Séance du
jeudi 16 février 2006 à
17h
56e
législature -
1re
année -
5e
session -
20e
séance
IN 132 et objet(s) lié(s)
Préconsultation
M. Olivier Jornot (L). Nous devons en effet nous exprimer sur le renvoi en commission d'une initiative qui réclame quelque chose d'assez curieux: à savoir rien moins que l'expropriation des immeubles occupés par Rhino - une expropriation qui devrait intervenir au profit de la Ville de Genève.
Cette initiative ne propose rien moins qu'une mesure d'ordinaire digne des pays totalitaires: la confiscation - ni plus ni moins - de la propriété d'autrui !
Nous parlons bien de ces immeubles occupés depuis dix-sept ans et qui constituent, depuis lors, une zone de non-droit qui échappe à toutes les règles de notre République...
Cette initiative, Mesdames et Messieurs, ne représente rien moins que la deuxième mise à mort de ce que l'on appelle parfois - bien à tort, d'ailleurs - la «pratique Bertossa», celle d'une certaine mansuétude envers les milieux du squatt jusqu'au moment où des autorisations de construire entrent en force. Pratique que les occupants de Rhino, comme vous le savez, ont, par deux fois maintenant, contribué à bafouer.
Le groupe libéral salue le courage du Conseil d'Etat qui, dans son rapport, propose de déclarer cette initiative irrecevable pour des raisons qui sont, à vrai dire, particulièrement juridiques. En effet, cette initiative propose une mesure administrative individuelle, une expropriation dans un cas précis. C'est permis par le droit genevois pour autant que cela ne bafoue pas toutes les règles de compétence. Or, en l'occurrence, les règles de compétence sont manifestement bafouées. C'est un peu, Mesdames et Messieurs, comme si on lançait une initiative populaire pour demander la délivrance d'une autorisation de construire ou pour réclamer une baisse d'impôt pour un citoyen ou pour un groupe de citoyens !
Mais, plus important sur le fond, le Conseil d'Etat a le courage de dire que cette initiative poursuit des buts qui sont illicites, puisqu'elle vise, ni plus ni moins qu'à spolier les propriétaires des immeubles Rhino. Par conséquent, le groupe libéral soutiendra, en commission, son irrecevabilité totale.
Mesdames et Messieurs, il y a parfois des coïncidences... Le Tribunal de première instance, il y a quelques jours, dans un jugement qui fera certainement date, a décrété la dissolution de l'Association Rhino, car celle-ci poursuit un but illicite. Mesdames et Messieurs, lorsque ce jugement aura été confirmé par les instances supérieures, cela signifiera ni plus ni moins que la justice aura reconnu que Rhino poursuit un but illicite, et que, donc, en bon français, il s'agit d'une association de malfaiteurs. (Exclamations.) Cette initiative est illicite. Elle est lancée par des initiants illicites qui poursuivent des buts illicites ! Elle consacre un abus scandaleux des droits populaires, et il conviendra de l'invalider ! (Très vifs applaudissements; des bravos fusent.)
M. Hugues Hiltpold (R). Le groupe radical prend acte ce soir...
Le président. Attendez, Monsieur le député: une seconde ! Messieurs et Mesdames les députés, sur les bancs qui sont à ma droite, en général, je vous trouve un peu agités... J'aimerais que vous vous taisiez pour que nous entendions ce que d'autres ont à nous dire. Monsieur Hiltpold, vous pouvez poursuivre...
M. Hugues Hiltpold. Merci, Monsieur le président. Le groupe radical, disais-je, prend acte, ce soir, de la position du Conseil d'Etat et fait siennes ses conclusions, à savoir l'irrecevabilité complète de cette initiative, eu égard à la contrariété des alinéas 1 et 2 de l'article unique de cette initiative, tant au regard du droit supérieur que du non-respect de la constitution de la législation cantonale et du principe cardinal de la séparation des pouvoirs sur la question de la déclaration d'utilité publique, de l'expropriation et des transferts d'immeubles expropriés en faveur de la Ville de Genève... Rien que cela, Mesdames et Messieurs !
Fort de ce qui précède, le groupe radical vous demande, Mesdames et Messieurs, de déclarer l'irrecevabilité de cette initiative, ce que ne manquera pas de faire la commission législative, qui la traitera avec la célérité et le sérieux qui la caractérisent. Et il suggère au président de la commission législative de prendre langue avec le Conseil administratif de la Ville de Genève qui a commandité un avis de droit sur la question à un éminent professeur qui arrive à la même conclusion que le Conseil d'Etat. Mais c'est vrai qu'il n'a pas été fait grande publicité de cet avis de droit ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député ! La parole est à Mme Virginie Keller Lopez...
Mme Virginie Keller Lopez (S). Merci, Monsieur le président... (Le micro siffle; un député interpelle l'oratrice, ce qui déclenche des rires.) Oui, mais c'était il y a très longtemps ! (Commentaires.)
Le président. Je vous invite à laisser s'exprimer l'oratrice. Madame Keller Lopez, vous avez la parole, mais pour l'instant vous l'avez seule...
Mme Virginie Keller Lopez. Merci, Monsieur le président. Le groupe socialiste, avant de parler plus précisément de l'initiative et du rapport du Conseil d'Etat, souhaite insister sur trois éléments ce soir.
Il me semble essentiel de garder en mémoire que ce projet est l'aboutissement d'une initiative populaire qui a été signée par plus de dix mille personnes et qui émane d'un collectif de soixante-cinq habitants et habitantes - dont dix enfants - et certains logent dans ces immeubles depuis plus de dix-huit ans.
Au-delà de la confrontation idéologique et juridique qui va effectivement avoir lieu en commission, il y a une réalité humaine et sociale que le groupe socialiste vous demande de ne pas oublier. Rhino, c'est du logement familial, c'est du logement étudiant, c'est une vie culturelle reconnue et, même, soutenue par les pouvoirs publics.
Par ailleurs, le groupe socialiste souhaite aussi féliciter le Conseil d'Etat, mais pas tout à fait pour les mêmes raisons que M. Jornot. Nous souhaitons en effet saluer les récentes déclarations notamment de MM. Laurent Moutinot et Mark Muller concernant la politique générale de dialogue qu'ils souhaitent poursuivre avec les occupants de logements laissés vides. Genève a su, depuis des dizaines d'années, instaurer une politique de dialogue et de tolérance envers les habitants occupant des immeubles et les lieux culturels alternatifs. Cette politique de concertation reflète certainement la volonté de respecter le droit à la propriété, mais également de respecter le droit au logement inscrit à l'article 10 de notre constitution. L'occupation d'immeubles est certes illégale, mais laisser des immeubles vides en période de crise du logement est aussi illégal !
C'est pourquoi, dans notre canton et République, de telles occupations ont été, la plupart du temps, considérées légitimes aussi bien par le pouvoir politique que judiciaire et par les partis tant de gauche que de droite.
Enfin, ce soir, nous allons évidemment renvoyer cette initiative populaire à la commission législative, afin de tenter de régler la question posée par l'Association Rhino. Mais nous devons aussi - et c'est important pour le contexte de la discussion - nous rendre compte que d'autres cas semblables existent à Genève et que Rhino n'est pas le seul immeuble occupé qui pose cette question aujourd'hui. Je pense évidemment à Artamis, au squatt de l'Arquebuse - qui existe depuis dix ans maintenant - et à d'autres encore...
La question des squatts ne pourra pas être résolue en une séance de commission ou par une décision, tant que notre canton souffrira d'une crise du logement aussi importante.
J'en viens au rapport du Conseil d'Etat. Il est vrai que cette initiative semble formellement critiquable sur bien des points... Néanmoins, le groupe socialiste souhaite insister sur la notion d'utilité publique. Le Conseil d'Etat pourrait répondre que ce projet ne vise qu'à reloger soixante-cinq personnes et qu'il n'est pas défendable du point de vue de la notion d'utilité publique... Le groupe socialiste rappelle d'ores et déjà que ce projet vise avant tout à réaliser du logement social à loyer modéré pérenne au centre-ville. Et nous en avons grandement besoin, ainsi que du logement étudiant ! Qui pourrait, ce soir, dans ce parlement, nous dire que nous n'avons pas besoin de logements pour les étudiants, que ce n'est pas prioritaire, que ce n'est pas un projet d'utilité publique ?
Bien sûr, je ne rentrerai pas ce soir dans les détails concernant l'expropriation et tous les problèmes juridiques que cela peut poser: certes, cette initiative en pose. Néanmoins, je pense, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, que le groupe socialiste pourra soutenir l'entrée en matière de cette initiative et la défendre, car, même si elle est critiquable du point de vue formel, elle pose à notre parlement une question importante: comment aujourd'hui, étant donné la crise du logement que nous connaissons, appliquer concrètement l'article 10 de notre constitution ?
Je le rappelle, cet article stipule entre autres que: l'Etat doit lutter contre la spéculation foncière; il doit réaliser une politique d'acquisition de terrains active; il doit appliquer des mesures pour remettre sur le marché des logements laissés vides dans un but spéculatif - c'est dans la loi ! Et il doit également éviter que des personnes soient sans logement et, en outre, il doit appliquer une politique de concertation active.
Mesdames et Messieurs les députés, l'initiative 132 ne relève de loin pas des pays totalitaires ! Ces articles sont inscrits dans notre constitution, c'est notre loi: c'est vous qui l'avez votée - moi, je n'étais pas encore au parlement... L'initiative 132 ne nous demande rien d'autre que d'appliquer aujourd'hui les lois qui nous permettent de défendre le logement social pérenne en Ville de Genève ! (Vifs applaudissements.)
Mme Michèle Künzler (Ve). Les Verts ont toujours soutenu le logement alternatif, le logement pour étudiants... Nous avons du reste déposé un projet de loi dans ce sens qui tarde à être appliqué. Nous pensons qu'il faut aussi se préoccuper du logement pour les artistes.
Cependant, nous arrivons à la même conclusion que le Conseil d'Etat sur cette initiative: elle n'est pas valide ! Nous nous fâcherions sans doute avec beaucoup de nos amis, mais, même si nous étions majoritaires, nous ne voterions pas cette initiative, parce qu'elle propose de faire un usage disproportionné de la force publique pour un nombre limité de personnes. L'expropriation ou la déclaration d'utilité publique doivent être utilisées en prévoyant toutes les formes et les recours nécessaires, ce qui n'est pas le cas de cette initiative !
Dans ce sens, ce serait un grave précédent. Si cela se passait dans le sens inverse, nous serions tous ici en train de crier au scandale: nous trouverions que c'est abuser du droit du plus fort sur le plus faible. Nous devons absolument préserver l'Etat de droit !
Mais il est tout de même important de souligner que beaucoup de personnes ont signé cette initiative, et je pense qu'il faut respecter leur volonté sous-jacente. J'imagine que les signataires voulaient que l'expérience Rhino continue, qu'ils voulaient du logement pour les jeunes, pour les artistes, pour les étudiants. Et c'est le Conseil d'Etat qui a tous les atouts en main pour y répondre.
Il y a déjà eu la votation sur le Carlton... Il y a l'immeuble du Glacis-de-Rive qui attend un financement depuis trois ans, alors qu'il a été voté et qu'il existe. Il me semble que c'est dans cette voie qu'il faut aller ! L'expérience Rhino est magnifique, mais il faut continuer dans ce qui constitue sa richesse, c'est-à-dire la créativité, le développement culturel, le logement associatif. Il ne faut pas s'accrocher aux murs: il faut s'accrocher à l'expérience ! Vous n'allez tout de même pas vous accrocher au droit de la propriété, à la lourdeur de la propriété ! Accrochez vous plutôt à l'esprit Rhino: c'est-à-dire, à la créativité !
Nous vous engageons donc à trouver une vraie solution, mais ailleurs à Genève ! (Applaudissements.)
M. Olivier Wasmer (UDC). Le Conseil d'Etat a déclaré cette initiative irrecevable... Pour quelle raison ? C'est qu'en Suisse, malheureusement - ou, plutôt, heureusement - nous avons une Constitution fédérale qui garantit plusieurs droits, particulièrement celui de la propriété privée, et cela depuis déjà plus d'un siècle. En fait, la propriété privée a toujours été garantie dans notre Etat, quel que soit son statut, depuis deux ou trois siècles.
Par contre, on a pu constater qu'en Union soviétique, dans les années 20, le pouvoir s'accaparait effectivement la propriété privée, considérant que celle-ci était du vol... Eh bien, aujourd'hui, cette initiative me fait tout simplement penser que l'on voudrait violer la Constitution fédérale, tout à fait librement, tout à fait légalement, en prétendant contrer ce droit de la propriété ! Toujours est-il que cela n'est pas possible ! Du reste, le Conseil d'Etat nous rappelle que l'on ne peut pas violer le droit supérieur, et, par conséquent, cette initiative est parfaitement irrecevable.
Mais il y a plus, Mesdames et Messieurs les députés: on ne vous dit surtout pas toute la vérité aujourd'hui... On vous dit que l'Association Rhino a déposé une initiative... On vous dit également qu'une soixantaine de personnes dont des enfants ont besoin d'être logés... Mais ce que l'on ne vous dit surtout pas, c'est que le Tribunal de première instance vient de rendre, le 9 février dernier, un jugement très intéressant... Je vous lis le dispositif: «Jugement rendu entre Vergell Casa SA et SI Boulevard de la Tour 14 SA, contre l'Association Rhino». Ce dispositif nous dit, je cite: «Prononce la dissolution de l'Association Rhino, à partir de l'entrée en force du jugement; condamne l'Association RHINO aux dépens de l'instance ainsi qu'une participation aux honoraires d'avocat des demanderesses de 1500 F.»
La donne a donc passablement changé... En effet, outre les éléments évoqués par mes collègues députés Hiltpold et Jornot, l'Association RHINO - sauf si, par impossible, elle venait à déposer un recours contre ce jugement...
Une voix. C'est fait !
M. Olivier Wasmer. C'est fait... On sait donc aujourd'hui qu'un recours a été déposé... Quoi qu'il en soit, j'imagine que la Cour ira dans le même sens, car le droit de propriété est violé. Cette initiative va à l'encontre des intérêts des propriétaires et des locataires, puisqu'en fait son but est que des squatters qui sont dans l'illégalité la plus totale deviennent d'honorables locataires... Heureusement, nous sommes dans un Etat de droit, et ce droit doit être respecté !
Pour tous ces motifs, le groupe UDC, considère, comme le Conseil d'Etat, le parti libéral et le parti radical, que cette initiative est parfaitement illégale et irrecevable, et qu'elle doit donc être rejetée. (Applaudissements.)
M. Pascal Pétroz (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, en quatre ans et demi de Grand Conseil, je n'ai jamais eu l'occasion de voir un rapport du Conseil d'Etat aussi sévère sur l'aspect juridique d'une initiative. En principe, le Conseil d'Etat adopte une certaine neutralité en la matière et reste sur la réserve, afin que la commission législative puisse statuer librement, en toute connaissance de cause.
En l'occurrence, malgré la retenue dont le Conseil d'Etat a fait preuve dans ce dossier, force est de constater les violations de cette initiative tant elles sont hallucinantes: violation de la constitution genevoise, violation de la Constitution fédérale, violation de la garantie de la propriété, violation de la séparation des pouvoirs, violation des procédures prévues par la loi sur l'expropriation pour cause d'utilité publique, violation de la loi portant sur le patrimoine administratif de l'Etat et j'en passe !
On nous avance deux arguments. Le premier, se basant sur le grand nombre des signataires - dix mille personnes - consiste à nous dire qu'il faut respecter la volonté populaire... Si un jour dix mille personnes signent une initiative pour demander que la torture soit pratiquée dans les prisons genevoises, que direz-vous: que la volonté populaire doit prévaloir ? Ou direz-vous, à juste titre, que l'initiative est irrecevable ? Le droit doit prévaloir: nous sommes dans une démocratie, et, comme dans toute démocratie, les règles de droit doivent être respectées !
Le deuxième argument consiste à nous dire qu'il est scandaleux que des logements restent vides à Genève et qu'il faut, par conséquent, exproprier la société propriétaire, qui a une autorisation de construire en force et qui n'attend plus que le départ des squatters pour pouvoir commencer les travaux... On lui reproche de laisser les logements abusivement vides, mais il ne peut pas réaliser les travaux, parce qu'il y a des personnes qui y logent, et on voudrait procéder à une expropriation ! Cela n'a tout simplement pas de sens !
Je citerai l'excellent rapport du Conseil d'Etat à ce propos. Pour qu'une expropriation puisse être prononcée: «Il doit subsister un intérêt public suffisant et légitime à la mesure pour justifier l'action de la collectivité publique, distinct des intérêts privés objectivement servis par celle-ci, et suffisamment important. La puissance publique n'a en outre "pas à être mise au service de fins purement privées, l'intérêt étant public lorsqu'il est commun - au moins - à une grande partie de la population"». Une grande partie de la population... Peut-on dire que soixante-cinq personnes représentent une grande partie de la population ? Tel n'est manifestement pas le cas ! Par conséquent, cette initiative ne répond pas à un intérêt public.
C'est la raison pour laquelle le parti démocrate-chrétien conclura en commission à l'irrecevabilité de cette initiative. (Applaudissements.)
M. Mark Muller, conseiller d'Etat. Il est assez peu fréquent, effectivement - comme l'a relevé le député Pétroz - que le Conseil d'Etat considère une initiative populaire irrecevable... D'ailleurs, les trois autres initiatives qui sont à notre ordre du jour ont été considérées recevables par le Conseil d'Etat, alors même que le doute subsiste en ce qui concerne l'une d'entre elle.
L'irrecevabilité de l'initiative dont nous parlons maintenant est effectivement manifeste de notre point de vue, pour plusieurs raisons qui ont été évoquées précédemment - je n'y reviendrai pas... Je voudrais cependant insister sur une des raisons qui rendent cette initiative irrecevable. C'est que l'objectif poursuivi par les initiants ne remplit pas la condition de l'intérêt public.
Vous le savez, pour pourvoir exproprier pour cause d'utilité publique, il faut que l'objectif poursuivi soit d'intérêt public, et le Conseil d'Etat n'a pas considéré que tel était le cas. Bien évidemment, lorsqu'il se prononce sur un dossier d'intérêt public, il va au-delà de la simple appréciation technique et juridique de celui-ci. En réalité, il se prononce sur le plan politique, ce qui l'amène, tout naturellement, à se prononcer sur le fond. Et, sur le fond non plus, le Conseil d'Etat n'a pas considéré que cette initiative méritait d'être soutenue.
Du point de vue du Conseil d'Etat, les occupants de Rhino doivent partir, pour trois raisons.
Tout d'abord, parce que, depuis 1988, la garantie de la propriété est violée, les droits des propriétaires ne sont pas respectés, et cette situation doit donc cesser.
Ensuite, parce qu'un projet de rénovation a été autorisé, en application de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation. Dix-neuf logements pourraient être mis sur le marché à des conditions extrêmement avantageuses, à des loyers modestes, et cet objectif mérite également notre soutien.
Enfin - je ne dirai pas «surtout» - l'attitude actuelle des occupants de Rhino remet en cause une pratique qui a fait ses preuves à Genève en matière de gestion des squatts. Vous connaissez cette pratique: elle consiste à tolérer l'occupation de logements laissés vides tant qu'un projet soit de rénovation, soit de relocation, soit de réaffectation, n'est pas prêt à être concrètement réalisé. Cette pratique ne convient à personne, mais elle est probablement bonne, puisqu'elle a permis de maintenir une certaine paix du squatt à Genève pendant de nombreuses années. Toutefois, l'attitude actuelle des occupants de Rhino a pour conséquence de durcir très sensiblement les positions. Vous avez sans doute pris note des déclarations du Procureur général...
Par ailleurs, d'autres types de dispositions légales vont devoir être appliquées au niveau du Conseil d'Etat. En ce qui me concerne, j'ai la charge d'assurer la sécurité et la salubrité des bâtiments et celle d'assurer le respect de certaines normes en matière de police des constructions et en matière de protection du patrimoine. Autant de dispositions qui, aujourd'hui, ne sont pas respectées par les occupants. Et, dans la mesure où les occupants s'arc-boutent et s'accrochent pour rester dans les lieux, en usant de moyens juridiques et de moyens politiques, le Conseil d'Etat, à un certain moment, risque d'être obligé d'utiliser les mêmes moyens... Toutefois, le Conseil d'Etat ne souhaite pas rentrer dans cette spirale - c'est clair - parce que cela ne ferait que durcir les positions et générer du désordre, alors qu'une des missions principales du Conseil d'Etat c'est, bien entendu, de maintenir l'ordre public. Cela ne ferait que raviver les tensions dans le domaine de la politique du logement, et vous savez à quel point je suis attaché à ce que cette relative paix du logement perdure, de manière à pouvoir discuter sereinement de l'avenir de notre politique sociale du logement, de manière, également, à nous permette de construire davantage de logements et plus facilement.
Pour essayer de maintenir cette paix, le Conseil d'Etat s'engage - il s'est engagé - à essayer de faire en sorte que le Carlton puisse être affecté à du logement pour étudiants... Les démarches sont en cours depuis plusieurs mois dans ce sens.
S'agissant de Rhino, le Conseil d'Etat a d'ores et déjà fait des propositions de relogement à Loëx, mais, malheureusement, ces propositions n'ont pas été acceptées jusqu'à présent - ce qui est dommage. Parce que si vous deviez... Je dis «vous», parce que je vois des cornes dans la tribune... Parce que si les occupants de Rhino devaient être évacués, ils se trouveraient sans toit ni loi, ce qui m'attristerait beaucoup... (Exclamations.) Le Conseil d'Etat s'engage, disais-je, et va continuer à s'engager. Il souhaite que la paix du squatt puisse se maintenir, que la pratique dont j'ai fait état tout à l'heure puisse continuer à être appliquée à l'avenir. Mais, pour y parvenir, il faut que Rhino soit libéré de ses occupants dans des délais relativement brefs. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Votre excellent jeu de mots a été très apprécié par un jeune citoyen, qui se trouve à la tribune et qui a donné une véritable démonstration de savoir-vivre cet après-midi ! (Un très jeune enfant accompagne des membres du collectif Rhino.)
Le rapport du Conseil d'Etat IN 132-A est renvoyé à la commission législative.
L'IN 132 est renvoyée à la commission législative.