Séance du
vendredi 17 mars 2006 à
20h30
56e
législature -
1re
année -
6e
session -
28e
séance
M 1647
Débat
M. Christian Brunier (S). Cette motion est relativement simple: il y a aujourd'hui à Genève de nombreux espaces aménagés en gazon. Or, vous le savez certainement, le gazon est un obstacle à la biodiversité, c'est-à-dire qu'il ne favorise pas la vie de la faune et de la flore. Ce parlement a voté régulièrement des projets sur le développement durable, comme je l'ai dit tout à l'heure, et la biodiversité est un élément indispensable pour notre avenir, elle est un élément indispensable pour mener une politique conforme aux trois dimensions du développement durable.
Cette motion est très pragmatique: elle demande à l'Etat de dresser un inventaire des zones qui sont aujourd'hui en pelouses et pourraient être transformées en prairies, en espaces naturels. Je vous rappelle qu'il y a des entreprises publiques et privées qui ont déjà fait ce pas: vous pouvez, par exemple, vous promener à l'entrée des HUG dans une prairie qui favorise la faune et la flore. Cette motion demande ensuite que plusieurs aménagements soient réalisés pour favoriser le retour à l'état naturel. Bien entendu, ceci s'accompagne d'un entretien qui doit être effectué selon le principe différencié et d'une information à la population et aux propriétaires sur l'utilité de cette démarche.
Il y a bien sûr un objectif de développement durable, que j'ai évoqué, mais il y a aussi un objectif de coût, puisque les propriétaires qui ont transformé leur pelouse en espace naturel bénéficient d'un retour sur investissement très rapide en termes de consommation d'eau potable - puisqu'on laisse faire la nature et qu'on n'arrose plus - et en termes d'entretien, puisque la fauche se fait environ deux fois par année, contrairement à la tonte du gazon.
Nous avons un service d'expertise à l'Etat de Genève, c'est le Service des forêts, de la protection de la nature et du paysage, dont les experts accompagnent déjà des projets privés ou publics pour renaturer des espaces couverts de gazon ou de pelouse. Je pense qu'il y a là un acte très concret que l'Etat peut entreprendre, avec l'aide des privés et du public, en faveur du retour à la nature et du développement durable.
Je vous invite donc à renvoyer cette motion en commission, pour qu'elle soit améliorée, complétée et étudiée, pour que les gens soient complètement convaincus et qu'elle puisse ensuite donner une véritable impulsion au gouvernement afin qu'il transforme ses pelouses en prairies naturelles.
M. Claude Aubert (L). D'un côté, un jardinier qui plante son gazon, rien que son gazon, et qui en contrôle tous les paramètres. Le gazon: un alignement de brins d'herbe qui se ressemblent tous, au garde-à-vous. Dans le gazon, si votre tête dépasse, elle est coupée. Vous servez de paillasson à des gens qui jouent sur votre dos, qui vous écrasent sans pitié. Quelle métaphore horrible de la vie sociale, pour un libéral et pour tout démocrate ! D'un autre côté, un jardinier qui délimite un périmètre et qui laisse les petites graines, les vers de terre et les papillons vivre leur vie en toute interdépendance, sans être régulièrement calibrés, contrôlés et uniformisés, et dont les échanges s'effectuent selon les règles de la nature, structurée comme un marché. Quel bonheur, pour un esprit libéral ! Nous remercions chaleureusement les auteurs de cette motion pour contribuer à la promotion des valeurs libérales et nous sommes parfaitement d'accord de renvoyer cette motion à la commission, qui l'examinera certainement à un niveau bien plus terre à terre. (Quelques applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Christian Bavarel (Ve). C'est avec une certaine émotion et, je dois dire, un certain plaisir, que je parle juste après M. le député Claude Aubert. En tant que jardinier, j'ai été très touché par ce que vous venez de dire et je me rends compte que nous devons avoir des valeurs communes. Je ne suis pas sûr de partager toutes vos valeurs, mais, en matière d'environnement, je pense que nous pourrons trouver un terrain d'entente.
Une voix. C'est le cas de le dire ! (Rires.)
M. Christian Bavarel. La commission de l'environnement, que j'ai la chance de présider, va certainement pouvoir étudier ce projet plus à fond, d'autant plus que Genève a la très grande chance d'avoir une spécialiste de la gestion différenciée des espaces publics en la personne de Mme Cottu, qui travaille pour la Ville de Genève et qui a passé sa carrière comme experte, principalement en France, à oeuvrer sur ce sujet. Et il y a aussi quelques autres expertises possibles à Genève; effectivement, il est possible de développer dans notre canton une autre manière de faire, plus respectueuse de l'environnement, plus en adéquation avec une vision contemporaine de l'environnement.
Ce sera donc avec un énorme plaisir que nous étudierons tout cela en commission de l'agriculture et de l'environnement.
M. Gilbert Catelain (UDC). La motion qui nous est proposée n'est pas d'une importance vitale, on pourrait même se demander s'il est dans la nature du Grand Conseil... (Protestations.) ... de la traiter. Ce Grand Conseil a des objets éminemment plus importants à traiter, on le verra d'ailleurs le 30 mars prochain !
Cela étant dit, je soutiendrai le renvoi de cette motion en commission, puisqu'elle vise à favoriser la biodiversité, notamment la rénovation de la vie animale dans le sol - on sait qu'un milieu favorable à la biodiversité est favorable à la vie animale aussi. Il y a donc des conséquences diverses, notamment des conséquences positives sur la consommation d'eau et sur l'environnement.
Je souhaiterais cependant qu'on puisse amender légèrement cette motion en commission, car elle présente un certain nombre de désavantages. J'en vois un: les oppositions de toutes les personnes qui souffrent du rhume des foins... (Brouhaha.) On sait que les phénomènes allergènes touchent de plus en plus de monde. Il y a de plus en plus de conflits de voisinage dans les campagnes, où l'on demande aux gens de couper leurs herbes et de ne pas les laisser fleurir à cause de la recrudescence des phénomènes allergènes. Il y aura peut-être également des plaintes de certains parents qui ne voudront pas voir leurs gamins jouer dans une prairie infestée de guêpes... (Rires. Remarques.) M. Thion est l'exemple idéal d'un professeur qui se moque de ses élèves à l'école - il le fait au Grand Conseil. C'est un manque de respect, celui qu'il reproche à ses élèves parce qu'il n'a pas l'autorité nécessaire pour se faire respecter. Je prierai M. Thion d'avoir un peu plus de respect dans ce Grand Conseil. S'il veut en avoir de la part de ses élèves, quand il est en classe dans son cycle d'orientation... Cela se passerait beaucoup mieux et on n'aurait pas besoin de traiter de motion sur la violence à l'école. (Brouhaha. Remarques.)
Je me suis simplement permis, Monsieur Thion, de relever un certain nombre de désavantages qui posent effectivement problème pour certaines personnes. Vous savez que des personnes souffrent d'allergies et que ces dernières leur posent des difficultés de capacité de travail ! Ce problème est sérieux et je demande que cet aspect-là soit également traité en commission.
Mme Sandra Borgeaud (MCG). Le MCG soutiendra le renvoi cette motion à la commission de l'environnement... (Bruit de larsen. Brouhaha.) Pour répondre à l'UDC sur les problèmes d'allergie, je rappelle qu'il existe des vaccins contre le rhume des foins... (Brouhaha.) Monsieur le président, je ne vois pas ce qu'il y a de rigolo ! (Chahut.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, un peu de calme, je vous prie ! La parole est à Mme Borgeaud. Elle a eu de la peine à l'avoir: laissez-la lui !
Mme Sandra Borgeaud. Merci ! Je reprends la parole... (Remarque. Mme Borgeaud rit.) Je ne souffre personnellement pas du rhume des foins ! Tout cela pour dire que cette motion permettrait de préserver la biodiversité et de remettre un peu plus de nature, de petites fleurs et d'herbe dans notre canton. Elle présente aussi l'intérêt d'économiser de l'eau - même si l'on ne souffre pas trop de pénuries d'eau chez nous - et elle permettrait de faire autre chose que de perdre son temps à tondre le gazon systématiquement.
M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Après avoir déclaré que cette motion ne traitait que de choses insignifiantes, M. le député Catelain a bien voulu nous indiquer qu'elle traitait de choses essentielles: elle traite des produits allergènes - dont souffre une bonne partie de la population - et des souillures canines. C'est dire que nous sommes vraiment dans l'essentiel du débat de ce Grand Conseil ! (Rires.) Du reste, Monsieur le député, vous avez développé votre intervention, ce qui montre l'importance que vous accordez à ces objets.
Cela étant, et je serai très bref au sujet de cette motion, il me semble très adéquat qu'elle soit renvoyée en commission. Parce que, si nous devions l'adopter telle qu'elle a été rédigée, cela signifierait tout simplement que nous devrions engager en tout cas un collaborateur de plus et passablement de frais supplémentaires sur des programmes à mener. Vous avez compris, les uns et les autres, que cela n'était pas véritablement l'air du bureau... De plus, au niveau du Conseil d'Etat, notre conviction est, au contraire, que l'Etat doit véritablement cibler ses interventions.
C'est dire que, tout autant que nous pouvons soutenir l'esprit qui anime les auteurs de la motion et qui rejoint certains engagements de l'Etat actuellement, il nous semble que ces invites mériteraient d'être affinées, de sorte qu'elles ne se traduisent pas par un surcroît de tâches à l'égard de l'Etat et que, idéalement, elles nous déchargent d'une partie des interventions nécessaires.
Le président. Proposition a donc été faite de renvoyer cette motion à la commission de l'environnement.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1647 à la commission de l'environnement et de l'agriculture est adopté par 57 oui contre 2 non et 2 abstentions.