Séance du
vendredi 17 mars 2006 à
20h30
56e
législature -
1re
année -
6e
session -
28e
séance
M 1669
Débat
M. Gilbert Catelain (UDC). Cette proposition de motion s'inscrit dans le débat que nous avons depuis deux jours sur la mobilité et le transfert modal dans ce canton. Il apparaît que les travaux de la ligne du TCMC ont débuté depuis le début du mois de janvier, il s'agit de la ligne qui va relier Cornavin à Meyrin. Il apparaît aussi que le coût de cette ligne de tram a été estimé à près d'un demi-milliard de francs en 1998. On peut donc imaginer que le coût final, qui est considérable - et dont j'ignore la part fédérale, s'il y en a une - augmentera et qu'il mérite que l'on favorise le transport modal.
Or ce projet de transport ne prévoit pas de liaison transfrontalière puisque, lorsqu'il a été initié, les difficultés pour le canton de faire passer des lignes transfrontalières étaient assez importantes, les obstacles juridiques à de telles extensions étant énormes. Les choses ont changé entre-temps, et le Conseil d'Etat a d'ailleurs dit dans son discours de Saint-Pierre qu'il entendait mener une politique orientée vers l'avenir, pour un développement de Genève qui s'inscrive dans celui de la région.
Nous sommes, typiquement dans le domaine des transports, dans un dossier régional. Vu les développements des besoins de circulation qui nous sont annoncés, notamment dans toute la couronne genevoise - on annonce des augmentations de déplacements allant jusqu'à 50% - il faut absolument favoriser le transfert modal et, si possible, avant la frontière. La construction de P+R dont on a discuté hier doit donc se réaliser.
Dans le cas du TCMC, le seul P+R prévu se trouve à la hauteur du CERN. Actuellement, il est prévu environ 50 places qui seront mises gracieusement à disposition par le CERN, mais le CERN n'est pas enchanté par cette solution-là, qui n'est d'ailleurs que temporaire. Le mois dernier, le CERN a écrit à la Représentation suisse auprès des organisations internationales pour dire qu'il n'était pas satisfait, non plus, que le terminus de cette ligne se trouve au niveau du Globe de l'Innovation.
Nous savons aussi qu'il existe côté du français un projet d'extension de la voie rapide 2x2 voies en direction de Divonne. Vous savez que ce projet est piloté par le député-maire du Pays de Gex, M. Blanc, et qu'il veut absolument que cette 2x2 voies aboutisse sans connexion avec la Suisse pour éviter tout trafic de transit sur la France. Le jour où la prolongation de cette route, dont les travaux pourraient commencer assez prochainement, sera réalisée, il sera beaucoup plus difficile - s'il n'y a pas un projet commun entre Genève, le pays de Gex, la commune et tous les acteurs qui s'occupent de développement transfrontalier - de faire passer la ligne de tram sous la 2x2 voies.
Pour ces motifs, et pour impliquer aujourd'hui déjà nos partenaires français - comme on les a impliqués, par exemple, dans le projet RER - il s'agit simplement d'aider le Conseil d'Etat à nouer les contacts nécessaires pour que la nouvelle ligne de tram favorise réellement un transfert modal dans cette zone, dans laquelle on nous annonce déjà des projets de construction; en effet, le département nous a annoncé tout à l'heure la construction de centaines de logements dans le secteur de Meyrin.
Pour ces différents motifs, je vous invite à renvoyer directement cette motion au Conseil d'Etat.
M. Hugo Zbinden (Ve). Quand j'étais petit, je jouais souvent au train électrique... (Rires.)
Une voix. C'est un vice assez répandu !
M. Hugo Zbinden. ... par conséquent, je suis pour la prolongation du tram. Néanmoins, n'oublions pas qu'un tram ne fait pas le printemps ! Pour que ce tram soit un succès, c'est-à-dire pour que le transfert modal se fasse, il faut des mesures d'accompagnement.
Le P+R proposé par la motion en est une: la gestion appropriée des places de parking en est une autre. Il faut absolument réduire le nombre de places de parking disponibles sur les lieux de travail. Je n'aimerais pas relancer le débat d'hier sur le stationnement, mais j'aimerais illustrer l'importance de ce point en vous citant une conclusion du rapport du Microrecensement 2000 sur les transports: «Les places de stationnement réservées sur le lieu du travail jouent un rôle prépondérant dans le choix du moyen de transport jusqu'au lieu de travail. Ainsi, 90% des actifs bénéficiant d'une place de stationnement réservée utilisent la voiture pour aller travailler. Ce taux n'est que de 46% pour ceux qui n'ont pas de place réservée.» Donc, cela implique que les entreprises doivent inciter leurs employés à utiliser la mobilité douce ou les transports en commun, par exemple en faisant payer les places de parking aux employés. Evidemment, l'Etat devrait montrer l'exemple. Malheureusement, il offre toujours des places de parkings à certains de ses employés. Il y a encore beaucoup de boulot...
En conclusion, les Verts soutiennent cette motion et vous invitent à la renvoyer au Conseil d'Etat.
Le président. La parole est à Mme la députée Schenk-Gottret.
Des voix. Ah ! (Chahut.)
Mme Françoise Schenk-Gottret (S). Il est prévu que le tram Cornavin-Meyrin-CERN aille au-delà de la frontière. Si cette motion, qui paraît enfoncer une porte ouverte, peut accélérer la réalisation de la prolongation d'une ligne et la construction d'un nouveau parc-relais, c'est bien volontiers que nous voterons cette motion.
Le président. Voilà de la concision ! Cela, c'est du travail ! Monsieur Desbaillets, prenez exemple et la parole en même temps ! (Rires.)
M. René Desbaillets (L). Je serai très bref. Je me pose la question de savoir s'il y a un Genevois assez bête pour dire que, quand on a payé X millions pour faire aller le tram jusqu'au CERN, on ne va pas prolonger d'un kilomètre pour aller jusqu'à St-Genis. Donc, cette motion, il faut l'accepter et la renvoyer à qui de droit...
Une voix. Bravo !
M. René Desbaillets. ... pour étudier le prolongement du tram jusqu'à St-Genis. Il y aura un peu moins de queue à la douane, puisque les gens seront dans le tram ! (Quelques applaudissements.)
M. Michel Ducret (R). Je crois que, par rapport à certaines paroles qui ont été entendues dans cette enceinte récemment, il faut rappeler que le tram n'est pas qu'un gros bus, c'est aussi un système de transport particulièrement polyvalent, capacitif aussi; il a donc besoin d'être implanté dans des endroits où il y a de fortes demandes. C'est un système de transport qui permet une offre de desserte fine, par exemple dans l'hypercentre de la ville; c'est aussi un système qui peut devenir ce qu'on appelle un métro léger, c'est-à-dire pour peu qu'on lui en offre les moyens - un site propre, intégral, des voies réservées - et c'est encore un système de transport qui peut devenir un chemin de fer régional et qui va beaucoup plus loin que la zone urbaine, encore une fois à condition que la vitesse commerciale pouvant être pratiquée soit suffisante.
En l'occurrence, l'axe de Meyrin remplit ces conditions et c'est la raison pour laquelle les motionnaires pensent que la réflexion doit être poussée plus loin et qu'il faut absolument avoir maintenant la possibilité de prolonger vers la périphérie française, ne serait-ce que parce que la solution de «Park and Ride» de offerte actuellement du côté du CERN n'est pas satisfaisante et qu'elle n'est que provisoire.
Cette motion doit donc être renvoyée au Conseil d'Etat, qui doit l'intégrer dans sa réflexion de manière beaucoup plus forte que ce n'est le cas actuellement. En tout cas, c'est l'impression que nous avons aujourd'hui.
M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Je tiens à vous dire ici deux choses. La première, c'est que, sur le fond, il me semble adéquat que cette motion soit renvoyée au Conseil d'Etat, elle va tout à fait dans le sens de nos réflexions. La deuxième est que, quand je dis qu'elle doit être renvoyée au Conseil d'Etat, je pense au titre de la motion, qui est: «Pour l'extension de la ligne de tram TCMC jusqu'à St-Genis et la construction d'un véritable P+R». En ce qui concerne les invites, je vous dis d'avance que le Conseil d'Etat ne pourra pas répondre à ces invites, rédigées comme elles le sont.
La première invite nous indique que l'on doit agir dans le cadre du CRFG. Souffrez, Mesdames et Messieurs les députés, que nous choisissions le lieu le plus adéquat pour intervenir ! A mon sens, en l'occurrence, c'est plutôt à travers des rapports bilatéraux avec le département de l'Ain, voire à travers l'ARC, qu'il conviendrait d'intervenir, plutôt qu'à travers le CRFG.
Quant à la seconde invite, elle me paraît plus calamiteuse encore, puisqu'elle nous demande de vous présenter un projet de loi. Que signifie vous présenter un projet de loi ? Cela signifie que vous demandez à Genève de financer un ouvrage qui se trouverait sur territoire français. Je suis navré de vous dire que l'état des finances publiques genevoises ne le permet pas.
Cela me permet également de vous dire, Mesdames et Messieurs les députés, qu'il faut aujourd'hui parler un peu d'argent pour vous mettre devant un certain nombre de réalités. J'ai lu dans la presse des réactions critiques de certains députés à l'égard du budget de l'Etat... Qu'est-ce que je vois, depuis le début de cette séance ? Vous nous demandez de construire un tram en France. ..Je vous le chiffre de façon «pifométrique»: c'est 40 à 50 millions que vous nous demandez ! (L'orateur est interpellé.) Vous nous demandez - je remonte maintenant dans l'ordre du jour - aux points 41 et 42 d'équiper tout le parc des transports publics de véhicules de moteurs diesel avec des filtres à particules: c'est 5000 à 7000 francs par véhicule ! Je remonte encore: vous nous demandez d'aménager des prés et des prairies pour favoriser la biodiversité: c'est 150 000 francs par an, parce que l'on doit engager un fonctionnaire, plus demander une étude, qui dépendra du budget d'investissement. Et je remonte dans les débats du début de cette soirée: vous nous demandez de faire un tram aux Communaux d'Ambilly - ce qui, à mon sens, n'est pas du tout nécessaire - c'est à nouveau une dépense de 20 à 30 millions. Je vous garantis que ces chiffres sont plausibles !
Si le Conseil d'Etat devait dire oui à toutes les dépenses proposées par ce Grand Conseil entre 20h30 et 22h30, c'est approximativement d'une centaine de millions que nous aurions chargé le budget d'investissement et de quelques centaines de milliers de francs le budget de fonctionnement ! Je vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, au moment où vous rédigez ces motions les unes après les autres, quelles que soient les bonnes intentions qui vous animent, de réfléchir un petit peu - comme, du reste, le demandait le président de votre Conseil au début de cette session - à ce que cela peut impliquer comme coûts !
Vous devez réfléchir aussi au message que vous donnez de façon répétée à l'administration. Avoir de bonnes intentions, c'est totalement respectable; dans le même temps, ce que comprennent les fonctionnaires, c'est: «les députés du Grand Conseil veulent que nous dépensions un maximum d'argent», ce qui est un message un petit peu différent de celui que le Conseil d'Etat essaie d'insuffler.
Alors, renvoyez cette motion au Conseil d'Etat et sachez que le Conseil d'Etat y répondra en faisant rapport de son engagement, parce que sur le fond il est d'accord avec vous, mais que le Conseil d'Etat ne va pas vous proposer les dizaines de millions de dépenses que vous demandez par cette motion ! (Applaudissements.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, il n'est pas question que je vous redonne la parole ! On est en procédure de vote et je ne comprends pas que l'on puisse encore demander la parole quand un conseiller d'Etat a fini de s'exprimer. La parole n'est plus donnée à personne !
Mise aux voix, la motion 1669 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 57 oui contre 11 non et 1 abstention.