Séance du
vendredi 27 janvier 2006 à
20h30
56e
législature -
1re
année -
4e
session -
19e
séance
P 1459-A et objet(s) lié(s)
Débat
M. Alain Etienne (S), rapporteur ad interim. C'est en tant qu'ancien président de la commission des pétitions que je reprends le rapport de Mme Haller. Je tiens à saluer l'excellent travail de notre ancienne collègue qui a su retracer avec tact les travaux de la commission. Nous avons été particulièrement sensibles aux préoccupations exprimées par la pétition «Un enfant, deux parents» qui pose la question délicate des enfants confrontés à la séparation de leurs parents.
Nous avons cependant été aussi très gênés par la formulation de certaines invites, ou par divers propos tenus par les pétitionnaires à l'encontre de certaines personnes ou certains corps professionnels. De plus, des invites sont caduques, car elles sont contraires au droit fédéral, ou bien elles sont en passe de trouver une solution par le biais des travaux de la commission judiciaire sur la médiation civile. La commission vous propose de déposer cette pétition sur le bureau de Grand Conseil et de renvoyer la motion au Conseil d'Etat.
Mme Esther Alder (Ve). Effectivement, la pétition 1459 pose le problème des séparations conflictuelles entre les couples et, surtout, des répercussions qu'elles ont sur les enfants. On constate que deux tiers des divorces ou des séparations se passent bien, mais, malheureusement, un tiers se passe très mal. Certains ex-conjoints se livrent parfois à une véritable guerre: pensions alimentaires non versées, droit de visite bafoué, chantage affectif sur les enfants et parfois même rapt d'enfant.
La commission n'a pas suivi les pétitionnaires sur la forme, mais sur le fond de la pétition. Les problèmes sont réels et personne n'a intérêt à ce que les conflits perdurent. Malheureusement, les voies juridiques ne permettent pas toujours de résoudre les questions relationnelles.
Ainsi, la motion de la commission axe les invites sur le développement de la médiation et la gestion des conflits à tous les échelons du processus de séparation. La motion insiste également sur une dotation suffisante en personnel dans les différents services chargés des évaluations et du suivi judiciaire. Par ailleurs, il est indispensable que la justice puisse «prescrire» d'une manière plus ferme le recours à une médiation, car c'est souvent la seule voie pour que les relations entre ex-conjoints deviennent plus sereines, et le bénéfice est incontestable pour les enfants.
C'est pourquoi nous vous invitons à déposer la pétition sur le bureau du Grand Conseil et à renvoyer la motion au Conseil d'Etat.
M. François Thion (S). J'aimerais compléter ce qui vient d'être dit - et qui est tout à fait juste - en ajoutant que le parti socialiste demande le dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil. Cette pétition est très intéressante, notamment en raison des débats et des auditions que nous avons eus, mais, ses considérants vont - selon nous - trop loin. Par exemple, nous ne pensons pas que les tribunaux prononcent des jugements arbitraires, comme cela était marqué dans les considérants. Nous ne pensons pas que les services sociaux soient réticents à procéder à des investigations et nous ne pensons pas non plus que les services sociaux soient mal préparés à leur tâche. Il y a une telle augmentation des dossiers que, très souvent, le problème est plutôt une insuffisance de personnel.
Nous pensons qu'il ne faut pas aller dans le sens des pétitionnaires et nous demandons le dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil.
Deux ou trois choses qui ressortent des auditions, avant de venir à la motion. Il est vrai que dans la plupart des cas de divorce, c'est la mère qui s'occupe des enfants, car les pères n'en veulent pas, c'est une réalité statistique. Nous avons vu aussi - et nous le déplorons - que certains avocats profitent de la détresse des couples pour multiplier les procédures et grossir leur chiffre d'affaires. Nous avons également constaté que dans des cas très précis, les deux parents n'ont pas toujours le suivi nécessaire, notamment en matière scolaire. Très souvent, quand la mère a la charge de l'enfant, le père est oublié dans les affaires d'école et je pense que ce n'est pas une bonne chose. De même, je pense que les pères ont aussi droit à un certain nombre d'informations concernant des dossiers de santé.
Pour revenir à la motion, nous demandons de la renvoyer au Conseil d'Etat. C'est évidemment un compromis, mais, enfin, il y a un message que nous avons entendu des pétitionnaires: il faut multiplier les prises en charge et se donner les moyens de faire face à ces problèmes.
M. Claude Aubert (L). J'aimerais souligner un aspect qui n'a pas été développé jusqu'à présent. Le service public a une grande difficulté à prendre en charge un certain nombre de situations où les conflits sont extrêmes, où les tensions sont massives. Dans ces cas, il est extrêmement important qu'il y ait une information au sein du service public, un suivi. Il faut également une volonté de ne pas se faire l'écho des différents conflits en prenant parti pour les uns ou pour les autres, car les travailleurs du service public se retrouvent souvent dans des situations très difficiles.
Par conséquent, ces notions de formation, de travail en réseau, d'apprendre à bien gérer les conflits, sont indispensables. Si la pétition était trop extrême, la motion nous semble équilibrée et c'est pour cela que nous proposons de la renvoyer au Conseil d'Etat et de déposer la pétition sur le bureau du Grand Conseil.
Mme Véronique Schmied (PDC). J'aimerais relever quelque chose de peut-être anecdotique: le nombre d'interventions de la police le dimanche soir dans les foyers où l'enfant est ramené chez la mère par le père. A ce moment, la confrontation des deux parents génère des conflits qui dépassent largement ce qu'un enfant peut ou devrait supporter. Dans certains endroits - nous avons fait cet essai dans ma commune et cela fut extrêmement fructueux - des locaux neutres sont mis à disposition, avec un encadrement social, afin que les parents en grave conflit puissent se rencontrer et se remettre l'enfant sans que cela déborde.
C'est exactement dans ce sens que va cette motion et c'est pourquoi le parti démocrate-chrétien la soutiendra.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Les problèmes que soulève cette motion se déroulent toujours dans un contexte douloureux, un contexte de tension. D'autre part, le travail des assistants sociaux, des juges, des enseignants, des différents services de l'Etat, est un travail délicat. Votre commission a eu le doigté de reconnaître la réalité de ces difficultés et de ne pas tomber dans le piège des excès de la pétition. On peut excuser les pétitionnaires par l'émotion qu'ils doivent ressentir dans ces affaires douloureuses. Fort heureusement, votre Grand Conseil a rationalisé - si j'ose dire - leur demande par le biais de la motion que vous adressez au Conseil d'Etat.
Deux remarques sur la motion. La première est que certaines des invites sont pour le moins difficiles; je pense à celles qui suggèrent de prescrire, lors de séparation, une médiation. C'est l'inverse de ce qu'est une médiation que de la prescrire. Sur ce point, il paraît difficile de suivre la motion. Quant à la toute dernière invite, elle est admirable, puisqu'elle invite à doter ce secteur des moyens nécessaires pour faire face à sa tâche. Je crains, que dans un débat ultérieur, vous ayez moins d'enthousiasme sur cette question.
Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (dépôt de la pétition 1459 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 56 oui contre 2 non et 2 abstentions.
Mise aux voix, la motion 1623 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 57 oui et 3 abstentions.