Séance du
jeudi 26 janvier 2006 à
21h
56e
législature -
1re
année -
4e
session -
16e
séance
PL 9126-A
Premier débat
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Le Conseil d'Etat a la charge de garantir les libertés fondamentales et celle de maintenir l'ordre public. C'est sur la base de ces deux valeurs fondamentales que nous avons procédé à l'examen du projet de loi qui vous est soumis. Il est exact qu'à l'origine ce projet de loi était liberticide et qu'il ressort des travaux de votre commission très notablement amélioré, mais il n'en demeure pas moins que cette législation, telle qu'elle nous est proposée, reste très conjoncturelle. Dès lors qu'elle est conjoncturelle, elle présente malheureusement un certain nombre de défauts.
J'aimerais rassurer les auteurs de ce projet de loi: si cette loi avait été en vigueur au moment du G8, elle n'aurait rigoureusement rien changé à certains événements regrettables que nous avons connus. Le Conseil d'Etat, après avoir réfléchi de manière approfondie, vous prie de bien vouloir renvoyer ce projet de loi en commission avec le double but de mieux garantir les libertés individuelles et de mieux défendre l'ordre public.
A titre d'exemple, en ce qui concerne le champ d'application, ce projet de loi ne traite que des manifestations ayant pour but la défense ou la propagation d'une idée ou d'une revendication. Or, nous savons de toute évidence qu'aujourd'hui un certain nombre de manifestations qui posent des problèmes très sérieux en matière d'ordre public sont des manifestations sportives. Je vous rappelle, Mesdames et Messieurs les députés, que nous allons vers l'Euro 2008, que nous nous réjouissons d'accueillir, mais dans le cadre duquel nous allons devoir prendre des mesures de sécurité. Le Parlement fédéral et le Conseil fédéral réfléchissent et ont fait des propositions en matière de lutte contre le hooliganisme.
M. le chef de la police, quand il a été entendu par votre commission, a d'ailleurs rappelé que ce qui est important n'est pas tant de légiférer sur les manifestations que sur ce que les juristes appellent l'usage accru du domaine public. Parce qu'il existe des manifestations qui posent des problèmes de violence, d'autres qui posent des problèmes d'atteinte aux biens, de drogue, de sécurité et de maintien de l'ordre public. Or, le champ d'application de la loi qui vous est proposée aujourd'hui se restreint à un seul type de manifestation, qui n'est de loin pas celui qui nous cause aujourd'hui le plus de souci en matière de maintien de l'ordre public. En ce qui concerne la défense des libertés individuelles, vous connaissez un certain nombre des dispositions critiquables de ce projet de loi telles que la problématique délicate de l'identification des manifestants dont on pourrait s'attendre qu'ils commettent éventuellement des infractions. Une telle imprécision dans un Etat de droit, et s'agissant d'une liberté fondamentale, est un précédent à ne pas créer dans la législation genevoise.
Il y a également un certain nombre de dispositions dans ce projet de loi qui ont un caractère purement incantatoire. Je redoute toujours les incantations en politique car elles pourraient donner à penser que le problème est réglé, que nous devons être rassurés, alors qu'il n'en est rien. Je cite à titre d'exemple la disposition qui prévoit la remise en état rapide des bâtiments publics. Il est évident que c'est un devoir que de remettre en état quelque chose d'endommagé, mais en toute hypothèse, selon le montant dont il s'agit, c'est votre parlement qui décide du crédit nécessaire et rien ne nous permet de simplement dire qu'on va remettre les bâtiments en état. C'est un programme, auquel le Conseil d'Etat adhère, mais qui n'est de toute évidence pas suffisant. Autre imprécision: on dit que l'Etat peut indemniser les victimes lorsque l'équité l'exige. Est-ce qu'il le peut ou est-ce l'équité qui l'exige ?
Il y a dans ce projet des difficultés de cette sorte qui nuisent au double but que doit forcément viser une législation en la matière, qui est, une fois encore, la garantie des libertés individuelles et le maintien de l'ordre public. De sorte qu'aujourd'hui, si le Conseil d'Etat vous demande le renvoi en commission, ce n'est pas pour enterrer ce dossier, mais c'est pour que ressorte des travaux de la commission une loi qui serve à quelque chose, qui soit véritablement un progrès vers les deux objectifs qu'elle vise. La police, pour ne parler que de la police, a besoin d'un texte clair, elle n'a pas besoin d'une déclaration incantatoire, elle n'a pas besoin d'un texte qui, par rapport aux textes existant aujourd'hui, n'est qu'une compilation avec tous les risques qu'elle comporte et que je viens de vous rappeler.
Mesdames et Messieurs, évitons un débat inutile et stérile, parce que sur les deux valeurs fondamentales que soutient ce projet de loi: les libertés individuelles et le maintien de l'ordre public, je suis persuadé que nous sommes capables de trouver un accord. (Applaudissements.)
Le président. Merci Monsieur le conseiller d'Etat, je vais donc limiter les prises de parole au renvoi en commission.
M. Christian Luscher (L), rapporteur de majorité. Je suis assez surpris par la position du Conseil d'Etat ce soir et, pour vous dire la vérité, je trouve qu'elle n'est pas très sérieuse, parce que le motif allégué est un pur prétexte: on ne peut pas nous dire pour tenter d'obtenir le renvoi de ce projet en commission que nous n'avons pas traité les manifestations sportives. Pour deux raisons: d'abord parce que, si la question de l'Euro 2008 se pose, elle ne se pose pas qu'à Genève; elle se pose au niveau fédéral. C'est évidemment au niveau fédéral que la question des manifestations sportives va être réglée, et j'imagine d'une façon légèrement plus sévère que ce qui a été prévu dans cette loi que certains disent liberticide, alors que c'est tout le contraire... Si vous avez aimé notre projet de loi, vous allez adorer celui des autorités fédérales, qui sera d'ailleurs imposé aux cantons ! Et puis, si véritablement vous souhaitez que la question des manifestations sportives soit également traitée dans ce projet, ce n'est pas très compliqué, Monsieur le président: il suffit de faire en sorte que ce projet de loi soit voté, comme l'a voulu la majorité de la commission, et de présenter ensuite très rapidement un projet de loi venant ajouter des dispositions à cette loi qui rentrera en vigueur. La commission judiciaire se penchera de toute urgence, Monsieur le président, je vous le promets, et je crois que tous les membres de la commission judiciaire ici présents pourront vous le promettre également, sur les amendements, modifications et ajouts que vous proposerez à cette loi, qui traiteront le sujet qui vous est cher, à savoir, les manifestations sportives.
J'aimerais juste rappeler pour les députés qui sont nouveaux dans cette enceinte que c'est un projet que nous avons traité extrêmement longuement - sauf erreur, à douze ou treize reprises - en commission judiciaire. Il n'y a pas beaucoup de projets auxquels on voue autant d'attention. J'aimerais aussi dire que nous avons entendu toute une série de personnes, qui sont mentionnées à la page 2 de ce rapport. (L'orateur est interpellé.) Qui sont listées ou qui sont mentionnées, c'est égal, Madame Bolay. Il y en a une vingtaine. La commission a mené ses travaux avec beaucoup de soin. Tout a été analysé; toutes les personnes qui ont été écoutées ont vraiment été entendues. Comme vous avez pu le constater, c'est un projet qui a été extrêmement édulcoré par rapport à sa version d'origine, qui était peut-être une réaction un peu trop rapide, un peu trop épidermique aux événements du G8, événements qui ont, je le rappelle, choqué notre cité, choqué nos concitoyens. Ce projet avait effectivement les défauts de ses qualités. Sa qualité première était d'exister. Son principal défaut était probablement d'avoir été déposé trop tôt après les événements du G8. En commission, nous avons pris le temps d'analyser ce projet, nous avons supprimé un certain nombre de dispositions, qui étaient, je dirais, les dispositions épidermiques post-G8 et nous sommes arrivés à ce projet équilibré auquel l'Entente, c'est-à-dire les PDC, les radicaux et les libéraux, et puis également les UDC, ont souscrit sans la moindre réserve après mûre réflexion, après avoir entendu beaucoup de personnes.
Je crois qu'il n'est pas très sérieux de demander aujourd'hui le renvoi en commission. Nous avons beaucoup de travail dans toutes les commissions. La commission judiciaire est assez chargée, elle a un ordre du jour extrêmement lourd et je ne pense pas qu'il soit de bonne politique de renvoyer ce projet de loi en commission, raison pour laquelle je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à maintenir ce projet devant notre plénière. Abordons le sujet, votons cette loi, et vous, Monsieur le conseiller d'Etat, si vous le jugez utile - et vous avez probablement raison - présentez un projet de loi que nous traiterons d'urgence en commission pour prévenir d'éventuels événements qui pourraient se dérouler lors de l'Euro 2008.
Mme Loly Bolay (S), rapporteuse de minorité. Les socialistes sont totalement opposés à cette loi et je l'ai dit dans mon rapport de minorité. Mais nous ne nous opposerons pas à son renvoi en commission, qu'a demandé le conseiller d'Etat Moutinot.
Pour nous, les socialistes, il était nécessaire d'exprimer dans un rapport de minorité notre refus d'une loi qui restreint les droits démocratiques élémentaires, droits pour lesquels la gauche et les syndicats se sont battus pendant des lustres. En effet, le projet de loi qui nous est soumis, Mesdames et Messieurs les députés, est contraire à la constitution genevoise, contraire à la Convention européenne des droits de l'homme, contraire au droit supérieur et à la liberté syndicale, contraire à la Convention 87 ratifiée par la Suisse en 1977.
J'aimerais juste rappeler un événement important qui s'est passé à Genève en août de cette année: le Groupement pour une Suisse sans Armée a demandé à faire une manifestation au mois de mars dernier. Un refus lui a été adressé par le département de justice et police. Le Groupement pour une Suisse sans Armée a fait un recours au Tribunal administratif, qu'il a gagné et on peut lire dans l'exposé des motifs de l'arrêt: «Le droit à la liberté de réunion est un droit fondamental dans une société démocratique et, à l'instar du droit à la liberté d'expression, l'un des fondements de pareille société. Dès lors, il ne doit pas faire l'objet d'une interprétation restrictive.», et plus loin: «Les Etats doivent non seulement protéger le droit de réunion pacifique mais également s'abstenir d'apporter des restrictions indirectes abusives à ce droit.» Mesdames et Messieurs les députés, le projet de loi qui nous est soumis contient effectivement des restrictions indirectes abusives au droit fondamental et inaliénable qu'est le droit de manifester. C'est la raison pour laquelle nous confirmons notre vote de renvoyer ce projet de loi en commission. J'espère qu'à un moment donné il sera retiré par ses auteurs. (Applaudissements.)
Le président. Mme le rapporteur doit à sa qualité de rapporteur de minorité que je ne l'ai pas interrompue. Nous ne prenons la parole que sur le renvoi en commission. Je la donne à M. Roger Golay, sur le renvoi en commission seulement.
M. Roger Golay (MCG). Effectivement, ce projet de loi a été établi par ses auteurs alors qu'ils étaient encore sous le coup émotionnel du G8. Il faut savoir que le travail de la commission a été bien fait. Par contre, nous avons constaté que quelques points ne sont pas compatibles avec la loi sur la police. Ce projet de loi se heurte notamment à l'article 22 de la loi sur la police, ce qui peut créer un problème. Il est vrai qu'au niveau national, on est en train de réviser le CPS par rapport à l'Euro 2008. On va légiférer pour contrer les hooligans. Il est clair que nous sommes très partagés par rapport à la décision de renvoyer ce projet de loi en commission ou d'entrer en matière. Quoi qu'il arrive, nous ne voulons en tous cas pas que le projet de loi soit enterré puisque nous avons préparé quelques amendements pour le renforcer. Il ne faut donc pas penser que s'il devait être renvoyé en commission, nous ne reviendrions pas sur le sujet. Donc, en ce qui concerne notre groupe, nous sommes très partagés par rapport à ce renvoi en commission. (Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît !
M. Gabriel Barrillier (R). Contrairement à mon préopinant, je peux affirmer que le groupe radical, je le dis d'emblée, est favorable au renvoi en commission. Je m'en explique, chers collègues libéraux. Effectivement, vous avez travaillé durant douze séances sur ce projet de loi qui était au départ, c'est vrai, un peu musclé, je pense pouvoir le dire... Je m'adresse ici au conseiller d'Etat Moutinot: les commerçants, les artisans, les gens qui ont souffert des manifestations du G8 attendent des mesures, attendent une prise de décision. Il est clair que le projet de loi qui sort de cette commission nous aurait satisfaits, c'est évident, mais on vient de constater que l'on propose d'étendre le périmètre de validité du dispositif imaginé et préparé en commission. Par ailleurs, je viens d'entendre de mon préopinant que de nouvelles propositions seront faites pour peut-être encore muscler le dispositif. On voit donc bien que des élections ont eu lieu entre le dépôt de ce projet de loi et le débat d'aujourd'hui. C'est par confiance, pour donner une chance au Conseil d'Etat actuel que le groupe radical accepte ce renvoi en commission, mais attention, pas pour enterrer le projet de loi ! Je crois que le rapporteur de majorité l'a bien dit: les commissaires sont prêts à travailler d'arrache-pied jour et nuit pour proposer rapidement un nouveau projet de loi. Je précise que ce renvoi, Madame la rapporteuse de majorité, ne signifie en aucun cas que nous partageons votre opinion.
M. Jean-Michel Gros (L). Le groupe libéral s'opposera au renvoi en commission pour les motifs qu'a très bien expliqués le rapporteur de majorité, M. Christian Luscher. Tout d'abord, une précision à l'attention de M. Golay: il n'y a pas de contradiction avec l'article 22 de la loi sur la police car le projet prévoit de l'abroger. Ensuite, tout ce que nous a dit M. le conseiller d'Etat Moutinot, tous ses arguments - extension au domaine sportif, protection des personnes, risque d'arbitraire dans les actes en voie d'être commis - tout ceci a été examiné avec la plus grande attention pendant douze séances de la commission judiciaire. Pour ce qui est de l'extension au domaine sportif, quelqu'un l'a déjà souligné, je crois que c'est M. le rapporteur, la loi sur le hooliganisme est en préparation aux Chambres fédérales, elle sera évidemment prête pour 2008 et, comme l'a dit le rapporteur, elle sera beaucoup plus sévère que la nôtre et elle s'appliquera d'office au canton de Genève et en tous cas aux quatre cantons qui accueilleront les matches de l'Euro 2008. Je crois donc qu'il est totalement inutile, et c'est Mme Bolay, Mme le rapporteur de minorité qui a apporté la raison pour laquelle il ne faut pas renvoyer le projet de loi en commission. Que nous a-t-elle dit ? Elle nous a dit: «Le groupe socialiste de toute façon s'opposera à ce projet de loi, mais cependant nous acceptons le renvoi en commission.» Elle a même ajouté dans un de ces éclats finaux dont elle a le secret: «...et nous espérons qu'à cette occasion ses auteurs le retireront». Nous voyons bien quelle est la bonne foi des personnes proposant ce renvoi en commission. Nonobstant ce qu'a dit M. Barrillier, nous croyons que ce renvoi en commission entraînera l'enterrement pur et simple du projet de loi, ou un retard tel que nous n'aurons pas de loi sur les manifestations à Genève.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Antonio Hodgers (Ve). Mesdames et Messieurs, vous le voyez bien: juste ce tour de piste sur le renvoi en commission montre à quel point notre parlement, malgré sa psychothérapie collective pour surmonter ses blessures de G8, n'est pas encore tout à fait guéri, Monsieur Gros. Je crois qu'il a été dit, et j'en remercie les auteurs, que ce projet de loi a été déposé dans la foulée d'un événement important qui a eu lieu à Genève.
On ne légifère jamais bien sous le coup de l'émotion et c'est pour cela qu'il a fallu douze séances pour que la majorité, qui avait signé ce projet de loi, comprenne peu à peu l'impossibilité de mettre en application les dispositions qu'elle avait prévues en termes de responsabilité civile des organisateurs, de «subordonnement» du service d'organisation, et que sais-je encore... Ce sont vraiment les professionnels de la sécurité qu'étaient M. Rechsteiner et la commission d'experts qui heureusement ont peu à peu convaincu les membres d'enlever les dispositions qui étaient soit liberticides, soit totalement inapplicables, soit, pire encore, qui compliquaient considérablement le travail de la police. Mais ce travail n'a pas complètement abouti, parce qu'à la fin du deuxième débat, des interrogations posées par des spécialistes ont subsisté, comme M. Moutinot l'a évoqué tout à l'heure, sur la portée de la loi, sur la condamnation d'actes préparatoires, qui est une condamnation très particulière du code pénal suisse et sur une autre série de dispositions qui posent problème.
Nous avions demandé un avis de droit, qui nous a été refusé parce qu'il n'y avait pas de temps, parce qu'il fallait aller vite, parce qu'il fallait répondre aux citoyens choqués et blessés par le G8. Mesdames et Messieurs les députés, le G8, c'est fini ! (Brouhaha.) Maintenant, ce qui est intéressant, c'est de se doter d'une loi parce que, les Verts l'ont toujours dit, il est souhaitable d'avoir une loi cadre sur les manifestations, pour autant qu'elle réponde aux deux principes du respect de la liberté fondamentale d'expression et du respect de l'ordre public. C'est dans ce sens-là que nous avons voulu travailler. Malheureusement, les conditions politiques de l'époque ne l'ont pas permis en commission. Je suis sûr que nous sommes aujourd'hui bien mieux disposés à le faire. C'est pour cela que la proposition de renvoi en commission du Conseil d'Etat paraît tout à fait légitime et juste. Pour notre part, je le dis une deuxième fois, les Verts sont d'accord sur le principe de légiférer sur cette thématique, ne serait-ce que pour consacrer le droit de manifester, qui n'est inscrit dans aucune loi. C'est dans cet esprit que nous travaillerons en commission.
M. Pierre Schifferli (UDC). Cette loi n'est en rien liberticide. Le projet de loi qui a été déposé est un projet de loi certes ferme, mais parfaitement adapté à la situation de Genève, qui a connu ces dernières années de nombreuses manifestations politiques extrêmement violentes. J'ai entendu parler du Groupe pour une Suisse sans Armée. Je rappelle qu'en novembre 1995 il y avait eu pour des millions et des millions de francs de dégâts lors d'une manifestation extrêmement violente contre le défilé du régiment genevois. (Commentaires.) D'autres manifestations ont suivi.
Donc, il était visiblement nécessaire d'avoir une loi qui permette de protéger les citoyens, la sécurité et l'Etat. Le groupe UDC regrette, regrette profondément que ce projet de loi ait été non pas seulement édulcoré, mais pratiquement émasculé lors des discussions de la commission. (Commentaires.) Cela dit, ce projet de loi représente tout de même un progrès parce qu'il codifie tout simplement la pratique et il permet à tous, Etat, policiers, manifestants, contre-manifestants éventuels, de savoir ce qu'il faut faire. On a donc ici un programme qui représente ce qui doit se faire dans un Etat de droit.
On peut continuer à discuter en commission, mais, sur la base du projet sorti des travaux de la commission, sur la base du rapport, pourquoi ne pas discuter en séance plénière ? Personne n'est dupe: il s'agit d'enterrer le projet, d'éviter qu'il n'y ait à Genève une loi appropriée pour ce genre de situations. Quand j'entends le représentant de l'ex-département de justice et police nous dire que cette loi n'aurait rien changé, je ne suis pas du tout d'accord. A l'époque du G8, au moment où il y avait la préparation de la grande manifestation anti-G8 du dimanche, différents milieux, différents partis politiques avaient demandé l'interdiction de cette manifestation. Si cette manifestation, en raison des risques évidents de troubles, n'avait pas été autorisée, il n'y aurait pas eu de grande manifestation en Suisse: elle se serait déroulée à côté en France et nous n'aurions pas eu... (Brouhaha.) ...nous n'aurions pas eu à Genève la veille, le samedi soir et le jour suivant, le dimanche, tous les casseurs que vous...
Le président. Sur le renvoi en commission, Monsieur le député, sur le renvoi en commission exclusivement ! (Brouhaha.) Silence, Messieurs ! Monsieur Hodgers !
M. Pierre Schifferli. Nous demandons... (Brouhaha.) ...nous demandons que le Grand Conseil ait le courage de voter cette loi, d'en discuter. Ceux qui y sont opposés voteront non et ceux qui y sont favorables voteront oui. Nous avons besoin... (Brouhaha.) ...nous avons besoin d'une loi et la façon du Conseil d'Etat de dégager en touche ce projet de loi essentiel... (L'orateur est interpellé.) ...dégager en touche, c'est prendre un ballon et le tirer par-dessus les buts pour éviter de gagner. Ce n'est pas la bonne méthode. Nous sommes donc totalement opposés au renvoi de ce projet de loi en commission. Nous soutiendrons ce projet de loi, avec quelques amendements pour le renforcer.
Le président. La parole est à M. Alberto Velasco. Je rappelle que les groupes ne peuvent s'exprimer qu'une seule fois sur le renvoi en commission.
M. Alberto Velasco (S). Je crois que M. Gros n'a pas très bien saisi les propos que Mme Bolay a prononcés pour l'ensemble du groupe socialiste. Pour nous, les socialistes, il y a deux éléments fondamentaux que le président du département a rappelés tout à l'heure: les libertés individuelles - nous y tenons - et - nous y tenons beaucoup aussi - l'ordre, en particulier l'ordre républicain. Il est important que l'on s'exprime ici sur l'ordre pour être bien sûrs que nous sommes tous d'accord sur l'ordre républicain. Nous, les socialistes, sommes d'accord et si d'aventure ce projet de loi, nous l'espérons, était renvoyé en commission, et que de retour de commission, il sortait en respectant ces deux éléments, je vous garantis que le groupe socialiste votera ce projet de loi.
Maintenant, Monsieur Schifferli, si vous m'écoutez... Monsieur Schifferli, vous avez évoqué tout à l'heure les événements du samedi soir. Je ne crois pas que ce projet de loi aurait évité les événements du samedi soir. Je vais vous dire pourquoi: voyez-vous, j'attends toujours comme député qu'on me dise si les personnes qui ont incendié le garage le samedi soir ont été poursuivies. Moi, en tant que membre de la commission des visiteurs, j'ai été à la prison de Champ-Dollon et j'ai vu des personnes détenues. C'était qui? Un père de famille qui avait volé... (L'orateur est interpellé.) ...oui, le pauvre, il pleurait...
Le président. Sur le renvoi en commission, Monsieur le député, s'il vous plaît !
M. Alberto Velasco. Il avait soustrait un pull et on l'avait emprisonné. Pour cela, on l'avait poursuivi jusque chez lui. J'attends toujours, Mesdames et Messieurs, que la police ou le procureur nous délivre les personnes qui ont incendié le samedi soir le garage de motos. Sans cette loi, on pouvait le faire, Monsieur Schifferli, tout comme pour les casseurs qui sont venus jeter ici des cocktails Molotov...
Des voix. Sur le renvoi !
M. Alberto Velasco. Pendant les manifestations, il ne s'est pas passé grand-chose, Monsieur Schifferli ! Et j'ai des doutes, Monsieur Schifferli: je me demande qui a induit ces personnes à faire ce qu'elles ont fait le samedi soir. Par conséquent, Monsieur le président, dans l'esprit annoncé dans le début de mon intervention, oui, nous les socialistes sommes d'accord de renvoyer ce projet en commission parce que nous voulons une loi républicaine sur ce sujet. (Applaudissements.)
M. Pascal Pétroz (PDC). J'aimerais tout d'abord dire à Monsieur Schifferli que j'ai bien écouté ce qu'il a dit. Cela a un certain sens. Je le remercie des leçons qu'il a données à ce parlement. Cela étant, je lui rappelle qu'il est vice-président de la commission judiciaire et que s'il pouvait de temps en temps participer aux séances de cette commission... (Rires, applaudissements, bravos.) ...et prodiguer ses lumières en commission plutôt qu'en plénière, pour que nous évitions de faire des bêtises, cela serait tout à fait souhaitable. Cela dit, notre groupe soutiendra la demande de renvoi en commission, comme cela a été annoncé publiquement, pour une raison très simple: le peuple, lors des dernières élections, nous a donné un message très simple. Le peuple veut qu'on règle ses problèmes et le peuple ne veut plus que nous perdions notre temps en vaines querelles et en débats interminables. Par conséquent, dans la mesure où, au sein de ce parlement - et je remercie M. Hodgers pour son intervention, je crois que M. Hodgers a été clair, il nous a dit ce que nous avions besoin d'entendre, il a saisi la main que nous avions tendue - nous avions besoin de l'assurance... (Brouhaha.) ...qu'une loi sur les manifestations serait adoptée et qu'il était possible d'arriver à un consensus. Monsieur Hodgers, merci de nous avoir livré un message clair à ce sujet... (L'orateur est interpellé.) Non, je ne vais pas l'embrasser sur la bouche, Monsieur Luscher, je vous rassure. (Chahut.) Il nous semble à nous, parti démocrate-chrétien, parti centriste, parti consensuel, que, pour bien faire de la politique dans cette République, il faut nous mettre d'accord plutôt que de perdre du temps en vaines querelles. Je remercie les différents groupes politiques qui se sont exprimés ce soir pour leur volonté d'arriver à une solution constructive en commission. Nous soutiendrons donc le renvoi en commission.
Le président. Monsieur le député, je sens que M. Hodgers est extrêmement embarrassé par votre déclaration d'amour !
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 9126 à la commission judiciaire est adopté par 45 oui contre 38 non et 2 abstentions.