Séance du
jeudi 6 avril 2006 à
20h30
56e
législature -
1re
année -
7e
session -
31e
séance
R 507
Débat
M. Christian Brunier (S). Vous le savez, Swisscom a deux genres d'activités, en quelque sorte, et je pense que nous devons mener ce soir un débat qui dépasse le dogmatisme qui règne trop souvent dans ce parlement, pour parler clairement de ce qui peut être privatisable ou pas.
Swisscom a d'abord une activité purement de services. Sur ce point, franchement, même la gauche est relativement ouverte au fait que des privés puissent assumer ces fonctions-là, le fait que MSN ou que l'internet soient fournis par des publics ou des privés n'a que peu d'importance. Sur cette partie-là, on pourrait entrer en discussion, mais c'est la partie la plus rentable aujourd'hui pour Swisscom: elle lui permet d'équilibrer ses comptes et de dégager des profits pour cette société publique.
Toute la partie restante représente des activités liées à l'infrastructure. Aujourd'hui, de nombreuses régions sont desservies en réseaux par Swisscom: en réseau fibre de cuir, en réseau fibre optique, en réseau hertzien, parce qu'elles ne sont pas dans une logique de marché. Il y a des régions de Suisse - Genève échappe peut-être un peu à cela - qui ,si on appliquait une logique de marché, ne seraient pas rentables et tout simplement pas desservies en termes de télécommunications et de nouvelles technologies. Or on sait l'importance, aujourd'hui, pour une société, pour un pays comme le nôtre, d'être à l'avant-garde en matière de télécommunications et en matière de nouvelles technologies.
Dans notre pays, seul Swisscom permet d'établir de telles prestations. Donc, l'idée du gouvernement suisse de brader Swisscom est une mauvaise idée. Nous connaissons, certes, une situation financière nationale difficile, mais elle ne l'est pas au point de devoir vendre les actifs de Swisscom - gros centre de profits pour la Confédération - et de liquider purement et simplement cette société publique florissante, qui est un fleuron au niveau national. Cela, nous ne pouvons pas l'accepter ! Et nous ne comprenons vraiment pas la position du gouvernement genevois à ce sujet, puisque Genève a une tradition, celle de défendre le service public, d'ailleurs exprimée plusieurs fois par les électeurs, par les citoyens. En effet, des quartiers et des communes se sont mobilisés pour défendre leur service public. Et, jusqu'à présent, Genève a toujours été un moteur au niveau national pour la défense d'un service public efficace, servant avec équité les citoyens et citoyennes de ce canton et de ce pays. Donc, le fait que Genève, par la voix de son gouvernement, donne une sorte de blanc-seing à la privatisation de Swisscom est un acte grave ! Et aujourd'hui, nous voulons contrecarrer cela... (Remarques.) ... pour que le parlement... (Brouhaha.) Les libéraux, là, vous vous moquez beaucoup de la population ! Nous voulons que le parlement donne un message contraire à celui du gouvernement suisse et à celui du gouvernement genevois. C'est-à-dire que nous voulons que Swisscom poursuive son activité et son rôle de service public, avec une vraie cohésion nationale qui permette à des régions défavorisées de bénéficier d'un service de qualité en matière de télécommunications et de haute technologie !
Pour toutes ces raisons, et pour donner un autre écho que celui du gouvernement genevois, c'est-à-dire un écho contre la privatisation de Swisscom, nous vous invitons à voter cette résolution, avec l'amendement du PDC, qui permet, je crois, de trouver une majorité au sein de ce parlement.
M. Guy Mettan (PDC). En lisant les journaux ce matin, vous avez pu constater qu'effectivement Swisscom faisait l'actualité, parce que le Conseil fédéral, pour la énième fois, publie son avis sur l'avenir de Swisscom, prolongeant la «cacade» qui règne depuis plusieurs mois concernant cette importante entreprise publique.
Comme vous le savez, le PDC est attaché - il l'a fait savoir plusieurs fois, notamment au niveau fédéral - à ce que les pouvoirs publics, en l'occurrence la Confédération, conservent en tout cas une minorité de blocage, voire plus, qui préservent à la fois les intérêts de l'Etat et des citoyens contribuables suisses dans leur ensemble. Donc, nous tenons à ce que Swisscom conserve une partie importante de son actionnariat en mains publiques. Il en va de l'orientation stratégique de cette entreprise et, en même temps, de tout ce qui concerne les nouvelles technologies: télécommunications, téléphonie, internet, car on ne sait pas ce que l'avenir nous réserve. Et je crois qu'il est important que l'Etat puisse garder un oeil - même plus qu'un oeil - soit un certain pouvoir d'orientation sur de cette entreprise.
Encore une remarque: le cas de Swisscom est exactement l'inverse de celui de Swissair. Parce que dans le cas de Swissair, cette entreprise s'était précipitée à l'étranger dans une stratégie d'acquisition qui s'est révélée suicidaire, alors qu'en fait son management était mauvais; dans le cas de Swisscom, c'est exactement l'inverse: son management est bon - et reconnu comme tel. Même les rangs libéraux devront reconnaître que l'action Swisscom se porte bien, que dans leurs portefeuilles bien garnis elle ne dépareille pas, et cela grâce à un bon management. Dans le cas de Swisscom, nous avons donc un bon management, et, lorsqu'il s'est agi de permettre à cette société de procéder à des acquisitions qui pouvaient être intéressantes, et qui n'étaient pas pourries comme dans le cas de Swissair, eh bien, on ne l'a pas laissée faire... Le résultat de tout cela a été la chute des actions, des cours, et de faire perdre au peuple suisse des milliards de francs. Si ça, c'est de la bonne politique, eh bien, je veux bien qu'on me pende ici même ! (Chahut.) Je sais toujours trouver les mots qui suscitent une réaction positive... Et quand je sens l'attention un peu faiblir, j'essaie de la relancer. (Chahut.)
Tout cela pour vous dire, Mesdames et Messieurs, que l'amendement qui vous est proposé ce soir me paraît tout à fait acceptable, parce qu'il préserve l'avenir de cette société, importante pour le développement de la Suisse. Et les Genevois, qui ont appris il y a vingt-quatre heures que Telecom revenait à Genève, n'ont pas besoin de longues explications à ce sujet. Cela devrait vous convaincre également du bien-fondé de cet amendement.
M. Jacques Jeannerat (R). Je comprends bien que des choses sensibles comme la téléphonie et une institution comme Swisscom peuvent hérisser le poil de certains quand on parle de privatisation, mais je crois qu'il faut remettre les compétences au bon échelon. C'est un problème fédéral et je crois que ce sont les Chambres fédérales qui doivent discuter de cela. Nous avons tous dans ce parlement - à l'exception du «dernier petit jeune» MCG - d'excellents représentants aux Chambres fédérales. Nous avons de fortes personnalités qui représentent Genève, donc c'est à elles de discuter de cela.
Vous avez voulu ouvrir le débat, et nous allons quand même donner deux ou trois arguments. D'abord, le principe de la privatisation revient aux Chambres fédérales, c'est sûr, mais je vous rappelle que le projet, en parallèle, comporte des mesures d'accompagnement, notamment la mesure principale qui, dans la loi, fixe à Swisscom l'obligation du service universel, même si cette société était privatisée. C'est fondamental et cela permet aux radicaux d'avoir confiance en ce principe de privatisation, donc de s'opposer à cette résolution. Et si la décision de principe de la privatisation revient aux Chambres fédérales, c'est - du moment qu'on va la faire voler de ses propres ailes - à Swisscom de décider quand elle va vendre ses actions. C'est important, parce qu'elle doit choisir le moment opportun pour pouvoir rentabiliser cette vente de manière optimale.
Voilà, vous avez compris, Mesdames et Messieurs: les radicaux sont opposés à cette résolution, ils font confiance aux excellents parlementaires fédéraux qui représentent Genève à Berne.
M. Yves Nidegger (UDC). Effectivement, c'est un débat de nature fédérale, et il est un peu curieux qu'à Genève nous ayons ces «Genfereien» devenues célèbres qui consistent à intervenir dans le débat national. Cela étant, que Swisscom appartienne à la Confédération en majorité ou qu'elle appartienne à quelqu'un d'autre, rien ne changera au fait que cette société est liée par une obligation de service industriel... Pardon: de service universel ! (Rires.) C'est un lapsus, peut-être freudien. (Brouhaha.) Je reprends: cette société est liée par une obligation de service universel dans l'exploitation d'un réseau dont elle ne dispose pas librement.
Il ne s'agit pas de perdre la maîtrise de cette société et d'influer sur des choix stratégiques qui, de toute façon, ont déjà échappé depuis la nouvelle situation à la Confédération. Cette société doit être vendue parce qu'aujourd'hui elle vaut beaucoup d'argent et que demain elle en vaudra beaucoup moins. Au cours des débats de ces derniers mois sur cette question, certains ont dit vouloir cesser de voir Swisscom perdre des parts de marché. Il est vrai qu'en tant qu'opérateur sur un réseau qu'elle doit partager, dont elle doit autoriser l'accès à d'autres opérateurs depuis quelques années - c'est ce qu'on appelle «le dernier kilomètre», qui va même peut-être lui être retiré - Swisscom perd des parts de marché. Et, pour essayer d'en regagner ailleurs, elle a eu cette idée lumineuse d'acheter un opérateur comme «Eircom» qui, lui aussi, est tenu par des obligations de service public et, par conséquent, se trouve dans la même situation, c'est-à-dire confronté à des incombances lourdes et à une perte de ses parts de marché. Ce n'est pas en réunissant divers canards boiteux européens que l'on fait voler une société...
Encore une fois, cette société vaut aujourd'hui beaucoup d'argent, mais elle en vaudra certainement beaucoup moins demain. Pourquoi vaut-elle beaucoup d'argent ? Parce qu'elle réalise des bénéfices importants qu'elle distribue à ses actionnaires - dont la Confédération, c'est tout à fait exact. Et pourquoi peut-elle distribuer de confortables dividendes et réaliser autant de bénéfices ? Parce que, par atavisme, les Suisses restent fidèles à Swisscom qui est une société historique, ce qui lui permet de pratiquer des prix très au-dessus du marché, non concurrentiels, et par conséquent destinés, avec le temps, à s'effacer. C'est donc maintenant qu'il faut vendre. Dès le moment où l'on a décidé de vendre, l'idée de garder une minorité de blocage est une idée absurde d'un point de vue économique, car, en restant actionnaires, vous restez devoir renflouer le capital le jour où ça ira mal - façon Swissair - sans toutefois, puisque c'est une minorité dite «de blocage», pouvoir influer véritablement sur quoi que ce soit de stratégique et pouvoir diriger la société.
Pour faire court et pour conclure, finalement le Conseil fédéral mène un peu la même politique que notre Conseil d'Etat, laquelle consiste à faire du cash en libérant ou en vendant des actifs afin de rembourser la dette cantonale de 19 milliards. C'est donc une bonne opération qui doit s'effectuer maintenant. Et tergiverser nous expose à des pertes et à des inconvénients.
Donc, le groupe UDC refusera l'entrée en matière sur cette question et refusera aussi l'amendement PDC.
M. Pierre Weiss (L). Vous connaissez cette expression proverbiale selon laquelle «les Suisses se réveillent tôt et se lèvent tard». Ici, nous avons une variante: les Suisses se réveillent tard et se lèvent encore plus tard... Puisqu'à la date du dépôt de cette résolution, la procédure de consultation fédérale était terminée. En d'autres termes, nous pouvons évidemment débattre, nous disputer, polémiquer, parlementer, faire tout ce que nous voulons, et même adopter ou même rejeter, peu importe, l'affaire est close.
Il y avait le renfort de Sézegnin; il y a l'absence de renfort de Genève, qui ne sert à rien. Nous avons vu tout à l'heure qu'en matière internationale nous étions irrelevants; nous essayons de prouver qu'en matière nationale nous le sommes aussi - nous allons certainement le démontrer ce soir.
Je voulais juste faire une ou deux observations en ce qui concerne les considérants de cette proposition de résolution. La première est que nous avons vu l'entreprise Swisscom prendre certains risques à l'étranger: elle les a pris avec des conséquences qui n'ont pas été forcément heureuses pour les actionnaires. Je comprends que certains veuillent accentuer ces risques et faire en sorte que, par la suite, les actionnaires, à savoir le peuple suisse via la Confédération, supportent davantage encore des pertes qui pourraient advenir d'une gestion qui ne serait pas nécessairement heureuse... Bien entendu qu'elle pourrait être heureuse, et avec bénéfices, mais elle pourrait aussi être malheureuse. Chacun prendra ici ses responsabilités, le groupe libéral n'entend pas faire porter sur les épaules de la population ce type de risques, qui est par essence celui d'une entreprise privée. L'expérience Swissair aurait dû nous instruire, je vois qu'elle n'a pas instruit chacun parmi nous.
Le deuxième point est, plus fondamentalement, que, sur la question qui nous est proposée, le gouvernement a eu une prise de position que certains considèrent comme étant excessive. A titre de faction représentée au sein de ce parlement, nous la considérons comme particulièrement frileuse. Néanmoins, elle va dans la bonne direction: il s'agit de voir non pas une minorité de blocage comme solution mais, au contraire, un mandat de prestations. Parce qu'effectivement, et sur ce point nous sommes entièrement d'accord avec les auteurs de la résolution, il est essentiel que la mission de service au public que doit fournir l'entreprise Swisscom soit garantie. Qu'en d'autres termes des conditions extrêmement strictes pour les habitants des vallées les plus reculées - donc pas seulement du canton de Genève, mais aussi des villages les plus éloignées du centre - soient respectées. Il faut que les habitants des vallées les plus reculées soient connectés à ce réseau et que les débits à haute vitesse soient offerts à des conditions concurrentielles. Mais précisément à des conditions concurrentielles, ce n'est pas encore absolument le cas: pour ceux d'entre vous qui regardent les étranges lucarnes françaises, il suffit de voir les tarifs auxquels les compagnies françaises offrent le haut débit pour se rendre compte que Swisscom n'est pas réellement concurrentielle.
Voilà pourquoi un mandat de prestation - un retrait de la Confédération qui cesserait de faire prendre aux contribuables de ce pays des risques inutiles - devrait, au fond, réunir les avantages maximaux qui doivent nous concerner, à savoir le meilleur service, au moindre coût et au moindre risque. Raison pour laquelle le groupe libéral, évidemment, refusera et cette résolution et les amendements qui sont proposés par nos amis démocrates-chrétiens qui, en la matière, manquent pour le moins de courage mais veulent faire porter les risques aux autres ! (Exclamations.)
M. André Reymond (UDC). Il est vrai que Swisscom est une entreprise florissante. Mais il est facile d'être une entreprise florissante lorsque l'on peut facturer à un prix plus élevé que l'exige la loi du marché - nous le voyons avec nos voisins européens. Nous ne nous en souvenons pas, mais il a été relevé ce soir, c'est l'exemple de Swissair... Nous avions peut-être un bon management en Suisse, mais en l'exportant les propriétaires de Swissair, donc les actionnaires et les caisses de pension, ont beaucoup perdu. Parce qu'on a précisément voulu aller à l'étranger. Et je pense que le Conseil fédéral a eu raison de dire: «Attention, n'allons pas acheter d'autres réseaux à l'étranger».
Ce soir, je crois pouvoir saluer le courage du Conseil d'Etat qui, même si cela ne relève pas de son domaine d'action, prend position. En effet, il a eu le courage de le faire, et je tiens à l'en féliciter - vous avez pris position, reconnaissez-le, Monsieur le président ! Les repreneurs de Swisscom auront certes l'obligation d'assurer le service de prestations dans les vallées les plus retirées, donc il ne faut pas menacer la population et affirmer que, si Swisscom est privatisée, les vallées reculées n'auront plus de service à leur disposition.
Il faut se rendre compte qu'il n'y a pas que Swissair, et que nous devrons aussi, dans les services industriels, prendre des mesures qui ne seront peut-être pas agréables pour la gauche de ce parlement. Avant de conclure, je rappellerai qu'à un moment donné les CFF ont aussi voulu investir sur le réseau en Grande-Bretagne, mais heureusement que la sagesse a prévalu et que cela n'a pas été réalisé.
Donc, le groupe UDC recommande de refuser cette résolution. Et puis, laissons le soin au parlement fédéral de décider à quel moment le Conseil fédéral pourra vendre Swisscom !
Mme Ariane Wisard-Blum (Ve). On le sait, Swisscom est fortement et de manière irresponsable menacée par les intentions du Conseil fédéral. Pour le Verts, le service public ne doit pas être géré par de grandes entreprises privées dont la seule ambition est un bénéfice juteux, sans garanties pour la population si, à l'avenir, ces bénéfices devaient diminuer. Il est certain qu'une privatisation aurait des répercussions négatives sur l'infrastructure des télécommunications offertes à la population suisse, surtout parmi ceux qui habitent des régions reculées, et nous craignons aussi qu'une telle décision n'entraîne de grandes et lourdes suppressions d'emplois.
Nous regrettons et condamnons vivement le message du gouvernement genevois adressé à Berne, qui va à l'encontre des intérêts de la population genevoise et de la population suisse: car soutenir une minorité de blocage ne conférerait plus à la Confédération le pouvoir de définir la stratégie de Swisscom, et Berne aurait par contre le devoir d'intervenir en cas de problèmes. Il va sans dire que le contribuable passerait alors à la caisse, à raison peut-être de plusieurs milliards, pour combler des lacunes du service public au service privé.
Les Verts souhaitent faire savoir aux autorités fédérales que le parlement genevois désapprouve de voir la majorité du capital de Swisscom passer en mains privées. Par ce message, nous voulons nous engager solidairement aux côtés de la population de notre pays pour que Swisscom soit un vrai service au public. Nous soutiendrons donc cette résolution amendée par le groupe PDC.
M. Christian Brunier (S). Mesdames et Messieurs les députés, je suis quand même soufflé en vous écoutant. Nous n'arrêtons pas d'entendre les libéraux ou l'UDC affirmer que le secteur privé sait gérer les affaires et que le secteur public ne le sait pas trop... Aujourd'hui, que nous dites-vous ? Que le public doit se débarrasser rapidement de Swisscom, parce que l'entreprise est florissante aujourd'hui mais que, demain, cela sera «la cata»... Et comme par hasard, il y a de très nombreux privés - les bons gestionnaires que vous félicitez continuellement - qui se précipitent pour acheter ! Alors, il y a un truc que je ne comprends pas: soit ils n'ont rien compris à l'économie, et ils se précipitent pour acheter quelque chose qui va foirer, soit vous êtes en train de nous mentir !
Des voix. Oh ! (Brouhaha.)
M. Christian Brunier. Deuxième chose. Vous nous dites: «Nous prévoyons la décroissance de Swisscom.» Vous l'avez relevé, aujourd'hui Swisscom n'est pas compétitive au niveau des prix, et de loin pas. Néanmoins, vous l'avez aussi reconnu, peu de clients de Swisscom sont partis ailleurs par rapport à certaines comparaisons européennes. Cela signifie qu'en n'étant pas très compétitif, dans un marché libéralisé, le service public a conservé de nombreux clients. Pourquoi ? Parce que les gens ne réfléchissent pas qu'aux prix, ils réfléchissent aussi aux services ! Et vous savez très bien qu'aujourd'hui, en matière de couverture de télécommunications, en matière de fiabilité et de qualité de services, Swisscom est encore nettement meilleure que ses concurrents ! Alors, décroissance, peut-être... mais pas sûr ! Parce que, la stratégie économique, c'est souvent un peu de la spéculation sur ce qui va se passer ou pas. Vous, vous prévoyez la décroissance en affirmant que peu à peu les clients vont partir en plus grand nombre... Vont-ils partir en plus grand nombre alors que, vraisemblablement, Swisscom va être de plus en plus en compétitive ? Alors que son réseau reste le meilleur ? Et alors que dans bien des pays d'Europe nous voyons des clients, ayant quitté le service public pour aller vers des opérateurs multinationaux, reviennent au service public parce que ce dernier est un gage de qualité ? Votre spéculation économique repose donc sur peu de comparaisons européennes et sur une spéculation qui me semble plus idéologique qu'économique.
J'ai entendu MM. Nidegger et Jeannerat nous dire qu'en fin de compte cela ne nous concerne pas, que cela concerne la Confédération... Excusez-moi, mais les intérêts des citoyens de ce canton en tant que clients des télécommunications et des nouvelles technologies, cela doit concerner un peu le parlement ! D'autant plus que Berne a demandé au canton de Genève son avis. Alors, soit le parlement dit que l'avis du canton de Genève ne concerne que le gouvernement et que, nous, cela ne nous regarde pas... Ce serait franchement minimiser ce parlement. Je pense que le parlement a un mot à dire ! Et quand le gouvernement donne un mot d'ordre qui ne correspond vraisemblablement pas à ce que pensent les Genevoises et les Genevois - qui ont eu l'occasion d'exprimer leur opinion lors de mobilisations dans leurs quartiers et suite à des votes précis sur le service public - eh bien, le parlement a le devoir de corriger les choses ! Aujourd'hui, si une majorité de ce parlement dit non à la privatisation, cela signifie que le message de Genève ne sera pas simplement celui du gouvernement, lequel ne reflète pas celui de la population !
Alors, vous avez essayé, les libéraux et l'UDC, de rassurer les gens en nous disant: «Oui mais, même si c'est totalement privatisé, il y aura une assurance de service universel.» Déjà, ce n'est pas une assurance de service public: le service universel, c'est un service minimum offert à chaque citoyen ! Que veut dire en matière de télécommunications «le service minimum» ? Je ne suis pas sûr que beaucoup de gens en aient la même définition... Et à Berne en tout cas pas ! Je peux vous dire que, très vite, il y aura une logique implacable de marché. C'est normal ! Et les régions les plus défavorisées de ce pays disposeront de communications de mauvais ordre, elles n'auront plus accès aux nouvelles technologies. Ce n'est pas le mode de développement dont nous avons envie pour ce pays ! Ce n'est pas le mode de développement dont nous avons envie pour certaines communes de ce canton, les communes dans lesquelles vous habitez. Et là, on va se marrer, parce que c'est un peu comme les postes... Les postes, quand elles ont été fermées en ville, on ne voyait pas beaucoup de députés de droite se mobiliser; mais quand elles ont commencé à être fermées dans les villages, alors, d'un seul coup, parce qu'il s'agissait de «ses» postes, la droite a commencé à se mobiliser ! (Remarques. Brouhaha.) Eh bien, au niveau des télécoms, c'est un peu le même cas de figure !
Et puis, ma conclusion se rapporte à l'intervention de M. Jeannerat qui nous dit: «Ayez confianced: nous, nous faisons confiance aux bons radicaux qui défendent les intérêts des Suisses en matière de service public.» Alors, je lis la «Tribune de Genève» de ce matin et je vois que les bons radicaux - M. Merz, leur grand leader - déclarer: «La Confédération doit céder toutes ses parts.»... Ils sont en train de brader tout le service public un peu facilement ! (Exclamations.) Et moi je ne fais pas confiance à M. Merz. Et les Genevois et les Genevoises non plus, je crois ! (Applaudissements.)
M. Claude Jeanneret (MCG). Le groupe MCG va indiscutablement soutenir la demande d'amendement du PDC. Pour une raison très simple: nous sommes absolument convaincus que Swisscom est un service public. Or nous ne sommes pas convaincus que Swisscom ne doive pas céder une partie de ses parts, ne serait-ce qu'à des partenaires ayant éventuellement des technologies intéressantes et bien développées chez eux. Donc, il faut être un peu plus modéré quant au partage du capital. Par contre, nous partageons totalement l'idée que la maîtrise de la société doit rester suisse, parce que c'est un service public.
Je crois aussi que les bénéfices que Swisscom réalise maintenant ne sont pas nécessairement une preuve de bonne ou de mauvaise gestion. Lorsqu'on a la chance d'avoir un monopole, il est difficile de faire des déficits - ce n'est pas mon collègue Brunier qui va dire le contraire. Donc, ce qui me tarabuste un peu, c'est qu'il ne s'agit pas d'une question de profit ou de non-profit, c'est qu'il s'agit d'abord d'une société suisse qui rend un service au pays. Et je pense que le fait de partager son capital avec des gens ayant des compétences est séduisant. C'est la raison pour laquelle notre mouvement soutient complètement la motion PDC.
M. Yves Nidegger (UDC). Je voulais juste répondre à M. Christian Brunier, qui parle de mensonge économique, qu'une société se vend en bourse et que les gens qui achètent des actions le font parce qu'ils pensent qu'ils y gagneront de l'argent. Il peut très bien y avoir un pronostic économique défavorable pour l'avenir et une très bonne opération de bourse, pour autant qu'on la réalise au bon moment. Et il n' y a pas de mensonge économique à ce sujet, c'est maintenant qu'il faut vendre si l'on veut gagner de l'argent.
M. André Reymond (UDC). Je suis un peu étonné de voir que certains partis de gauche puissent, dans certains cas, se montrer nostalgique du passé. Je pense qu'il faut faire preuve de sagesse. Effectivement, Swisscom vaut quelque chose aujourd'hui et, à l'avenir, ce ne sera pas forcément le cas. Alors, que faire de ces milliards? Vous-mêmes - la gauche - vous demandez que l'âge de la retraite soit réduit... A un moment où tout le monde fait remarquer que l'on vit plus longtemps, puisque nous avons cette chance-là, il faudra peut-être augmenter l'âge de la retraite... Eh bien oui, peut-être que le groupe UDC proposera que ces milliards, par la vente de Swisscom, soient, éventuellement, non seulement affectés à la réduction de la dette mais entièrement versés à l'AVS ! (Remarques. Brouhaha.)
M. Pierre-François Unger, président du Conseil d'Etat. Loin des discours à caractère un peu posturaux que l'on a pu entendre autour de ce débat, le Conseil d'Etat a fait preuve d'un certain pragmatisme. D'un côté, il y a effectivement ce monde de la concurrence et d'une fantastique innovation technologique permanente en manières de télécoms, et, de toute évidence, rares sont les entreprises purement publiques qui sont à même de fournir la créativité nécessaire à l'essor de ces technologies. D'un autre côté, nous sommes attachés - tous, dans ce Conseil d'Etat - au service public. Il n'est pas question de privatiser complètement Swisscom. La question nous était posée, la réponse était claire: sans aucune ambiguïté, elle doit garder un pouvoir public qui exerce au minimum une minorité de blocage !
Une voix. Au minimum ?
M. Pierre-François Unger. Au minimum ! Au minimum une minorité de blocage ! Et cela pour une raison simple: la notion de service universel. Même si, Monsieur le député, je vous le concède, tout le monde en matière de télécommunications n'en aurait peut-être pas exactement la même définition. Il faut que le service public garde pour chacun et chacune des citoyens la possibilité de jouir de ce fantastique moyen de vivre ensemble qu'est celui de communiquer. La question que le Conseil d'Etat s'est posée est assez simple: pourrions-nous tolérer la faillite de Swisscom ? La réponse est clairement non ! Et quand on ne peut pas tolérer la faillite d'une entreprise, alors on ne peut la privatiser non plus ! Les choses sont assez simples et l'exemple de Swissair est éloquent à cet égard: à partir du moment où l'on privatisait cette entreprise, alors il fallait en accepter la faillite, ce que le Conseil fédéral de l'époque n'a pas su gérer en mettant encore quelques milliards pour une agonie qui n'en a que duré plus longtemps ! C'est exactement ce que nous ne voulons pas voir se reproduire.
Au fond, notre position n'est pas très éloignée de celle que, à n'en pas douter, vous allez prendre ce soir et nous accepterons volontiers de transmettre la position qui sera la vôtre. Parce que nous désirons un service universel, nous ne pourrions pas tolérer la faillite de Swisscom. Mais attention, au cas où il n'y aurait pas assez de possibilités d'innovation en matière de télécommunications, soyons - et soyez, vous qui êtes de fidèles défenseurs du service universel - attentifs à la politique des prix ! Parce que le fossé, à ce moment-là, ne se creuserait plus en raison de la distance de quelques zones éloignées, mais à l'intérieur même des zones urbaines, entre ceux qui peuvent payer et ceux qui ne le peuvent plus. Et à l'heure actuelle, les tarifs de Swisscom sont tels que beaucoup de gens doivent renoncer à un certain nombre des services qui sont offerts.
C'est pourquoi le Conseil d'Etat a défendu cette position, totalement pragmatique, qui n'est basée sur aucun dogme mais sur un principe de réalité que nous nous réjouissons de vous voir suivre.
Le président. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Nous sommes maintenant en procédure de vote. La proposition de résolution fait l'objet d'une demande d'amendement. Nous allons voter d'abord l'amendement, puis la résolution, amendée ou pas.
La proposition d'amendement de M. Guy Mettan - vous l'avez reçue sur vos bureaux - comporte deux différences par rapport au texte: la première est qu'elle s'adresse au Bureau du Grand Conseil plutôt qu'au Conseil d'Etat; la deuxième est qu'elle introduit la notion de totalité de la cession au lieu de la majorité, soit: «... invite le Bureau du Grand Conseil à communiquer, aux autorités fédérales, le refus du parlement genevois de voir privatiser totalement Swisscom.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 49 oui contre 28 non et 4 abstentions.
Mise aux voix, la résolution 507 ainsi amendée est adoptée et renvoyée aux autorités fédérales par 42 oui contre 35 non et 4 abstentions.