Séance du vendredi 16 décembre 2005 à 14h
56e législature - 1re année - 3e session - 13e séance

M 1658
Proposition de motion de Mmes et MM. Ivan Slatkine, Jean Rossiaud, Anne-Marie Arx-Vernon von, Guillaume Barazzone, Alain Charbonnier, Elisabeth Chatelain, Marie-Françoise de Tassigny, Jacques Follonier, Eric Ischi, Claude Jeanneret, Sylvia Leuenberger, Christian Luscher, Claude Marcet, Véronique Pürro, Francis Walpen pour une véritable politique des Ressources humaines au sein de l'Etat

Débat

Mme Anne Mahrer (Ve). Cette proposition de motion devrait retenir l'attention du Conseil d'Etat, parce que les considérants sont absolument ce qu'il convient de mettre en route et de mettre en pratique pour arriver - comme il l'a déclaré dans son communiqué de presse du 30 novembre - à une réelle efficience dans les différents départements. Et il est vrai que, jusque-là, aucune véritable politique des ressources humaines n'a été mise en oeuvre au sein de l'Etat.

Pourtant, on parle de la réforme de l'Etat depuis 1996... Au cours des travaux de la commission de contrôle de gestion, nous avons eu l'occasion de lire de nombreux rapports et d'entendre les déclarations des différents conseillers d'Etat, mais, en fin de compte, rien n'a été réellement entrepris. Nous avons constaté, au sein de nombreux services, des dysfonctionnements qui, très souvent, posaient problème en raison d'une gestion des ressources humaines tout à fait inadéquate.

Nous encourageons donc le Conseil d'Etat non seulement à répondre très rapidement à cette proposition de motion, mais encore à mettre en oeuvre immédiatement une véritable politique des ressources humaines, en tenant compte des collaboratrices et des collaborateurs qui, évidemment, éprouvent quelques appréhensions suite aux changements intervenus dans les nouveaux départements. Ces appréhensions seront sans doute très vite évacuées... Encore faudra-t-il tenir compte des ressources humaines et donner aux responsables des services les moyens de mettre en place cette politique des ressources humaines, les soutenir tout en prenant en considération les compétences et les talents des collaboratrices et des collaborateurs de l'Etat.

Mme Marie-Françoise de Tassigny (R). La motion s'intitule: «pour une véritable politique des Ressources humaines au sein de l'Etat». «Véritable» prend tout son sens, car, depuis un certain temps, on a de la peine à comprendre la stratégie de la gestion du personnel de l'Etat et, surtout, à savoir qui en est vraiment le pilote au niveau administratif.

En effet, dans une ère qui s'ouvre, pour un travail en transversalité entre les départements, il est indispensable de traiter les collaborateurs avec cohérence et dans une vision managériale contemporaine. A l'heure où l'Etat doit se restructurer et gérer ses priorités et, surtout, à l'heure des nouvelles technologies, les redéfinitions des missions, le rôle de chaque salarié, mais, surtout, le rôle de l'intelligence collective deviennent prépondérants. Intelligence collective où l'on construit ensemble, où les efforts se conjuguent et se multiplient.

C'est seulement dans cette vision ambitieuse que l'adhésion des salariés aux projets collectifs permettra une nouvelle réalité de l'Etat et une nouvelle image de la fonction publique. Mais pour réussir ce challenge, la politique des ressources humaines, peut-être soutenue par un nouveau statut, doit être valorisante, formatrice, conviviale, et, surtout, transparente. C'est aussi une stratégie reconnaissant la valeur de chacun qui permettra d'accompagner le changement important qui attend la maison Etat.

C'est seulement pour ces convictions que le groupe radical renverra cette motion au Conseil d'Etat, en espérant qu'elle sera traitée avec célérité.

Mme Véronique Pürro (S). Depuis plusieurs années, la commission de contrôle de gestion s'est préoccupée de la gestion du personnel au sein de l'Etat, et, comme nous avons eu l'occasion de le dire hier, nous avons pu observer que, dans ce domaine, il y avait beaucoup de choses à faire, avant de penser à modifier le statut de la fonction publique. C'est l'un des enjeux qui attend le nouveau Conseil d'Etat: développer une véritable politique de gestion du personnel.

Nous avons pu constater que l'office du personnel actuel n'est qu'une centrale des salaires, mais nous ne savons absolument pas qui sont les collaborateurs de l'Etat. On sait combien ils sont, combien ils nous coûtent, mais nous ne savons pas, je le répète, qui ils sont exactement. On nous parle de mobilité, de grands concepts très à la mode, mais, dans la réalité, à part la centrale d'achats, rien n'a été fait ! Certes, la volonté de développer le SIRH s'est manifestée - volonté un peu avortée, mais il semble que les choses soient maintenant prises en main. Certes, quelques départements ont fait le projet de développer leur propre politique des ressources humaines, mais force est de constater - nous l'avons vu à la commission de contrôle de gestion - qu'il n'y a aucune véritable politique de gestion du personnel actuellement au sein de l'Etat.

Alors, nous encourageons vivement - et c'est l'objet de cette motion - le nouveau gouvernement à inclure dans ses priorités le développement d'une véritable politique de gestion du personnel, car elle sera une des garanties du bon fonctionnement de l'Etat.

M. Francis Walpen (L). J'aimerais faire trois observations suite aux propos tenus par mes préopinantes et préopinants.

D'abord, je me permets de vous faire remarquer que cette proposition de motion a été signée à l'unanimité des membres de la nouvelle commission de contrôle de gestion.

Je me réjouis ensuite des propos du Conseil d'Etat qui nous a indiqué sa volonté de valoriser la culture du service public, d'avoir une gestion prévisionnelle. Mais, malheureusement, à l'aune de la réalité de nos travaux, cela donne autre chose...

Enfin, nous avons auditionné les responsables du SIRH et je vous livre simplement un florilège de leurs réponses: «GE-Pilote ne pourra pas se réaliser sans le SIRH.»; «Il n'est pas possible d'avoir une hypothèse d'échec avec le SIRH.»; «Sur la totalité du projet, le retard se monte à cinq ans.»... Interrogés par des membres de la commission à ce sujet, ils ont répondu: «Le SIRH n'est pas compatible à ce jour - à ce jour ! - avec la CFI ni avec les systèmes des HUG ou de l'Hospice, mais il est possible de développer des interfaces entre les systèmes.»

Partant de cette réalité, nous invitons évidemment le Conseil d'Etat - j'ai déjà eu personnellement l'occasion d'en parler au président Hiler, puisque je rapporterai en ce qui concerne le département des finances - à dresser dans les meilleurs délais un état des lieux de la situation actuelle.

Nous l'invitons ensuite à examiner attentivement le rôle et la responsabilité de l'office du personnel. Pour l'avoir pratiqué pendant vingt-cinq ans, je souhaite que l'on sorte de ce statut: une enclume sur laquelle plus on tape moins elle réagit... Et, enfin, nous souhaitons également que soit mise en place une véritable politique des cadres, car lorsque le poisson pourrit, c'est par la tête ! (Rires et exclamations.)

Nous nous réjouissons d'ores et déjà, Messieurs, de vous entendre dans un délai raisonnable: disons, d'ici fin juin ! (Applaudissements.)

M. David Hiler, conseiller d'Etat. Que puis-je vous dire, Mesdames et Messieurs les députés, sinon que la motion est excellente, que les considérants sont parfaitement exacts et qu'en ce qui me concerne - je ne dis pas en ce qui concerne l'Etat de Genève... - elle vient à point ?

Je vais tout de même faire deux ou trois remarques. D'abord, au sein de l'office du personnel, certaines choses fonctionnent parfaitement... En effet, à ma connaissance et en règle générale, les feuilles de paye sont exactes ! (Rires.) C'est un début... C'est déjà un début ! A ma connaissance également, les personnes qui s'occupent de la formation, notamment des apprentis, sont des personnes extraordinairement motivées. La difficulté tient plutôt à faire partager cette motivation à l'ensemble de la galaxie Etat: c'est parfois un peu plus difficile...

Cette motion vient aussi à point parce qu'une autre personne - j'ai eu le plaisir de le rencontrer dans le couloir alors que nous ne savions ni l'un ni l'autre de qui il s'agissait - a été engagée pour diriger l'office du personnel. Je veux parler de M. Tavernier. Nous avons commencé nos fonctions le même jour ! Je suppose que M. Tavernier en est au même état de réflexion que vous... J'imagine qu'il estime que ces considérants sont excellents, que ce que vous proposez est raisonnable, et je pense qu'il doit être en train de s'y atteler et que, la chose n'étant pas tout à fait facile, des forces d'appoint sont d'ores et déjà prévues au niveau du secrétariat général.

C'est vrai, l'office du personnel agit aujourd'hui sans un concept général. Vous le savez, l'informatique représente parfois un bon moyen pour faire changer une administration... Nous avons essayé, mais le problème, c'est que, en l'occurrence, cela n'a pas marché - je crois qu'on peut le dire ! C'est la raison pour laquelle ce projet a cinq ans de retard !

Ce n'est évidemment pas dû à des problèmes informatiques, mais à la politique qui est menée en matière de ressources humaines: qui sont les personnes concernées et comment les choses sont organisées. Vous connaissez la situation de départ: il y a des RH absolument partout à l'Etat de Genève et il y a deux offices payeurs. Nous allons traiter ces questions séparément: le concept, les offices payeurs et la politique des RH - ce qui doit rester sous l'autorité du chef de chaque département et ce qui doit être rattaché directement à l'office du personnel. Ce sont des questions politiques que vous devrez trancher... Que nous devrons trancher - pardon ! - puisque c'est au Conseil d'Etat de trancher !

Et puis, il y a des questions de pur management, que vous avez relevées et qui figurent notamment dans vos considérants. Sur ce point, nous attendons effectivement un gros travail du nouveau directeur, puisque c'est pour cela, entre autres, qu'il a été engagé.

Pour ce qui est des délais, j'ai donné ces instructions pour que l'état des lieux soit fait dans les six mois. Après, nous devrons, comme d'habitude, prendre un certain nombre de mesures... Honnêtement, je ne crois pas que des mesures importantes seront prises dans les six prochains mois. Sur la base de cet état des lieux, le Conseil d'Etat discutera de ce sujet et il vous annoncera les éventuelles mesures qui pourraient être décidées. Et puis, des mesures suivront... Vous connaissez la loi: la réponse à une motion donne lieu à un rapport ou à des mesures. Dans le cas présent, il y aura un rapport et des mesures, et je remercie la commission de contrôle de gestion d'avoir pris en main ce dossier. Cela n'intéresse, vous pouvez vous en rendre compte, pas les médias... Pourtant, c'est très important, car il y a vraiment du travail à faire, à faire mieux et ensemble - espérons-le !

En tout cas, je crois que vous pouvez compter tant sur M. Tavernier que sur moi-même et l'ensemble du Conseil d'Etat, pour collaborer avec votre commission, avec les rapporteurs. En effet, si on parle d'efficience sans parler de politique des RH, je doute qu'on obtienne des résultats en la matière.

Mise aux voix, la motion 1658 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 74 oui (unanimité des votants).

Motion 1658

Le président. Monsieur le conseiller d'Etat, vous voyez que votre état de grâce perdure, puisque cette motion vous est renvoyée à l'unanimité avec soixante-quatorze voix. Nous vous appellerons désormais: «David le Gracieux» ou «David le Gracié» (M. David Hiler interpelle le président.) Je dis que, l'état de grâce se poursuivant, nous vous appellerons désormais «David le Gracieux» ou «David le Gracié», comme il plaira ! (Rires.)