Séance du
vendredi 16 décembre 2005 à
14h
56e
législature -
1re
année -
3e
session -
13e
séance
PL 9642-A
Premier débat
Le président. M. Amsler reste à sa place, s'il le veut bien, et Mme le rapporteur Künzler est priée de bien vouloir remplacer, pour le rapport de minorité, M. Stauffer qui regagne sa place.
M. David Amsler (L), rapporteur de majorité. Le projet de loi 9642-A, comme je l'ai dit tout à l'heure, concerne la vente d'un immeuble sis 8, rue Gallatin, dans le quartier de Saint-Jean. Il est situé en zone 3; il a été construit en 1921 et rénové en 1960. Il est composé de quatorze appartements, de deux locaux dans les combles, et le prix moyen à la pièce se monte à 4106 F, comme cela est indiqué dans le projet de loi. Certains droits à bâtir sont encore disponibles, puisqu'il est possible de créer éventuellement deux appartements supplémentaires dans les combles.
Cet immeuble souffre d'un manque d'entretien flagrant. Vous pourrez voir dans le rapport de majorité la liste de ce qui nécessiterait une intervention: la façade, les menuiseries, les stores, les volets, les vitrages, etc. Autre élément important: la chaudière qui date de 1986 ne répond plus aux normes et doit être assainie rapidement, avant le mois de mars 2006.
L'ensemble de ces travaux de réfection a été estimé à 900 000 F, que le futur acquéreur devra investir dans cet immeuble.
La commission s'est déjà réunie le 24 avril 2005 et a entériné le prix de vente à 3,3 millions. Après une procédure de mise en vente sur le site - procédure qui a été expliquée en long et en large par la Fondation aux nouveaux membres de la commission - six offres ont été formulées et une mise aux enchères privées devant notaire a été organisée. Le meilleur prix obtenu a été de 3,65 millions, soit un gain de 234 000 F par rapport à la créance reprise par la Fondation. Et il faut quand même souligner que c'est l'un des rares objets à être vendu par la Fondation avec un bénéfice.
Le résultat du vote figure également dans le projet de majorité: cinq voix pour, deux contre.
Cet objet a généré la même discussion que lors de la dernière séance de commission par rapport à une proposition des Verts et des socialistes suggérant que l'Etat envisage de racheter cet objet. La commission n'est pas entrée en matière. Elle pense qu'il faut absolument que la Fondation vende rapidement cet objet au prix proposé et profite ainsi de ce prix élevé, supérieur à la créance reprise par la Fondation. La commission pense que la discussion concernant le logement pérenne ne doit pas interférer dans la réalisation des actifs de la Fondation. Et c'est pour cela que la majorité de la commission vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter ce projet de loi.
Mme Michèle Künzler (Ve), rapporteuse de minorité. Avec une certaine constance, je continuerai à dire qu'il faut au contraire réfléchir de manière moins sectorielle - je n'ai pas parlé de mélanger la politique du logement et la politique de la Fondation de valorisation - parce que c'est exactement ce que nous sommes en train de faire. Nous ne sommes pas les commissaires d'une seule commission: en tant que députés, nous devons avoir une vision globale des problèmes ! Il est tout simplement absurde, d'un côté, de vendre des objets au mieux, et, de l'autre côté, de subventionner lourdement des systèmes HLM qui coûtent en fait plus cher à la collectivité ! Il faut mener une réflexion et une politique du logement social différente. Il faut aller vers le logement social pérenne !
Nous avons pu lire que le nouveau Conseil d'Etat veut aller dans ce sens et c'est pour cela que je continuerai jusqu'à ce que ce problème soit véritablement résolu. Le rapport a été accepté à la commission du logement et figure au point 59 de notre ordre du jour. Il est très important que ces immeubles, qui sont situés au centre-ville, qui sont non connotés socialement, qui sont des immeubles habituels et de bonne facture, soient versés au logement pérenne, parce que c'est la meilleure utilisation que l'on peut en faire.
En l'occurrence et contrairement à l'objet précédent, les gens se battent pour l'avoir, car c'est un objet extrêmement intéressant. Alors, comment se fait-il que l'Etat, lui, le trouve inintéressant ? Contrairement à ce que prétend le rapporteur de majorité, il n'est pas urgent de le vendre, d'autant qu'il est l'un des seuls à rapporter un rendement net de plus de 5% à la Fondation. Il y a donc de la marge, et il n'est pas du tout urgent de vendre cet objet ! Nous préférerions qu'il soit versé au logement social pérenne: il faut y réfléchir.
Je sais déjà qu'un droit de préemption va être demandé sur un des logements que nous avons vendus la dernière fois. Cette politique péjore la situation de la commission de contrôle de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe et de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe. En effet, en passant par le droit de préemption, on donne un mauvais signal au marché. Cela peut décourager d'éventuels acheteurs d'acquérir des biens qui seraient menacés par un droit de préemption. Il faut réfléchir avant.
Pour ma part, je préférerais que l'on étudie une fois pour toutes l'ensemble de cette problématique. Il faudrait sortir les mille logements nécessaires à verser au logement pérenne, afin de régler cette situation de manière globale et en une fois, au lieu régler les problèmes les uns après les autres.
Je vous invite vraiment à refuser cette vente, pour étudier cette problématique globalement et sur le long terme. Nous pourrions examiner tranquillement la proposition de verser cet immeuble au logement social pérenne, puisqu'il n'est pas urgent de le vendre dans la mesure où il rapporte à la Fondation de valorisation.
M. Mario Cavaleri (PDC). Je dois, une fois de plus, contredire notre chère collègue, Mme Künzler, dans la mesure où - elle le sait - nous avons des débats au sein de la commission du logement par rapport à ce type de situation...
Nous avons déjà dit, et nous le redisons d'une manière tout à fait claire: il n'est pas question d'allouer à du logement pérenne qui serait contrôlé en permanence par l'Etat des logements qui doivent rester dans le secteur libre ! Malheureusement - voyez-vous, Madame Künzler - la demande n'est pas unique: elle est multiple ! Et aujourd'hui, ce genre de logements est aussi demandé par des personnes à la recherche d'appartements qui ne soient ni HBM, ni HLM, ni HM, ni contrôlés, mais du secteur libre !
Et le problème essentiel - et nous devons le régler, c'est vrai, et le groupe PDC est d'accord d'envisager une discussion au sein de notre plénum ultérieurement - consiste à décider de l'affection d'un certain nombre de logements pour les besoins les plus urgents à couvrir. Mais il n'en demeure pas moins qu'il existe d'autres demandes sur le marché et que des logements de ce type ne doivent pas systématiquement être mis sous le contrôle de l'Etat.
Par conséquent, le groupe PDC refusera de renoncer à la vente de cet immeuble, car il correspond à des demandes qui sont hors HBM et HLM. Il convient donc d'autoriser cette vente en fonction de ce qui nous est présenté par la commission de contrôle de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe.
M. Alberto Velasco (S). Contrairement à ce que prétend M. Cavaleri, le parc du logement social est passé de 17% à même pas 11%, à l'heure actuelle.
Par conséquent, Monsieur Cavaleri, ce n'est pas le parc des logements à loyer libre qui a augmenté, c'est le parc des logements sociaux qui a diminué ! C'est le premier constat que l'on peut faire.
Deuxième constat, par rapport au débat qui a eu lieu ce matin dans ce parlement: tous les groupes ont demandé que l'on fasse des économies. Eh bien, voilà un projet qui va concrètement nous faire faire des économies. Cela coûte beaucoup plus cher de construire de nouveaux logements sociaux que d'acheter des logements et de les introduire dans le parc du logement pérenne. C'est une réalité !
Je constate que dans ce parlement, on est d'accord sur une direction à prendre le matin, mais, le soir, tout est oublié, et on va en sens contraire ! Ce n'est pas possible ! Ce matin, nous étions tous d'accord pour dire qu'il était temps que ce parlement ait une vision d'ensemble pour tous les débats. On ne peut pas débattre des finances publiques, en étant tout gentils, tout copains, unis dans la volonté de réduire les dépenses, à coups de: «je te donne», «tu me donnes», etc., et le soir se cantonner à des positions conservatrices !
Je suis totalement d'accord avec le rapport de minorité. Effectivement, nous avons travaillé en commission du logement avec le projet de loi des Verts pour créer ce fonds. Le but est d'atteindre un jour un taux de 20% de parc de logement pérenne en Ville de Genève. Nous avons une occasion: il ne faut pas la louper !
Le rapporteur de majorité dit que cet objet, pour la première fois - mais il s'agit peut-être de la deuxième ou la troisième fois: je n'ai pas compté - nous rapporte quelque chose; c'est vrai. Mais seul le bilan final pourra nous dire s'il nous rapportera ou non. Dans le temps, on ne le sait pas. C'est vrai qu'il peut rapporter un peu d'argent pour l'instant, mais, quoi qu'il en soit, cela nous coûtera beaucoup plus cher de construire des logements sociaux.
En réalité, c'est ce que nous devons faire, Mesdames et Messieurs les députés. Je vous encourage donc à suivre le rapport de minorité dans l'intérêt de la République, sans vous en tenir à des arguments de logique ! (Applaudissements.)
Mme Michèle Künzler (Ve), rapporteuse de minorité. Si nous voulons avoir une nouvelle philosophie du logement, c'est par ce genre d'acquisitions qu'il faudra passer !
Je suis d'accord avec M. Cavaleri sur le fait que la demande de logement est multiple, mais les logements sociaux et subventionnés ont diminué de manière extrêmement importante. Il y a vingt ans, il y avait quarante mille logements subventionnés. A l'heure actuelle, on en compte à peine dix ou douze mille. Et ils vont encore diminuer, puisque, d'une certaine manière, le système HLM est mort; tout le monde peut le constater.
Il faut se diriger vers un nouveau paradigme du logement. Et c'est en constituant un socle de logements pérennes que nous y arriverons. Financièrement parlant, comme l'a rappelé M. Velasco, il est bien plus économique de racheter des logements existants et de les transformer peu à peu en logements sociaux pérennes que de construire des ghettos à la périphérie de la ville. Cela coûte plus cher que de faire du logement social en ville et de manière non connotée socialement.
Donc, pour nous, le deal est clair: il faut trouver un accord au sujet des deux tiers/un tiers, trouver une autre alternative, mais, en contrepartie, nous devons constituer un socle de logements sociaux, ce qui passe forcément par l'acquisition d'immeubles existants, notamment au sein de la Fondation de valorisation.
M. David Amsler (L), rapporteur de majorité. Un leit-motiv revient dans tous les rapports de la commission de contrôle de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe, puisque le but primaire de cette fondation est: «...de vendre au plus offrant, afin qu'elle réduise ses dettes au maximum et le plus rapidement possible...». Mais j'ai ajouté un membre de phrase: «sans pour autant brader les objets»... On se trouve typiquement dans le cas de figure qui correspond au but de la Fondation. Je rappelle juste que cet immeuble qui date de 1921 nécessite des travaux importants. Un rapide calcul montre que les 900 000 F à investir avant le mois de mars correspondent à plus de quatre années d'état locatif.
Au vu de tous ces éléments, je crois qu'il est important de profiter de l'offre que la Fondation de valorisation a reçue et de lui permettre ainsi de continuer à réduire ses dettes.
Le président. Monsieur Cavaleri, vous voulez reprendre la parole ? Je signale que tout le monde a déjà dit deux fois la même chose ! Allez-y, Monsieur le rapporteur.
M. Mario Cavaleri (PDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, les propos de Mme Künzler et de M. Velasco constituent finalement un leurre !
Que veut-on nous faire croire aujourd'hui ? Que l'on peut acheter quatorze logements pour créer quatorze logements sociaux ! Il faut tout de même savoir que ces logements sont aujourd'hui occupés et qu'il ne sera pas possible d'attribuer ces quatorze logements aujourd'hui, ou après la vente, ou après l'acquisition, à des personnes qui répondraient aux critères des HBM ! Par conséquent, il est erroné de prétendre que l'on pourrait acquérir ce bâtiment pour en faire des logements qui répondent aux critères des logements sociaux pérennes. C'est la première chose que je voulais dire.
Deuxième chose: j'insiste à nouveau sur le fait que ce bâtiment est déjà occupé - comme je viens de le dire - et, s'il avait été si intéressant, le Conseil d'Etat aurait proposé de l'acquérir ! Or, tel n'est pas le cas ! (L'orateur est interpellé.) Mais oui, Madame Künzler, nous en avons discuté en commission du logement ! Le Conseil d'Etat n'a fait aucune proposition d'acquisition ni pour ce bâtiment ni pour toute la liste des biens qui est connue à ce jour !
Quelle est la conséquence ou la conclusion que l'on peut tirer de cette affaire ? C'est que cela n'est pas intéressant et qu'il vaut mieux effectivement concentrer les efforts sur la construction de logements qui répondent à des critères de logement social pérenne, tel que vous le souhaitez.
Mis aux voix, le projet de loi 9642 est adopté en premier débat par 39 oui contre 27 non et 6 abstentions.
La loi 9642 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 9642 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 40 oui contre 27 non et 5 abstentions.