Séance du
jeudi 15 décembre 2005 à
20h35
56e
législature -
1re
année -
3e
session -
11e
séance
La séance est ouverte à 20h35, sous la présidence de M. Michel Halpérin, président.
Assistent à la séance: MM. Pierre-François Unger, président du Conseil d'Etat, Charles Beer, Laurent Moutinot, Robert Cramer, David Hiler, François Longchamp et Mark Muller conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Claude Aubert, Luc Barthassat, Caroline Bartl, Jean-Claude Egger, Claude Marcet, Jacques Pagan, André Reymond et Pierre Schifferli, députés.
Communications de la présidence
Le président. Le Bureau souhaite attirer l'attention des députés, ou du moins de ceux qui ne le sauraient pas, que les boissons et cafés, qui sont stockés au demi-étage inférieur entre l'escalier des Pas-Perdus et le salon jaune, ne sont pas en libre service. (Rires.) Une buvette, au fond de cette salle à gauche, payante et donc non subventionnée, puisque c'est un des thèmes du jour, est à la disposition des députés.
Correspondance
Le président. Vous avez trouvé sur vos places l'énoncé de la correspondance reçue par le Grand Conseil. Cet énoncé figurera au Mémorial.
Réponse du Grand Conseil au Tribunal administratif suite à la réplique de la Commune de Plan-les-Ouates concernant son recours contre la loi 9415 ( Lancy et Plan-les-Ouates, lieu-dit "La Chapelle-Les-Sciers") (transmis à la commission d'aménagement) (voir corresp. 2049, 2069 et 2121) (C 2140)
Réponse du Grand Conseil au Tribunal administratif suite à la réplique de Mme DELETRAZ Noëlle concernant son recours contre la loi 9415 ( Lancy et Plan-les-Ouates, lieu-dit "La Chapelle-Les-Sciers") (transmis à la commission d'aménagement) (voir corresp. 2051, 2071 et 2125) (C 2141)
Réponse du Grand Conseil au Tribunal administratif suite à la réplique de Mme GIRARD-FRESARD Jacqueline concernant son recours contre la loi 9415 (Lancy et Plan-les-Ouates, lieu-dit "La Chapelle-Les-Sciers") (transmis à la commission d'aménagement du canton) (voir corresp. 2050, 2070 et 2122) (C 2142)
Annonces et dépôts
Néant.
Le président. Nous reprenons le cours de nos travaux.
Débat
Mme Loly Bolay (S), rapporteuse. La commission législative, comme à son habitude, a étudié la validité de l'IN 126, c'est-à-dire si cette dernière respectait bien l'unité de la matière, de la forme, du genre, si elle était conforme au droit supérieur et si elle était recevable. Tous les membres de la commission législative ont répondu par l'affirmative, sauf un député libéral.
Je vous demande donc de confirmer ce vote ce soir.
M. Christian Luscher (L). Nous sommes ici pour discuter de la constitutionnalité de l'initiative 126 et non pas sur son fond. Je dois attirer l'attention de ce Grand Conseil sur le fait que cette initiative pose un problème majeur et que de toute évidence, comme je vais vous le montrer de manière un tout petit peu rébarbative, parce que c'est assez technique, cette initiative ne respecte pas la constitution dans l'état actuel de son texte. Je constate d'ailleurs que le Conseil d'Etat a consacré pas moins de douze pages de son rapport à la conformité au droit supérieur de cette initiative - ce qui est pour le moins insolite - pour arriver à la conclusion que l'initiative n'était pas «manifestement contraire au droit supérieur», ce qui signifie en d'autres termes, si on lit entre les lignes, que cette initiative pose d'énormes problèmes. Ce n'est d'ailleurs pas faire insulte au Conseil d'Etat que de dire qu'il ne faut pas prendre pour argent comptant les rapports qu'il nous rend sur les initiatives. Vous vous souvenez certainement que le Conseil d'Etat avait dit que l'initiative sur la caisse unique ne posait aucun problème; nous l'avons déclarée irrecevable car inconstitutionnelle, et le Tribunal fédéral a confirmé notre avis, comme il l'a fait, certes partiellement, pour l'initiative qui consistait à porter l'intégralité de la LDTR dans la constitution. Le Conseil d'Etat ne trouvait rien à y redire, alors que nous, députés, avions considéré cette initiative irrecevable: le Tribunal fédéral nous a partiellement suivis puisqu'il a tracé la moitié de cette initiative fédérale pour des questions d'inconstitutionnalité.
Cette initiative pose le problème de l'approvisionnement et de la distribution de l'électricité. Comme vous le savez, la loi sur le marché de l'électricité au niveau fédéral a été refusée par le peuple le 22 septembre 2002; il n'en demeure pas moins qu'il y a une tendance générale, en Europe et dans l'Union européenne, à libéraliser le marché de l'électricité et, à partir de l'année 2007 - cela a déjà été décidé par l'Union européenne et est désormais en vigueur - tous les consommateurs de l'Union européenne pourront librement choisir leur fournisseur. Il s'agit, pour ceux qui veulent consulter la réglementation européenne, du règlement 1228 de l'année 2003, entré en vigueur le 1er janvier 2004 pour l'Union européenne.
En Suisse, suite au refus de la LME par le peuple, le Conseil fédéral a adopté, le 3 décembre 2004, le message relatif à la modification de la loi sur les installations électriques et la loi sur l'approvisionnement en électricité. La loi sur l'approvisionnement en électricité, élaborée par une commission d'experts désignés par le DETEC, s'appuie largement sur un arrêt du Tribunal fédéral rendu en 2003 et autorisant, en principe, l'ouverture du marché sur la base de la loi sur les cartels. Elle prend d'ailleurs en considération la libéralisation complète du marché de l'électricité. Ce projet prévoit d'ouvrir le marché en deux temps: il y aura une première ouverture pour certains consommateurs en 2007 et une deuxième en 2012.
Une autre commission d'experts s'intéresse également à la loi sur les installations électriques, la LIE, et lors de ses réunions des 9 et 10 mai 2005 - c'est donc tout récent - la commission de l'environnement et de l'aménagement du territoire et de l'énergie du Conseil national a adopté une nouvelle loi sur l'approvisionnement en électricité et la révision de la loi sur les installations électriques, pour ce qui concerne le commerce d'électricité. Lors de ses délibérations, cette commission est arrivée à la conclusion que, pour s'adapter aux normes européennes, il ne fallait pas faire deux étapes, comme on le prévoyait pour la loi sur l'approvisionnement et l'électricité, mais une seule étape. En 2007, il est prévu que le marché de l'électricité soit totalement ouvert. Cette loi sera à l'évidence adoptée, parce que nous faisons plus ou moins partie de l'Europe - du moins de certains de ses aspects - et parce que nous allons devoir nous adapter aux pays qui nous entourent, en termes d'électricité. Si, donc, cette loi est adoptée et qu'il n'y a pas de référendum - ou qu'il y a un référendum mais que celui-ci n'est pas admis - elle entrera donc en vigueur. Par conséquent, l'initiative cantonale que nous proposons aujourd'hui à notre peuple de voter est un leurre; j'irai même jusqu'à dire que nous trompons le peuple en lui faisant croire que l'on peut aujourd'hui accorder un monopole dans notre canton, alors qu'au niveau fédéral on est en train d'arriver à quelque chose de totalement différent. Je pense qu'il n'est pas bon de soumettre au peuple une initiative dont on sait à l'avance qu'elle ne pourra pas être exécutée dans notre canton.
L'article 36 de la constitution prévoit que les monopoles puissent être admis, dans certains cas restreints, pour autant qu'ils soient prévus par une base légale et qu'ils poursuivent un intérêt public - ils doivent également, vous le savez tous, respecter le principe de la proportionnalité. En Suisse, la doctrine - qui correspond à l'ensemble des auteurs autorisés en matière juridique - dit aujourd'hui que ce genre de monopole est totalement contraire à la loi et à la constitution. Pour s'en sortir, le Conseil d'Etat fait une sorte de pirouette - cela figure en page 11 du rapport sous forme d'une note de bas de page, parce qu'on n'a pas osé le faire figurer vraiment dans le texte - en écrivant: «Ces opinions de doctrine ne seraient cependant pas forcément suivies par le Tribunal fédéral en cas d'examen de la question.» C'est faux parce que le Tribunal fédéral a déjà exprimé son avis sur cette question. Dans ce fameux arrêt de 2003, il a dit que si la question lui était soumise il devrait très sérieusement se poser la question de savoir si un tel monopole serait conforme à la constitution. Il n'y a pas répondu, mais pour ceux qui savent lire un arrêt du Tribunal fédéral, comme vous savez le faire, Monsieur Cramer, c'est un message au canton qui signifie: «Ne prévoyez pas de monopoles, parce que ce jour-là nous devrons soigneusement analyser la question.»
Le Tribunal fédéral a eu à se poser la question de la légalité d'un monopole cantonal par rapport au droit fédéral...
Le président. Excusez-moi, Monsieur le député, mais il va vous falloir conclure.
M. Christian Luscher. Je vais conclure, il me faut encore trente secondes. Dans un fameux arrêt de 2003, qui est un des plus longs arrêts du Tribunal fédéral que j'aie jamais vu et qui concerne la Migros et une entreprise Watt contre l'Etat fribourgeois, le Tribunal fédéral est arrivé à la conclusion qu'un monopole était totalement contraire à la loi sur les cartels. Je vous lis une phrase tirée des cinquante pages de cet arrêt du Tribunal fédéral: «La recourante» - en l'occurrence c'était l'Etat de Fribourg - «utilise sa position de fait dominante qu'elle tire de son réseau de transports pour ne pas devoir s'ouvrir à la concurrence. Son comportement est donc directement dirigé contre une possible instauration de la concurrence et exclut dans le résultat toute concurrence entre les fournisseurs d'énergie. Ce comportement doit être qualifié d'abusif dans la mesure où il ne peut pas être justifié pour des motifs objectifs.»
Mesdames et Messieurs les députés, je ne dis pas que sur le fond cette initiative ne mérite pas d'être analysée, je dis que si nous entrons en matière, si nous déclarons cette initiative constitutionnelle et que nous la renvoyons devant le peuple, il y aura un recours, le Tribunal fédéral cassera cet article constitutionnel et nous aurons fait voter le peuple pour rien. D'une certaine façon, nous aurons donc trompé le peuple.
Je suggère, compte tenu des délais qui nous sont encore impartis par le Conseil d'Etat - sauf erreur c'est le 9 février 2006 qu'une décision du Grand Conseil doit être prise - je suggère pour apaiser les esprits que cette initiative soit renvoyée à la commission législative pour que nous analysions minutieusement la question. Excusez-moi d'avoir été aussi long.
Le président. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi en commission, un intervenant par groupe peut s'exprimer.
M. Alberto Velasco (S). Je vois que M. Luscher plaide très très bien et qu'il se pose en tant que juriste dans ce débat. Les intentions du Conseil fédéral et du Conseil national dont il fait mention, ces lois qui seront peut-être adoptées, Monsieur Luscher, elles seront sûrement «référendées», comme l'a été la dernière - et vous avez vu quelle en a été l'issue.
Vous êtes en train d'affirmer quelque chose qui dépendra de la volonté du peuple. Vous vous substituez donc au peuple. Vous êtes en train de nous dire: «Assurément le peuple va accepter le nouveau message du Conseil fédéral sur cet objet.» Moi, je n'en suis pas si sûr. Le souverain est le souverain, on verra ce qu'on verra. Les divers groupes qui se voient à ce sujet sont décidés à relancer un référendum sur cette loi.
Monsieur Luscher - permettez, Monsieur le président, que je m'adresse à M. Luscher - vous avez parlé de ce fameux arrêt fédéral qui concernait la Migros et les Entreprises Electriques Fribourgeoises. Or l'information dont je disposais, dispensée par les Services industriels de Genève, parce que cela nous intéressait, était la suivante. Dans la constitution fribourgeoise, il n'y avait pas de notion de monopole, ce que reprochait entre autres le Tribunal fédéral. A partir de là, les parlements de Neuchâtel et de Vaud - à majorité de droite, à l'époque - ont voté l'introduction de la notion de monopole dans la constitution, à cause de cet arrêt. Par conséquent, je m'excuse mais vous auriez dû aller jusqu'à la fin de cet arrêt. La raison pour laquelle cette initiative a été lancée ici au niveau cantonal, c'est justement parce que ce parlement n'a pas voulu prendre sa responsabilité à l'issue de cet arrêt du Tribunal fédéral.
Je suis personnellement contre les monopoles lorsqu'il s'agit des monopoles de multinationales ou pour des biens privés. Mais lorsqu'il s'agit du bien commun, la seule entité qui peut bénéficier du statut de monopole, c'est lorsqu'un élément a été déclaré de bien commun, nécessaire, stratégique; là, oui, il y a presque nécessité et responsabilité d'un Etat de déclarer ce bien comme étant un monopole, pour en assurer la pérennité. Je suis donc tout à fait désolé de votre interprétation. En l'occurrence, considérant l'énergie comme un élément fondamental de l'économie genevoise dans les prochaines années - on nous promet d'ailleurs certains problèmes d'approvisionnement pour 2030 - il est nécessaire d'établir la notion de monopole dans notre constitution à l'égard de la pérennité de l'approvisionnement, Monsieur Luscher.
Par conséquent, je considère, Monsieur le président, qu'il n'y a pas lieu de renvoyer cette initiative à la commission législative. Je considère que les propos tenus dans le rapport sont tout à fait corrects et que les interprétations de M. Luscher, sans être totalement incorrectes, ne sont pas d'une importance telle qu'il faille renvoyer cet objet en commission. Au nom de mon groupe, je propose le vote de ce texte tel qu'il a été mentionné dans le rapport.
M. Hugues Hiltpold (R). Je voudrais tout d'abord rappeler que nous avons effectivement débattu de cette question à la commission législative dans un temps relativement bref, il faut quand même le relever ce soir, et dans une composition de commission qui ne comportait que quatre membres et non pas la totalité.
Le groupe radical a d'abord été enclin à valider cette initiative et à la renvoyer à la commission de l'énergie mais il avait un certain nombre de doutes que je voudrais exposer ce soir, notamment sur la question de la conformité au droit supérieur.
C'est vrai que par rapport à l'article 66 de la constitution sur la question du monopole public, la question de la conformité au droit supérieur peut être discutée, c'est ce qu'a précédemment relevé M. Luscher. Il convient aussi de rappeler que la Confédération ne met aucune disposition qui restreigne l'organisation des Services industriels d'une façon générale. S'agissant de la question de l'eau, la constitution ne prévoit pas de directives pour réglementer la distribution de l'eau. Dans ce sens-là, on peut admettre être en conformité avec le droit supérieur.
Sur la question des énergies électriques, un certain nombre de dispositions législatives au niveau fédéral n'entraînent aucune contrainte au niveau cantonal; on peut donc aussi admettre que les cantons sont compétents pour légiférer en la matière et qu'il n'y a pas de doute quant à leur conformité au droit supérieur. S'agissant du gaz, c'est un petit peu plus tenu dans la mesure où l'approvisionnement est réglé par une loi fédérale sur le transport par conduite: cette loi concerne les gazoducs et se distingue de la loi sur l'approvisionnement d'énergie. La distinction est un peu subtile, mais on peut encore admettre, sur la question du gaz, qu'on est conforme au droit supérieur. S'agissant de la liberté économique, l'instauration d'un monopole peut, là, commencer à prêter à confusion - c'est vrai que le Tribunal fédéral a admis la constitutionnalité de tels monopoles dans ce type de services mais c'est un point qui mérite un débat un peu plus soutenu que celui que nous avons eu à la commission législative.
C'est la raison pour laquelle le groupe radical vous invite d'ores et déjà à renvoyer cette initiative à la commission législative, en vous rappelant que nous avons encore un mois pour le faire et que nous avons encore les moyens de correctement traiter cette initiative.
M. Pascal Pétroz (PDC). Cette initiative a une teneur qui est claire puisqu'elle prévoit l'instauration d'un monopole en matière de gaz et d'eau pour les Services industriels de Genève. Cela a été rappelé tout à l'heure, la question des monopoles est réglée de manière relativement complexe tant par la législation fédérale que par la législation européenne à laquelle nous sommes plus ou moins soumis - n'en déplaise à certains.
Par conséquent le groupe PDC soutiendra le renvoi à la commission législative pour que les travaux ne se fassent pas à la va-vite, comme cela a été rappelé tout à l'heure, mais sur la base d'une analyse approfondie de la question, car il ne s'agit pas ici de déclarer irrecevable une initiative qui devrait être déclarée recevable ou le contraire. Il s'agit plutôt d'adopter une attitude qui soit conforme au droit, et nous ne pouvons pas le faire ici: nous devons renvoyer cet objet à la commission législative qui, au besoin par des avis d'experts, pourra se prononcer sur la question.
Notre Grand Conseil, en respectant les délais impartis par la loi, pourra bien évidemment statuer comme il se doit.
Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Je ne suis pas avocate mais j'ai bien écouté M. Luscher, et il me semble qu'il a émis beaucoup de doutes: «si», «en principe». Par conséquent, pour moi, il y a un vide juridique au niveau fédéral, comme M. Velasco l'a rappelé. Cela signifie que les cantons peuvent légiférer de sorte que, si le droit supérieur, d'ici quelques années, modifie la législation fédérale et que nous devons modifier notre loi, nous pourrons toujours aviser de le faire.
Sur le fond, nous sommes tout à fait pour la recevabilité de cette initiative et nous la voterons. Nous pensons que cette initiative doit aller à la commission de l'énergie.
L'électricité n'est pas un produit comme les autres: pour nous elle va à l'encontre de la libéralisation des marchés qui, eux, ne pensent qu'à la rentabilité. L'électricité est un bien qui doit être contrôlé par l'Etat, pour son approvisionnement et sa sécurité. C'est un bien qui doit être dispensé à tous.
Lorsque des décisions politiques vont dans le bon sens et que l'on est avant-gardistes et courageux, on peut influencer les autres. Pour les OGM, la Suisse a voté un moratoire dont toute la presse européenne a parlé. Cela peut modifier les choses dans l'autre sens.
Genève a un rôle politique à jouer et doit marquer son attachement aux SIG et au monopole qu'ils représentent de fait. Nous voterons donc la recevabilité de cette initiative - en nous opposant donc à votre proposition - ainsi que le renvoi de cette initiative à la commission de l'énergie.
Mme Loly Bolay (S), rapporteuse. Je pense qu'il est intéressant de lire le rapport du Conseil d'Etat qui considère que cette initiative est recevable sur tous les points. J'aimerais vous en lire un passage qui se trouve à la page 13/35: «Compte tenu que le Tribunal fédéral a admis par le passé la constitutionnalité de monopoles en matière de distribution d'eau, voire de distribution d'électricité, dans un contexte constitutionnel qui n'a pas évolué - puisque avant l'entrée en vigueur de la Constitution fédérale du 18 avril 1999, la liberté économique était déjà garantie et les conditions de restrictions identiques - il apparaît que la contrariété de l'IN 126 au droit fédéral n'est pas manifeste, et que l'initiative doit être soumise au peuple sur ce point, à tout le moins en application du principe in dubio pro populo. C'est du reste aussi ce qu'ont considéré les cantons qui ont récemment adopté ou initié des révisions de leurs législations pour donner à leurs entreprises de services industriels un monopole de droit sans, au demeurant, être pour l'instant sanctionnées par le Tribunal fédéral.» Je crois que cela répond tout à fait aux inquiétudes des préopinants qui demandent le renvoi de cette initiative à la commission législative.
Pour ma part, je maintiens qu'il faut voter ici, en plénum, la recevabilité de cette initiative.
M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Le Conseil d'Etat est d'avis qu'il est totalement inutile de renvoyer cette initiative en commission, quand bien même il pense que cette initiative est pour l'essentiel inopportune, puisqu'en conclusion de sa réflexion il indique qu'il la juge inutile, qu'à certains égards elle risque de poser des problèmes par rapport à l'évolution future de la législation et que c'est la raison pour laquelle il n'entre en matière, quant au fond de l'initiative, que sur la question du monopole en matière d'eau.
Mais dans le même temps où nous vous disons cela, nous vous disons sans ambiguïté que cette initiative est totalement recevable, juridiquement. Sur ce point, je dois dire que les arguments entendus n'ont pas ébranlé cette conviction, tout d'abord parce que la réflexion que fait le Conseil d'Etat n'est pas basée sur l'affection qu'il peut avoir pour les initiants - et il l'a démontré en s'exprimant quant au fond de l'initiative - mais surtout parce que l'on nous dit ici que si le droit fédéral devait changer - c'est le premier argument qu'on a entendu de la bouche de M. Luscher - cette initiative deviendrait irrecevable. Peut-être bien mais pour le moment on doit tout de même considérer que le droit fédéral est ce qu'il est et c'est à partir de la législation applicable qu'on doit examiner l'initiative.
Ensuite, se fondant sur un certain nombre d'arrêts qu'il qualifie de «fameux», M. Luscher nous indique qu'à plusieurs reprises le Tribunal fédéral a eu quelques doutes sur telle ou telle décision cantonale. Il a juste oublié de dire que cela s'était passé dans des cantons qui ne connaissaient pas l'institution du monopole. Dans l'intervalle, dans les cantons de Vaud et de Fribourg, ces affaires ont été réglées.
Enfin, on nous fait remarquer que dans sa réflexion le Conseil d'Etat indique que cette initiative n'est pas manifestement contraire au droit fédéral: bien sûr qu'il le dit puisque c'est précisément le critère que fixe la constitution.
Ce que je comprends, dans cette affaire, c'est que le renvoi en commission est destiné à faire gagner un petit peu de temps - puisqu'on sait que la législation fédérale est en train d'évoluer. Je vous rends simplement attentifs au fait que peu de temps sera en réalité gagné puisque notre constitution veut que si, d'ici le 9 février 2006, le Grand Conseil ne s'est pas déterminé, cette initiative sera déclarée recevable et conforme ipso facto, et que l'on se passera simplement d'entendre l'avis des députés.
Je ne sais pas très bien ce que l'on pourrait faire durant les fêtes de fin d'année, raison pour laquelle je vous suggère de vous épargner un second débat, de suivre l'avis de la commission législative du Grand Conseil, de suivre l'avis du Conseil d'Etat et donc de ne pas renvoyer cet objet en commission. Si l'un ou l'autre veut gagner du temps, il lui sera toujours possible de faire recours contre la décision du Grand Conseil, il perdra devant le Tribunal fédéral mais il gagnera assurément quelques mois. Ce sera plus efficace que ce mois gagné par la manoeuvre consistant à renvoyer l'initiative en commission. Votez donc non au renvoi en commission et vous renverrez l'initiative quant au fond à la commission qu'il vous plaira de déterminer.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je mets aux voix la proposition de renvoi à commission législative.
Mis aux voix, le renvoi du rapport IN 126-B à la commission législative est adopté par 53 oui contre 32 non.
L'IN 126 est renvoyée à la commission législative.
Mis aux voix, le projet de loi 9728 est adopté en premier débat par 78 oui et 1 abstention.
La loi 9728 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 9728 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 75 oui et 1 abstention.
Suite du deuxième débat
Mis aux voix, l'article 7 est adopté, de même que les articles 8 à 24.
Le président. Nous sommes saisis d'une proposition d'amendement déposée par M. Antoine Droin à l'article 25 «Relation avec le vote du budget», avec un alinéa 4 nouveau dont voici la teneur: «En dérogation à la loi sur la gestion administrative et financière de lEtat de Genève, du 7 octobre 1993 et, à toute autre loi, notamment la loi annuelle ouvrant au Conseil dEtat divers crédits supplémentaires et complémentaires, aucun dépassement de crédit, par rapport aux montants votés lors du vote du budget annuel, ne peut être autorisé en matière daides financières.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 82 oui (unanimité des votants).
Mis aux voix, l'article 25 ainsi amendé est adopté, de même que les articles 26 à 35.
Le président. Nous sommes saisis d'une proposition d'amendement du Conseil d'Etat à l'article 36 concernant la date d'entrée en vigueur de la présente loi: «La présente loi entre en vigueur avec effet au 1er janvier 2006.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 83 oui (unanimité des votants).
Mis aux voix, l'article 36 ainsi amendé est adopté.
Le président. Nous sommes saisis d'un amendement à l'article 35, alinéa 2, de l'article 37 (souligné): «Les allocations à des tiers sont soumises à la présente loi. Les indemnités et les aides financières sont régies par la loi sur les indemnités et les aides financières, du 15 décembre 2005, ainsi que par la présente loi, à lexception de ses articles 36 à 42 et, en ce qui concerne les aides financières, à lexception de ses articles 49 et 55.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 79 oui (unanimité des votants).
Le président. Un amendement est encore proposé à l'article 37, alinéa 3 (souligné, nouveau): «La loi instituant une cour des comptes, du 10 juin 2005 (D 1 12), est modifiée comme suit : Art. 3, lettre g (nouvelle teneur) g) les organismes privés bénéficiant d'une subvention de lEtat, au sens de larticle 35 de la loi sur la gestion administrative et financière de lEtat de Genève, du 7 octobre 1993.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 82 oui (unanimité des votants).
Mis aux voix, l'article 37 (souligné) ainsi amendé est adopté.
Le président. Eussé-je su que nous serions si peu diserts sur ces quelques amendements que je les eusse fait voter avant le dîner. C'est chose faite maintenant.
Troisième débat
La loi 9011 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 9011 (nouvel intitulé) est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 82 oui (unanimité des votants).
Premier débat
M. Alberto Velasco (S), rapporteur. Il s'agit d'un investissement important pour notre canton. La pérennité des subventions qui sont - sous diverses formes, d'ailleurs - données à ces entités est un des points relevés par certains membres de la commission. Ces subventions sont limitées à vingt-cinq ans. Les députés voulaient se prémunir contre la possibilité que ces institutions changent de but social et que l'on doive remettre de nouvelles subventions, comme cela est le cas, de manière relativement similaire, avec les HLM qui, après 25 ans, sortent du contrôle. Les commissaires ont donc fait cette observation au président du département en question et ont suggéré que dans les prochains investissements on puisse un peu contrôler cela, voire même pérenniser l'effort que l'Etat consent pour ces EMS.
Pour le reste, Monsieur le président, cet investissement a été voté à la majorité par la commission.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur, j'ai même l'impression que c'est l'unanimité qui a été la règle de la commission.
M. Alberto Velasco. Effectivement, il a été voté à l'unanimité. J'ai dit «à la majorité», parce que je ne voulais pas me tromper mais j'admets votre rectification.
Le président. Ce scrupule vous honore, Monsieur le rapporteur. Nous allons donc voter la prise en considération de ce projet de loi.
Mis aux voix, le projet de loi 9610 est adopté en premier débat par 69 oui (unanimité des votants).
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Le président. A l'article 1, nous sommes saisis d'une demande d'amendement de MM. Nidegger et Catelain qui proposent de fixer le crédit non pas à 37 567 000 F mais à 32 194 000 F.
M. Yves Nidegger (UDC). L'UDC n'a pas de problème à considérer, avec l'ensemble de ce parlement, que la construction de places d'EMS est en retard par rapport aux besoins de la démographie du grand âge, qui devient très lourde dans ce canton. C'est une priorité de l'Etat et une des tâches sociales à laquelle il faut consentir des moyens importants. C'est la raison pour laquelle nous avons voté l'urgence sur ce projet.
Il se trouve simplement que le coût de construction genevois, comme c'est souvent le cas, est supérieur au coût de construction d'autres cantons. Il est par exemple supérieur de 14,3% au coût de construction par lit - on le calcule ainsi - des EMS vaudois: il est de 288 000 F par lit à Genève et de 240 000 F par lit dans le canton de Vaud.
Les temps étant difficiles et les habitudes genevoises devant petit à petit être abandonnées, nous sommes d'avis qu'il convient d'accorder ce crédit mais avec une diminution de montant. Bien sûr, la différence de coûts s'explique, il y a des différences de qualité et de confort: par exemple on sait qu'à Genève les chambres d'EMS font entre 16 et 20 mètres carrés, alors qu'elles ne font que 16 mètres carrés dans le canton de Vaud. On sait aussi qu'il est prévu une salle de bain par chambre dans le cas de Genève alors qu'il peut y en avoir une pour deux chambres, dans le canton de Vaud. On placerait donc des salles de bain entre chaque deux chambres. Cela est sûrement un confort agréable mais il faut mettre les choses en perspective: dans le même canton de Genève - où l'on construit une salle de bain totalement équipée par chambre - on est incapable, pour des raisons d'encadrement déficient de personnel, d'offrir aux résidents en EMS - dont l'autonomie n'existe plus - plus qu'une douche par semaine, ce qui est évidemment beaucoup trop peu, si l'on regarde cela objectivement. Je ne vois donc pas la raison pour laquelle on investirait dans une infrastructure qui ne peut pas, malheureusement, être utilisée comme elle le devrait.
C'est la raison pour laquelle nous vous suggérons, sur la partie du coût qui concerne la subvention à la construction pure, qui est de 32 666 000 F, de réduire ce poste-là de 14,3%, ce qui amène le montant à ce chiffre de 32 194 000 F, qui est l'objet de l'amendement présenté. Cela afin de donner un signal quant au fait qu'il doit être possible de continuer à construire des EMS en quantité suffisante et qu'on en construira d'autant plus et plus rapidement que l'on en aura réduit les coûts de construction, les ramenant à ce qui paraît raisonnable partout ailleurs.
M. Roger Deneys (S). Les socialistes refuseront bien entendu cet amendement parce que l'argument selon lequel, parce que dans le canton de Vaud on arrive à construire 15% moins cher on devrait alors construire à Genève pour 15% moins cher aussi, est assez particulier. Si on veut faire des comparaisons à tort et à travers, on peut alors aussi comparer Genève avec Ouagadougou où les coûts de la construction sont beaucoup moins chers... (Remarques. Brouhaha.) On pourrait aussi faire une comparaison avec je ne sais quelle cité.
Ne serait-ce que parce que les territoires ne sont pas les mêmes, que les problématiques urbaines ou campagnardes ne sont pas les mêmes et que les conventions collectives ne sont pas les mêmes non plus, il est complètement ridicule de proposer une coupe arbitraire de 15%, sous prétexte que M. Nidegger a fait un savant calcul pour montrer que c'était 15% moins cher dans le canton de Vaud. A-t-il d'ailleurs vérifié si les toits des EMS, dans le canton de Vaud, n'étaient pas en paille ou en aluminium, par rapport à ce qui se fait à Genève ? Je n'en sais rien. Toujours est-il que je me demande pourquoi la coupe est de 15% et non pas de 16%, par exemple.
Pour parler plus sérieusement, il faut constater une chose: l'UDC prouve, ce soir, qu'elle adopte une manière de travailler particulièrement désagréable, parce qu'en commission nous n'avons eu aucune proposition concrète venant de l'UDC pour voir comment nous pourrions réduire ces coûts de construction. Je pense en effet que tous les groupes sont prêts à étudier des solutions concrètes à partir du moment où elles ne péjorent pas la qualité de vie des personnes qui résideront dans ces EMS. Cela, Monsieur Nidegger, demande de travailler correctement en commission. Il ne s'agit donc pas de lancer des propositions pareilles, sorties du chapeau, en plénière.
Je vous invite donc à retirer votre amendement, à travailler sérieusement en commission - comme cela n'a pas toujours été le cas, lors de la précédente législature - et à essayer de trouver des solutions basées sur des faits et non pas sur des principes - vaudois.
M. Hugues Hiltpold (R). Je voudrais relever, comme l'a fait le rapporteur sans toutefois le faire suffisamment fermement, que le vote de commission était unanime, que tous les membres de la commission ont voté ce projet de loi, y compris le représentant de l'UDC. Il n'y a pas eu une seule proposition, de la part du groupe UDC en commission, pour ce projet de loi-là... (Commentaires.) ...ni pour aucun des autres projets de lois de la commission des travaux, en quatre ans. C'est un contexte qu'il faut quand même rappeler parce que nous nous trouvons à faire, en plénière, des travaux que nous aurions pu envisager en commission.
Vous proposez, par le biais d'une comparaison avec un autre canton, un prix de construction qui est de 15% moins cher; on peut adopter le même raisonnement, prendre Zurich comme point de comparaison et, à ce moment-là, obtenir un prix de construction qui est plus cher qu'il ne l'est à Genève. Cet élément n'est pas pertinent, je suis désolé de vous le dire. La comparaison entre cantons ne me paraît pas être un argument probant et je pense que vous devriez avoir recours à des éléments d'explication plus convaincants. C'est la raison pour laquelle nous ne soutiendrons pas votre amendement.
Vous avez évoqué le traitement des personnes âgées; j'ai le souvenir que MM. Iselin et Baud avaient un regard un peu plus conciliant sur les personnes âgées que le vôtre, ce soir, Monsieur Nidegger. (Remarques. Brouhaha.) Je dirai simplement que nous ne pouvons pas entrer en matière sur votre amendement, parce qu'il n'est tout simplement pas crédible.
Le président. La parole est encore demandée par Mme Schmied, M. Brunier, Mme Hagmann, Mme Gauthier, M. Golay et encore M. Velasco, comme rapporteur, puis le conseiller d'Etat. Comme il s'agit d'un amendement et qu'il y a eu des débats en commission très abondants, le Bureau a décidé de clore la liste.
Mme Véronique Schmied (PDC). L'intervention que nous venons d'entendre de la part de l'UDC révèle une profonde méconnaissance de ce qu'est la vie dans un EMS. J'aimerais rappeler, pour commencer, que la comparaison avec le canton de Vaud est erronée, car, grâce à l'aide et soins à domicile dans le canton de Genève, c'est une frange de la population très âgée qui entre en EMS, dans des conditions de dépendance physique, psychique - et parfois les deux - très avancées. Il s'agit d'un milieu très médicalisé: un EMS n'est pas un hôtel pour personnes du troisième âge, on n'est pas aux Canaries sous les cocotiers à se faire servir des jus d'orange.
Il y aurait grand intérêt, pour certains des députés ici présents, à aller faire un tour pendant une journée dans un EMS afin de voir en quoi consiste également le travail du personnel. Le personnel a une très lourde charge de travail puisqu'il y a pratiquement une personne professionnelle - médicale, paramédicale, intendante - par résident.
Par ailleurs, les personnes âgées, très fragilisées, qui sont dans les EMS maintenant sont facilement contaminées par des microbes. On pourrait comparer cela à ce qui se passe à l'Hôpital: vous savez que l'on peut effectivement y attraper des streptocoques ou ce genre de choses. C'est la même chose dans un EMS... (L'oratrice est interpellée.) Oui, mais ce sont des lieux où les résidents sont malades et fragiles.
En outre, je crois que la plupart des EMS construits étant subventionnés à plus de 50%, les travaux sont soumis aux AIMP, c'est-à-dire les marchés publics. Les appels d'offres pour marchés publics sont publiés dans la FAO, par conséquent n'importe quelle entreprise peut soumissionner - les entreprises vaudoises peuvent parfaitement soumissionner - et, dans ce cas, c'est le mieux-disant qui est choisi, la loi oblige le constructeur à s'y plier. Nous pouvons donc conclure que les arguments qui ont été précédemment avancés sont parfaitement irrecevables.
M. Christian Brunier (S). Il me semblait que cette nouvelle législature commençait avec un peu plus de rigueur de travail. Vous avez le droit de dire qu'un projet est trop cher mais il faut le faire sérieusement. Travailler sérieusement, c'est travailler en commission, c'est intervenir en disant par exemple que le projet est plus cher que dans le canton de Vaud et s'en étonner. Mais cela se travaille ensuite avec un vrai chiffrage, une vraie estimation et on ne coupe pas dans les prestations dévolues aux personnes âgées sur un coin de table, comme vous venez de le faire.
On a parlé des coûts de construction, qui sont différents entre le canton de Vaud et le canton de Genève. Mais on pourrait parler du projet de vie: derrière un tel projet, il y a un projet immobilier mais il y a aussi un vrai projet de vie pour les personnes âgées, et lorsque vous coupez à l'aveugle, vous coupez directement dans les prestations que vous offrez aux personnes âgées.
S'il y a un manque de rigueur au niveau du travail parlementaire, il y a également un manque de rigueur au niveau électoral, Monsieur Nidegger. On ne peut pas faire une campagne électorale en essayant de se faire des voix sur toutes les personnes âgées pour ensuite les traiter comme vous êtes en train de vouloir les traiter. Dire que les personnes âgées peuvent très bien vivre dans 4 mètres carrés de moins, dire que ces personnes peuvent très bien partager une salle de bain à plusieurs, c'est dire le contraire de ce que vous dites en période électorale pour vous faire des voix.
La dernière fois, au Grand Conseil, vous avez attaqué le droit des malades, aujourd'hui vous attaquez les prestations aux personnes âgées. Les masques tombent et on voit la politique que vous voulez mener: c'est une politique antisociale qui est bien loin des promesses électorales que vous avez faites.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Mme Janine Hagmann (L). Le groupe libéral a vu avec grande satisfaction que l'unanimité de la commission avait accepté qu'on mette à disposition des lits pour des personnes actuellement en attente de lits. Ces personnes nous coûtent très très cher: sachez qu'une personne en attente coûte, en gériatrie, plus de mille francs par jour, alors que ce coût sera moins élevé, une fois que cette personne sera placée en EMS. Mais nous ne sommes pas ici pour débattre sur le fond de cela, nous sommes ici pour débattre sur un amendement proposé par l'UDC.
Cet amendement a tout de même un intérêt: dans la période budgétaire difficile que nous vivons, nous devons étudier cet amendement et nous demander pourquoi l'UDC le propose-t-elle ? Vous savez très bien que je suis souvent intervenue dans cette enceinte, soit lorsqu'on parlait de crèches, soit lorsqu'on parlait de cycles ou d'écoles, soit, tout simplement, lorsqu'on parlait de bâtiments publics, pour dire que nous étions soumis à des normes très exigeantes que nous devons respecter.
Maintenant que nous avons un nouveau conseiller d'Etat à la tête du département qui s'appelle... (Quelqu'un souffle le nom du nouveau département à l'oratrice.) Merci ! Je pense que ce conseiller d'Etat aura la volonté de répondre à nos attentes relatives à la mise en place d'une adéquation entre ce qui est nécessaire et ce que nous pouvons faire. Pour les EMS, «Plaisir» coûte cher, c'est vrai, mais nous avons voté le label «Plaisir». Nous avons décidé qu'il fallait donner du confort aux personnes âgées, donc je ne me vois pas revenir en arrière. En revanche, je pense que M. Muller aura la sagesse d'étudier tout ce qui concerne les standards et les normes.
Je suis navrée, mais je ne vais pas pouvoir accepter votre amendement, Monsieur Nidegger, pour la bonne et simple raison qu'il est totalement arbitraire: sur quoi basez-vous cette diminution ? Vous la basez sur une comparaison des coûts dans le canton de Genève avec ceux de Vaud, mais il faut comparer ce qui est comparable. Un amendement qui n'a pas été étudié en commission pour savoir où seront pris les 5 millions, quelles en seront les répercussions... Je regrette mais je ne peux pas voter cet amendement.
Mme Morgane Gauthier (Ve). Nous n'accepterons pas non plus cet amendement.
Premièrement, les subventions cantonales d'investissement ne peuvent pas dépasser les 50% des coûts pris en considération, soit le coût de construction et le coût d'acquisition du terrain.
Deuxièmement, les EMS sont des lieux de vie et non pas seulement des lieux de soins. Comme l'a rappelé Mme Hagmann, énormément de personnes attendent aujourd'hui à l'Hôpital d'avoir un lieu de vie décent. Or nous parlons justement de ces lieux-là pour ces personnes-là. Aujourd'hui, vous le savez très bien, il y a une inversion de la pyramide des âges. Ce n'est pas aujourd'hui que nous devons négliger nos aînés. Nous estimons, pour notre part, que des projets comme cela sont largement étudiés en commission.
Il est vrai que nous avons soulevé quelques problématiques dans les priorités: nous nous sommes posé la question de savoir pourquoi des projets qui n'avaient pas un plus grand subventionnement ou une part de fonds privés plus importante que les 50% n'étaient pas pris en priorité. On en a largement discuté en commission, on a délibéré à ce sujet, alors faites votre travail en commission, soyez-y présents et faites-y des propositions, parce que celle-ci, faite en plénière, est totalement inacceptable !
M. Roger Golay (MCG). Nous n'avons pas pu travailler en commission sur ce projet de loi, puisque nous sommes des novices dans ce parlement. Il faut savoir que nous allons intégralement voter ce projet de loi tel qu'il a été présenté ce soir et que nous refuserons l'amendement proposé par l'UDC.
On a parlé de coûts, mais je pense qu'il faut aussi penser à la dignité humaine, notamment à celle des personnes âgées. Proposer une salle de bain pour deux, voire trois personnes, c'est méprisant pour les personnes âgées qui ont également participé à l'économie de notre pays.
M. Yves Nidegger (UDC). Je ne vais pas uniquement insister sur le fait que je suis mis en cause. Je suis quelque peu lassé des réactions des bancs d'en face qui se font, Monsieur le président, sur un terrain moral - et une morale plutôt à deux balles - alors qu'il s'agit de questions politiques et de questions de budget qui sont lancées. On a parlé de tout, tout à l'heure, et notamment de projet de vie, de dotation au plaisir - qui est une dotation en soins infirmiers qui n'a strictement rien à voir avec le sujet, puisqu'il s'agit ici d'un crédit de construction.
J'aurais souhaité que l'on parle effectivement de crédit de construction. Je le regrette, je n'étais pas membre du Grand Conseil à l'époque où cela a été débattu et par conséquent, excusez-moi, je n'ai pas pu faire cette proposition en commission; mais, et puisque c'est demandé de tous, que l'on renvoie ce projet de loi afin que l'on puisse en débattre sur des bases concrètes.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur. J'ai cru comprendre, Monsieur le président, qu'une demande de renvoi en commission avait été formulée...
Le président. Non, Monsieur le député, comme la liste est close, il n'y aura pas de nouveau débat sur cet important amendement. Je vous donne la parole sur ce que vous avez à dire, ensuite le président du département prendra la parole, puis nous voterons le renvoi en commission. Si le renvoi en commission est voté, nous nous arrêterons là et si, par extraordinaire, ce projet de loi n'est pas renvoyé en commission, nous continuerons à voter.
M. Alberto Velasco. J'aimerais dire qu'à la page 10 de mon rapport figurent les montants des subventions, en fonction des constructions. Vous aurez par ailleurs vu qu'il y a trois bâtiments. En conclusion, chaque bâtiment a son projet idoine fait par des architectes différents. Par conséquent, vouloir couper 5 millions sur une subvention de 37 millions équivaudrait ensuite à un casse-tête pour savoir comment répartir l'argent dans chaque projet.
Monsieur Nidegger, vous pensez qu'il est possible de faire des coupes de manière linéaire mais ce n'est pas le cas. En matière d'architecture - je pense qu'il y a plusieurs architectes ici - il n'est techniquement pas possible de faire des coupes linéaires. Peut-être que, juridiquement, vous pouvez le faire mais pas au niveau architectural.
Par conséquent, votre proposition est tellement complexe qu'il faudrait en débattre en commission. Mais, à ce moment-là, Monsieur le président du département, cela signifie que ce projet de loi sera reporté et ne sera en tout cas pas de retour avant deux mois. Si on veut donc prendre encore plus de retard que ce projet de loi n'en a déjà, il faudra alors aviser les personnes qui sont dans l'attente de l'issue de ce projet de loi.
M. Mark Muller, conseiller d'Etat. Le Conseil d'Etat est satisfait du vote unanime d'entrée en matière sur ce projet de loi. Il s'agit d'un signal de soutien très clair au programme de réalisation d'EMS qui prévoit la construction de 1130 lits nouveaux d'ici à 2010, et le Conseil d'Etat vous en remercie.
Quant à la proposition d'amendement de l'UDC, le Conseil d'Etat ne la soutient pas pour une raison très simple: elle n'est pas praticable. Elle n'est pas praticable parce qu'on ne peut pas décréter la réduction du coût de construction d'ouvrages tels que ceux-ci d'un simple trait de plume, et d'autant moins une réduction de 15%. Vous savez très bien que la réalisation de tels ouvrages, comme d'ailleurs la réalisation d'ouvrages scolaires, répond à des normes très précises. Il existe des standards de construction, des normes contraignantes que nous sommes contraints de respecter. En réduisant ce crédit de 15%, vous réduisez ipso facto de 15% le nombre de lits qu'il sera possible de réaliser au moyen de ce crédit.
Autre raison pour ne pas vous suivre: le taux de subventionnement de ces projets a été convenu avec les institutions qui vont les réaliser. Il s'agit d'un taux de 50% qui correspond au taux maximal prévu par la loi; en réduisant ce crédit, vous ne réduirez pas le coût de construction, vous réduirez le montant de la subvention étatique pour ces projets. Par conséquent, vous augmentez le taux de participation des constructeurs de ces projets, en violation des accords convenus avec eux.
Alors, c'est vrai, théoriquement, on peut renvoyer ce projet en commission, revoir l'accord avec ces personnes et retravailler les standards de construction, mais nous reviendrons devant vous non pas dans deux mois mais, bien plus probablement, dans deux ans voire davantage. Or comme vous le savez, cela a été rappelé par Mme Hagmann, il y a actuellement environ 230 personnes qui attendent une place en EMS. Ces personnes sont actuellement hospitalisées, ce qui, d'une part coûte, beaucoup plus cher à la collectivité et ce qui, d'autre part, ne correspond pas à des conditions de vie satisfaisantes. En raison de cette urgence, le Conseil d'Etat vous prie donc de bien vouloir voter ce soir ce crédit sans changement.
Cela ne veut pas dire que nous sommes insensibles à vos préoccupations sur les économies. Vous le savez, c'est une de nos préoccupations principales pour cette législature. Je vous annonce d'ores et déjà que, s'agissant de ce type d'investissements, nous allons rapidement - nous avons un délai contraignant au 15 mai pour cela - faire des propositions pour toute une série de domaines, notamment sur la question très sensible des standards de construction, des conditions de subventionnement de ce type d'ouvrages et, je l'espère, nous vous donnerons satisfaction - entièrement ou partiellement, nous verrons. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le président. Je mets aux voix la proposition de renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 9610 à la commission des travaux est rejeté par 72 non contre 5 oui et 3 abstentions.
Le président. Je mets aux voix l'amendement de M. Nidegger et M. Catelain.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 71 non contre 5 oui et 3 abstentions.
Mis aux voix, l'article 1 est adopté, de même que les articles 2 à 8.
Troisième débat
La loi 9610 est adoptée article par article en troisième débat.
Le président. Je mets aux voix le vote d'ensemble de ce projet de loi.
Mise aux voix, la loi 9610 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 72 oui contre 1 non et 4 abstentions.
Premier débat
Mme Ariane Wisard-Blum (Ve), rapporteuse. Je ferai un très bref rappel du contenu de ce projet de loi. L'actuelle loi sur les établissements publics médicaux prévoit que le conseiller d'Etat en charge du département de la santé soit également président du Conseil d'administration des Hôpitaux universitaires de Genève. Dans la perspective d'une meilleure gouvernance des institutions, ce projet de loi prévoit de libérer le conseiller d'Etat du département de tutelle des HUG - ou d'un autre département, d'ailleurs - de la charge de président, tout en lui permettant de garder une place au sein du Conseil d'administration. Il s'agit, par cette mesure, de dissocier les tâches d'instigateur et de contrôleur des politiques à mettre en place, avec celle d'exécutant.
Si certains commissaires se sont déclarés en faveur de réformes plus importantes de ce Conseil d'administration, l'unanimité de la commission a toutefois soutenu ce projet de loi qui va dans le sens d'une clarification des fonctions de chacun.
M. Christian Brunier (S). Peu de gens étaient déjà ici, à l'époque où ce parlement a donné une autonomie aux HUG. Si je pense que c'était une bonne chose, je pense toutefois que plusieurs choses ont été mal faites. On leur a en effet accordé de l'autonomie et une enveloppe budgétaire leur a été attribuée, mais il manquait deux choses essentielles: un outil pour fixer les objectifs et les attentes que le monde politique a vis-à-vis des HUG et, deuxièmement, une clarification des règles de gouvernance.
Jusqu'à aujourd'hui, jour de ce vote, le ministre de la santé a été la même personne que le président des HUG. Cela viole les règles de bonne gouvernance visant à dissocier les rôles et responsabilités entre le politique - qui fixe les règles du jeu - et le Conseil d'administration, qui doit mettre en place les programmes en vue d'atteindre les objectifs que la politique a fixés. Nous sommes donc face à une ambiguïté. Ce n'est pas la seule et ce n'est pas un reproche fait au Conseil d'Etat. Il y a d'autres cas. Petit à petit, à Genève, on clarifie les règles et on met en place de nouveaux dispositifs.
Aujourd'hui, nous nous trouvons dans un processus de correction. Il faut mieux séparer les pouvoirs pour que le politique fasse son boulot de politique et que le Conseil d'administration fasse son boulot de gestionnaire d'une entreprise publique afin de gérer au mieux et d'atteindre les objectifs fixés par le politique. Ce n'est qu'un début. En termes de gouvernance, il y a un gros travail à faire sur l'ensemble des conseils d'administration. Nous en avons longuement parlé à la commission de la santé. Je crois que nous sommes parvenus à sortir du débat polémique pour arriver à un certain nombre d'accords. La proposition d'éventuellement faire une commission ad hoc sur ce thème a été émise. Nous pensons que c'est une bonne idée.
C'est un thème que nous devons traiter durant cette législature pour que les conseils d'administration soient de vrais conseils d'administration et que les rôles et les responsabilités des gestionnaires des entreprises publiques soient beaucoup plus clairs et beaucoup plus précis.
M. Pierre Weiss (L). Je partage pleinement l'avis qui vient d'être exprimé par notre collègue Brunier. Il s'agit, en cette affaire, de bien se rendre compte que l'on peut courir le risque d'être à la fois juge et partie et qu'une saine séparation des fonctions et des pouvoirs doit se trouver au sein des institutions qui dépendent de notre Etat. Mais cela ne doit pas seulement être le cas aux Hôpitaux universitaires de Genève; ce doit également être le cas dans les autres institutions parapubliques, je pense ici à l'aéroport - et l'on pourrait encore penser à d'autres exemples qui ne seraient pas pris au hasard.
J'aimerais à cet égard rappeler à l'attention de ce parlement les projets de lois sur une meilleure gouvernance des conseils d'administration, qui ont été déposés par le parti libéral et qui seront très prochainement traités par ce parlement. Ces projets de lois vont tous dans le même sens, celui d'une plus saine représentation et d'une dépolitisation des conseils.
Ce projet de loi déposé ce soir va dans la bonne direction. Il s'agit de continuer notre effort et donc de continuer le combat.
M. Pierre-François Unger, président du Conseil d'Etat. Lorsque ce projet de loi était revenu devant votre Conseil il y a quelques mois, je vous avais suggéré de le renvoyer en commission - je vous rappelle que la décision de votre Conseil avait à l'époque été exactement inverse - de telle manière que, entrant en matière sur la problématique, non seulement il enlève le président du département de l'économie et de la santé de la présidence des Hôpitaux mais que, aussi, il statue sur le contrat de prestations. M. le député Brunier vient d'expliquer tout à fait clairement ce qu'il convenait de faire, et je ne peux pas imaginer que le seul hasard soit responsable du fait que depuis tout à l'heure votre Conseil a décidé que l'octroi de subventions, quelle qu'en soit la forme, devait être assorti d'un contrat, probablement pluriannuel, fixant des objectifs et des indicateurs de «mesurabilité» de l'atteinte de ces objectifs.
Je suis ravi de la décision que vous allez probablement prendre avec une délicate unanimité, pour ne pas transgresser avec votre habitude de ce soir, parce que je suis ravi que vous ayez inscrit le principe des contrats de prestations. Et cela me fait imaginer, pour mon collègue François Longchamp, une brutale accélération de l'adoption du projet de loi sur la gouvernance de l'Hospice général, où ce qui coinçait le plus n'était pas tant la composition du Conseil que l'existence d'un contrat de prestations sur lequel une partie des députés de ce parlement semblaient encore hésitants. Désormais il n'en est plus rien. Roulons donc ensemble vers la nouvelle gouvernance, les contrats de prestations et les objectifs mesurables !
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je mets aux voix la prise en considération du projet de loi 7945.
Mis aux voix, le projet de loi 7945 est adopté en premier débat par 79 oui (unanimité des votants).
La loi 7945 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 7945 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 78 oui (unanimité des votants).
Premier débat
M. Antoine Droin (S). J'allais dire «enfin !» parce que cela fait plusieurs séances que nous demandons l'urgence sur ce projet de loi. Jusqu'à maintenant, nous étions dans une situation que je qualifierai d'ubuesque, puisque, pour des questions de vice de forme, le projet de loi qui avait été accepté par notre parlement a été renvoyé en commission. La commission a tranché favorablement pour cette subvention à une forte majorité - dix voix pour, deux voix contre et deux abstentions. La décision concernant l'éventuel octroi de cette subvention qui concerne les années 2005 et 2006 traîne, alors que nous sommes aujourd'hui à mi-décembre 2005. Heureusement, nous traitons ce projet de loi ce soir car la ligue est actuellement dans une situation financière très difficile parce qu'elle a épuisé plus que toutes ses réserves et qu'elle ne peut plus répondre à toutes les sollicitations et au programme qu'elle a déjà engagé. Cela est problématique dans le système des subventions, puisque le projet de loi avait d'abord été traité au Grand Conseil en avril 2004: cela fait donc dix-huit mois que la subvention traîne dans notre parlement d'une manière ou d'une autre.
Je vous recommande donc de voter unanimement et rapidement ce projet de loi.
M. Pierre Weiss (L). Notre collègue Droin a tout à fait raison lorsqu'il dit qu'il ne s'agit pas ici de refaire tout le débat. Je me contenterai simplement de rappeler deux arguments qui militent - puisqu'on parle de ligue - contre l'adoption de ce crédit. Le premier est tout simplement le fait que le montant qui est ici inscrit pour aider au fonctionnement de cette Ligue internationale pour les droits et la libération des peuples constitue un effort qui serait accompli par notre canton en faveur d'une organisation non gouvernementale. C'est un effort quasi unique, vu le peu de soutien dont elle dispose de la part des peuples, des régions ou des pays où elle entendrait exercer ses activités et dont elle entendrait défendre les intérêts. Par conséquent, il serait pour le moins étonnant que nous soyons, à ce titre-là, à la fois hôtes et «subventionneurs» de ces ONG: ce serait là créer un effet d'appel que je considérerais pour le moins malheureux.
Il y a une deuxième raison qui est peut-être un motif plus idéologique. Il se trouve que cette ligue défend non seulement certains peuples mais qu'elle défend aussi certains régimes. Il suffit de voir le soutien déployé par cette ligue pour le régime cubain et les droits des peuples qui s'y trouvent pour comprendre qu'elle ne mérite pas notre soutien.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Même M. Weiss, qui vous appelle à rejeter ce projet, a rappelé que le débat de fond avait déjà eu lieu. Le Conseil d'Etat a déjà dû vous renvoyer ce projet de loi pour des raisons techniques afin que soient précisés un certain nombre d'éléments qui le rendent compatible aux normes de la gestion administrative et financière de l'Etat.
Il me paraît particulièrement malvenu aujourd'hui que vous puissiez imaginer de le refuser, d'autant plus que vous venez d'adopter la loi qui règle précisément les conditions d'octroi des subventions. Par conséquent, s'il devait s'avérer, puisque ce projet de loi n'a que deux ans de vie, qu'à l'échéance de ce délai les indicateurs - le taux d'activité, le bon usage des fonds - devaient être critiqués, alors, il serait légitime de se poser la question de la poursuite de la subvention. Mais aujourd'hui, pour l'argument que vous donnez, dans les conditions que vous décrivez, Monsieur Weiss, je pense que ce serait un très mauvais signal à donner, que cela pourrait avoir pour effet de faire douter les partenaires de l'Etat dans le monde associatif, des engagements qui ont été pris. En effet, le bénéficiaire de cette subvention connaît votre premier vote, il comprend qu'il faille corriger un certain nombre d'aspects techniques mais il comprendrait à l'évidence mal qu'aujourd'hui la réponse soit négative, ce d'autant plus que d'autres organisations tout aussi honorables que celle-ci peuvent se trouver aujourd'hui ou demain dans des situations similaires. Je pense par conséquent que, par souci de continuité dans le domaine institutionnel dont j'ai la charge, il convient que vous acceptiez ce projet de loi.
Vous critiquez un certain nombre d'orientations des activités de cette ligue. Il est vrai qu'on peut ne pas adhérer à l'ensemble des activités qu'elle mène mais cela est le propre de la plupart des institutions que nous subventionnons dans des domaines idéaux: si précisément, par essence, nous les subventionnons, c'est quelquefois même pour qu'elles nous critiquent. Vous le savez pertinemment, c'est le cas pour un bon nombre d'associations à vocation locale, voire internationale.
Alors demander à une institution subventionnée qu'elle respecte les règles de droit, c'est la moindre des choses; lui demander en revanche qu'elle soit politiquement correcte, cela me paraît aller un tout petit peu loin ! Aujourd'hui, dans l'ensemble des circonstances que nous connaissons, je vous invite à approuver ce projet de loi qui est un projet de loi du Conseil d'Etat.
Le président. Merci, Monsieur le président. La prise en considération du projet de loi 8915-B-I est maintenant mise à vos suffrages.
M. Antoine Droin (S). Monsieur le président, je demande l'appel nominal. (Appuyé.)
Mis aux voix à l'appel nominal, le projet de loi 8915 est rejeté en premier débat par 49 non contre 39 oui et 1 abstention.
Le Grand Conseil prend acte du rapport de la commission RD 541-A
Premier débat
M. Olivier Jornot (L), rapporteur de majorité ad interim. Ce projet de loi et le projet de loi qui fait l'objet du point suivant de l'ordre du jour ont été déposés en même temps par quelques députés de l'Alliance de gauche en septembre 2003. Ils ont tous deux pour objectif de remettre en cause la loi qui avait été précédemment votée par le Grand Conseil et qui supprimait les droits de succession entre conjoints et entre descendants en ligne directe.
Ces deux projets de lois - vous me permettrez, Monsieur le président, d'émettre quelques considérations qui valent pour les deux - présentent deux particularités qui les rendent tout à fait singuliers. La première de ces particularités, c'est que ces deux projets de lois n'ont pas été déposés, que ce soit sous forme de projet en tant que tel ou sous forme d'amendement, pendant les deux ans qu'ont durés les travaux de la commission qui étudiait le projet de loi sur la suppression des droits de succession entre conjoints et en ligne directe.
La deuxième particularité, c'est qu'ils ont été déposés entre le vote de la loi par le Grand Conseil qui est intervenue le 26 juin 2003 - loi supprimant ces droits de succession - et le vote populaire qui est intervenu en vertu du référendum obligatoire le 8 février 2004. Vous vous souviendrez peut-être qu'à cette occasion, le peuple avait accepté par 74,57% la suppression des droits de succession, tous les arrondissements sans exception approuvant la modification. Le peuple ayant parlé, la cause aurait dû être entendue; curieusement, les auteurs des projets de lois ne les ont pas retirés, raison pour laquelle il faut aujourd'hui statuer.
Je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à garder deux éléments en mémoire. Le premier élément, c'est qu'entrer en matière sur ces projets de lois reviendrait à réintroduire un nouvel impôt sur les successions entre conjoints et en ligne directe, puisque la suppression de cet impôt est désormais entrée en vigueur. Le second élément, c'est que cela reviendrait à bafouer la volonté populaire.
Permettez-moi de faire une allusion aux débats qui ont eu lieu devant ce même Grand Conseil à propos de l'IN 120, celle qui prévoit de sacraliser la législation sur le logement lorsqu'elle provient d'une initiative populaire. Ce Grand Conseil avait décidé d'opposer un contreprojet à cette initiative au nom du respect de la volonté populaire. Il est pour le moins curieux que les auteurs de ces projets de lois, qui soutiennent ces démarches en faveur de la volonté populaire, n'aient pas appliqué le même critère à leurs projets et ne les aient pas retirés.
Je vous invite à suivre les conclusions du rapport de majorité et à refuser la prise en considération de ce projet de loi.
Mme Mariane Grobet-Wellner (S), rapporteuse de minorité ad interim. Si je suis à cette table aujourd'hui, ce n'est pas parce que nous socialistes avons déposé ce projet de loi avec nos collègues de l'Alliance de gauche mais parce qu'aussi bien les socialistes que les Verts ont souhaité entrer en matière à l'égard de ce projet.
Les socialistes regrettent la façon dont cette proposition émanant des députés de l'Alliance de gauche a été traitée par la majorité de droite de la commission fiscale et constatent le désastre sur le plan des recettes de l'Etat, notamment consécutifs... (L'oratrice est interpellée.) Oui, ça vous gêne... notamment consécutifs... (L'oratrice est à nouveau interpellée.) ...un peu de sérieux, s'il vous plaît. Ecoutez-moi attentivement. Ils constatent le désastre sur le plan des recettes de l'Etat, notamment consécutifs à la diminution de l'impôt cantonal de 12%, suggérée et prétendue indolore par la droite qui, convaincant ainsi une majorité de la population à l'accepter, la déclarait même source de recettes supplémentaires dues à la ruée à Genève de nouveaux contribuables très aisés financièrement. Nous ne pouvons aujourd'hui que constater qu'il n'est rien de tout cela. Au contraire, depuis son introduction, cette baisse a privé l'Etat de près de deux milliards de recettes et plongé le canton dans des difficultés énormes pour faire face à ses obligations à l'égard des citoyens de Genève. En conséquence, nous avons dû assister à l'augmentation galopante de la dette correspondant grosso modo à la perte de recettes de deux milliards.
C'est précisément dans ce contexte et avec un souci de rétablissement des finances du canton que nos collègues de l'Alliance de gauche ont fait cette proposition. Dès lors prétendre, comme le fait le rapporteur de majorité, que l'Alliance de gauche ne présente pas de motifs à vouloir revenir sur une votation populaire est non seulement faux mais frise la mauvaise foi manifeste. (Manifestation dans la salle.)
Les socialistes ainsi que les Verts, tout en ayant des réserves sur les pourcentages et les paliers proposés, ont souhaité que ce projet soit étudié en commission. La droite, forte de sa majorité, n'a pas voulu entrer en matière ni même examiner ce projet. En résumé, vu l'état des finances de notre canton, les socialistes souhaitent pouvoir examiner ce projet et notamment obtenir une estimation chiffrée du résultat de différentes variantes.
Nous vous demandons donc de bien vouloir renvoyer ce projet de loi à la commission fiscale pour qu'une étude sérieuse soit menée.
Mme Janine Hagmann (L). Lors de leurs grandes envolées dans cette enceinte, les membres de l'AdG nous ont toujours habitués à apparaître comme les défenseurs des droits populaires, des droits démocratiques. Cette fois, ce qui explique d'ailleurs peut-être leur départ de cet hémicycle, c'est vraiment du mépris qui apparaît. Bafouer ainsi une votation populaire, trois mois à peine après son adoption, c'est se moquer de nos institutions. Mais peut-être que l'AdG a imaginé que 75% des votants en faveur de la suppression des droits de succession étaient tous affiliés au parti libéral ! Le jour où l'on apprend que Soleure baisse sa fiscalité, qu'Obwald fait du cannibalisme fiscal, que Zoug augmente encore son attractivité, ce serait un comble d'entrer en matière sur ce projet de loi qui pousserait encore des contribuables très intéressants à nous quitter.
Il est évident que le groupe libéral vous recommande de ne pas entrer en matière sur ce projet de loi.
Mme Michèle Künzler (Ve). Ce projet de loi est, c'est vrai, bien tardif. Par ailleurs, nous avons regretté en commission d'être les seuls à proposer un rapport de minorité sur la question des successions. Nous nous abstiendrons sur ce projet de loi puisque nous pensons qu'il est important qu'il y ait un impôt sur les successions mais pas entre conjoints. Nous avons voulu valoriser une transmission plus rapide entre les générations, en favorisant l'exonération des donations.
Le peuple a voté, et je ne conteste pas cela, mais je pense que c'est une erreur dans la mesure où la valorisation de la transmission rapide entre les générations n'est pas faite. Nous avons voté quelque chose qui tient de l'ancien régime et il est étonnant que les libéraux favorisent cette exonération, car cela revient à valoriser l'accaparement, et en tout cas pas le mérite. C'est ce que nous avons voulu dénoncer: c'est dans les successions que nous pourrions avoir une fiscalité beaucoup plus lourde - parce que c'est ça, le vrai libéralisme - et en tout cas pas de favoriser toujours les mêmes, créant ainsi une élite qui se perpétue de génération en génération sans donner une place ni aux nouveaux ni au mérite. Votre vision des choses est un peu étonnante.
Pour nous, ce qui était également étonnant dans la manière de traiter les droits de succession et les donations, c'est qu'on n'a absolument pas révisé la loi. Pourtant cela fait plus de deux ans que la magistrate qui était en charge aurait pu entamer cette procédure, parce que la loi actuelle est une sorte de gruyère tailladé de partout. Le corps de la loi sur les droits de succession et les donations est complètement déstructuré. Il faut donc réviser cette loi et procéder à la fusion préconisée par le rapporteur de majorité. Il est dommage qu'on ait abrogé les droits de succession. On aurait pu mieux faire, malheureusement, cela ouvre sans doute la porte aux droits de succession fédéraux. Nous verrons bien ce qui se passera à ce moment-là.
Nous nous abstiendrons de voter, car nous pensons qu'il n'est pas mauvais qu'il y ait des droits de succession.
M. Roger Deneys (S). Pour revenir sur les propos du rapporteur de majorité ad interim, j'aimerais insister sur le fait qu'il n'y a pas d'opposition majeure au fait de déposer un projet de loi qui soit en contradiction avec une votation populaire antérieure. Cela fait partie du jeu législatif. Un autre référendum aurait pu abroger cette loi si elle avait été acceptée, ce n'est pas un véritable problème en soi. Maintenant, vous n'appréciez peut-être pas le calendrier.
Il faut quand même bien se souvenir que si, philosophiquement, on peut être pour la suppression des droits de succession, il faut aussi tenir compte de la réalité économique du canton, et notamment de sa réalité fiscale. Dans la situation actuelle, y compris avec la baisse d'impôts que vous avez appelée de vos voeux et qui a été acceptée par le peuple, vous avez nettement accentué les difficultés de ce canton. Dans ce sens-là, il me semble particulièrement responsable de trouver des nouvelles recettes, également d'un point de vue fiscal, et de reconsidérer des engagements qui ont été pris la tête dans le sac, de façon particulièrement inconsidérée.
D'ailleurs, vous vous plaisez à dire que le peuple a toujours raison; le jour où les libéraux proposeront une initiative qui s'appelle «moins 50%» ou alors «Tous millionnaires !», on peut être certains que le peuple l'acceptera mais ce sera assez difficile à réaliser, parce que les promesses n'engagent que ceux qui y croient. C'est comme la diminution d'impôts: personne n'en voit le résultat au niveau individuel, simplement tout le monde prévoit la baisse de qualité des prestations de l'Etat et tout le monde voit l'augmentation de la dette, au quotidien.
Je vous invite donc à accepter le renvoi de ce projet de loi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 9081 à la commission fiscale est rejeté par 56 non contre 18 oui.
M. Alberto Velasco (S). Mesdames et Messieurs les députés libéraux, vous devriez changer de nom car c'est le retour au Moyen-Age. Les libéraux, éclairés à l'époque, voyant la bourgeoisie parasitaire qui, sans avoir versé une seule goutte de sueur ou avoir pensé un minimum, recevait des acquis et des outils de production, inventèrent justement le droit de succession conçu pour favoriser le capitalisme... (Manifestation dans la salle.) Oui, Mesdames et Messieurs, le capitalisme éclairé. Et voilà que ces mêmes libéraux, aujourd'hui rétrogrades et archaïques, nous proposent d'éliminer quelque chose que leurs ancêtres bien éclairés nous avaient... comment dire...
Une voix. ... légué.
M. Alberto Velasco. Merci, cher collègue: que leurs ancêtres nous avaient légué. Voilà la classe de libéraux que nous avons aujourd'hui. Monsieur le président, je suis sûr que vous êtes quelqu'un de plus éclairé que ceux-ci, vous connaissant. (Rires. Commentaires.) Mais, Monsieur Weiss, vous êtes vraiment à la limite du supportable, parce que vous qui constamment, à la commission des finances, nous abreuvez de vos paroles de libéral, à propos de l'entreprise et de la concurrence, vous devriez vous opposer à cela. Trouvez-vous normal que, par exemple, quelqu'un reçoive une industrie en pleine croissance à laquelle il n'a même pas participé ? Trouvez-vous normal que cette personne reçoive un tel outil de travail, sans avoir participé à son élaboration, Monsieur Weiss ?
Vous faites les pitres, vous les libéraux, mais c'est dommage, car c'est un sujet qui touche les citoyens genevois. En réalité, non seulement vous mettez en question les recettes de caisse de l'Etat mais vous mettez également en question quelque chose de fondamental: la transmission des outils de production entre générations. C'est cela que ce projet de loi remet en question et c'est en cela qu'il est rétrograde. Par conséquent, nous voterons évidemment contre ce projet de loi. Mais je suis étonné, parce qu'aujourd'hui, avec la composition de ce Grand Conseil, n'importe quelle imbécillité, n'importe quelle attaque magistrale peut passer.
Le président. Merci, Monsieur le député. Après cette déclaration d'amour de M. Velasco aux libéraux, je donne la parole à M. Gilbert Catelain.
M. Gilbert Catelain (UDC). Je voudrais inviter mes collègues à refuser ce projet de loi pour une raison simple: nous ne sommes pas dans un esprit de socialisation totale de la société. Nous ne sommes pas pour une politique qui vise à détruire l'outil de travail, parce que le plus gros problème que les PME rencontrent est de permettre de transmettre l'outil de travail. Or toute fiscalisation de l'outil de travail met en péril la pérennité des entreprises. Par ailleurs, je crois que le bon peuple suisse nous a montré ce week-end, en votation populaire à Obwald, qu'il fallait faire preuve d'une certaine concurrence fiscale et qu'il ne fallait surtout pas pénaliser les citoyens de ce canton, car ils pourraient trouver un intérêt fiscal sous d'autres cieux plus cléments. Cela se ferait évidemment au détriment du canton de Genève et pas de certains cantons, qui ont très bien compris l'intérêt qu'ils pourraient tirer d'une fiscalité attractive, notamment pour le canton d'Obwald au niveau de l'imposition des entreprises, à un taux de 6 ou 7%. On en est ici encore loin.
Nous avons encore beaucoup d'efforts à faire pour que Genève devienne plus attractive, que les gens aient l'envie d'investir et de créer. Nous devons surtout inviter la population genevoise à prendre des risques, à faire preuve de créativité et non pas faire planer au-dessus d'elle le spectre de l'épée de Damoclès de la fiscalité qui, chaque fois qu'elle aura gagné un franc, imposera qu'elle en restitue 40 centimes voire plus. L'optique prise par l'Entente et l'UDC en matière de fiscalité est la seule voie à suivre. Il n'y en a malheureusement pas d'autre.
Ce projet de loi ne mérite que le classement vertical. Je crois que ce sera fait dans quelques minutes, et je vous en remercie.
Mme Michèle Ducret (R). Je voudrais quand même vous rappeler que cette votation sur les droits de succession a été emportée par 75% des voix, dans tous les arrondissements électoraux de Genève. Ce sont aussi vos électeurs qui ont accepté la suppression des droits de succession pour les héritiers en ligne directe et les conjoints. Je trouve que c'est un peu bafouer leur volonté que de revenir sur cela moins d'un an plus tard et de vouloir rediscuter des droits de succession.
Le peuple a été clair et s'il revotait aujourd'hui, il voterait exactement de la même manière. Par conséquent je pense qu'il ne faut réserver à ce projet que le sort que la commission lui a réservé. (Applaudissements.)
M. Roger Deneys (S). J'aimerais juste répondre à ce dernier argument qui consiste à dire que, parce que ce vote a eu lieu il y a une année, on ne peut pas revenir dessus.
Vous semblez ignorer - comme on l'a dit - que les finances du canton vont particulièrement mal... (Remarques. Brouhaha.) Une réalité à l'année x n'est pas la même à l'année x + 1, + 2 ou + 3. En conséquence, on peut prendre des mesures pour essayer de changer le paradigme dans lequel on vit. Ce n'est pas ce que vous êtes en train de faire. Vous dites en effet: «C'est comme ça et, d'ailleurs, les autres cantons accordent des rabais fiscaux supplémentaires.» C'est franchement le fait d'une attitude complètement suicidaire. Ce qui va se passer avec la Suisse c'est que, comme Nidwald a baissé ses impôts, vous allez proposer de les baisser également à Genève. Résultat des courses, Nidwald va les baisser encore plus. Mais Nidwald n'est pas un canton frontalier et n'a pas d'hôpital cantonal. Par conséquent, c'est la République et canton de Genève qui se retrouvera dans une situation toujours plus difficile et, en plus, comme vous le savez peut-être, parce que vous lisez sûrement les journaux, avec des conséquences au niveau européen, puisque l'Union européenne s'inquiète beaucoup de cette politique des rabais fiscaux en Suisse, dont je pense que nous paierons les frais, à terme.
J'aimerais aussi rappeler à Mme Ducret que les socialistes étaient pour le renvoi en commission afin d'étudier une entrée en matière sur ce projet de loi et pour, éventuellement, réintroduire un impôt sur les droits de succession dans la conjoncture actuelle en tout cas. Ce n'est pas forcément pour dire que nous voulons revenir à la situation antérieure à la votation populaire; mais cela mérite, compte tenu des finances publiques, d'entrer en matière sur ce projet de loi. Nous vous invitons donc à l'accepter.
Le président. Je mets aux voix la prise en considération de ce projet de loi. Le vote est lancé. (Le président est interpellé.) L'appel nominal est demandé ? C'est trop tard.
Mis aux voix, le projet de loi 9081 est rejeté en premier débat par 47 non contre 15 oui et 17 abstentions.
Premier débat
M. Christian Luscher (L), rapporteur de majorité ad interim. Comme j'ai essayé de le faire, mais tardivement, pour le projet précédent et afin que chacun sache qui dans cette enceinte respecte la volonté populaire, je demande le vote nominal. (Appuyé.)
Le président. Le vote nominal sera donc appliqué à ce vote. Je mets aux voix la prise en considération du PL 9082-A.
Mis aux voix à l'appel nominal, le projet de loi 9082 est rejeté en premier débat par 62 non contre 8 oui et 13 abstentions.
Premier débat
Mme Mariane Grobet-Wellner (S). Nous sommes face à un projet de loi proposé par nos anciens collègues de l'Alliance de gauche dans le but non pas de rétablir les finances publiques dans l'immédiat mais dans celui d'éviter des dégâts financiers supplémentaires pour notre canton, causés par de nouvelles propositions de diminution des impôts de la part de la droite. Une fois de plus, forte de sa majorité, la droite a refusé d'entrer même en matière.
En ce qui me concerne, je dirai ceci: on peut les comprendre. Ce projet de loi ne propose rien d'autre que d'obliger les initiateurs d'une baisse de recettes de l'Etat à dire très clairement à la population comment ils entendent financer la diminution des impôts. Si c'est par le biais de l'augmentation escomptée d'autres recettes y consécutives: et si oui, lesquelles ? Si c'est par le biais d'une diminution des prestations: et si oui, lesquelles ? Enfin, faut-il inclure l'augmentation de la dette chiffrée ? Par conséquent, je peux comprendre que cela les embête sérieusement. Il est tellement plus porteur de pouvoir continuer à affirmer à la population qu'à Genève on rase gratis et ainsi obtenir l'aval de la population pour des diminutions d'impôts. C'est vrai que devoir dire toute la vérité à la population afin qu'elle se prononce en toute connaissance de cause risque de compliquer quelque peu les choses...
Plus sérieusement, ce qui est proposé ici est indispensable pour éviter d'autres couacs du même genre que la baisse de 12% qui a coûté quelque 2 milliards à l'Etat et qui a fait exploser la dette. L'objection technique avancée, à savoir une difficulté de chiffrage exact et la non-attribution directe de nos impôts, n'est pas pertinente. Il suffit d'estimer les conséquences financières dans une fourchette approximative - ce n'est du reste pas le seul cas d'estimation financière de l'Etat, puisque notamment les recettes fiscales figurent dans les comptes sous forme d'estimations.
Les socialistes soutiennent le droit des citoyens à connaître les conséquences prévisibles d'une diminution de recettes avant de se prononcer en vote populaire et vous invitent, en conséquence, à renvoyer ce projet de loi à la commission fiscale.
Le président. Nous sommes donc saisis d'une demande de renvoi en commission.
M. Pierre Weiss (L). Le groupe libéral se prononcera évidemment de façon négative à l'égard de cette proposition de renvoi en commission pour une raison très simple: ce projet de loi est totalement superflu, à l'heure actuelle, parce que nous avons adopté un projet de loi constitutionnel ainsi qu'un projet de loi sur le frein aux dépenses dans ce parlement. En d'autres termes, nous avons ici affaire à une proposition dont l'ambition est relativement mesurée et dont l'efficacité est considérée comme nulle par le rapporteur de majorité, argument qu'il pourrait développer le cas échéant.
Ainsi donc, Monsieur le président, je crois qu'il serait bon que nous mettions un terme à cet exercice d'examen de ce projet de loi en refusant d'abord le renvoi en commission puis l'entrée en matière à son sujet.
M. Pierre Kunz (R). S'agissant exclusivement, bien entendu, du renvoi en commission j'aimerais dire à Mme la rapporteure, qui l'a proposé à ses collègues, que je n'ai pas de conseils à leur donner. Je me permets quand même de citer les propos d'un homme tout à fait estimable, un philosophe qui s'appelle André Comte-Sponville et qui disait récemment ceci dans une chronique: «Un homme de gauche, s'il sacrifie le réel à l'idéologie, s'interdit par là même de le transformer efficacement. Cela ne lui laisse guère le choix qu'entre les bons sentiments et les mauvais procès; deux formes d'impuissance.»
Nous refuserons bien entendu le renvoi en commission.
M. Roger Deneys (S). Heureusement que nous n'avons pas les mêmes lectures que M. Kunz, ce qui nous permet de penser librement et de faire évoluer la société dans le sens du bien collectif - au contraire de certains.
Pour les socialistes, il est clair que tout projet de loi qui a un impact au niveau des recettes de l'Etat doit donner des indications quant aux conséquences qu'il peut avoir sur la vie des citoyens. C'est élémentaire. Cela fait partie de la transparence ou, pour reprendre le mot tarte à la crème qu'emploient certains députés et certains journalistes ces derniers temps, de la bonne gouvernance de la République. On ne peut pas se contenter de dire: «Y a qu'à baisser, y a qu'à supprimer, y a qu'à économiser !» sans concrètement dire ce qui va changer pour chacun d'entre nous. C'est une question de responsabilité de la part du politique de donner ce signal, et si des initiants ne sont pas capables de le faire dans leur texte, je pense que c'est raisonnable de nous assurer qu'un projet de loi l'y oblige.
Dans ce sens-là, nous vous invitons donc à renvoyer ce projet de loi à la commission fiscale afin d'étudier une mise en oeuvre concrète pour ce projet.
M. Jacques Jeannerat (R), rapporteur de majorité. Je m'oppose au renvoi en commission de ce projet de loi. Le débat a été court en commission mais l'argument de base était tellement évident que nous ne sommes pas entrés en matière. Je suis tout à fait d'accord avec le fait qu'il faille toujours dire la vérité aux électeurs mais, dans le domaine qui nous concerne, ce n'est pas seulement difficile: ce n'est faisable que de façon approximative et aléatoire. En effet, il n'est pas possible de mesurer précisément les mesures fiscales. On le voit très bien pour l'élaboration du budget, ce n'est pas M. Hiler qui va me contredire.
Ce sont donc des éléments de nature tellement approximative qu'on ne peut pas les inscrire dans une loi, donc ce projet de loi ne tient absolument pas la route.
M. Gilbert Catelain (UDC). Sur le fond il sera inutile de renvoyer ce projet de loi en commission, parce que le débat a eu lieu. L'article 7 est relativement simple: ce projet de loi est pour moi légitime.
Il serait très utile pour ce parlement de connaître l'incidence d'une diminution d'impôts ou de taxes; le seul problème, c'est que la modification de loi qui nous est proposée instaure un axiome qui veut qu'une diminution de l'assiette d'impôts ou de taxes engendre de facto une diminution de recettes, ce que l'histoire contredit. (Manifestation dans la salle.) On sait pertinemment, comme dans la facturation du prix de biens et de services, qu'une diminution de prix engendre généralement une augmentation de volume et qu'à Genève, en particulier, si vous diminuez l'impôt et respectivement les taxes, vous aurez un effet d'appel d'air qui peut engendrer une augmentation de recettes. Instaurer, décréter dans une loi, comminatoirement, qu'une diminution de taxes ou d'impôts instaurera une réduction de recettes...
Une voix. ... de dépenses !
M. Gilbert Catelain. ... ou de dépenses, c'est à mon avis totalement présumer de la réalité fiscale.
Sur cette base, je vous recommande de ne pas voter le renvoi en commission de ce projet de loi.
Mme Michèle Künzler (Ve). Je ne suis pas favorable au renvoi en commission puisque sur le même thème il y a eu le frein à l'endettement.
J'aimerais répondre à M. Catelain. On nous dit sans arrêt la même chose: en baissant les impôts, on va augmenter les rentrées. Mais ce n'est pas vrai partout. C'est vrai dans certains paradis fiscaux, qu'il faudrait mieux appeler les parasites fiscaux, parce que cela ne peut marcher que lorsqu'on est dans un cercle attractif, comme Zoug l'est pour Zurich ou comme Cologny l'est par rapport à Genève. Dans ce cas, on peut baisser les impôts, parce qu'on bénéficie de tous les avantages et on attire la clientèle riche qui bénéficie de la baisse. Mais si vous baissez les impôts dans un endroit peu attractif d'un point de vue économique, social et culturel, cela ne servira strictement à rien, parce que personne n'ira dans un trou perdu. Voilà la réalité.
Ce n'est que dans le cadre d'un cercle attractif que vous avez raison, et Genève n'est pas dans ce contexte; elle est dans un contexte de ville centre qui doit avoir des rentrées importantes et qui ne peut pas se permettre de baisser les impôts, parce que cela entraînera des diminutions de prestations et que les gens n'y viendront plus.
Le président. Je mets aux voix la proposition de renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 9194 à la commission fiscale est rejeté par 61 non contre 15 oui et 1 abstention.
Mis aux voix, le projet de loi 9194 est rejeté en premier débat par 44 non contre 24 oui et 11 abstentions.
Premier débat
M. Mario Cavaleri (PDC). Les deux commissaires PDC s'étaient opposés à l'entrée en matière sur ce projet de loi, et ce soir la question qu'on pourrait se poser - puisqu'elle ne figure ni dans le rapport de majorité ni dans celui de minorité - c'est que, finalement, si la suppression de ce droit des pauvres devait intervenir, qu'adviendrait-il du service de l'administration ? Ce service serait-il supprimé - et par conséquent, des postes de travail récupérés et affectés, là où cela pourrait être nécessaire ?
Le groupe PDC vous propose de renvoyer ce projet de loi en commission, de manière à obtenir, de la part du Conseil d'Etat, une réponse aux questions suivantes: le service du droit des pauvres sera-t-il supprimé ? Combien de postes pourront-ils être récupérés pour être affectés à d'autres besoins de l'administration ?
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 9408 à la commission fiscale est adopté par 55 oui contre 18 non et 6 abstentions.
Le Grand Conseil prend acte du rapport du Conseil d'Etat sur les motions 1239, 1319 et 1450 et sur le rapport divers 355.
Débat
M. Pierre Weiss (L). Le groupe libéral soutiendra avec enthousiasme cette proposition de motion déposée par le groupe démocrate-chrétien, non pas quant à la question de la compensation financière mais parce que le problème en lui-même mérite une étude approfondie. Il s'agit en effet de considérer que l'éducation doit être un bien offert à la population dans les formes que celle-ci souhaite. Le système d'éducation public offre une éducation de qualité. Parfois les résultats d'études telles que l'étude PISA nous montrent que cette qualité pourrait être améliorée et des efforts être faits; mais il y a aussi un problème de méthodes pédagogiques. A cet égard, la diversité pédagogique n'est pas offerte par le système public ou alors elle n'est pas offerte en toute connaissance de cause. Il convient donc d'offrir...
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, pourriez-vous prêter un peu d'attention à M. le député Weiss, merci.
M. Pierre Weiss. Merci, Monsieur le président. Il convient donc d'offrir à la population la possibilité d'un choix. Au surplus, ce choix doit être offert de façon socialement ouverte. En effet, les écoles privées, à ce jour, représentent pour certains parents un effort excessif. Or condamner, pour des raisons financières, certains enfants à la voie, gratuite, de l'école publique est une conséquence que nous voudrions éviter. En d'autres termes il s'agit, là aussi, pour des raisons qui tiennent à la philosophie de base qui anime notre parti, d'élargir les possibilités de choix.
Il n'aura échappé à personne d'attentif à l'évolution de l'école en Europe et en Suisse que différentes solutions sont offertes. Je prendrai deux exemples: la Suède, où un chèque scolaire est offert aux parents pour leurs enfants; et un exemple suisse, le canton du Tessin qui a su être innovateur à cet égard.
Aussi bien, Mesdames et Messieurs les députés, je crois qu'il est nécessaire de renvoyer cette motion à la commission de l'enseignement. Elle saura l'aborder de façon approfondie, y mettre les accents qu'il convient, rappeler évidemment les nécessités d'une voie majoritaire - celle de l'école publique, républicaine, à laquelle est attaché le groupe radical, qui ne manquera certainement pas de s'exprimer à cet égard - mais aussi de montrer combien les valeurs de liberté doivent inspirer notre société, et j'ajouterai les valeurs humanistes, parce que certaines valeurs humanistes ne sont pas toujours développées avec l'intensité que l'on voudrait par l'école publique.
M. Gabriel Barrillier (R). Je remercie mon préopinant, le chef de groupe Weiss, de rappeler une partie du credo des radicaux en ce qui concerne l'instruction publique. Effectivement, il existe une différence entre les cousins de l'Entente - je me tourne aussi du côté du PDC - et le groupe radical, quant à la question de l'enseignement. C'est une différence importante. Je rappelle que nous sommes attachés à une école qui soit publique, obligatoire, ça paraît un truisme mais également laïque et gratuite. Voilà les quatre piliers de notre engagement en faveur de l'enseignement. J'aimerais faire remarquer à mes collègues, et notamment aux libéraux, que ce système n'a pas empêché et n'empêchera jamais des parents qui souhaitent confier leurs enfants à des écoles privées de le faire. La floraison d'écoles d'enseignement privé dans notre canton en est la preuve. C'est vrai que depuis quelques années, l'enseignement privé augmente ses effectifs - cela a été rappelé par le parti PDC - et si ces effectifs augmentent, c'est parce qu'il y a une très grande méfiance et une insatisfaction profonde à l'égard de l'institution scolaire.
Nous, les radicaux, nous avons, il y a quatre ans, en déposant une motion qui est maintenant devenue célèbre, enclenché la réflexion et l'action pour rendre son efficacité et sa crédibilité à l'institution scolaire, de façon qu'elle puisse répondre aux attentes de la population. Nous avons donc une attitude tout à fait cohérente. C'est la raison pour laquelle nous avons ouvert ce premier front et toute la discussion sur les notes à propos desquelles il y aura un vote populaire. Nous arrivons au bout du travail. Nous pensons dès lors qu'il n'est pas du tout nécessaire et qu'il serait même inopportun d'ouvrir un second front en reprenant cette question récurrente du financement des écoles privées.
C'est la raison pour laquelle les radicaux sont opposés au renvoi en commission. Nous vous proposons de refuser cette motion purement et simplement.
M. Guy Mettan (PDC). Genève est une ville de grande tradition pédagogique. Elle a abrité des personnes aussi célèbres que MM. Flournoy, Claparède, Piaget. Pourquoi abrite-t-elle le Bureau international de l'éducation ? Pourquoi a-t-elle une telle réputation en matière d'éducation et de pédagogie ? C'est parce que Genève a su préserver une grande diversité et une grande créativité en matière de pédagogie, cela notamment grâce aux écoles privées. J'aimerais que l'on se souvienne de ce point au cours de ce débat: nous voulons aussi continuer cette tradition pédagogique, notamment en valorisant l'apport des écoles privées. Je remercie M. Weiss - ce soir, nous n'avons de loin pas toujours été d'accord avec le groupe libéral - dont la présentation a permis de souligner quelques points importants.
Et je continue ma démonstration parce que j'aimerais tordre le cou à certains clichés qui sont trop répandus dans cette enceinte. Premier cliché: l'école privée ne serait réservée qu'aux riches; c'est faux et archi-faux parce que beaucoup de familles et de parents pauvres envoient leurs enfants dans un très grand nombre d'écoles privées, parmi les dizaines qu'il y a dans ce canton. Et ce sont ces familles-là que nous voulons aider. Avant d'écouter les truismes et les idées reçues concernant la fréquentation des écoles privées, apprenez de façon sérieuse qui met ses enfants dans les écoles privées ! La plupart des familles qui mettent leurs enfants dans les écoles privées sont des familles qui ne sont pas riches. Voilà le premier cliché auquel il fallait tordre le cou ce soir. Parce que vous vous contentez de réciter et de croire aux billevesées que vous avez dans la tête. Mais il faudrait faire une enquête sérieuse et on pourra la faire en envoyant ce projet en commission.
Deuxièmement, il est important de mettre fin à une inégalité de traitement crasse: si l'on prétend défendre l'équité, dans cette République, il faut permettre aux parents qui font l'effort de payer pour mettre leurs enfants dans les écoles privées - parce qu'ils en ont besoin, parce qu'ils ne trouvent pas toutes les réponses aux besoins de leurs enfants dans l'école publique - et qui paient des impôts, de faire en sorte qu'ils ne soient pas doublement taxés, d'abord en payant leurs impôts et, ensuite, en devant financer l'écolage de leurs enfants. Il faudrait donc aussi que l'on réfléchisse au moyen de mettre fin à cette inégalité crasse, qui devrait vous scandaliser s'il vous restait une once de souci d'équité.
La troisième raison, c'est qu'il y a mille emplois de professeurs dans les écoles privées. Qu'en faites-vous ? Pourquoi ces professeurs ne seraient-ils pas aussi bien traités que les autres et ne mériteraient-ils pas autant de considération que les enseignants du secteur public ? Monsieur Deneys, de nouveau vous jetez en pâture des slogans ridicules en disant qu'ils sont sous-payés; ils sont peut-être un peu moins payés que les autres mais, dans ce cas, donnez-leur les moyens d'être payés en soutenant les parents qui financent et qui payent ces salaires.
L'école privée apporte une valeur pédagogique ajoutée parce que dans beaucoup de ces établissements - je pense notamment à l'école active, à l'Ecole Montessori - il y a beaucoup d'approches pédagogiques que le service public ne peut pas assurer, parce qu'il doit faire face à l'immense majorité des élèves. Pourquoi voudrait-on tuer dans l'oeuf ces expériences pédagogiques qui profitent à l'ensemble du système scolaire ? Je n'arrive pas à comprendre non plus cette volonté de tout niveler, de tout éradiquer et...
Le président. Monsieur le député, il vous faut conclure, je regrette.
M. Guy Mettan. ...de vouloir empêcher les écoles privées d'apporter leur contribution à cette richesse et cette diversité. Je pense - et je conclurai là, Monsieur le président - qu'il est temps que nous ayons de l'école une vision moderne, un tout petit peu audacieuse et d'avant-garde. On ne peut pas sans cesse revenir, comme le voudrait le groupe radical, à l'école de papa, de grand-papa ou d'arrière-grand-papa.
Le président. Ont encore demandé la parole M. Thion, Mme Leuenberger, M. Stauffer, M. Brunier, M. Catelain, Mme de Candolle, Mme Keller Lopez. La liste est close.
M. François Thion (S). Ce débat est intéressant. Je comprends tout à fait qu'il y ait des écoles privées. Je ne m'y oppose pas du tout. Le problème est un problème de fiscalité.
Du point de vue de la justice fiscale, il me semble qu'il ne soit pas fondé de lier l'accès aux prestations au fait de payer plus ou moins d'impôts. Parce que si on suit cette démonstration, il faudrait aussi donner des rabais d'impôts aux personnes qui n'ont pas d'enfants, donner des rabais d'impôts aux personnes qui n'emploient jamais les transports publics ainsi que donner des rabais d'impôts aux personnes qui ne vont qu'en clinique privée et qui n'utilisent pas les services de l'Hôpital cantonal. De ce point de vue, ce raisonnement est donc tout à fait infondé.
J'aimerais rappeler deux ou trois choses sur l'école, bien que l'on soit ici dans un aspect de fiscalité. D'abord le secteur de l'école privée n'est pas plus efficace que celui de l'école publique, bien au contraire: la formation des enseignants à l'école publique est beaucoup plus poussée que ne l'est celle des enseignants du secteur privé. Les enseignants qui échouent dans les écoles privées sont souvent les moins formés, j'allais presque dire les moins sérieux.
J'aimerais faire une remarque sur ce que l'Etat propose comme formation. Vous dites vouloir une formation moderne mais c'est justement ce qui se passe à l'école primaire avec la rénovation. On n'est pas dans l'école de grand-papa - bien qu'on ne critique pas cette école. Elle était bonne à l'époque, maintenant elle a évolué: on a fait des réformes, qu'on appelle la rénovation de l'école primaire qui sont tout à fait intéressantes. Ces réformes donnent par exemple des ouvertures de pédagogie active pour un certain nombre d'enfants.
Le département de l'instruction publique finance déjà des institutions éducatives privées: les institutions pour handicapés, largement subventionnées par le DIP, ou les écoles de musique. Je ne vois donc pas l'utilité de cette motion qui, je pense, va à l'encontre de la justice fiscale et je vous demande de ne pas la renvoyer en commission. (Applaudissements.)
Présidence de Mme Anne Mahrer, première vice-présidente
M. Eric Stauffer (MCG). Le groupe MCG va s'opposer à cette motion pour diverses raisons, certaines déjà mentionnées et d'autres, pas encore mentionnées, que je vais évoquer. Si on commence à faire des chèques «école», il faudra faire des chèques «aéroport» pour ceux qui ne prennent jamais l'avion, des chèques «santé» pour ceux qui utilisent des cliniques privées et ainsi de suite. Cela n'est donc pas concevable à la base.
Si l'on fait des chèques «école», il va y avoir une multiplication des écoles privées parce qu'on considérera l'Etat comme une manne financière providentielle. Cela n'est pas concevable non plus, parce que l'éducation publique en serait affaiblie. Et elle est tout de même la base de l'enseignement et notre futur - peut-être plus le vôtre puisque, pour certains, la moitié de la vie est déjà derrière et non plus devant - mais en tout cas celui de nos enfants et des générations futures.
Nous ne soutiendrons donc pas cette motion.
Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Monsieur Mettan, si votre motion ne retiendra pas notre attention, c'est parce qu'elle pose la mauvaise question. Nous sommes bien entendu en faveur de l'innovation pédagogique et de la diversité de l'enseignement mais, comme l'a dit M. Thion tout à l'heure, le rabais d'impôts ne va pas dans le sens que vous avez proposé. L'école est conçue pour donner un enseignement à tout enfant. A travers votre motion, vous n'avez pas répondu à un problème fondamental: notre politique en matière d'enseignement. La loi actuelle stipule qu'il faut favoriser l'accès à l'éducation à tout enfant.
Si on voulait aider des parents pour financer les frais d'écolage de leurs enfants dans des écoles privées, cela signifierait qu'il faut en amont faire le constat que l'école publique ne remplit pas sa mission. Or ce constat n'a pas été fait. Proposer une compensation financière aux parents qui mettent leurs enfants dans des écoles privées revient à remettre tout un système éducatif en cause. Si on voulait poser les questions de fond il faudrait alors déposer une autre motion pour voir si l'on peut mettre l'école privée à pied d'égalité avec l'école publique. Actuellement, ce n'est pas du tout le cas et on doit plutôt chercher à améliorer l'école publique. Il faut plutôt trouver des fonds afin d'augmenter les capacités d'intégration des enfants, quelles que soient leur condition sociale et leurs capacités intellectuelles. Il faut donc ouvrir l'école, augmenter ses capacités et l'école privée ne doit être qu'une exception.
Nous refuserons donc cette motion posée sous la forme d'une compensation financière, qui n'aborde pas les problèmes de fond.
M. Gilbert Catelain (UDC). L'UDC était surprise que cette motion vienne d'un parti du centre, un parti qui a milité, il y a une vingtaine d'années, pour la scolarisation d'enfants qui n'étaient pas forcément en situation de légalité. (Manifestation dans la salle.) Je me demande quelles étaient ses arrière-pensées réelles lorsqu'il a déposé cette motion. Je ne suis pas ici pour faire un jugement mais je comprends qu'une nouvelle évolution de l'école entraîne les membres de ce parti à se dire qu'il faudrait tout de même favoriser l'école privée, parce l'école publique ne donne pas toutes les chances aux enfants de cette République. Sur ce constat, le PDC a raison.
Le groupe UDC ne veut pas s'engager ce soir dans un débat pour ou contre l'école privée. Une question est posée, une perspective est ouverte, on ose sortir des sentiers battus, on ose proposer un nouveau projet, sachant que l'éducation est le point central permettant aux enfants de ce canton de s'intégrer au marché du travail. Tous les projets qui permettront de stimuler l'efficacité de l'école sont les bienvenus. L'UDC est pour la liberté de choix, pour la liberté de vote, pour la liberté de pensée, contre la pensée unique et contre la pédagogie institutionnalisée. Pour ces motifs, cette motion mérite que l'on soutienne son renvoi en commission.
Dans la réalité des faits, les parents de condition modeste veulent avoir une liberté de choix. Ils se sacrifient et se serrent la ceinture pour offrir à leurs enfants une école de qualité parce qu'ils n'en ont pas forcément trouvé une dans leur quartier ou qu'ils n'ont pas la possibilité de mettre leurs enfants dans une autre institution publique. Parfois, aussi, pour des questions religieuses, ils décident de placer leurs enfants dans des établissements dispensant une telle orientation éducative. Ces parents paient deux fois l'école. Une fois ils paient pour l'école dans laquelle ils ne souhaitent pas mettre leurs enfants pour des raisons qui leur sont propres, et une deuxième fois ils paient une institution privée à laquelle ils ont décidé de confier l'éducation de leurs enfants. Il ne s'agit donc pas de définir si l'une est meilleure que l'autre.
Le projet soumis par le PDC peut inciter l'école publique à se remettre en question. Une plus grande concurrence entre les institutions ne sera que bénéfice pour la République, pour l'éducation de nos enfants, contre un nivellement et pour une meilleure éducation au sein des différents établissements. Nous sommes très ouverts à l'idée d'en discuter en commission. Je crois que ce serait une erreur de refuser le débat. Il y aura certainement des arguments contre que nous devrons prendre en considération pour éventuellement s'opposer à cette mention, de même qu'il y aura d'autres arguments qui mériteront d'être développés en commission, pour favoriser une prise en charge partielle de l'éducation des enfants que certains parents ont fait le choix de mettre dans un établissement différent.
En résumé, l'égalité des chances et l'égalité devant l'impôt méritent que l'on se penche sur ce projet de motion que nous étudierons attentivement en commission.
Mme Beatriz de Candolle (L). J'aimerais tout d'abord dire à M. Thion que la question des rabais d'impôts pour les personnes qui n'ont pas d'enfants n'est pas le propos d'aujourd'hui.
J'aimerais vous parler d'une réalité, celle que j'ai vécue en tant que mère d'enfant handicapé. Mon fils est né sourd. J'avais le choix de le placer en institution ou bien de me battre pour qu'il puisse faire partie de la société. Une école privée l'a accepté et intégré, puisque l'école publique décourageait son intégration. C'est vrai que j'avais les moyens, avec mon mari, de payer l'école privée. Mais je peux vous citer le nom de plusieurs familles, y compris monoparentales, qui se battent pour payer l'écolage de leurs enfants sourds ou malentendants. Par conséquent, pensez à eux. Merci.
Présidence de M. Michel Halpérin, président
M. Charles Beer, conseiller d'Etat. Je prends la parole pour vous demander de rejeter cette motion de manière que nous puissions vouer notre effort - puisqu'il semble faire l'unanimité - autour de la crédibilité de l'école publique genevoise.
J'aimerais d'abord m'exprimer sur la question des finances et de la fiscalité. Il n'est pas véritablement opportun aujourd'hui de chercher à diminuer les rentrées fiscales. Comment peut-on demander le renforcement de certaines prestations publiques et, en même temps, chercher systématiquement toutes les occasions pour en diminuer le financement ? Deuxièmement, probablement, en ce qui concerne la LHID, ce projet de motion n'est tout simplement pas compatible avec le droit fédéral. Enfin, en matière de justice, j'aimerais également dire que cette proposition renforce - et même augmente - encore certaines inégalités, en permettant à celles et ceux qui en ont les moyens de faire un choix d'ordre financier, choix qui leur permet de bénéficier encore de quelques retombées, si vous me passez cette expression.
Les querelles autour de la scolarité sont vives, en ce qui concerne l'orientation du service public. Mais s'il y a une chose qui doit rassembler, dans cette enceinte, c'est la volonté de rappeler les principes d'une école forte, publique, laïque et obligatoire, principes irrémédiablement liés à l'histoire de notre canton. Il est plus que jamais nécessaire de rappeler non seulement la vocation de modernisation en ce qui concerne la pédagogie au niveau de l'enseignement public, mais également de citer l'amélioration et la diversification des filières, notamment en ce qui concerne l'enseignement postobligatoire. Un élément essentiel de l'école publique est le principe intégratif: c'est bien en apprenant à vivre ensemble, dans la diversité des revenus et des chances des personnes bien portantes et handicapées, que l'école a toute ses chances.
Madame de Candolle, si je respecte tous les parcours et toutes les volontés de choix, il y a une chose que je ne saurais cependant accepter, c'est le fait de dire que l'école publique, laïque et obligatoire n'intègre pas les personnes handicapées, et notamment pas les enfants sourds, puisque c'est justement une vocation extrêmement forte non seulement soutenue par l'enseignement spécialisé genevois mais également par notre service médico-pédagogique.
Nous devons nous retrouver ici entre radicaux, Verts, socialistes mais également MCG, toutes personnes qui croient au service public, notamment en matière de politique éducative. En ce qui concerne le parti démocrate-chrétien, j'allais dire que l'histoire n'est pas surprenante puisqu'il s'agit ici de toucher, c'est probablement involontaire, au principe de laïcité. C'est une vieille histoire qui est irrémédiablement liée à votre parti... (Manifestation dans la salle.) ...comme l'histoire de l'école publique, laïque et obligatoire est liée à cette République.
Plus surprenante est la position libérale, puisque ce parti, après dix ans de gestion du département de l'instruction publique, après dix ans de soutien aux réformes scolaires et de maintien de la paix scolaire entre public et privé, non seulement propose de remettre en cause systématiquement toutes les réformes engagées par sa magistrate d'alors, mais également de remettre en cause le principe d'équilibre entre public et privé, principe acquis au long des dernières décennies dans cette République. Je pense au contraire que c'est une bonne chose que de le conserver. Merci, donc, de rejeter cette motion qui, encore une fois, est illégale, contraire à notre constitution et proprement inopportune.
Plusieurs voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Le président. Je mets aux voix le renvoi de cette proposition de motion à la commission de l'enseignement.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1643 à la commission de l'enseignement et de l'éducation est rejeté par 49 non contre 27 oui et 5 abstentions.
Mise aux voix, la proposition de motion 1643 est rejetée par 50 non contre 23 oui et 6 abstentions.
Le président. Avant de lever la séance, je voudrais exprimer mes remerciements à M. le conseiller d'Etat chargé du département du territoire, M. Cramer, qui, selon la coutume déjà bien ancrée, remet à chaque député quelques bouteilles de vin issues du cru du vignoble genevois. Comme à l'accoutumée, les huissiers vous attendent, à l'issue de la séance, à la salle Petitot pour la distribution. Mesdames et Messieurs les députés, nous reprendrons nos travaux demain matin à 10h.
La séance est levée à 23h.