une adjonction des professions de la santé. C'est pourquoi nous vous demandons de tenir compte de notre amendement et de l'accepter.
M. Claude Aubert (L), rapporteur. Je pense qu'il est utile de s'arrêter sur cet amendement. Il s'agit d'un point tout à fait central parce qu'il faut déterminer sur un plan vraiment politique ce que nous voulons. Le débat est donc ouvert, il a été important lors de nos travaux en commission.
Juste pour illustrer ce dont il s'agit, je vais vous lire la liste des professionnels de la santé autres que les médecins dentistes, pharmaciens et médecins. Voici la liste actuelle des professionnels de la santé: «ambulanciers, assistants médicaux et médecins dentistes, assistants en médecine dentaire, assistants pharmaciens, assistants en podologie, chiropraticiens, diététiciens, droguistes, ergothérapeutes, hygiénistes dentaires, infirmiers, logopédistes, opticiens, ostéopathes, pédicures podologues, physiothérapeutes et masseurs kinésithérapeutes, préparateurs en pharmacie, psychologues, psychomotriciens, sages-femmes, techniciens ambulanciers».
La question qui se pose est que, si le Conseil d'Etat agit par voie réglementaire, il est effectivement en charge de déterminer ce dont il s'agit. Or, si l'on admet que c'est le Grand Conseil qui se prononce, la question - qui ne semble pas encore tout à fait bien précisée - est alors de savoir sous quelle forme. De plus, si le Grand Conseil devait se prononcer, cela signifie-t-il qu'il y a un projet de loi ? Je ne le sais pas, mais il devrait alors être renvoyé en commission. De ce point de vue-là - Mme Fehlmann Rielle l'a bien relevé - pour qu'une éventuelle nouvelle profession puisse être avalisée, on rencontrerait des problèmes relatifs à la durée des travaux, vu la longueur de nos ordres du jour.
Je pense que c'est là une question très intéressante et serais heureux que nous puissions nous déterminer d'une manière claire et catégorique, car il s'agit d'un choix politique.
M. Alain Charbonnier (S). M. Aubert l'a dit: c'est effectivement un choix politique. Mais je crois que l'un des points les plus importants de ce projet de loi est le choix des professions de la santé qui figurent dans cette liste. Vous avez un petit problème par rapport à la procédure... Mais il suffit que le Grand Conseil vote une résolution demandant une modification du règlement.
Si l'on a déposé cet amendement sous cette forme-là et que l'on ne demande pas que la liste figure dans la loi, c'est pour ne pas alourdir le travail et pour que le Conseil d'Etat et ses services aient tout loisir de régler les détails avec les associations professionnelles qui demanderaient l'inscription ou l'annulation d'une profession. Parce qu'on peut aussi imaginer ce cas de figure ! Finalement, la décision serait prise au sein de notre Conseil, sous forme de résolution, ce qui ne demande pas un travail législatif énorme. A ce moment-là, le Conseil d'Etat viendrait avec une proposition complète, déjà étudiée, et nous n'aurions qu'à avaliser la décision du Conseil d'Etat ! Cela nous laisse quand même la possibilité de donner notre avis sur l'instauration de nouvelles professions. Et, il faut quand même le dire, même si la liste paraît longue - lorsque vous l'énumérez ainsi, Monsieur Aubert - elle ne s'est pas faite en trois semaines ! Et elle ne se modifie pas toutes les trois semaines. Ces professions ont nécessité du temps pour être inscrites, non seulement à cause du travail parlementaire, mais parce qu'il a fallu du temps pour qu'elles soient reconnues par les pairs de ces professions, que ce soit par les médecins ou par d'autres.
Nous pouvons donc tout à fait aller dans ce sens, cela ne représentera pas une démarche trop lourde et laissera le choix politique aux députés qui décideront de l'ajout ou du retrait d'une profession dans cette liste.
La présidente. Nous allons nous prononcer sur l'amendement concernant l'alinéa 3 de l'article 71.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 54 non contre 25 oui.
Mis aux voix, l'alinéa 3 de l'article 71 est adopté.
Mis aux voix, l'article 72 est adopté, de même que les articles 73 à 138.
Mis aux voix, l'article 139 (souligné) est adopté.
(La présidente est applaudie à l'issue de l'énumération des nombreux articles.)
La présidente. Je vous remercie ! Monsieur le conseiller d'Etat, vous avez la parole.
M. Pierre-François Unger, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, avant de répondre, par un oui tonitruant, à la question du troisième débat, j'aimerais simplement vous dire que votre parlement - du moins je l'espère - va adopter cette loi-cadre sur la santé, qui modifie très profondément le paradigme législatif entourant la santé.
En effet, à l'heure actuelle, il y a une dizaine de lois qui regroupent un peu plus de 700 articles, qui ne traitent que de la maladie, d'une part, et des structures chargées de s'en occuper, d'autre part. A travers cette loi sur la santé, on s'aperçoit que les soins ne sont qu'une étape d'un processus infiniment plus complexe, qui est celui de la santé, tel que l'OMS l'a décrit.
Et puis, nous avions voulu élaborer cette loi - et je remercie aussi bien la commission extraparlementaire, qui a entouré la naissance du projet de loi, que votre commission de ce Grand Conseil, qui a accompagné cette naissance pour de vrai - loi qui devrait pouvoir entrer en vigueur relativement rapidement, en plaçant l'être humain dans sa globalité au centre du dispositif qu'entoure la santé.
Vous avez été d'accord à cet égard de renforcer significativement la responsabilisation des partenaires en matière de communication, en matière d'information, en matière de droits, en matière de devoirs - et ça n'est pas si fréquent ! - et, bien sûr, en matière de formation. Vous avez introduit cette notion, si importante à l'heure où nous luttons les uns comme les autres contre l'explosion des coûts de la santé: la notion du médecin de confiance, celle qui permet d'avoir un médecin référant qui devient votre allié thérapeutique au cours de l'épreuve que peut être l'atteinte à la santé. Vous avez privilégié l'autonomie du patient; vous avez aidé à comprendre ce qu'était la capacité de discernement, aussi bien à travers son obligation - s'agissant de l'acceptation d'actes de diagnostic ou d'actes thérapeutiques - que son renoncement - à travers les normes en matière de directives anticipées; et puis, vous avez préalablement accepté de revoir la composition de la commission de surveillance des professions de la santé, mais surtout d'y adjoindre la fonction de la garantie des droits des patients.
En résumé, j'aimerais remercier toutes celles et ceux qui ont contribué à ce travail. Il est vrai que si les débats ont été longs, ils ont été sereins - comme l'a dit le député Catelain - essayant chaque fois de se pencher sur le fond, sur l'essence même de ce que l'on voulait dire à travers ce texte, plutôt que de se disputer autour de choses à caractère politicien.
Alors ici - au nom de celles et ceux qui m'ont accompagné dans l'élaboration du projet qui vous avait été soumis - à vous, qui nous avez soutenus afin qu'il aboutisse, j'aimerais vraiment vous dire un grand merci !
Troisième débat
La loi 9328 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 9328 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 83 oui et 1 abstentions. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)