Séance du
jeudi 16 février 2006 à
17h
56e
législature -
1re
année -
5e
session -
20e
séance
GR 435-A
M. Alain Charbonnier (S), rapporteur. Je vais vous présenter le cas de M.L.D., de nationalité malienne, né en 1968 et qui demande la grâce concernant une expulsion de sept ans du territoire suisse.
M.L.D. est arrivé en Suisse en 2000 en tant que requérant d'asile. Il s'est très rapidement lié d'amitié avec des compatriotes de la communauté africaine de Genève.
Fin 2000, il est arrêté pour vente et détention de cocaïne et est condamné pour cela à quatre mois d'emprisonnement et cinq ans d'expulsion, le tout avec sursis. Depuis cette date, il n'a plus effectué de trafic de cocaïne. Il n'est, du reste, pas consommateur.
De janvier 2001 à janvier 2002, il a effectué plusieurs versements au Mali pour le compte de ses «amis», entre guillemets. Il dit qu'à l'époque il ne connaissait pas la provenance ni la destination réelle de cet argent... Le 10 février 2003, M.L.D. est reconnu coupable de blanchiment d'argent par rapport à ses versements au Mali. Il est condamné à douze mois de détention, avec une expulsion de sept ans du territoire suisse. Le Tribunal a toutefois relevé que M.L.D. n'avait retiré que de tous petits profits pour avoir effectué ces versements. (Brouhaha.) Ce jugement n'a fait l'objet d'aucun recours. Il a donc effectué sa peine complète à Champ-Dollon.
A la sortie de prison, il s'est marié à une Suissesse qu'il avait connue, en décembre 2001 déjà. (Brouhaha.) Cette dame est mère de deux enfants, dont l'un est né en 1990 et l'autre, en 1996. Suite à ce mariage...
Le président. Monsieur le rapporteur, excusez-moi ! Mesdames et Messieurs les députés, ceux qui n'ont pas pris conscience de la gravité d'une grâce sont priés de se retirer de la salle, pour bavarder de leurs autres affaires pendant que M. le rapporteur rapporte !
M. Alain Charbonnier. Merci, Monsieur le président ! Vous verrez que la suite est importante pour ce cas...
Suite à son mariage, ce monsieur a demandé et obtenu un permis B valable jusqu'au 5 avril 2005. Depuis début 2004, il travaille pour la société Hotelpro: il effectue des missions temporaires pour lesquelles il est payé à l'heure. Sa femme et ses deux enfants vivent grâce à une rente AI, soit environ 2100 F par mois. Le salaire de M.L.D. s'élève en moyenne à 3000 F par mois. Son salaire leur est donc indispensable pour pouvoir vivre. (L'orateur est dérangé par une conversation.) Monsieur Catelain, vous pourriez vous taire, s'il vous plaît ! Cela me faciliterait un peu la tâche... Merci !
M.L.D. ne fait l'objet d'aucune dette ni poursuite, et il n'a plus eu de problèmes avec la justice depuis fin 2002. Tout cela figure dans les pièces fournies dans le dossier.
En février 2005, l'office cantonal de la population a envoyé à son employeur une formule de renouvellement de son permis B qui devait arriver à terme en avril de la même année. Lors du même mois de février, lors d'un contrôle de police, les autorités se sont rendu compte que M.L.D. faisait l'objet d'une expulsion judiciaire de sept ans du territoire suisse. C'est donc l'administration qui s'est lourdement trompée en 2002, à sa sortie de prison, et, plus tard, en 2003, en lui octroyant un permis B alors qu'il était sous le coup d'une expulsion judiciaire de sept ans.
La police lui a donc signifié que son permis B ne pouvait être renouvelé à cette occasion, lui conseillant, pour y remédier, de déposer une demande de grâce, ce que M.L.D. a donc fait.
Samedi dernier, n'arrivant pas à obtenir le numéro de téléphone de M.L.D., je me suis rendu à son domicile - évidemment, sans prévenir. J'ai été reçu par lui-même, sa femme et le fils du premier mariage de madame. M.L.D. m'a indiqué qu'il travaillait toujours pour la société Hotelpro, mais - encore mieux - qu'il travaillait aussi à l'Hôtel de police comme aide-cuisinier.
J'estime donc pour ma part que M.L.D. a payé pour ses infractions; que l'administration a commis une erreur en lui délivrant un permis B, alors qu'il faisait l'objet d'une expulsion de sept ans; que, depuis, il vit parfaitement intégré dans notre canton: il est marié à une Suissesse, participe à l'éducation de deux enfants et assure un revenu indispensable à cette famille. A mes yeux, M.L.D. est un exemple typique de la dureté - et de l'aberration, parfois - de cette double peine.
La commission, à une très large majorité - c'est-à-dire dix oui et un non - vous prie donc d'accepter sa grâce.
Mis aux voix, le préavis de la commission (grâce de la peine d'expulsion) est adopté par 41 oui contre 25 non et 7 abstentions.