Séance du
jeudi 16 mars 2006 à
17h
56e
législature -
1re
année -
6e
session -
24e
séance
PL 9307-A
Premier débat
Le président. Le rapporteur était M. Blaise Matthey, il est remplacé par Mme Schenk-Gottret...
Des voix. Non ! (Rires.)
Le président. La parole n'est pas demandée ? Si ? Vous la demandez tous les deux; je la donne d'abord au rapporteur de majorité.
M. René Stalder (L), rapporteur de majorité ad interim. Ce projet de loi n'a plus raison d'être puisque les dernières votations nous ont imposé un moratoire de cinq ans sur l'utilisation d'OGM. Je vous propose de rejeter ce projet de loi. Pour le surplus, je vous renvoie aux conclusions de notre ancien collègue, M. Matthey.
Mme Françoise Schenk-Gottret (S), rapporteuse de minorité. Commençons par parler de l'Andra Pradesh, une région de l'Inde qui vit une véritable catastrophe suite à l'utilisation d'organismes génétiquement modifiés. Les paysans indiens ne peuvent même plus repartir de zéro: leur terre est stérile et polluée après trois ans seulement de culture de coton génétiquement modifié. Plus rien ne pourra pousser. La terre est devenue blanche et sèche, les paysans ont perdu leur outil de travail et leur moyen de survie. Il y a eu de nombreux suicides. On a relevé des problèmes de santé chez les animaux, et des problèmes respiratoires chez les travailleurs, les cultures OGM nécessitant plus de pesticides. Le gouvernement indien a dû finalement interdire les cultures transgéniques en Andra Pradesh.
Comme l'a relevé justement la presse au moment du moratoire sur les OGM voté par le peuple suisse l'an dernier, il est significatif de remarquer que c'est à une nette majorité que le peuple a accepté le moratoire de cinq ans sur l'importation et l'utilisation de semences ou de plantes génétiquement modifiées à des fins agricoles.
Le peuple suisse, dans le doute, avance toujours avec une grande prudence. Or, c'était bien le principe de précaution que demandait l'initiative. A l'heure actuelle, il est bien plus aisé d'imaginer les risques encourus lors de l'utilisation des OGM que d'en mesurer les éventuelles conséquences positives. Par ailleurs, la recherche n'est pas touchée par ce verdict des urnes. Au contraire, elle est chargée d'une nouvelle mission: déterminer avec précision et en toute transparence les effets des OGM sur l'agriculture.
Le principe de précaution, c'est aussi demander des éclaircissements plutôt que d'être des cobayes. Que la recherche se débarrasse du sentiment de persécution qui l'anime: les Suisses ont approuvé il n'y a pas très longtemps l'utilisation des cellules-souches embryonnaires. Le vote du peuple suisse a eu un écho positif à l'étranger, tant l'inquiétude sur l'utilisation des OGM dépasse les frontières de notre pays. Les milieux économiques ont de la peine à expliquer en quoi l'utilisation d'OGM est un enjeu financier important dans un petit pays comme le nôtre, si petit comparé à ce qu'est l'agriculture à l'échelle du globe.
On ne peut s'empêcher de penser que le lobbying de l'industrie alimentaire vise à répandre sur le territoire helvétique un agrobusiness qui n'obéit qu'à la seule loi du marché. C'est pourquoi nous avons voté sans hésiter le projet de loi de nos collègues de l'Alliance de gauche. En adoptant ce projet de loi, Genève ne ferait que ce qu'a fait déjà le Tessin. Celui-ci a adopté un article 1 dans sa loi sur l'agriculture qui exclut l'utilisation d'OGM dans la production alimentaire.
Certains juristes doutent de la compétence législative des cantons dans ce domaine. J'insiste sur ce qui est dit dans le rapport de minorité: dans un certain nombre de domaines, il n'est pas facile de savoir si la compétence est exclusive ou partagée. Il est parfaitement possible d'imaginer des compétences cantonales en présence d'un intérêt public prépondérant. La loi fédérale sur le logement, par exemple, déroge au droit de propriété, le Tribunal fédéral l'a admis. En principe, lorsqu'une loi fédérale est adoptée, l'administration fédérale demande aux cantons de suspendre les textes sur le même objet. Or, les recours de droit public ont souvent révélé qu'il n'y avait pas lieu de suspendre les lois cantonales, et la protection de l'environnement n'est pas une compétence exclusive.
Animés d'une volonté politique, nous sommes en faveur d'un texte législatif et regrettons que les commissaires de la majorité, ni partisans de l'utilisation des OGM, ni convaincus des bienfaits de leur usage, ne se soient ralliés à notre vote. Aujourd'hui, étant donné que le résultat de la votation fédérale est là, je ne désespère pas de vous convaincre et de vous amener à voter ce projet de loi.
M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, vous savez que déjà dans la législation genevoise, l'aide à l'agriculture prévoit qu'on ne puisse pas cultiver d'OGM dans ce canton. Vous savez aussi que le peuple a voté un moratoire sur la culture des OGM. Il s'agit ici, suite à une proposition du député Grobet et de la députée Marie-Paule Blanchard-Quéloz, simplement d'assurer les choses dans la pérennité, de donner un signal fort, sachant que les consommateurs ne veulent pas d'OGM. Dire que l'agriculture genevoise sera parfaitement sans OGM à très long terme, c'est un peu porter à la fois une ceinture et des bretelles, c'est prendre une précaution de plus et affirmer une conviction: les OGM ne sont pas souhaités dans ce canton, les consommateurs n'en veulent pas et les agriculteurs genevois ne souhaitent pas non plus en cultiver. Ce que l'on souhaite aujourd'hui, c'est simplement un message fort, qui dise non aux OGM. C'est ce que je vous invite à faire en acceptant ce projet de loi.
M. André Reymond (UDC). Comme il a été indiqué tout à l'heure, un moratoire de cinq ans a en effet été voté sur le plan fédéral. Je me permettrai tout de même de rappeler que, pour un lieu de la grandeur du canton de Genève, s'opposer à l'implantation de cultures génétiquement modifiées est une illusion, étant donné que notre territoire ne peut pas être à l'abri d'une dissémination naturelle. En analyse, si on ne connaît pas les méthodes, il n'est pas possible de détecter des plantes OGM. S'il devait éventuellement y avoir une culture OGM à nos frontières, à la porte de notre canton, une invasion d'OGM serait fort probable. Aujourd'hui, personne ne peut qualifier les OGM de malfaisants, même si certains dans ce parlement sont convaincus qu'ils le sont. Même le Professeur Rochaix, du département de biologie moléculaire et végétale de l'Université de Genève, confirme que ce projet de loi est insensé.
On sait que partout dans le monde, la production agricole qui utilise les OGM est en progression. Si nous regardons les chiffres, en 2003, 60 millions d'hectares étaient cultivés avec des OGM dans 18 pays. Aujourd'hui, 55% des cultures mondiales contiennent des OGM. Dans le coton, cette proportion atteint 21%, dans le soja, 16% et dans le maïs, 11%. (Brouhaha.) Dans l'Union européenne, seule l'Espagne et l'Allemagne ont des cultures d'OGM. En Europe, la Roumanie est le pays qui cultive le plus d'OGM, avec environ 70 000 hectares. Avec la production d'OGM, nous allons vers une diminution des coûts de production et les risques sanitaires liés aux OGM peuvent être considérés comme négatifs. C'est de la folie que d'ignorer les perspectives offertes par le développement des OGM. Pour les milieux économiques, ce projet de loi est même synonyme de stagnation pour notre canton, surtout qu'à Genève, on se veut ouverts sur les nouvelles technologies et la recherche.
N'oublions pas que la Suisse dispose aujourd'hui de la loi sur le génie génétique la plus rigoureuse dans le monde. Ce qui me surprend, c'est la position de certains partis opposés à l'UDC qui, par leur position, tuent l'esprit de recherche et d'innovation dans l'agriculture. On sait que des pays ouverts à la recherche poussent leurs investigations sur les OGM pour trouver des carburants grâce aux plantes. L'affirmation que la diffusion d'OGM dans la nature menace les conditions de la survie n'est pas encore prouvée scientifiquement. L'affirmation que les OGM vont aggraver la situation des petits paysans dans le monde est aussi une désinformation. La promotion d'une vision romantique de l'agriculture biologique dans les pays pauvres est une illusion. Dans ces pays pauvres, le 85% des nouvelles variétés améliorées par les OGM proviennent d'institutions politiques.
Avec le moratoire voté par le peuple suisse, nous constatons, comme l'UDC l'avait annoncé, un exode de chercheurs de nos universités et de nos laboratoires. Ne donnons pas au niveau de notre canton un signe négatif qui pourrait être très mal interprété par des multinationales ou des PME qui apportent de très grosses contributions fiscales qui assurent notre bien être à Genève. En conclusion, je vous propose de vous référer à ce qu'a dit le rapporteur de majorité, même si le moratoire de cinq ans a été voté par le peuple suisse.
Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Je veux juste prendre la parole pour contredire M. Reymond. Si nous prenons l'excellent rapport de M. Blaise Matthey, qui n'est malheureusement plus là, on peut lire à la page 4 les propos d'un scientifique, M. Spichiger, directeur du conservatoire au Jardin botanique. Ce monsieur a un point de vue très négatif sur les OGM: «M. Spichiger avoue craindre les OGM car il ne voit aucune raison de penser que ces organismes se comportent différemment des plantes envahisseuses. Il explique que, pour le scientifique - le scientifique, je l'ai bien dit ! -, l'OGM, à l'instar de toute plante, représente un risque car sa vie et son développement sont incontrôlables.» Il dit deux phrases plus loin: «Sur le canton de Genève, les OGM cultivés en plein air se dissémineront dans la nature, qu'ils soient nocifs ou pas.» Enfin, «M. Spichiger explique que le principe de précaution a été introduit en raison du fait que les conséquences des OGM sur la santé publique étaient méconnues».
On ne peut donc pas affirmer que les propos concernant les dangers des OGM ne sont que des propos partisans, non, Monsieur Reymond ! Les scientifiques disent effectivement qu'en l'état, on n'a pas toutes les données et que ces organismes modifiés pourront se reproduire et envahir les sols, prenant la place de toutes les autres plantes. C'est là un vrai risque. Je pense que cultiver des plantes dont il n'est pas prouvé scientifiquement qu'elles ne sont pas nocives est vraiment dangereux. Je vous invite à lire les propos du rapporteur de vos rangs.
Mme Patricia Läser (R). Lorsque ce projet de loi a été déposé, rien n'était encore vraiment fait pour empêcher à long terme la culture d'OGM sur le canton. Depuis, bien des choses se sont passées. Vous avez été en 2004 le premier canton à voter une loi agricole interdisant aux agriculteurs désirant obtenir le label Genève Région - Terre Avenir, ou toute autre forme d'aide prévue dans cette loi, la culture ou l'utilisation de plantes génétiquement modifiées. Depuis, le peuple suisse a voté massivement pour une Suisse sans OGM.
Je pense, ou plutôt, j'espère, qu'en tant qu'élus du Grand Conseil genevois, vous savez que Genève fait partie de la Suisse. Nous sommes donc déjà par deux lois un canton sans OGM. Pas question ici de relancer un débat sur le oui ou le non aux OGM: le peuple suisse a déjà dit non. Mais il est question ici de dire non à un projet de loi qui est un parfait doublon de la législation nationale. Arrêtons donc d'alourdir inutilement la législation et refusons ce projet de loi !
M. Antoine Droin (S). J'entends dire que ce n'est pas un débat sur le oui ou le non aux OGM, mais je pense que les questions sur les OGM dépassent de loin ce simple raccourci. En fait, on parle beaucoup du problème des OGM d'un point de vue environnemental, mais ce n'est bien sûr qu'un volet de la chose. J'aimerais souligner ici les problèmes économiques que relève la question des OGM et la dépendance que l'utilisation des OGM crée chez les paysans.
L'agriculture transgénique repose sur des investissements importants et génère une production industrielle, ce qui est difficilement compatible avec le respect de l'environnement. C'est ce qu'illustre dramatiquement l'exemple de l'Argentine, un pays où seules subsistent quelques grandes sociétés pratiquant la culture intensive du soja. Les paysans ne sont pas en mesure de concurrencer l'agrobusiness axé sur l'exportation et sont privés de leurs terres et de leurs moyens de subsistance. Dans les pays du Sud, par exemple, la disparition d'un nombre croissant de petites exploitations agricoles s'accompagne d'une augmentation de la faim et de la malnutrition. Les OGM, c'est aussi une dépendance accrue. Le brevet sur les semences accroît la dépendance des paysans à l'égard de multinationales agrogénétiques. Ils sont de facto privés de leur droit ancestral d'échanger entre eux des semences et d'en conserver une partie pour les prochaines semailles. Les paysans perdent ainsi leur indépendance et sont nombreux à se retrouver pris dans la spirale d'un dramatique endettement.
Je pense que tout cela est aussi valable pour le canton de Genève. Ce n'est pas parce qu'un moratoire de cinq ans a été voté par le peuple suisse que Genève ne peut pas montrer un élan fort en votant une loi qui va au-delà du moratoire.
M. Olivier Jornot (L). L'excellent rapport, comme on l'a dit tout à l'heure, de Blaise Matthey soulignait déjà l'existence d'une législation très sévère sur le plan fédéral. Mme Läser a rappelé il y a un instant l'existence d'une législation cantonale, puis le vote du moratoire sur le plan fédéral. C'est donc que nous sommes dans un domaine qui est déjà extrêmement réglementé.
Tout à l'heure, M. André Reymond a prononcé un vibrant plaidoyer en faveur des OGM et M. Antoine Droin, un tout aussi vibrant réquisitoire. Mais je crois, Mesdames et Messieurs les députés, que la question n'est pas vraiment là. La question, comme l'a dit M. Matthey dans, une fois encore, son excellent rapport, est de savoir si un canton, si le canton de Genève a la compétence de prononcer une interdiction sur son territoire.
Regardez ce projet de loi: il ne s'agit pas seulement, comme le disait tout à l'heure M. Bavarel, de lancer un signal; il ne s'agit pas de voter une résolution; il ne s'agit pas de lancer un appel; il s'agit d'introduire dans notre législation une interdiction assortie d'une sanction pénale d'emprisonnement pour celui qui ne la respecterait pas. Eh bien, à ceux qui estiment que c'est une façon de lancer un signal que d'introduire dans la loi une interdiction que le canton n'a pas le droit de prononcer, et de l'assortir d'une sanction pénale, je dis pour ma part, et les libéraux disent, que ce n'est pas une façon de lancer un signal, et que ce signal est une fausse note, que c'est un couac.
Il faut donc, Mesdames et Messieurs, indépendamment de notre conviction sur la question des OGM, j'insiste là-dessus, indépendamment de la conviction, voire de la certitude que nous avons que la majorité de la population de ce canton est opposée aux OGM, il faut malgré tout dire non à ce projet de loi, qui serait une fois encore une occasion que ce Grand Conseil prendrait de violer le droit fédéral, d'empiéter sur des plates-bandes qui ne sont pas celles de notre canton. Bref, il faut dire non à ce mauvais projet.
M. Pierre Kunz (R). Nos collègues de gauche n'ayant pas pu s'empêcher d'aborder la question de fond, je me permettrai aussi de ne pas me limiter à l'aspect purement juridique, parce que, Mesdames et Messieurs, moratoire ou pas moratoire, rapport d'expert ou pas rapport d'expert, Madame Leuenberger, il faut bien rappeler qu'il n'existe aucun argument scientifique sérieux qui peut être opposé à l'utilisation des OGM dans l'agriculture. Il n'existe aucun argument scientifique sérieux qui peut être opposé à la consommation de produits alimentaires par la population genevoise, suisse ou européenne.
Ceux qui prétendent interdire les OGM, par contre, sont eux extrêmement sérieux. Leurs motivations sont extrêmement sérieuses. Malheureusement, ces motivations sont particulièrement malhonnêtes et condamnables. Elles sont de deux ordres: il y a les motivations de caractère marketing, le marketing politique des milieux de gauche en général, celui des Verts en particulier, qui est fondé sur la peur. Une peur que ces milieux cultivent à grand renfort de pseudo-experts qui rendent des scénarios-catastrophe sur commande, et dont ils vivent. Ces rapports sont d'autant plus catastrophiques qu'ils extrapolent loin dans le temps les hypothèses les plus pessimistes. Les milieux en question s'activent, avec le soutien complaisant des médias, à exploiter à chaque occasion et à chaque incident cette peur. Dernier exemple en date, Mesdames et Messieurs, vous vous en souvenez, dernière trouvaille «écologicomédiatique»: les particules fines. Elles ont ridiculement tenu en haleine la population helvétique pendant des semaines et elles ont offert la une de la presse à M. Ueli Leuenberger, muni d'un masque de fossoyeur particulièrement révélateur. Il est vrai que cultiver la peur de la population donne d'excellents résultats, ... (Brouhaha.) ... surtout électoralement et, après tout, ces résultats valent bien quelques messes honteuses.
Et puis, il y a les motivations clairement protectionnistes de ces mêmes milieux, auxquels, bien évidemment, s'associent parfois certains agriculteurs. Ce protectionnisme est compréhensible de la part des agriculteurs, qui vivent des moments douloureux en raison de la concurrence mondiale à laquelle ils sont confrontés. Mais ce protectionnisme peut être qualifié de particulièrement condamnable lorsqu'il fonde l'action et le discours des milieux de gauche, car il vise dans les faits, et cela mérite vraiment d'être souligné, à interdire aux pays en développement du Sud de la planète qui, eux, utilisent, ou aimeraient utiliser les OGM, d'accéder au marché du monde développé. Cela signifie que le protectionnisme condamne ces pays à rester dans la pauvreté. Moi, je ne vois pas très bien comment on peut tenir le discours altermondialiste, le discours tiermondiste qui est le vôtre, Mesdames et Messieurs, sur certains bancs, et en même temps... (L'orateur est interpellé.) ...être contre l'utilisation des OGM dans ces pays et contre l'importation des produits agricoles en provenance de ces pays, au prétexte qu'ils sont OGM. Mais évidemment, cela vous permet fort opportunément de réclamer ensuite les millions que vous voulez dédier à l'aide au sous-développement.
M. Pierre Losio (Ve). Je n'ai pas une connaissance particulière des OGM, en revanche, j'ai une connaissance assez vaste de l'information qui circule dans ce monde et je ne peux pas laisser passer les propos intenables que vient de proférer M. Kunz à l'égard du parti des Verts. En effet, le discours qu'il vient de tenir me fait penser à la chanson de Country Joe and the Fish. Je sais que M. Kunz n'est pas un ancien soixante-huitard, mais il y avait dans les années 1970 ce refrain qui disait: «Whoopee ! We're all gonna die ! [Youpie ! On va tous mourir !]» Effectivement, je crois que M. Kunz dit d'une manière très calme que tout ce qui s'est passé comme accidents écologiques ces trente dernières années, ce sont simplement des avatars que les Verts exploitent politiquement pour faire peur à la population mondiale.
Je ne sais pas si les habitants de Tchernobyl, ceux de Bhopal, ou les gens qui souffrent très directement des premiers effets du trou dans la couche d'ozone captent Léman Bleu. Si c'est le cas, ils seront très contents d'avoir entendu ce discours ! Non, écoutez, ce n'est pas sérieux ! Vous venez de montrer un mépris profond à l'égard du parti sur les bancs duquel j'ai l'honneur de siéger. Je crois que si, effectivement, nous avons du succès maintenant, ce n'est pas parce que nous faisons peur à la population. C'est, d'une part, parce que nous avons montré notre sérieux et notre pragmatisme et, d'autre part, parce que nous avons des magistrats capables de gérer des collectivités publiques en proposant des solutions raisonnables, sans faire peur à la population, comme vous le prétendez, Monsieur Kunz. (Applaudissements.)
M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. A titre préalable, je ne peux pas, en ma qualité de conseiller d'Etat en charge notamment de la protection de l'environnement, laisser passer sans réagir les propos de M. Kunz en ce qui concerne les particules fines. Cela ne fait pas l'objet de notre débat et je vous dis donc simplement, Monsieur Kunz, qu'il y a dans nos hôpitaux, dans notre pays, des femmes et des hommes qui souffrent atrocement de la pollution atmosphérique et qui ont notamment beaucoup souffert de ces épisodes de particules fines dans l'air. Ce n'est pas une illusion, c'est une cause de souffrance humaine, c'est même une cause de décès en Suisse, qui a été quantifiée par les experts et qui amène notre gouvernement fédéral à vouloir prendre des mesures de façon que ces émissions se réduisent. Je ne vois pas en quoi il a été utile de mépriser cette souffrance-là à l'occasion d'un débat qui n'a rien à voir avec cet objet.
Au-delà de cela, et pour en revenir au point inscrit à notre ordre du jour, je tiens tout d'abord, à la suite de plusieurs, à dire la qualité du rapport qui a été fait par Blaise Matthey. La qualité de ce rapport montre à quel point la commission de l'agriculture et de l'environnement a pris au sérieux cet objet, à quel point elle a voulu l'examiner de façon approfondie et, en réalité, à quel point, pour reprendre une expression que j'ai entendue, elle a voulu l'examiner au fond.
Elle a voulu l'examiner au fond alors qu'en réalité le fond, c'est-à-dire, sommes-nous favorables ou défavorables aux OGM, a été tranché. Le fond a été tranché dans notre canton lorsque le Grand Conseil, à une très très large majorité, a adopté la loi sur la promotion de l'agriculture du 21 octobre 2004. Le fond a été tranché ultérieurement dans notre pays lorsque la population suisse dans sa majorité, les cantons suisses dans leur majorité, et tout particulièrement le canton de Genève, ont dit qu'ils souhaitaient un moratoire sur les OGM. Je regrette que les interventions que l'on a pu entendre n'aient pas suffisamment insisté sur ce point, de même que le rapport de minorité. On peut en effet lire dans ce rapport qu'il y a deux cantons suisses qui ont l'air de se préoccuper des OGM: le canton du Jura, pour en dire qu'il s'agit d'une compétence fédérale, et le canton du Tessin, pour avoir inscrit, et c'est méritoire, dans sa législation une clause toute générale disant qu'il faut essayer d'éviter les OGM.
Il en est cependant un troisième, Mesdames et Messieurs les députés, un canton suisse qui a été bien au-delà de ce qui a été fait partout ailleurs dans notre pays, et ce canton, c'est Genève. L'article 43 de la loi sur la promotion de l'agriculture indique en effet que seuls ont droit aux prestations cantonales prévues dans la loi les agriculteurs qui n'utilisent pas d'OGM ni de produits qui en sont issus. Cette disposition précise encore comment on le saura. C'est l'alinéa 2: «Le non-usage de tels organismes est attesté par tout document prouvant que les intéressés ont requis les informations nécessaires sur les produits qu'ils utilisent et leur composition». Cette disposition va très loin, parce que ce qu'elle nous dit en réalité, c'est que chaque fois qu'on utilise un OGM, on va à contre-courant de tout ce qui est voulu dans la législation cantonale, c'est-à-dire la promotion d'une production diversifiée, saine et de qualité et la volonté d'assurer la viabilité des espaces ruraux, de préserver et d'entretenir les ressources naturelles, etc. C'est ce qu'a voulu le législateur, c'est ce qu'a voulu, à une quasi unanimité, ce Grand Conseil.
Nous n'avons dès lors pas à rougir de notre législation, qui est la plus exigeante de ce pays en matière d'OGM. Faut-il aller plus loin ? Assurément, il faudrait aller même beaucoup plus loin si on le pouvait, mais très malheureusement, ce qui nous est proposé dans ce projet de loi est contraire au droit fédéral. C'est contraire au droit fédéral, et le rapport le dit très justement, parce qu'il appartient à la Confédération de légiférer en cette matière, parce qu'il lui appartient de légiférer quand il s'agit de protéger les consommateurs. C'est du reste ce qu'a fait la Confédération lorsqu'à la suite d'une initiative fédérale, on a légiféré sur un moratoire quant à l'usage des OGM. Je vous dis simplement, et à regret, que vous ne pouvez entrer en matière sur ce projet de loi, parce qu'il est contraire au droit fédéral. Je vous dis dans le même temps que le canton de Genève, et nous pouvons en être fiers, est assurément celui dans toute la Suisse qui est le plus exigeant en matière d'OGM, puisque nous garantissons au consommateur que les produits qui sont mis sur le marché par les agriculteurs genevois sont exempts d'OGM. C'est la raison pour laquelle nous sommes particulièrement fiers de soutenir l'agriculture genevoise et d'assurer sa promotion.
Mis aux voix, le projet de loi 9307 est rejeté en premier débat par 47 non contre 22 oui et 8 abstentions.
Le président. Je salue à la tribune un groupe de l'Université ouvrière de Genève, qui, dans le cadre d'une formation sur le fonctionnement des institutions genevoises, nous rend visite. (Applaudissements.)