Séance du
jeudi 16 mars 2006 à
17h
56e
législature -
1re
année -
6e
session -
24e
séance
GR 436-A
M. Antoine Droin (S), rapporteur. Monsieur le président, avant de commencer mon intervention, si on pouvait augmenter le son, parce qu'on n'entend pas grand-chose.
Le président. Merci de l'information. Est-ce que je peux prier les techniciens de faire le nécessaire ? Et puis, vous m'obligeriez tous en m'indiquant les difficultés sonores que vous rencontrez, parce que la sonorité n'est pas la même partout dans cette salle.
Une voix. Cela ne nous manque pas !
Le président. Bien, mais ceux à qui cela manque peuvent le dire, parce que nous essayons d'améliorer les réglages. Monsieur Droin, vous avez à nouveau la parole.
M. Antoine Droin. M. M.F. est né le 20 janvier 1983. Il est originaire de Serbie Monténégro. C'est un ancien requérant d'asile en France. Aujourd'hui, il est sans statut ni en France ni en Suisse. M. M.F. est entré plusieurs fois illégalement en Suisse depuis le 2 juillet 2003 et chaque fois, il a été refoulé à la frontière. Le 7 avril 2004, il a tenté de se soustraire à un contrôle douanier et la conséquence de cela, c'est qu'il a reçu une interdiction administrative d'entrer en Suisse qui court jusqu'au 14 septembre 2006. Le 1er juillet 2004, il a été arrêté à Montbrillant sans papiers d'identité. Il a reconnu être employé au noir à Genève depuis juin 2004 comme peintre en bâtiments. Depuis 2004, il vit une relation amoureuse avec une Suisse. Ils désirent se marier, ce qui leur a été refusé, au vu de la situation illégale de M. M.F. Après son arrestation le 1er juillet 2004, M. M.F. a écopé d'une amende et d'une expulsion pénale de cinq ans.
Je vais vous lire un paragraphe de la lettre que l'avocat m'a fait parvenir. Pour commenter cette expulsion pénale de cinq ans, l'avocat dit: «Ceci résulte du fait que M. M.F. a été jugé par défaut et qu'il n'a pas pu expliquer au juge pénal l'intensité des relations qu'il entretenait avec sa fiancée. Il est donc certain que si cette circonstance avait été connue du juge pénal, il aurait obtenu le sursis à l'exécution de la peine, étant précisé qu'il remplit manifestement les conditions de l'article 41 du code pénal suisse. Il est à relever que M. M.F. n'a pas commis de délit grave si ce n'est d'entrer illégalement en Suisse et de travailler quelques jours au noir, son casier judiciaire étant vierge. A ce jour, M. M.F. et son amie désirent vraiment se marier, car ils s'aiment, comme en atteste par écrit leur voisinage.»
Après avoir eu contact avec l'avocat et l'amie de M. M.F., j'arrive aux conclusions qui suivent: bien que résidant actuellement chez son amie, M.F. n'a pas de statut ni en Suisse, ni en France; les deux fiancés sont d'accord d'aller se marier au Kosovo puisqu'il n'y a pas d'autre possibilité; il y a une très grande disparité entre la peine administrative d'une année et la peine pénale d'exclusion de cinq ans qui prend fin le 2 septembre 2009; une fois marié, M. M.F. doit avoir la possibilité de revenir en Suisse et s'il n'est pas gracié de la peine pénale, il est probable qu'il revienne illégalement avec son épouse et il se trouvera de fait dans une grande précarité; d'obtenir la grâce lui permettra de vivre et de travailler en Suisse comme peintre en bâtiments.
La majorité de la commission vous propose donc de donner une deuxième chance à M. M.F. et de ne pas l'enfoncer dans la précarité en le graciant de trois ans sur cinq, puisque déjà deux ans de la peine pénale sont déjà purgés.
M. Christian Luscher (L). J'aimerais une fois encore rappeler - je crois que je n'ai pas encore eu l'occasion de le faire dans cette législature et je pense donc ne pas radoter en rappelant à cette assemblée que lorsque nous décidons ou nous statuons sur des grâces qui ont trait à l'expulsion judiciaire, d'une part, nous procédons à une sorte de blanchiment de conscience, pour utiliser un terme cher à notre collègue Claude Aubert, et, d'autre part, nous donnons de faux espoirs aux personnes à qui nous accordons la grâce. Pour une raison très simple: quoi que nous fassions au niveau cantonal, il se trouve qu'au niveau fédéral, une interdiction d'entrée administrative sera prononcée, si ce n'est pas déjà fait, et cette personne sera, que ce soit sur la base d'une décision pénale ou administrative, physiquement expulsée de Suisse. Arrêtons de faire croire en accordant des grâces de cette nature à des personnes qu'elles vont pouvoir grâce à nous - le terme est peut-être mal choisi - rester en Suisse. Ce n'est pas le cas, ces personnes seront expulsées administrativement, au même titre que si en matière de circulation routière, nous accordions la grâce à une personne qui a roulé à 160 sur l'autoroute, elle se verrait infliger un retrait de permis, qui est une mesure administrative.
C'est la raison pour laquelle je ne voterai pas cette grâce. Je ne connais pas la personne en question, mais je ne veux pas me livrer à ce type de blanchiment de conscience et je voulais attirer une fois encore l'attention de ce parlement sur cette question brûlante.
M. André Reymond (UDC). Faisant partie, ayant été élu ou choisi à la commission des grâces, je demande tout simplement que ce cas soit reporté à la session suivante, vu que je n'ai pas été convoqué.
Le président. Monsieur le député n'a pas été convoqué à la commission de grâce, mais la commission de grâce, je le rappelle, siège tous les lundi de semaine du Grand Conseil.
M. Antoine Droin (S), rapporteur. J'aimerais revenir sur les propos de M. Luscher, puisque peine administrative il y a. La peine administrative est purgée, elle court jusqu'au 26 septembre, mais la peine pénale est prononcée encore pour trois ans; elle prend fin en septembre 2009. Il s'agit ici de gracier sur la peine pénale.
Le président. Ecoutez, Monsieur Reymond, j'ai bien entendu votre problème, mais outre le fait que cette commission se réunit à date fixe et qu'il n'est donc pas très difficile de s'en souvenir, elle ne peut siéger que si elle réunit le quorum de huit personnes présentes au moins, de sorte que, si elle a siégé et qu'elle a rendu des rapports, c'est que le quorum y était, je ne vois pas que l'on puisse reporter la décision pour qu'elle y repense. Par conséquent, je vous redonne la parole. Si vous voulez demander un renvoi en commission, vous pouvez le faire, on le mettra au vote, et après on verra.
M. André Reymond (UDC). Non, merci beaucoup, Monsieur le président, j'ai pris acte de vos indications et je retire ma demande.
Mis aux voix, le préavis de la commission (grâce de la peine d'expulsion) est rejeté par 41 non contre 29 oui et 1 abstention.