Séance du
vendredi 17 mars 2006 à
16h
56e
législature -
1re
année -
6e
session -
27e
séance
PL 9239-A
Premier débat
Le président. La parole n'est pas demandée. (Le président est interpellé.) Si ? Monsieur Stauffer, voulez-vous gagner la place du rapporteur, je vous prie ! C'est une surprise que nous traitions ce point maintenant ? Madame le rapporteur de majorité, vous avez demandé la parole ?
Mme Michèle Künzler (Ve), rapporteuse de majorité. Il s'agit par ce projet de loi de vendre à un médecin une arcade à l'avenue Blanc pour 450 000 F. Ce qui est contesté par M. Stauffer, c'est de verser une commission de courtage qui s'élèverait à 13 000 F. Voilà pour situer «l'ampleur» du problème. Il s'agit de 450 000 F pour une arcade et une commission de courtage de 13 000 F.
M. Stauffer, dans son rapport de minorité, accuse la Fondation de nous avoir menti. Il y a effectivement eu un petit problème de transmission de fiche, mais à l'origine, en 2002, la fiche déposée par la Fondation prévoyait 13 millions de pertes. Je l'avais déjà fait corriger au moment de la vente des autres éléments de ce dossier, puisque la Fondation disposait de plusieurs lots dans cet immeuble et des studios ont déjà été vendus. La fiche omettait de signaler la deuxième partie de la dette, mais, à ma demande, la Fondation a corrigé la fiche en 2004 déjà. En raison d'une erreur, l'ancienne fiche est revenue à la surface. Il s'agit d'une erreur puisque, depuis 2002, il était clair que, sur ce dossier, la perte serait importante, qu'elle serait de 13 millions. C'est ce qui a toujours été dit. De plus, à l'époque déjà, nous nous étions étonnés de cette perte. On nous avait répondu par une lettre en mai 2002, c'est dire que ce n'est pas récent et que cela ne dépend pas du rapporteur de minorité. Les gages avaient été surévalués en 1990. Ensuite, les intérêts n'ont pas été payés pendant plus de dix ans et la société qui détenait les actifs a fait faillite. Après quoi, les gages ont été transmis à des porteurs en 1997. En 2000, la créance a été reprise par la Fondation de valorisation, puis le portage a été repris en 2002. Il y a donc tout un historique, qui nous a été transmis en 2002 déjà. Voilà pour les éléments factuels. J'interviendrai plus tard, après M. Stauffer.
M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, chers amis... (Brouhaha. Rires.) ...rassurez-vous, on en a quand même quelques-uns, heureusement ! Il est vrai que 13 000 F, c'est un montant ridicule, mais il ne s'agit pas aujourd'hui de décider du montant, il s'agit de se prononcer sur le principe. Mesdames et Messieurs, vous n'êtes pas sans savoir que, depuis quelques semaines, il y a eu un réveil salutaire de la part des autorités judiciaires en ce qui concerne l'intégralité de la débâcle de la BCGe.
Aujourd'hui, je vais vous lire quelques documents, je vais vous expliquer en fait que, encore une fois, ce n'est pas le montant de 13 000 F, qui peut paraître ridicule, qui est en cause aujourd'hui, mais c'est bel et bien le paiement de commissions à des sociétés dites de portage. Ces sociétés ont contribué à la débâcle à coup de milliards de francs à la charge de nos contribuables. Contribuables qui, je vous le rappelle, pour une grande partie, nous ont élus aux postes de députés que nous occupons aujourd'hui. A ce titre, chers collègues, nous avons l'obligation de protéger les deniers publics. Pour moi, d'un point de vue éthique, avant d'aborder l'aspect du droit, il est juste inconcevable que nous puissions encore nous payer le luxe de verser des commissions de courtage ou, pire encore, chers collègues, de verser, lorsqu'il y a un bénéfice sur les opérations dites de portage, 50% des bénéfices aux sociétés dites de portage. C'est juste inconcevable du point de vue de l'éthique. J'aimerais que tous ceux qui souffrent aujourd'hui à Genève, les fonctionnaires sur les mécanismes salariaux, les gens à qui on supprime des subventions, se demandent combien de PME et combien d'emplois nous aurions pu créer avec les trois milliards de pertes à la BCGe. Rassurez-vous, ces trois milliards ont quand même profité à environ 80 personnes sur le canton, c'est un fait avéré. J'aimerais aussi dire que nous ne sommes pas les seuls à penser comme cela. Je ne remets évidemment pas en question ici le rôle de la Fondation, qui est éminemment important, puisqu'il s'agit de valoriser au mieux et je dis bien valoriser au mieux les actifs catastrophiques de la BCGe. Ce que je remets ici en question, c'est la continuation du respect des contrats qui, très certainement, au vu de ce que je vais vous expliquer et au vu de ce que la justice va faire, pour la plus grande partie, seront déclarés illicites puisque l'utilisation même de ces contrats avait pour but de dissimuler les pertes dans le bilan, c'est-à-dire, de faire des faux bilans pour dissimuler les pertes qui n'avaient pas été provisionnées dans les comptes de la BCGe. Concernant l'état de faits, je vais vous lire très brièvement ce passage:
«La Banque cantonale, à l'époque, a organisé de nombreux contrats dits de portage. Les juges d'instruction genevois en charge du dossier BCG ont inculpé les anciens dirigeants de la Banque cantonale de gestion déloyale et de gestion déloyale des intérêts publics ainsi évidemment en raison du faux bilan ainsi généré au sein de la Banque cantonale de faux dans les titres. Certes, les dirigeants en question bénéficient de la présomption d'innocence. Cependant, prima facie, les contrats de portage sont analysés pour l'heure par la justice comme constitutifs d'actes illicites. Ils sont générateurs a minima d'infractions de gestion déloyale des intérêts publics et de faux dans les titres. Du côté des bénéficiaires, par exemple, les régies, des contrats de courtage on retrouve des régies administrées par les mêmes personnes physiques que celles qui administrent les sociétés dites de portage. La procédure en cours récemment ouverte par le Procureur général a pour vocation de mettre en évidence ou non la co-responsabilité pénale et civile de ces personnes physiques dans les actes de portage montés à l'époque par les dirigeants de la banque. Leur degré de connivence avec ceux-ci sera examiné par le Juge d'instruction si bien que si cette connivence était établie, ils seraient complices au plan pénal et au plan civil (article 50 du code des obligations) des actes illicites commis par les dirigeants de la banque. On ne saurait accepter dans ces conditions que l'Etat, désormais au courant de cette situation, accepte d'honorer des prestations qui seraient liées à la commission d'un acte de co-activité ou de complicité d'actes illicites.»
Donc, vous comprenez bien, Mesdames et Messieurs et chers collègues députés, qu'il ne s'agit pas ici de remettre en question un montant de 13 000 F. Il s'agit ici de quelque chose de beaucoup plus important: de remettre en question un principe, celui du respect des contrats jadis signés par la BCGe, qui ont coûté si cher à nos contribuables. Comme je vous le disais, certains groupes parlementaires ici pensent la même chose que le groupe MCG et j'aimerais citer quelques phrases de notre cher ami le député Gautier qui, dans son livre Le Bal des Eunuques...
M. Renaud Gautier. Excellent, excellent !
M. Eric Stauffer. ...nous dit ceci: «Le parlement, dépositaire d'un pouvoir qui lui a été confié par le peuple, ne représente plus qu'une chambre d'enregistrement de décisions souvent prises par ailleurs dans les arcanes du gouvernement et de l'administration sous la pression d'associations d'intérêts de droite et de gauche, ou encore, sous influence des médias de masse. Le législatif ainsi réduit à de vaines et futiles gesticulations, c'est l'ensemble de nos démocraties parlementaires telles que les pensaient John Locke et Montesquieu qui sont en danger.»
Donc, ce que je voulais dire c'est que c'est là que se trouve le problème et je vous demande aujourd'hui de ne pas prendre en considération le montant, qui est certes très faible en comparaison de la débâcle, mais le principe, Mesdames et Messieurs, car il est de notre devoir éthique, avant de parler de droit pur, de défendre les intérêts des contribuables.
Pour revenir à ce PL 9239, effectivement, Mme la rapporteuse de majorité dit qu'en 2002 ils avaient corrigé une certaine erreur. Vous m'excuserez, mais nous, MCG, Mouvement citoyens genevois, en 2002, nous n'étions pas là. Et moi, en ma qualité de commissaire, je pars du principe que je dois consciencieusement contrôler tous les documents qui me sont remis. Chose que j'ai faite lorsque j'ai pris ce rapport de minorité. Et là, comme par hasard, j'ai découvert qu'en lieu et place d'une perte ou d'un crédit initial de 12 millions...
Le président. Il va vous falloir conclure, Monsieur le rapporteur !
M. Eric Stauffer. Oui, bien sûr ! En lieu et place d'un crédit de 12 millions, c'était un crédit initial de 17,1 millions, pour un objet qui avait une valeur totale de 4 millions. Lorsque j'ai déposé mon rapport de minorité, c'est-à-dire lundi en début d'après-midi, comme par hasard, comme par enchantement magique, le lendemain...
Le président. Votre temps est échu, Monsieur le député.
M. Eric Stauffer. Je conclus, Monsieur le président. J'ai reçu de la Fondation de valorisation une lettre d'excuses à mon domicile, disant qu'ils s'étaient trompés. Eh oui, ils s'étaient trompés, pas de beaucoup, de six millions, Mesdames et Messieurs, et c'est là où je veux en venir, ...
Le président. La parole vous est retirée, Monsieur le député, le temps est dépassé.
Mme Fabienne Gautier (L). Vous me voyez prendre la parole, choquée par la teneur du rapport de minorité du député Stauffer, choquée par les débordements de ce dernier qui a l'outrecuidance de violer le secret de fonction de membre de la commission de contrôle de la Fondation de valorisation. En effet, M. Stauffer est tenu, par décision majoritaire de ladite commission, de garder l'anonymat des débiteurs et des personnes ou sociétés des contrats de portage de la Banque cantonale. Comme vous pouvez le constater, ce n'est le cas ni dans son rapport de minorité, ni dans l'amendement déposé par les députés du MCG.
Nous ne sommes pas ici aujourd'hui pour faire le procès de la Banque cantonale. Cette affaire est pendante devant la justice et nous ne pouvons pas nous substituer à celle-ci. Nous ne sommes pas ici non plus pour juger si la pratique des contrats de prêts partiaires, pratique utilisée à l'époque, est licite ou illicite. Jusqu'à ce jour, rien ne nous autorise à affirmer que ces fameux contrats de portage sont illicites.
Le député Stauffer ne désire pas se substituer à la justice, selon ses dires. On se demande après ce que l'on vient d'entendre si, vraiment, il ne se prend pas pour la justice... Mais en tous cas, il fait tout pour freiner les travaux de la commission de contrôle. La tâche principale confiée à cette dernière est de permettre l'étude des projets de lois du Conseil d'Etat afin que ceux-ci soient votés par le Grand Conseil et que les actifs de la Banque cantonale soient réalisés au plus vite.
Pour mémoire, la Fondation de valorisation des actifs de la Banque cantonale a été créée à la suite de l'entrée en vigueur en date du 25 mai 2000 de la loi 8194, constitutive, votée par l'assemblée de séant, accordant une autorisation d'emprunt au Conseil d'Etat pour financer l'acquisition d'actions nominatives et au porteur de la Banque cantonale. Ladite loi prévoyait également un crédit extraordinaire d'investissement pour la création du capital de dotation de la Fondation de valorisation, fondation de droit public, constituée, je cite l'article 5 de ladite loi: «afin de favoriser la gestion, la valorisation et la réalisation de certains actifs de la Banque cantonale de Genève». A l'article 7, on peut lire encore: «But et activités: la Fondation a pour but de gérer, valoriser et réaliser les actifs de la Banque cantonale de Genève qui lui seront transférés et, par là, de contribuer à l'assainissement de celle-ci». Cette même loi 8194, en son article 24, a institué une commission de contrôle que j'ai l'honneur de présider actuellement. Dans la foulée de l'entrée en vigueur de la loi 8194, l'Etat signait une convention tripartite avec la banque cantonale et la Fondation de valorisation, convention dans laquelle la Banque cédait en pleine propriété à la Fondation qui les acquérait tous les actifs correspondant aux créances en capital, ainsi que les contrats que la Banque avait conclus avec les sociétés de mise en valeur et les actifs et droits rattachés à ces sociétés.
A ce moment-là, l'Etat a provisionné une perte de 2,7 milliards pour le financement des pertes sur la vente des actifs de la Banque cantonale qui avaient été transférés à la Fondation de valorisation. Jusqu'à ce jour, la Fondation de valorisation a pleinement rempli son objectif de gérer, rentabiliser mais, surtout, valoriser et réaliser aux meilleurs prix les actifs qui lui ont été transférés par la Banque cantonale. A ce jour, Mesdames et Messieurs les députés, avec votre aide, puisque c'est vous qui votez les projets de lois qui vous sont soumis par la commission de contrôle, la Fondation a réalisé plus de la moitié des actifs de la BCGe pour une perte estimée en son temps à plus de 50% mais qui est en fait bien moindre actuellement. Aujourd'hui, même si nos travaux sont ralentis à cause de l'interventionnisme systématique du député Stauffer, la commission de contrôle souhaite mener à bien sa mission, dans le but que la Fondation de valorisation puisse profiter du marché actuel de l'immobilier, qui est très porteur. La commission souhaite continuer à réaliser les actifs de la Banque cantonale au meilleur prix afin de diminuer toujours plus les pertes et ainsi préserver, Monsieur Stauffer, l'argent des contribuables. Tout retard pris dans la réalisation desdits actifs coûte effectivement très cher aux contribuables, nous coûte très cher. C'est pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, que je vous demande de voter oui au projet de loi qui vous est présenté. (Applaudissements, bravos.)
Le président. Sont encore inscrits: M. Olivier Wasmer, Mme Véronique Pürro, M. Pascal Pétroz, les deux rapporteurs et M. Claude Jeanneret ainsi que M. Olivier Jornot. La liste est close.
M. Olivier Wasmer (UDC). Je crois que ma collègue Fabienne Gautier a tout dit sur cette commission, comme d'ailleurs, la rapporteuse ou la rapportrice, j'ai perdu mon français ! (Chahut.)
Mme Michèle Künzler. La rapporteure !
M. Olivier Wasmer. Je sais qu'il y a eu une période où il y a effectivement eu une égalité; j'ai perdu mon vocabulaire, vous m'excuserez. Donc, Mme la rapporteure est venue nous dire dans quelles circonstances on vendait ce bien immobilier. Or, une de nos autres collègues députées, que je ne citerai pas aujourd'hui, m'a dit: «Tiens, M. Stauffer est devenu le Zorro de la commission !». Effectivement, c'est la question qu'on se pose aujourd'hui: que vient faire M. Stauffer ? A l'encontre de tout ce qui peut se dire, effectivement, parfois, il y a des gens qui prêchent dans le désert et qui ont raison. En l'occurrence, ce n'est manifestement pas le cas.
En effet, M. Stauffer fait un amalgame de tout et de rien pour faire parler de lui, d'ailleurs vous avez vu qu'il a tout de suite bénéficié de la télévision quand il a pris la parole - je ne suis pas jaloux du tout - on parle de lui dans la presse, à la télévision... (L'orateur est interpellé.) ...et je crois que c'est ce qui lui importe. Parce qu'aujourd'hui, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, et les spectateurs qui nous regardent, si le scandale de la BCGe n'est effectivement pas encore réglé, c'est parce qu'il se trouve entre les mains de la justice. Dans un Etat démocratique, dans un Etat de droit, c'est la justice qui tranche les litiges qui méritent d'être jugés. Le parlement édicte des lois et en aucun cas il ne peut y avoir de confusion. Or, M. Stauffer aujourd'hui, dans son rapport de minorité et, on le verra plus loin, dans le projet de loi déposé par le MCG, essaie de se constituer en juge qui trouve que la justice ne va pas assez vite, en juge qui décide que le contrat de courtage est illicite, en juge qui considère que les commissions dues à un courtier ne sont pas valables puisque les contrats de portage sont illicites... Eh bien, Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat vous a répondu hier sur ce point en considérant à l'unanimité que les contrats de portage étaient licites, que les commissions étaient dues.
A ce sujet, je vais préciser une chose, pour le cas où certains députés voudraient suivre M. le député Stauffer: les contrats de courtage ont été négociés par la Fondation de valorisation dans le but de faire vendre les immeubles. Tout travail mérite salaire. Tous ces courtiers, quels qu'ils soient, même si certains pouvaient être impliqués initialement dans la débâcle de la BCGe, ont travaillé, ils ont vendu des immeubles pour le bien de la Fondation et en aucun cas on ne peut les priver du fruit de leur travail. Or, le député Stauffer nous dit dans son rapport de minorité qu'il ne faut plus payer de courtage, il nous donne des éléments très vagues, en faisant des amalgames de tout et de rien, comme je vous l'ai dit, en s'appuyant sur les contrats de la BCGe pour dire que la Fondation ne doit pas payer. Non, Monsieur Stauffer, aujourd'hui, le parlement ne vous suivra pas, parce que malheureusement il y a des lois. La Fondation a été créée par une loi du 15 mai 2000... (L'orateur est interpellé.) Il y a des lois et ces lois doivent être respectées.
Le président. Je salue la présence à la tribune de nos anciennes collègues, Mmes Jocelyne Haller et Mireille Gossauer-Zürcher. (Applaudissements.)
Mme Véronique Pürro (S). M. Stauffer a raison sur plusieurs points. (L'oratrice est interpellée.) Eh oui ! N'en déplaise à certains, Monsieur Gautier ! Effectivement, dans les années 1980-1990, la Banque cantonale de Genève a mené une politique de prêts qui a largement contribué, en favorisant une spéculation immobilière inacceptable, à augmenter les loyers dans notre canton, ce qui a placé de nombreux genevois dans l'incapacité de payer des loyers tellement ils étaient élevés. Ce n'est qu'une des conséquences, il y en a eu bien d'autres.
M. Stauffer a également raison quand il laisse entendre que les sociétés de portage, et les socialistes l'ont dénoncé à plusieurs reprises, ont largement contribué à cette spéculation immobilière. Le choix du parlement de sauver la Banque cantonale de Genève - et je donne raison également à M. Stauffer - a coûté, et coûte, cher, même très cher. En effet, depuis plusieurs années, les comptes de l'Etat sont plombés et, en bout de course, c'est bien le contribuable genevois qui va payer pour les problèmes qu'a traversés la Banque cantonale genevoise. Les socialistes, Mesdames et Messieurs les députés, n'ont eu de cesse, que ce soit au gouvernement, au parlement ou dans des associations telles que l'Asloca, de dénoncer cette spéculation immobilière et de défendre les locataires et leurs intérêts. Par contre, et c'est là que le chemin de M. Stauffer et le nôtre se séparent...
Des voix. Aaaah !
Mme Véronique Pürro. Par contre, les moyens qu'utilise M. Stauffer ne sont pas les bons. D'une part, les choses qu'il dénonce ont eu lieu avant la création de la Fondation de valorisation, la plupart de ces choses, Monsieur Stauffer, vous l'admettrez. D'autre part, la justice a été saisie de nombreuses plaintes et elle examine, comme M. Wasmer l'a rappelé tout à l'heure, tous les documents, tous les actes et tout ce qui s'est passé à l'époque de ces prêts, disons, éhontés.
Aujourd'hui, M. Stauffer, par tous les moyens qu'il essaie d'utiliser, bloque, comme l'a dit Mme Gautier, la présidente de la commission, les travaux de cette commission. Cela, nous ne pouvons l'accepter. Nous y reviendrons au point 43, puisque cela fait l'objet de deux motions, vous venez d'accepter le traitement en urgence de l'une d'entre elles. Venir nous dire maintenant qu'en refusant systématiquement les projets de lois on va contribuer à améliorer la situation et que les contribuables auront moins à payer, c'est faux, Monsieur Stauffer. Vous avez probablement besoin de sujets pour apparaître. Celui-ci, c'est vrai, est facile, puisqu'il est tellement gros ! Nous sommes assez d'accord pour dire que tous les milliards qui ont été encaissés par certains et perdus pour d'autres, en particulier, pour les contribuables, c'est une injustice. Et on espère bien que justice sera faite. Une fois de plus, les moyens que vous utilisez pour dénoncer tout cela ne sont intellectuellement et politiquement pas corrects, Monsieur Stauffer.
Si, vous l'avez vu à la lecture du rapport de M. Stauffer, un socialiste a accepté de vous suivre et l'autre, c'est moi-même, s'est abstenu, c'est parce que jusqu'à présent, nous n'avons pas obtenu de réponse à deux de nos questions: est-ce que nous pouvons dénoncer ces fameux contrats de portage et, si oui, quelles sont les conséquences financières pour l'Etat de Genève, puisque, là aussi, il en va des intérêts du contribuable. C'est parce que nous n'avons pas encore réponse à ces deux questions importantes que je me suis abstenue et que je crois que mon groupe va s'abstenir aujourd'hui sur ce rapport. Ce n'est en aucun cas parce que nous sommes d'accord de suivre les méthodes de M. Stauffer.
M. Pascal Pétroz (PDC). Le groupe PDC votera le projet de loi qui vous est ici proposé tel qu'il est, sans l'amendement déposé par le MCG. Le groupe démocrate-chrétien s'associe aux propos de Mme Fabienne Gautier, présidente de la commission, et est particulièrement choqué que les noms de certaines personnes figurent dans les documents qui nous ont été remis hier soir. C'est totalement scandaleux. On cite des noms, on soumet des gens à la vindicte populaire sans qu'ils puissent se défendre. C'est totalement scandaleux et nous ne devons pas tolérer ce genre de méthode. On nous parle d'éthique dans ce parlement. L'éthique, c'est fantastique, c'est quelque chose que tout le monde doit avoir et vous ne trouverez personne dans ce parlement qui sera contre cette notion d'éthique.
Simplement, certaines questions se posent dans ce dossier: comment est-ce que certains documents viennent à la surface tout à coup, maintenant, par quel biais ? Monsieur Stauffer, vous vous livrez à des spéculations, vous produisez certaines pièces, sans les produire toutes, tout cela est très intéressant. On peut se demander si vous ne produisez pas seulement les pièces qui vous arrangent. J'aimerais d'ailleurs bien savoir où vous vous les procurez. Il faudra peut-être nous le dire: est-ce que ces pièces ne proviennent pas de certains débiteurs anciens ou actuels de la Banque ? Il faudrait que vous nous le disiez, il faudrait que vous nous expliquiez aussi les liens que vous avez avec des personnes qui sont responsables de la débâcle de la Banque cantonale de Genève, j'aimerais beaucoup vous entendre à ce sujet. Je dois franchement vous dire que si nous pouvions mettre en évidence des accointances entre le rapporteur de minorité et des personnes responsables de la débâcle de la Banque cantonale de Genève, cela nous permettrait de voir tout cela sous un jour tout à fait particulier.
S'agissant du domaine qui nous occupe plus précisément, ce projet de loi, l'idée, Mme Pürro l'a bien rappelé, n'est pas de prétendre que tout le monde est honnête et qu'il n'y a pas de magouilles. Bien sûr que dans n'importe quelle société, dans n'importe quel groupe, dans n'importe quelle activité, il y a des gens «bien» et il y a des gens «pas bien». Il y a des choses «bien» qui se font et des choses «pas bien». Ce qui, moi, me gêne, dans la démarche qui est ici proposée, c'est cette technique de l'amalgame, qui consiste à dire: «Tous pourris !», à parler de complot et à accréditer la thèse que les sociétés de portage seraient composées de voyous, de personnes sans aucune éthique. On oublie qu'une société de portage est une société de valorisation et que la Fondation de valorisation n'est rien d'autre qu'une société de portage à très grande échelle. Cela, il faut aussi le dire, Mesdames et Messieurs les députés, il faut être honnête dans l'analyse et dire que oui, certains portages ont été et sont peut-être encore aujourd'hui inadmissibles. Quand un portage est confié à un débiteur défaillant de la Banque, honnêtement, ce n'est pas normal. Mais il y a d'autres conditions où une mise en valeur de ce que d'aucuns ont appelé les casseroles de la BCGe a pu être effectuée et il faut aussi le dire... (L'orateur est interpellé.) ...je vous ai écouté, Monsieur Stauffer, ne me coupez pas la parole, s'il vous plaît ! Il faut être honnête jusqu'au bout.
Fort de toutes ces considérations, les conclusions sont assez simples. Il y a eu une débâcle de la Banque cantonale. Une procédure judiciaire est en cours. Cette procédure judiciaire est diligentée par quatre juges d'instruction à plein-temps. Des auditions sont faites chaque semaine par des gens qui sont formés pour cela, alors que nous, nous n'avons pas de formation spécifique et nous n'avons pas de temps pour nous occuper de ces questions, parce que nous ne sommes pas des professionnels. Les responsables de la débâcle de la BCGe devront être châtiés, c'est une question de justice, mais nous, dans le cadre de la séparation des pouvoirs... (Chahut.) ...nous devons rester à notre place.
S'agissant maintenant des sociétés de portage, d'après les informations en ma possession, l'instruction pénale porte aussi sur cet objet, de sorte que, si des choses «pas bien» ont été faites dans le cadre de ces portages, il appartiendra aussi à la justice de nous le dire. Pas au parlementaire X ou Y sur la base de certaines pièces dont on ignore d'où elles viennent et sans qu'on ait le dossier complet. Ce n'est pas au parlementaire X ou Y de venir nous expliquer ce genre de choses. C'est la justice qui devra nous dire qui a tort et qui a raison et c'est la justice qui devra faire payer ceux qui sont coupables.
Cela étant, s'agissant plus spécifiquement de l'amendement de M. Stauffer, qui a eu l'honnêteté de rappeler qu'il s'agissait effectivement d'un montant de 13 000 F. C'est vrai qu'on peut discuter du principe, mais je m'associe aux propos de M. Wasmer qui a très bien rappelé qu'une commission de courtage, c'est une commission de vente. Pour qu'une commission de courtage soit versée, il faut qu'il y ait une vente. Sans vente, pas de commission de courtage. Si une commission de courtage a été versée, c'est bien qu'une vente a été effectuée par l'entité qui bénéficie de la commission de courtage. C'est tout à fait logique. La question qu'on pourrait se poser ensuite, c'est: est-ce que pour des objets dont la Fondation de valorisation s'occupe, il est nécessaire de faire appel à des courtiers, alors que peut-être, dans le marché immobilier actuel qui est très porteur, il y aurait d'autres moyens de procéder à la vente. C'est une question que nous devrons nous poser à l'avenir, mais remettre en question avec effet rétroactif les commissions de courtage qui doivent être versées à des gens qui ont fait une activité qui a débouché sur une vente, c'est totalement hors de propos, et totalement illégal. Je rappelle à toutes fins utiles que, si nous devions nous lancer sur cette voie, cela poserait toute une série de problèmes et je vois d'ici les demandes en justice totalement justifiées qui pourraient pleuvoir sur l'Etat de Genève. Je crois que nous avons aujourd'hui suffisamment de soucis à essayer de régler les casseroles de la BCGe sans partir encore dans cette voie. Raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, le parti démocrate-chrétien vous recommande de voter ce projet de loi tel qu'issu des travaux de la commission.
Une voix. Bravo !
Le président. Bien calculé, Monsieur le député, vous étiez juste au bout de votre temps de parole, c'est admirable !
M. Claude Jeanneret (MCG). J'ai entendu plein de choses. Si certaines personnes ont été choquées, moi aussi. Il est évident que M. Stauffer a parfois une méthode de travail qui peut surprendre. J'aimerais quand même préciser une chose: ce qui me choque le plus, c'est que, pendant très longtemps, on a été très passifs. Les enquêtes sur la BCGe ont dormi. Il est temps de les réveiller aujourd'hui, avant la prescription.
De plus, je suis choqué par la passivité de la commission de contrôle de la Fondation de valorisation qui n'a pas fait état de ce que, comme dirait M. Stauffer, en créant cette Fondation de valorisation, on a tout à coup oublié tout ce qui s'était passé du côté de la Banque cantonale. On ne veut plus le savoir, la Fondation n'ayant pour objet que de valoriser des biens immobiliers sans que l'on cherche pour autant à savoir si ces biens ont été l'objet d'opérations correctes ou incorrectes. Je vais simplifier le problème: ce qui me gène, c'est que nous en arrivons maintenant à voter des lois permettant la vente d'objets alors qu'on n'en a pas la traçabilité. C'est un peu comme si un objet qui a disparu pendant longtemps et dont l'origine serait douteuse était présenté au mont-de-piété par un porteur. Le porteur se fait octroyer un crédit, on oublie pendant un certain temps de rembourser la dette, cet objet de haute valeur est vendu aux enchères, si l'enchère permet de faire un bénéfice, on le partage, si c'est une perte, c'est l'ameneur d'affaire qui la prend à sa charge et, après la vente, cet objet redevient parfaitement net pour tout le monde... C'est ce qui me gêne: nous n'avons pas suivi, nous n'avons pas forcé, à l'origine, l'enquête pour savoir si, au niveau de la BCGe, il y avait eu des malversations. Les gens mandatés maintenant pour vendre ou pour porter ont-ils participé à l'époque à des opérations illicites ? On ne le sait pas, on n'a pas enquêté, donc on ne peut pas juger. Je pense que c'est sur ce point que M. Stauffer a raison. Il met le doigt sur quelque chose de délicat: la Fondation de valorisation, hormis le fait qu'elle vend ses immeubles le mieux possible, ne permet pas de mener l'enquête qu'il faut sur l'historique de ce qu'elle vend.
M. Olivier Jornot (L). Nous avons l'occasion cet après-midi de nous adonner à ce qui semble être devenu un grand fantasme collectif, celui de ces célèbres portages. Il est sûr que les portages - puisqu'il est désormais convenu de les nommer ainsi - posent un problème tout à fait sérieux, et M. Pétroz a rappelé à juste titre que ce problème concernait avant tout les organes de la banque qui sont aujourd'hui aux prises avec une procédure pénale.
M. Stauffer va un peu vite en disant que les organes en question seront bien entendu condamnés. Disons qu'ils ont au moins été inculpés et qu'une procédure pénale suit son cours avec des moyens considérables.
Mais cela ne veut pas encore dire que, du côté des porteurs, la situation est la même. On rappellera que le pool des juges d'instruction qui enquête sur l'affaire de la banque cantonale n'a pour l'instant prononcé aucune inculpation dans ce domaine, alors qu'il est saisi de l'ensemble de la problématique. Et ce ne sont pas les récentes dénonciations déposées à ce sujet - et malgré un battage médiatique dans la meilleure presse - qui vont y changer grand-chose, parce que les porteurs, Mesdames et Messieurs, n'avaient aucune obligation de veiller à ce que la banque respecte ses obligations de provision.
Cela étant, il y a peut-être deux ou trois choses à dire sur les allégations qui figurent dans le rapport de minorité et dans l'amendement dont nous aurons à traiter tout à l'heure. Mme Gautier a rappelé les circonstances dans lesquelles la Fondation a été créée. On peut ajouter qu'aussitôt que la Fondation a été créée et qu'elle s'est mise au travail elle a étudié la problématique des portages et elle les a tous - je dis bien : tous - résiliés, pour l'ensemble des biens qui se situent sur le territoire de Genève. Elle a repris elle-même la propriété de l'ensemble de ces biens immobiliers. Et, pour celui qui nous occupe aujourd'hui, le rapport de majorité apporte la précision que c'est le 30 juin 2002 que la Fondation a repris la propriété de ce bien. Tout cela signifie que l'on peut ergoter pendant des heures, mais nous ne sommes pas en train de parler d'un dossier de portage.
Le rapport de minorité et l'amendement nous posent quelques questions à propos des différents contrats. On parle de ce fameux contrat de prêt partiaire - ce nom qui a aussi fait rêver. Je vous rappelle que le prêt partiaire était un moyen pour la banque cantonale de s'assurer une part du bénéfice en cas de revente du bien. Le prêt partiaire avait donc précisément pour objectif de sauvegarder les intérêts de la banque. Inutile de dire que la Fondation de valorisation n'a conclu aucun contrat de prêt partiaire.
Les autres contrats concernés sont un contrat de gérance, pour permettre à la Fondation d'encaisser les loyers des objets dont elle est propriétaire, et un contrat de courtage dans le cadre de la vente. Un contrat de courtage non exclusif, contrairement à ce qui nous est expliqué - et vous savez très bien comment cela se passe. Il suffit d'aller sur le net pour constater que les objets mis en vente par la Fondation doivent obligatoirement passer par là. Cela signifie que vous pouvez acquérir des biens de la Fondation sans que la moindre commission de courtage soit payée. Lorsqu'il s'agit d'un objet de mauvaise qualité qui a de la peine à partir, la Fondation bénéficie de l'activité d'un courtier et, comme tout travail mérite rémunération, elle le paie au moyen d'une commission de courtage.
Pour jouer les Fouquier-Tinville, il faut avoir une guillotine bien aiguisée ou, pour le moins, vérifier ce que l'on dit. Or, il y a trop d'incompréhensions, d'erreurs, d'inexactitudes, de pataquès et de confusion. Non, Monsieur Stauffer, le portage n'est pas illicite. Ce qui est illicite, c'est le comportement des organes de la banque qui ont utilisé le portage pour éviter de provisionner. Non, Monsieur Stauffer, il n'y a plus de portage à ce jour pour l'ensemble des biens immobiliers situés sur le canton de Genève. Non, la Fondation n'a pas conclu de contrat de prêt partiaire. Non, Monsieur Stauffer, malgré tout le battage que vous organisez à votre profit dans cette affaire, vous ne parviendrez pas à jeter l'opprobre - en tous cas, c'est ce que je souhaite et ce que souhaite le groupe libéral - sur une Fondation et sur des acteurs de l'immobilier qui se battent pour réduire les conséquences de la débâcle de la Banque cantonale. En d'autres termes, Monsieur Stauffer, vous ne parviendrez pas à augmenter la perte que va subir la Fondation, la perte que garantit l'Etat et, en définitive, la perte que doit supporter le contribuable que vous prétendez - bien à tort - défendre ici. (Applaudissements.)
M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de minorité. C'est parce que la vitesse de la lumière est supérieure à celle du son que certains paraissent brillants avant d'avoir l'air con. Excusez-moi, Monsieur le président, ce que je veux dire...
Le président. Monsieur le rapporteur, voulez-vous, je vous prie, surveiller votre manière d'exprimer les choses.
M. Eric Stauffer. Je me suis laissé emporter, je présente mes excuses à M. Jornot.
Une voix. Vous aviez préparé votre affaire, vous n'êtes pas capable d'imaginer une phrase pareille.
M. Eric Stauffer. Je me suis excusé auprès de M. Jornot, car, comme tout le monde le sait, la vérité n'est pas dans les «Jornot». Bien...
Le président. Monsieur le rapporteur, nous connaissons déjà bien vos talents de comédien, ils sont importants, publics, et nous vous prions d'en faire un usage tempéré dans cette enceinte. Nous savons aussi que la BCGe et ses multiples vicissitudes sont un fonds de commerce inépuisable pour les politiciens, mais nous avons un ordre du jour qui est important et nous souhaiterions pouvoir nous épuiser aussi sur d'autres choses.
M. Eric Stauffer. C'est bien entendu, Monsieur le président. J'aimerais rectifier plusieurs choses, dans l'ordre chronologique. Je n'ai nullement l'intention de refuser la vente de cet objet, soyons bien clairs sur les termes. Je vous ai expliqué que c'est un vote sur le principe de ne pas continuer à respecter des contrats qui ont plombé les comptes de la République.
Partant de ce principe, certaines inexactitudes ont été mentionnées par les différents intervenants. Comme, par exemple, «Tout travail mérite salaire». Je peux être d'accord, mais, dans certains cas - je ne dis pas que c'est le cas de ce projet de loi - des contrats signés avec la BCGe donnaient l'exclusivité au porteur. Et quand bien même le porteur n'avait pas vendu l'objet, il percevait une commission. Oui, c'est arrivé, et Mme Künzler le sait mieux que quiconque, car elle était la présidente lors de la dernière législature. Ce que je veux dire, c'est que nous savons qu'un certain nombre de dossiers vont produire des problèmes juridiques dans un avenir relativement proche. J'en veux pour preuve la réponse que le gouvernement lui-même a donné à mon interpellation urgente écrite. Je vous citerai deux brefs passages en conclusion : «Le rapport entre le montant de la garantie et le montant des risques globaux est de un à trois. Dans ces conditions, il était impossible, dès le début de l'opération, de couvrir l'ensemble des risques de ce dossier par cette garantie.» Le financement était une opération totalement spéculative et fictive : «L'opération financière montée par la BCGe en tant que telle était donc viciée dès le départ.» Je m'arrêterai là. Ce que je veux dire, c'est qu'il y a plein de dossiers qui seront très certainement déclarés illégaux. Et je vous demande d'appliquer - pour assumer notre responsabilité de député - un principe de précaution, car nous savons d'ores et déjà que l'application de ces contrats dits de portage servait à camoufler, à dissimuler les pertes dans le bilan de la banque qui, par ailleurs, n'étaient pas provisionnées. Si les pertes avaient été provisionnées, il n'y aurait eu aucun problème. Mais ce n'était pas le cas, sinon la Banque cantonale aurait fait faillite.
Je vous demande, Mesdames et Messieurs, devant les gens qui nous ont élus, le vote nominal sur cet objet. Est-ce que vous suivez ? (Rires. Brouhaha.) Le vote nominal ! Partant de ce principe, il faut que nous puissions faire évoluer ces mentalités. Il faut que nous arrêtions ces clivages gauche-droite. J'entends bien que certains intervenants ont peut-être des intérêts divergents de ceux du MCG, mais j'aimerais seulement que l'on s'élève au-dessus de cela. C'est une question de principe, d'éthique, avant même de parler de droit. Nous sommes le pouvoir législatif, c'est le plus grand pouvoir qui est à Genève. C'est à nous de décider si nous voulons continuer à payer ces commissions qui accroissent le déficit à la charge du contribuable ou pas.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Je vous signale que - comme corps législatif - nous faisons des lois et donc du droit. La morale, c'est autre chose, et je ne suis pas sûr que cela relève de nos aptitudes.
Mme Michèle Künzler (Ve), rapporteuse de majorité. Tout d'abord, j'aimerais dire que personne dans cette salle ne trouve que toute l'affaire de la BCGe a été quelque chose de positif. Il faut en être conscient: il n'y a pas que vous qui avez dénoncé les faits. Je crois qu'on peut rendre hommage à certaines personnes de l'Alliance de gauche et à certains Verts... (Réactions de l'assistance.) ...qui avaient dénoncé à l'époque le manque de provisions. A l'époque, c'était quelque chose de contesté. Personne ne nie la gravité des faits.
Maintenant, on se situe à un autre moment. La Fondation de valorisation a été créée par une décision de ce Grand Conseil. On aurait pu faire autrement. On aurait pu faire tomber la Banque en faillite. Eh bien, cela aurait coûté beaucoup plus cher à la collectivité. Donc, la décision de créer la Fondation de valorisation a déjà limité un peu les pertes, qui sont extrêmement importantes. J'aimerais que vous lisiez aussi le reste de la réponse du Conseil d'Etat à votre interpellation urgente. Il est écrit: «Il est important de noter que la Fondation n'a conclu aucune opération de portage, mais elle a été tenue de respecter les clauses des contrats conclus par la BCGe. Le portage [et là, c'est important] n'est pas la cause de la perte, il est un moyen pour tenter de l'atténuer.» Je pense que cette phrase est vraiment essentielle: pourquoi est-ce qu'on fait appel à un porteur ? C'est que le trou est déjà creusé, ce n'est pas pour le creuser davantage !... (Brouhaha.) C'est bien cette mécanique qu'il faut comprendre. Je pense que ce ne sont pas les sociétés de portage qui auraient contribué le plus fortement aux pertes enregistrées, mais il y a soixante débiteurs, soixante personnes physiques qui sont débitrices de la Fondation de valorisation et qui causent un dommage de 1,3 milliard de francs. Ces personnes-là, ce ne sont pas des porteurs et là, vous ne dites rien. Mais ces personnes, on pourra les poursuivre.
Est-ce que c'est une question d'éthique de ne pas payer ? Moi, je pense que, comme cela a été dit, tout travail mérite salaire. Faire le métier de courtier, c'est un travail et il faut le payer. En l'occurrence, je pense que le travail a été accompli puisque la vente dans la PPE a été faite. Il faut aussi penser à la séparation des pouvoirs: refuser de payer, c'est faire justice soi-même, c'est juger sans procès ni inculpation et c'est grave ! Ce n'est pas notre rôle ici. Si nous voulons avoir de l'éthique, commençons par respecter simplement les règles du jeu ! Chacun doit faire selon ses compétences et c'est cela qui est important.
Je vous invite vraiment à voter ce rapport, à refuser l'amendement, parce qu'il est inadéquat, et à ne pas retarder encore les ventes parce qu'actuellement la Fondation accuse un retard de ventes de cent millions. Est-ce que nous pourrons le rattraper cette année ? J'en doute. Maintenant, agissons ! (Applaudissements.)
M. David Hiler, conseiller d'Etat. Tentons une synthèse de cet intéressant débat. Pendant les années 1980, et surtout à la fin des années 1980, deux établissements, non pas la Banque cantonale de Genève, mais la CEG et la Banque hypothécaire du Canton de Genève ont, avec d'autres, consenti un certain nombre de prêts très exagérés par rapport à la valeur des gages. Ce n'est vraiment pas un scoop. C'est ce que nous savons tous, ce que sait tout le monde. Il s'en est suivi des pertes considérables pour ces deux établissements, comme pour d'autres grands établissements, qui, eux, étaient privés et qui avaient au moins un avantage: celui d'avoir les reins assez solides pour supporter une perte de plusieurs milliards sur une ou deux années. Les établissements dont nous parlons, la Banque hypothécaire et la CEG, au contraire, s'étant joints tardivement au jeu de l'avion, puisque c'est de cela qu'il s'agit, c'est-à-dire que, dans bien des cas, c'étaient des prêts qui pouvaient être remboursés si le débiteur arrivait à vendre, mais en aucun cas en termes de valeur de rendement. Ces établissements ont subi des pertes considérables.
Dès lors, il s'est passé des choses dont personne ne parle. Je pense qu'il faut être complets. Donc, dès lors, il a été annoncé que des provisions à hauteur de plus d'un milliard devaient être constituées et il a aussi été admis par ce parlement, par le peuple de Genève, qu'il fallait fusionner ces deux établissements - sur la base d'informations qui ont changé considérablement entre le moment de la décision de ce parlement, en 1993, et la fin de l'année 1999. On est d'accord avec cet exposé.
Je comprends l'irritation des Genevois à au moins un sujet, même si nous devons l'accepter. Ceux qui ont accordé des crédits de manière dangereuse pendant les années 1980, entraînant ainsi des pertes aujourd'hui estimées à 2 milliards 500 millions, ce qui n'est pas tout à fait une paille, ceux-là, Mesdames et Messieurs les députés, ne seront pas poursuivis. Ils ne seront pas poursuivis. Pas pour des raisons de prescription, mais tout simplement parce que la nature de leurs agissements ne relève pas du droit pénal. Que l'on soit furieux, je le conçois. Qu'on l'accepte mal, je le conçois encore. On ne peut pas pour autant nier la réalité du droit, car celui-ci changerait-il que de toute façon il ne serait pas rétroactif. Jusque là, nous sommes d'accord.
A partir de là, les établissements en question, avant la fusion et après, on réalisé un certain nombre d'opérations de portage. On en arrive à la réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation, et j'aimerais bien insister là-dessus. Le portage a pour but de ne pas obliger la banque, dans un processus de saisie du bien immobilier, à se retrouver propriétaire du bien et à devoir le solder à bas prix parce que, pour une banque, le fait d'être propriétaire d'un bien immobilier est une source de consommation de fonds propres: cinquante fois plus de fonds propres consommés pour la même somme qu'un prêt à l'Etat. Cinquante fois plus ! C'est la raison qui aurait pu, on va revenir à la vraie histoire, conduire à rendre parfaitement admissible ce type d'opération, si elles avaient eu pour but d'éviter de «passer à la caisse». Dans le jargon, «passer à la casse», c'est aller aux enchères pour se débarrasser rapidement d'un bien. Les opérations de portage devaient avoir pour but d'éviter cela, dans une période où le marché était déprimé de 30% par rapport aux valeurs usuelles que l'on connaît à Genève, que l'on a retrouvées, soit dit en passant, et dépassées. Hélas, et c'est la réponse du Conseil d'Etat, les inculpations montrent, et la perte le montre d'ailleurs aussi, qu'il ne s'agissait pas que de cela. Ces opérations auraient été parfaitement correctes s'il y avait eu une provision dans les comptes de la Banque, constituée au montant exact de la perte avec une marge d'appréciation, mais une marge d'appréciation qui ne peut pas être de 500% ! Elle peut aller jusqu'à 30%, à vrai dire. Ce n'est pas totalement illégitime; c'est risqué, mais pas totalement illégitime.
C'est là que la justice entre dans la danse. C'est elle qui doit finir ce travail, c'est elle qui doit dire ce qui est du domaine pénal et qui implique des faux dans les titres, mais peut-être bien d'autres choses. Depuis cinq ans, ce qui est un deuxième motif d'exaspération, les gens attendent le procès. La procédure est extraordinairement complexe et ce procès n'a pas encore eu lieu. Pourtant, dans d'autres cantons, où l'on a découvert plus tardivement des opérations du même type, les procès ont commencé, parce que la méthode choisie, semble-t-il, malgré la volonté ou en tous cas les déclarations des deux procureurs, la méthode choisie dans les autres cantons est de s'attaquer à des affaires précises. Pour le moment, ici, on est en train de continuer d'instruire l'ensemble du dossier.
Le président. Monsieur le conseiller d'Etat !
M. David Hiler. La justice s'engage à rendre des procès en 2007. Nous n'avons pas d'autre possibilité que d'attendre. Nous sommes bien d'accord. Et c'est là que se pose le problème suivant...
Le président. Monsieur le conseiller d'Etat, je dois vous rendre attentif au fait que votre temps est largement dépassé.
M. David Hiler. Oui, je voudrais quand même juste terminer sur un ou deux points, quitte à moins intervenir dans le débat suivant sur la Banque. De ceci, vous pouvez critiquer la justice, chacun peut penser ce qu'il veut. En tous cas, ce n'est ni le Conseil d'Etat ni le Grand Conseil qui dira ce que la justice doit faire. Pas plus que vous admettriez que la justice vienne ici nous dire ce que nous avons à voter. Ce n'est pas comme cela dans la séparation des pouvoirs. Raison pour laquelle vous ne pouvez pas prétendre que la Fondation n'était pas liée par des contrats signés. Parce que, pour que ces contrats aient un caractère pénal du côté du porteur, il faudrait - et c'est l'une des inculpations qui existe au niveau du pénal - que le porteur, sachant les difficultés de la Banque, en profite pour lui extorquer des fonds considérables pour rendre le service demandé, contraignant par là même la personne qui signerait un tel accord du côté de la Banque à faire de la gestion déloyale, manifestement. Il y a des inculpations de ce type. Des personnes ont été emprisonnées pour ce motif.
Nous n'avons qu'une chose à faire, c'est nous armer de patience. Vous n'êtes pas patient, Monsieur Stauffer. Je ne le suis pas non plus, mais je pense que rien ne sert de s'exciter dans le vide pour des choses qu'on ne maîtrise pas. Essayons de nous occuper de ce que nous maîtrisons ! J'en viens à la Fondation de valorisation: que peut-on dire de la Fondation de valorisation ?
Le président. Il va falloir conclure, Monsieur le conseiller d'Etat, je suis désolé, mais le temps de parole est le même pour les députés et pour les conseillers d'Etat.
M. David Hiler. Je vais conclure, mais je dois dire que le fait que le Grand Conseil puisse raconter des fadaises sur la Fondation et la Banque pendant 25 minutes sans que le gouvernement puisse y répondre me paraît difficile. J'en finis. Pour la Fondation de valorisation, un défaut a été observé: un mauvais contrôle interne, qui a permis à 300 000 F d'être dérobés par un collaborateur. En revanche, on observe aussi la dissolution d'une provision à hauteur de 200 millions pour bonne vente. D'un côté, des erreurs factuelles, une communication parfois un peu difficile, de l'autre, je m'excuse, encore à ce stade, un bilan comptable qui est excellent.
Reste, Monsieur Stauffer, la situation créée, et cette fois j'en termine, institutionnellement. Nous nous trouvons dans la situation où un député a dénoncé le directeur de la Fondation de valorisation. Le 14 mars, ledit directeur a attaqué le dénonciateur pour dénonciation calomnieuse. Au milieu de cela, il y a une commission du Grand Conseil, qui doit arriver à travailler de sorte que nous ne perdions pas encore quelques centaines de millions à cause d'un blocage. Mon attente, Monsieur le président, à l'égard de ce Grand Conseil, à l'égard de M. Stauffer, à l'égard de la présidente de cette commission, à l'égard de tous les membres de ce Conseil, c'est qu'une solution soit trouvée pour que l'on puisse faire le travail qui doit être fait. Nous nous sommes engagés, le Conseil d'Etat s'est engagé, hors du processus normal, à répondre à toutes les questions, relevant, à la limite, de la curiosité, sur comment les dossiers avaient été constitués avant 2000. Nous le faisons chaque fois que nous le pouvons.
Mais, de grâce, dissocions dans nos travaux l'intérêt porté au passé et la nécessité que la Fondation continue à vendre et surtout, à exister, à embaucher. Parce qu'on sent la Fondation quelque peu fragilisée: un collaborateur la vole, deux autres démissionnent pour des motifs qui n'ont rien à voir avec cette affaire... De plus, elle n'a qu'une durée de vie de quatre ans, ce qui n'est pas facile pour embaucher, et l'on sent malgré tout une sorte de difficulté à défendre le bilan.
Est-ce que nous voulons diminuer la perte de 2 milliards 500 millions à 2 milliards 200, ce qui est encore possible, ou est-ce que nous voulons bloquer le processus ? Distinguons les projets de lois, Mesdames et Messieurs, et le reste de l'activité, sur lequel le Conseil d'Etat, même si cela a un prix, est prêt à donner tous les renseignements que l'on voudra chaque fois qu'ils ne sont pas couverts par le secret bancaire. En effet, le secret bancaire est opposable au Conseil d'Etat. Pour le reste, Monsieur Stauffer, la justice est la justice, le parlement est le parlement, et le Conseil d'Etat est le Conseil d'Etat. Aucun d'entre nous n'a le pouvoir absolu, heureusement pour le bon peuple de Genève ! (Applaudissements.)
Le président. Monsieur le conseiller d'Etat, vous ne pourrez pas dire que le parlement ne vous prête pas une oreille attentive, vous avez eu deux temps de parole...
M. David Hiler. Merci, Monsieur le président !
Le président. ...quand les députés doivent se contenter, sous la férule de la présidence, d'un seul. C'est dire avec quel soin bienveillant nous vous accueillons ici.
Une voix. Et nous sommes cent !
Le président. Nous sommes cent et vous êtes sept... Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous avons tous écouté avec soin les voeux que vous avez formulés. Je crois qu'ils sont partagés par un grand nombre de membres de cette assemblée. Il est vrai qu'en politique on est parfois obligé de s'emparer des objets qui passent à portée de main pour faire son lit... Nous sommes maintenant en procédure de vote. C'est le vote nominal, comme cela a été demandé.
Mis aux voix à l'appel nominal, le projet de loi 9239 est adopté en premier débat par 83 oui et 5 abstentions.
Deuxième débat
Le président. Madame Pürro, vous avez demandé la parole ? Non ? Alors il faut effacer Mme Pürro, qui n'a pas demandé la parole.
Des voix. Oh non !
Mis aux voix, le titre (nouvel intitulé: 450 000 F) et le préambule sont adoptés.
Le président. Nous sommes saisis d'un amendement à l'article 1. Mesdames et Messieurs les députés, soyez attentifs à la procédure de vote ! Une demande d'amendement motivée, signée par un certain nombre de députés, a été déposée sur vos places hier. Puis, tout à l'heure, M. Stauffer, après lecture de la lettre de Mme la présidente de la commission de contrôle de la Fondation de valorisation, frappé peut-être par la pertinence d'une partie des éléments qu'elle contient, soucieux de montrer au Bureau du Grand Conseil qui va devoir se pencher sur les questions que lui soumet Mme la présidente de la commission, a mis en circulation un texte amendé, qui ne change pas les amendements eux-mêmes, mais les considérants, notamment dans l'idée d'appliquer les concepts nouveaux de journalisme où les noms vrais disparaissent au profit de noms imaginaires et très imaginatifs. Quoi qu'il en soit, nous ne votons pas les considérants, mais le texte des amendements eux-mêmes. Vous avez sous les yeux les propositions d'amendement d'hier soir qui, s'agissant des alinéas 1 et 2, sont sans modification. Je vais donc, puisque nous en sommes à l'article 1, comme le veulent les proposants de l'amendement, mettre aux voix d'abord l'amendement de l'alinéa 1.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 73 non contre 8 oui et 6 abstentions.
Le président. Je mets aux voix la proposition d'amendement de l'alinéa 2.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 75 non contre 8 oui et 3 abstentions.
Le président. L'article 1 est soumis aux suffrages. Monsieur Etienne, vous avez demandé la parole ? Non. Monsieur Stauffer, vous avez demandé la parole ? Non. (Brouhaha. Rires.)
Mis aux voix, l'article 1 est adopté, de même que les articles 2 et 3.
Troisième débat
Le président. Monsieur Stauffer, vous avez demandé la parole ?
M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de minorité. Brièvement, simplement pour dire que, dans l'amendement que nous avons déposé, l'article 1 était la vente du projet de loi et il a été refusé. J'ai une question par rapport à cela : l'amendement à l'alinéa 1 a été soumis au vote et a été refusé par les députés, est-ce qu'il faut en déduire que la vente est refusée ?
Le président. Non, Monsieur le député, rassurez-vous. Je suis reconnaissant que vous veilliez avec un soin aussi attentif au bon fonctionnement de ce Conseil, mais tout de suite après l'écartement de vos deux propositions d'amendement, cette assemblée s'est prononcée sans opposition sur l'article 1, tel qu'issu des travaux de la commission. Le vote nominal a été adopté au moment de la prise en considération et n'a pas été réclamé depuis lors. Nous avons donc à voter le troisième débat.
La loi 9239 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 9239 (nouvel intitulé) est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 68 oui contre 8 non et 11 abstentions.