Séance du vendredi 4 novembre 2005 à 17h
56e législature - 1re année - 1re session - 2e séance

PL 8864-A
Rapport de la commission législative chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi concernant les membres des commissions officielles (A 2 20)
Rapport de majorité de M. Jacques Pagan (UDC)
Rapport de première minorité de M. Christian Grobet (AdG)
Rapport de deuxième minorité de M. Alberto Velasco (S)

Premier débat

Le président. Le rapport de majorité est de M. Jacques Pagan. Le rapport de minorité de M. Christian Grobet est repris par Mme la députée Dolorès Bolay. Monsieur le rapporteur de majorité, je vous prie de bien vouloir rejoindre la table avec Mme la rapporteure de minorité. La parole est-elle demandée ? Monsieur le rapporteur de majorité, avez-vous quelque chose à ajouter à votre rapport !

M. Jacques Pagan (UDC), rapporteur de majorité. Non, Monsieur le président. On a pompeusement baptisé mon rapport: rapport de majorité... La majorité était inexistante lors du vote de la commission. Il y a eu égalité des voix, ce qui fait que, d'après la disposition de l'article 186 de la loi portant règlement du Grand Conseil, il n'y a pas eu de décision positive. Le projet a dont été rejeté.

Je voudrais simplement ajouter une chose... Dans le cadre des délibérations, il a été proposé d'auditionner les partenaires sociaux, mais cette demande a été rejetée du fait que ce projet est né d'un incident qui a mis en cause la Communauté genevoise d'action syndicale, laquelle a été auditionnée par le groupe de travail qui a élaboré le projet de loi. Et, finalement, les prises de position des milieux syndicaux sont bien connues, et la commission n'a pas jugé utile de les interroger davantage. Des propositions d'amendements émanant d'un membre de l'Alliance de gauche ont également été annoncées. Ces propositions n'ont pas été formulées en séance de commission, mais elles font l'objet d'un rapport de minorité.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le rapporteur de majorité théorique... J'ai oublié, parce que je ne suis pas encore très bien rôdé, de vous lire le titre de ce projet de loi. Il s'agit donc d'un rapport de la commission législative chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi concernant les membres des commissions officielles. Et j'ai aussi oublié de vous dire qu'il y avait un rapport de deuxième minorité de M. Velasco. (Le président, s'adressant à Mme Bolay.) C'est vous qui le remplacez ? Bien ! Et personne ne remplace M. Grobet ? Non ! Je lance un appel, parce que tout à l'heure, on m'a blâmé de ne pas avoir été assez explicite... Mon appel n'ayant pas été entendu, je donne la parole à Mme le rapporteur de minorité par substitution, Mme Loly Bolay.

Mme Loly Bolay (S), rapporteuse de deuxième minorité ad interim. Monsieur le président, je remplace effectivement mon collègue Velasco, mais je reprends à mon compte la proposition d'amendement faite par M. Grobet dans son rapport de première minorité, à la page 15.

J'espère que cet amendement recueillera l'approbation de ce Grand Conseil, car il a le mérite de simplifier les choses. Et le projet de loi qui nous est proposé par le Conseil d'Etat ne va effectivement pas régler le flou juridique: je suis d'accord avec le rapporteur de majorité. Nous avions demandé d'auditionner les partenaires sociaux, parce qu'il est toujours intéressant de les entendre lorsqu'il y a des modifications, mais cela nous a été refusé. Et notre collègue Christian Grobet, qui est un éminent juriste, comme tout le monde le sait, a proposé un amendement qui simplifie les choses et, surtout, qui donne compétence aux commissions tripartites de fixer elles-mêmes leurs modalités de fonctionnement.

Je vous demande donc de mettre aux voix cet amendement, Monsieur le président.

M. Antonio Hodgers (Ve). Nous avons été un peu gênés, c'est vrai, à la lecture de ce rapport, que la commission n'ait pas accepté d'auditionner les partenaires sociaux... La pratique dans cette République veut justement que les partenaires sociaux puissent se réunir sous l'égide de l'Etat, ce qui permet, en fin de compte, à notre économie de mieux fonctionner. Et il est regrettable que le parlement n'ait même pas daigné les recevoir.

Pour ma part, je suis donc plutôt favorable à un renvoi en commission de ce projet de loi, pour faire convenablement notre travail: auditionner les partenaires sociaux et examiner comme il faut ce projet de loi et, éventuellement, prendre en considération l'amendement de M. Grobet.

Le président. Monsieur le député, je vous remercie ! Mesdames et Messieurs les députés, M. Hodgers demande le renvoi en commission de ce projet de loi. Conformément au règlement de ce parlement, il n'y a donc plus de prise de parole que sur le renvoi en commission pour chaque groupe qui le souhaite. Pour l'instant, sont inscrits: M. Luscher et M. Barrillier, comme parlementaires, puis M. le conseiller d'Etat Carlo Lamprecht et Mme la conseillère d'Etat Micheline Spoerri... (Le président est interpellé par Mme Spoerri.) C'est une erreur ? Bien. Avant de donner la parole au conseiller d'Etat, qui pourra aussi s'exprimer sur le renvoi en commission, je donne la parole aux députés qui l'ont demandé. Monsieur Luscher, vous voulez vous exprimer sur le renvoi en commission ? Vous avez la parole.

M. Christian Luscher (L). Je vous remercie, Monsieur le président. Monsieur le président, chers collègues, le groupe libéral s'opposera à ce renvoi en commission, pour plusieurs motifs.

Le motif principal étant que ce projet est en état d'être jugé, allais-je dire... En d'autres termes, nous pouvons statuer sur ce projet de loi, et il n'y a pas matière à le renvoyer en commission. Ce serait d'ailleurs aller à l'encontre de l'avis de la majorité de la commission qui a jugé que ce dossier pouvait être traité sans procéder aux auditions. Le renvoi en commission serait donc une perte de temps.

De toute façon, nous connaissons tous l'issue de ce projet qui n'est pas satisfaisant pour plusieurs raisons, je le répète. Et puis, un vote est personnel: il n'y a rien de plus personnel qu'un vote en commission... On ne vote pas pour des castes, on ne vote pas par corporatisme: on vote par conviction personnelle.

En outre, l'amendement de M. Grobet est, quant à lui, extrêmement dangereux dans le sens où il préconise qu'une commission aura la compétence de fixer elle-même son règlement... C'est comme si on donnait à un tribunal la compétence de fixer lui-même sa procédure ! Or, je rappelle qu'en matière de procédure, il y a une loi de procédure civile, une loi de procédure pénale, une loi qui fixe l'organisation des tribunaux - c'est la loi sur l'organisation judiciaire - et il n'est évidemment pas acceptable qu'une commission, qu'elle soit judiciaire ou non, fixe elle-même son règlement. C'est à nous, législateurs, de prendre nos responsabilités et de fixer les modalités de procédure qui s'appliquent à une commission telle que celles qui sont visées par ce projet.

Ce projet doit donc faire l'objet d'un vote ce soir. Le renvoyer à la commission législative ne servirait strictement à rien, parce que chacun a pu, pour des raisons de fait et de droit, se faire une idée de ce à quoi aboutirait ce projet. Je pense que nous ne devons pas accepter ce renvoi en commission.

M. Gabriel Barrillier (R). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés... (Le micro de M. Barrillier se remet à siffler. Exclamations.)

Le président. Monsieur le député ! C'est personnel, mais j'ai l'impression que lorsque j'allume mon micro cela diminue votre propre source de nuisances sonores... Je garde donc mon micro allumé pour vous permettre de mieux vous exprimer. Vous aurez compris que c'était pour voler à votre secours et non pour vous brimer...

M. Gabriel Barrillier. Merci, Monsieur le président ! Le groupe radical s'opposera au renvoi en commission de ce projet de loi.

En déposant ce projet de loi, je crois que le Conseil d'Etat a voulu trop bien faire. Certes, il y a eu un petit accroc au niveau du tripartisme, mais sur un point mineur. M. Pagan le relève dans son excellent rapport. Je le répète, le Conseil d'Etat a voulu trop bien faire. Si on vous suivait dans cette affaire, Monsieur le président du département, ce serait la fin du tripartisme, car les différents groupes s'opposeraient les uns aux autres. Jusqu'à maintenant, nous avons toujours trouvé des solutions consensuelles, alors, de grâce, ne touchons pas à ce mécanisme qui fonctionne si bien !

Nous ne renverrons pas ce projet du Conseil d'Etat en commission et nous le refuserons.

M. Carlo Lamprecht, conseiller d'Etat. Pour une fois, je ne suis pas de l'avis de la majorité... Vous ne m'en voudrez pas ! Je vais vous en donner la raison. La loi actuelle ne dit en effet rien à propos des votes, et ce n'est pas sans risques s'agissant de la validité des décisions qui peuvent être prises...

Je m'explique. Tout d'abord, le projet de loi du Conseil d'Etat vise à poser comme règle générale le principe de la majorité des membres présents pour les commissions, mais à faire une exception pour les commissions tripartites en prévoyant un vote par délégation. C'est ce qui se passe, Monsieur le député Barrillier, au Conseil de surveillance du marché de l'emploi aujourd'hui: les partenaires sociaux viennent avec des décisions qu'ils ont prises entre eux. Et il n'y a pas de doute là-dessus.

Alors, pourquoi un vote par délégation pour ces commissions ? Pour répondre à une demande extrêmement forte des partenaires sociaux tant patronaux que syndicaux. Ils y voient en effet la concrétisation d'un principe fondamental du tripartisme, et c'est pourquoi je vous invite à mesurer comme il faut les enjeux du message du vote du parlement à ce sujet.

Vous savez toute l'importance du tripartisme dans ce canton, nous en avons parlé tout à l'heure, à l'heure où nous devons relever des défis fondamentaux dans l'observation du marché du travail et dans la mise en oeuvre des mesures d'accompagnement de la libre circulation des personnes. Ce message serait d'autant plus négatif que votre commission n'a pas voulu entendre les partenaires sociaux - M. Hodgers l'a relevé entre autres.

J'ai également entendu l'argument du rapporteur de majorité selon lequel il n'était pas nécessaire de légiférer, puisque les commissions tripartites avaient très bien fonctionné durant de nombreuses années... Mais nous n'en sommes plus à cette époque !

Ce qu'on oublie aujourd'hui, c'est que les décisions qui doivent désormais être prises de façon tripartite - je pense notamment au Conseil de surveillance du marché de l'emploi - ont une tout autre portée. Il ne s'agit plus tellement de trancher sur l'octroi de tel ou tel permis de travail, mais bien plus de décider s'il y a une sous-enchère abusive et répétée dans un secteur économique et, dans un tel cas, de proposer l'instauration de salaires minimaux obligatoires - nous en avons parlé tout à l'heure - soit par l'extension facilitée d'une convention collective soit par l'instauration d'un contrat-type de travail.

C'est donc dire que le risque aujourd'hui n'est plus le même que ce qu'il était lorsqu'une commission tripartite délivrait un simple permis de travail. Je vous laisse l'alternative, si vous le voulez bien, puisque vous en avez le droit, d'entendre les partenaires sociaux. J'aurais, du reste, bien aimé que cela se fasse. Mais, pour ce qui est du gouvernement et de notre département, je pense qu'il faut adopter la loi que nous vous avons proposée. C'est faire preuve de sagesse face, bien entendu, aux problématiques qui nous préoccupent aujourd'hui.

Le président. Merci, Monsieur le président. La parole n'étant plus demandée, je mets aux voix la proposition de renvoi en commission de M. Hodgers du projet de loi 8864-A.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 8864 à la commission législative est adopté par 45 oui contre 38 non.