Séance du vendredi 17 mars 2006 à 14h
56e législature - 1re année - 6e session - 26e séance

P 1542-A
Rapport de la commission du logement chargée d'étudier la pétition "Habitats Seniors" pour la construction de logements pour les aînés
Rapport de Mme Loly Bolay (S)

Débat

Mme Loly Bolay (S), rapporteuse. La pétition 1542 porte sur les structures dites «intermédiaires» concernant les personnes âgées.

La commission du logement, unanime, est d'avis que repenser le quartier en tant que tel, développer une politique intergénérations, est une démarche qui mérite une réponse du Conseil d'Etat.

C'est la raison pour laquelle nous étions tous d'accord de vous demander de confirmer ce soir le vote qui a eu lieu en commission du logement, soit le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat. Voilà très brièvement ce que je voulais ajouter à mon rapport, Monsieur le président.

M. Sébastien Brunny (MCG). Comme vous le savez sûrement, la population suisse vieillit. En effet, actuellement, dans la cité de Calvin, 65 000 personnes ont plus de 65 ans. En 2020, nous atteindrons le chiffre faramineux de 85 000 individus de plus de 65 ans.

De ce fait, nous devons, Mesdames et Messieurs les députés, commencer dès maintenant à amorcer en douceur le virage du vieillissement de la population. N'oublions pas que les jeunes d'aujourd'hui seront les seniors de demain ! De plus, avec les progrès de la médecine ainsi qu'avec une alimentation plus diversifiée, nous vieillissons mieux et plus longtemps. De ce fait, notre espérance de vie terrienne s'allonge et nous restons autonomes plus longtemps.

Pour les faits mentionnés ci-dessus, il est impératif de construire des immeubles se situant entre le domicile et l'EMS pour nos aînés, qui, par leur labeur, ont fait la renommée de Genève. Ce nouveau modèle d'habitat diminuerait les coûts de la santé et permettrait aux seniors de vivre d'une façon indépendante, tout en favorisant des échanges sociaux et enrichissants avec des personnes de tout âge. Cela éviterait également de «murer» nos anciens en vase clos.

Par conséquent, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe MCG soutiendra la pétition «Habitats Seniors» pour la construction de logements pour les aînés.

Mme Michèle Künzler (Ve). Cette pétition tombe effectivement à pic, dans la mesure où c'est le moment de changer d'orientation dans la politique concernant les personnes âgées. Nous avons voté plus d'EMS, mais la structure intermédiaire qui avait été un temps décriée et abandonnée semble maintenant nécessaire.

Nous invitons donc le Conseil d'Etat à faire vraiment tout son possible pour que, dans chaque quartier, ces structures intermédiaires se mettent en place. C'est un objectif extrêmement important.

M. Gilbert Catelain (UDC). Cette pétition a tout son sens, et nous la respectons. Nous voterons donc son renvoi au Conseil d'Etat.

Nous sommes dans une structure pyramidale qui fait que les coûts liés à l'hébergement des personnes âgées vont exploser ces prochaines années. Et il est surtout fort probable que les revenus des rentiers des générations futures ne seront pas les mêmes que ceux d'aujourd'hui, notamment à cause des taux de conversion qui ne cessent de diminuer et de l'évolution croissante de la primauté des cotisations. Une personne qui a 400 000 F sur son deuxième pilier et qui a gagné 7000 F par mois touchera, à l'âge de 65 ans, une rente de 1800 F... Il ne faut donc pas oublier que de nombreuses personnes ne seront pas en mesure, malgré leur deuxième pilier et leurs prestations AVS, de financer seuls leur hébergement dans un EMS...

J'aimerais donc que le Conseil d'Etat réfléchisse à la question d'un tel financement, de façon globale et à long terme. En effet, s'il faut aider les personnes qui ont besoin d'entrer en EMS, il faut aussi penser à ne pas trop saigner les générations actuelles qui vont devoir s'investir financièrement, que ce soit sur leur salaire ou en vendant leur capital immobilier, pour permettre à leurs propres parents d'être hébergés. Et, de ce fait, elles ne pourront pas capitaliser pour payer leur propre hébergement en EMS dans vingt ou trente ans.

Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). Bien entendu, le parti démocrate-chrétien renvoie cette pétition au Conseil d'Etat, en le priant d'y apporter la plus grande attention. Depuis longtemps, le parti démocrate-chrétien, soucieux et attentif aux personnes âgées, a proposé des alternatives aux EMS, mais il faut aussi éviter les ghettos pour seniors. Il est très important - et nous faisons confiance au Conseil d'Etat sur ce point - de faire en sorte que les seniors puissent rester proches de leur famille, qu'ils soient bien insérés dans les quartiers et qu'ils puissent bénéficier d'une bonne écoute et d'une grande visibilité. Il faut absolument qu'ils puissent conserver leurs liens familiaux, même s'ils doivent vivre dans des lieux spécifiques.

Mme Véronique Pürro (S). Je me réjouis de la belle unanimité qui semble se dégager sur cette pétition - on ne peut effectivement que se réjouir d'entendre tout le monde abonder dans le sens du soutien aux aînés - mais je crois que M. Catelain a eu raison de mettre le doigt sur le problème du financement.

-Il faut en effet bien reconnaître que la politique cantonale à l'égard des aînés est déjà relativement généreuse. Nous aidons financièrement toutes les personnes qui, arrivées à l'âge de la retraite, n'arrivent plus à subvenir à leurs besoins, et cela, selon des barèmes qui sont parmi les plus hauts de Suisse. Nous avons développé des soins à domicile - et c'est tant mieux ! - pour permettre aux personnes âgées de rester le plus longtemps possible chez elles. Et nous menons une politique, en matière d'EMS, qui est également assez généreuse.

Tout cela est très bien, et je ne peux que m'en réjouir, mais, comme le disent d'ailleurs les pétitionnaires, il est vrai qu'en 2020 15% de la population arriveront à l'âge de la retraite, ce qui représentera un coût très important au niveau de l'Etat. Je me réjouis d'ores et déjà de voir, puisque tout le monde soutient ces beaux principes aujourd'hui, lesquels d'entre nous les soutiendront encore lorsqu'on nous présentera des projets comme celui souhaité par les pétitionnaires ! Nous verrons bien, par exemple, si le PDC - qui nous a habitués à changer de position facilement - sera toujours du même avis et soutiendra les budgets qui nous seront proposés ! (Exclamations.)

Le président. Je constate qu'il y a un peu d'agitation... Cela prouve que le parlement est attentif aux propos de ceux qui interviennent. Le président Charles Beer va pouvoir affiner les positions qui ont été prises jusqu'à présent... Monsieur le président du Conseil d'Etat, excusez-moi: c'est à vous que revient la parole !

M. Pierre-François Unger, président du Conseil d'Etat. Cette pétition atteste de l'intérêt que le conseil des aînés avait eu l'année dernière pour la politique en faveur des personnes âgées. Ce sujet a fait l'objet d'un rapport, adopté par votre parlement il y a plus d'une année, qui montrait l'importance de la diversité des structures dans la mesure où les individus sont différents et mènent une vie différente.

Pendant des années, nous avions tous ensemble, collectivement, développé des politiques très axées sur les structures: les hôpitaux, les EMS, l'aide à domicile. Mais nous nous sommes rendu compte - le Conseil d'Etat vous le dit depuis quatre ans, au moins - que les trajectoires de vie des uns et des autres sont si différentes que l'on ne peut pas imposer aux gens de ressembler aux structures créées pour eux. Il convient de faire l'inverse, c'est-à-dire d'adapter les structures aux besoins de ces personnes.

Cette pétition dit des choses importantes: qu'il manque des foyers de jour... C'est vrai ! Elle dit, ou elle sous-entend, qu'il manque des foyers de nuit dans certains cas... C'est vrai aussi ! Elle dit encore qu'il faudrait développer, dans l'esprit de ce qu'étaient les anciens D2, donc des appartements collectifs avec une surveillance, qui soit légère mais qui permette aux personnes âgées de se sentir plus en sécurité.

Votre Conseil a d'ailleurs fait le pas, lors de la dernière session, de voter le projet de loi présenté par le Conseil d'Etat, regroupant en une seule fondation l'ensemble des dispositifs appelés D2, les immeubles à encadrement existant sur le canton. C'est donc pour nous la possibilité de mener une réelle politique de diversification des structures d'accueil pour les personnes âgées.

Dans notre plan de mesures, il est aussi prévu - et cela devrait rassurer Mme Pürro - de développer une politique des aidants naturels, qui n'est rien d'autre que le renforcement du réseau informel, dont on sait à quel point il est essentiel pour savoir à quel moment s'impose l'hébergement dans un EMS.

Dans tout cela, il y a tout de même un certain nombre de nouvelles... D'abord, la prise de conscience de la nécessité de diversifier les structures. Ensuite, la nécessité de rétablir, d'une manière ou d'une autre, des liens de solidarité intergénérationnels, qui ne passent pas forcément par des flux financiers des uns en faveur des autres, qui amèneraient tôt ou tard les générations à se haïr entre elles. Cela serait le pire des désarrois pour une société qui se veut digne et autonome le plus longtemps possible. Je suis content de constater que vous êtes tous d'accord de nous renvoyer cette pétition. Cela nécessitera plus de six mois pour vous remettre notre rapport, car il faudra du temps pour rendre ce concept général aussi concret que possible.

Mais j'aimerais vous rassurer, puisqu'un parti de ce parlement a été pris à partie - c'est le cas de le dire - par la députée Pürro. Je crois savoir qu'il y aura consensus pour que nous puissions assurer une certaine dignité aux personnes âgées. Mais il faudrait éviter d'attaquer certaines catégories de personnes - ce que j'encouragerais ma préopinante à faire - comme les personnes âgées, en disant qu'elles coûtent si cher qu'il conviendrait de faire différemment ! Ce serait très agréable, surtout de la part d'un parti qui nous a habitués - le GHI d'hier en témoigne encore - à souffler le chaud et le froid par le même tuyau !

Le président. Madame la députée, vous voulez-vous exprimer ? Je vous signale que, d'ordinaire, les députés ne s'expriment pas après les conseillers d'Etat ! Et puis, je vous ferai remarquer, Madame la députée, que c'est vous qui avez ouvert les feux, donc vous avez fait l'objet d'une réplique ! Nous avons le temps, je vous donne la parole, mais il ne faut pas vous étonner qu'on vous réponde lorsque vous prenez l'initiative !

Mme Véronique Pürro (S). Mais je ne suis pas du tout étonnée ! Du reste, Monsieur le président, vous conviendrez avec moi que c'est bien la nature de notre mission que de discuter et d'essayer de nous mettre d'accord pour pouvoir adopter des projets et des positions, parfois communes, parfois pas !

Si je tiens à vous répondre, Monsieur Unger, c'est que je ne crois pas faire partie, contrairement à d'autres, et en particulier vous-même, de ceux qui veulent démanteler les prestations pour les aînés... Je vais donner deux exemples, pour que vous ne puissiez pas dire que je vous accuse sans justification.

Lors de la précédente législature, alors que vous étiez encore en charge du département de l'action sociale et de la santé, les EMS et les prestations financières, notamment OCPA, étaient placés sous votre responsabilité. Eh bien, juste avant le changement des départements, deux mesures ont été décidées par vos soins, qui visent à démanteler ce secteur en diminuant les prestations pour les aînés ! D'abord, les subventions pour les EMS ont été diminuées - cela a fait l'objet de motions dans notre parlement - et, ensuite, vous avez essayé de toucher les prestations financières en tentant de rétrocéder la part que versent les communes aux bénéficiaires de l'OCPA dans le calcul de la rente OCPA !

Il s'agit donc bien de deux mesures de démantèlement: moins d'argent pour les EMS et moins d'argent pour une grande majorité des bénéficiaires de prestations OCPA ! Et ce n'est pas moi qui les ai décidées, Monsieur Unger, c'est vous-même, alors que vous étiez encore en charge du département de l'action sociale et de la santé ! Et si j'ai visé votre parti, Monsieur Unger, c'est parce qu'il nous a habitués, depuis un certain temps, à nous faire de belles promesses, mais à ne pas les tenir au moment du vote, à tourner casaque et à voter comme la droite ! C'est naturel - et je ne le reprocherai pas au PDC - puisqu'il fait partie des bourgeois et de l'Entente ! (Applaudissements.)

Le président. Voilà qui met un terme à cet intéressant débat... (Commentaires.) Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets la proposition de renvoi de la pétition 1542 au Conseil d'Etat.

Mises aux voix, les conclusions de la commission du logement (renvoi de la pétition 1542 au Conseil d'Etat) sont adoptées par 61 oui (unanimité des votants).