Séance du
jeudi 26 janvier 2006 à
17h
56e
législature -
1re
année -
4e
session -
15e
séance
RD 615
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, M. Jacques Pagan nous a adressé une lettre de démission, et je prie Mme la secrétaire de bien vouloir lire le courrier 2148.
M. Gilbert Catelain (UDC), rapporteur. M. Pagan a décidé de mettre un terme à son second mandat de député en raison - comme cela a été cité - de sa charge de conseiller national, à laquelle il désire consacrer l'essentiel de son temps libre en dehors de son activité professionnelle indépendante, et des statuts de notre parti, qui, sauf exception, interdisent le double mandat.
Sans sous-estimer l'importance de notre parlement dans l'exercice des droits démocratiques de notre canton, auquel en tant que fédéraliste il est particulièrement attaché, M. Pagan a choisi de représenter ses électeurs au Conseil national où le fond et l'efficacité des travaux parlementaires l'emportent sur la longueur des discours et les lenteurs coupables.
M. Pagan était certes un député discret, mais toujours présent. Il écoutait attentivement tous les débats en intervenant peu mais à bon escient, convaincu qu'il était que la longueur des discours stéréotypés des uns ou des autres n'apportait que peu de valeur ajoutée à la qualité de nos travaux.
M. Pagan aura été la locomotive du groupe UDC. En 2005, comme en 2001, il a été le mieux élu de la liste UDC et figure parmi les mieux élus de cette enceinte. Ses succès politiques sont en soi une récompense pour sa grande loyauté politique vis-à-vis de l'UDC et de sa direction.
Avant d'accéder à la charge de député, M. Pagan a été l'un des fondateurs de la section genevoise de l'UDC, il y a une vingtaine d'années, et Dieu sait s'il lui a fallu du courage, dans un canton où la vivacité des propos ne fait pas forcément bon ménage avec le débat démocratique !
Ce sont l'excès de laisser-faire dans la conduite des affaires publiques, la perte d'autorité de l'Etat, une tolérance élevée des différents pouvoirs vis-à-vis de situations de non-droit, les dérives financières d'une telle politique, l'abandon des valeurs, la socialisation rampante de notre société qui ont miné la renommée de notre ville et canton de Genève et qui ont poussé Jacques Pagan à entrer en politique.
Il aura été le chef d'orchestre de l'UDC à Genève, la locomotive qui aura permis aux patriotes genevois d'être enfin représentés dans cette enceinte en 2001 et au Conseil national en 2003.
Si Jacques Pagan paraît discret pour les uns, chaleureux pour les autres, voire, parfois, autoritaire pour certains - et il l'est - force est d'admettre, d'abord, qu'il est quelqu'un de cultivé et doué d'un sens politique hors du commun. Car Jacques Pagan est d'abord et avant tout un défenseur de la liberté et de l'Etat de droit. Il considère à juste titre que la plupart de nos lois sont liberticides et qu'elles engendrent souvent plus de problèmes qu'elles n'en résolvent. L'une des initiatives en point fixe à notre ordre du jour en est la parfaite illustration.
Alors que certains prônent plus d'Etat ou carrément le tout-Etat, voire l'immobilisme social, Jacques Pagan - et hors cette enceinte - a toujours défendu la responsabilité individuelle, la liberté individuelle, la primauté de l'individu sur le collectif, le goût de l'effort, sans lesquels une société démocratique ne peut tout simplement pas fonctionner.
Dans cet esprit, il a combattu toute forme de fausses générosités socialistes qui génèrent l'asservissement de l'homme, la dépendance vis-à-vis de l'Etat... (Exclamations.) ... la frustration, la perte d'appétence professionnelle, la médiocrité et la dérive financière.
A plusieurs occasions, avec une conviction hors du commun, il aura défendu l'honneur de la Suisse et de nos aïeux, notamment dans le combat qu'il a mené et gagné devant le Tribunal fédéral au sujet du film «L'Honneur perdu de la Suisse» que la Télévision suisse romande (TSR) a produit et diffusé.
Jacques Pagan aura siégé dans cette enceinte en respectant tous ses collègues, y compris ceux qui, à son égard, galvaudaient le terme «tolérance», soit en refusant le débat, soit en l'attaquant personnellement, parfois en le diffamant.
Comme Jacques Pagan a aussi de fervents adeptes, je me permets de vous lire un poème que son camarade de parti et ami, le conseiller national Oskar Freysinger, a eu la gentillesse de rédiger... (Exclamations. Rires.)
M. Jacques Pagan. C'était inattendu !
M. Gilbert Catelain. Il ne va pas être déçu d'être venu.
M. Jacques Pagan. Je suis gâté !
M. Gilbert Catelain. Voici ce poème:
«Pagan, voilà un caractère
Dont aurait rêvé La Bruyère.
Lorsque fleurit un juron sur sa bouche,
L'air pur frémit et le soleil se couche. (Rires.)
Pagan veut diviniser tous les lieux
Et les remplit de son très genevois "de Dieu, de Dieu !",
Quand ce n'est pas: "ils me font tous chier"
Ces pollueurs de la noble pensée !
Il hait les toqués de la ville,
Qui n'ont jamais goûté à Tocqueville.
Jacques est un érudit, à défaut d'être marié.
Etant né vieux garçon, il compte le rester,
Car, avec les gonzesses, on ne sait jamais
Comment s'y prendre quand ça s'met à pleurer.
Terreur du personnel des cafés de la capitale,
Il est Gargantua se rinçant copieusement la dalle.
C'est parfois à coups de Cabernet
Qu'il sait enfin marcher sans trébucher,
Et sans monture en rentrant à l'hôtel,
Dans un discours à grand renfort de décibels.
Au parlement, il ne prend que l'espace de sa place,
Le marathon des Pas-Perdus décidément le lasse.
Son truc à lui, c'est bien l'esprit des lois,
Dont il caresse les alinéas de son stylo adroit.
Il sait toujours le fonds de tel article bis,
Voilà sa vraie passion, son tendre vice.
L'Etat est son épouse et la loi son amante,
Jamais il ne les trompe, et il s'en vante,
Avec cette catin des médias populaires
Qui rend ses voisins Fehr et Freysinger pervers.
Jacques est un pur, un homme droit,
Et s'il ne veut en aucun cas perdre du poids,
C'est que son embonpoint est un bon protecteur
Qui cache à tout esprit inquisiteur
Qu'à l'intérieur l'ami Pagan cache un grand coeur.»
Jacques Pagan a donc décidé de nous quitter. Il ne nous reste plus qu'à le mieux remercier pour son engagement sans faille au profit de la patrie, pour sa loyauté vis-à-vis de l'institution et les services qu'il a rendus dans les différentes fonctions qu'il a occupées durant son mandat de député.
Je lui souhaite bon vent à Berne ! Où il excellera, j'en suis persuadé, à «caresser les alinéas de son stylo adroit». (Applaudissements.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, M. Jacques Pagan me confiait tout à l'heure qu'il avait d'abord prévu de n'être pas là, ce soir, et puis, qu'il avait décidé de venir parce qu'il ne voulait pas donner l'impression de s'en aller comme un voleur - qu'il n'est pas. J'imagine qu'il s'attendait à ce qu'on lui rende un hommage trop long et trop appuyé - ce qui n'a pas manqué de se produire - ce qui explique son élan premier pour la discrétion, mais il n'est pour rien dans l'affection qu'il suscite.
En conséquence de quoi, je voudrais ajouter l'hommage du Grand Conseil à celui qui vient de lui être rendu... (Grésillements.) Pourrait-on imaginer d'éviter ces effets sonores désagréables ?
M. Jacques Pagan a été élu député au Grand Conseil en 2001, réélu en 2005, à chaque fois premier de la liste de l'UDC. Il s'est notamment distingué comme chef de groupe et a fait bénéficier de son expertise juridique les commissions des droits politiques et du règlement du Grand Conseil, de l'économie, ainsi que de la judiciaire et de la législative. Et adroit dans le maniement du verbe et toujours sensible à la défense de la langue française.
M. Jacques Pagan a décidé de prendre congé de notre Conseil afin de partager ses forces entre son activité professionnelle et son mandat de conseiller national. Nous formons nos voeux les meilleurs pour la suite de ses activités - qui, j'espère, ne seront pas aussi brèves que vous paraissez le craindre, mon cher collègue - tant à titre professionnel que dans la défense des intérêts de Genève à Berne, y compris dans la langue de Goethe.
Permettez-moi de vous remettre le traditionnel stylo souvenir. (Le président descend de l'estrade et remet le traditionnel stylo souvenir. Applaudissements.)