Séance du
vendredi 2 septembre 2005 à
10h
55e
législature -
4e
année -
10e
session -
61e
séance
La séance est ouverte à 10h, sous la présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, présidente.
Assistent à la séance: Mme et MM. Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat, Carlo Lamprecht et Robert Cramer, conseillers d'Etat.
Exhortation
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Laurent Moutinot, Micheline Spoerri, Pierre-François Unger et Charles Beer, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Thomas Büchi, Sophie Fischer, André Hediger, David Hiler, Antonio Hodgers, Christian Luscher, Mark Muller, Jacques-Eric Richard, Jean Rémy Roulet, Pierre Schifferli et Ivan Slatkine, députés.
Annonces et dépôts
Néant.
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, nous reprenons le cours de notre ordre du jour.
Débat
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Je vous rappellerai que cette motion avait pour objectif de s'élever contre l'ordonnance fédérale sur les tirs hors service, qui a pour but d'abaisser l'âge de participation des enfants à des tirs au fusil d'assaut à dix ans au lieu de treize.
Il est vrai que cette motion a été déposée il y a déjà une année et demie. A l'époque, le conseiller national Ueli Leuenberger avait déposé une motion demandant au Conseil fédéral de revenir sur cette décision. Cette motion a été rejetée en mars 2004. C'est pour cela que la première invite de la motion actuelle est malheureusement obsolète. Par contre, la motion comprend d'autres invites qui concernent le niveau cantonal puisqu'elles s'adressent au gouvernement en lui demandant de prendre des mesures pour dissuader les sociétés de tir de proposer ce genre d'activités à des enfants.
Il nous paraît en effet choquant de permettre à des enfants, dès l'âge de dix ans, de tirer au fusil d'assaut, voire de les y inciter. Nous pensons qu'il y a une large palette d'activités proposées à des enfants, qui peuvent également permettre de développer des compétences telles que l'habileté, la maîtrise de soi ou la concentration. Il n'est donc pas nécessaire d'inciter des enfants à faire du tir au fusil d'assaut.
Je rappelle aussi que, dans un nombre croissant de pays, on dénonce le phénomène des enfants-soldats. Nous trouvons parfaitement inadéquat dans ce contexte de promouvoir ce genre d'activité pour des enfants si jeunes.
C'est pourquoi je vous propose de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat pour que l'on puisse traiter les quatre invites qui concernent le niveau cantonal.
Mme Jocelyne Haller (AdG). Je confirme ce que vient de dire Mme Fehlmann Rielle concernant la prise en compte des trois dernières invites. J'aimerais simplement ajouter qu'il y a beaucoup à dire sur l'objet de cette proposition de motion; je me cantonnerai à n'évoquer qu'une image: imaginez un enfant de dix ans, le vôtre peut-être, un fusil d'assaut à la main, et réfléchissez à ce qu'évoque cette image !
Est-ce le message que vous voulez donner aux enfants? Voulez-vous qu'ils s'associent à ces autres enfants-soldats, amputés de leur enfance, «instrumentalisés» dans de sales guerres - pour autant que certaines guerres ne le soient pas !
L'usage des armes de guerre ne doit en aucun cas être banalisé et faire partie du quotidien des enfants sous prétexte, comme le rappelle cette proposition de motion, d'acquérir précision, concentration et maîtrise de soi. Il y a tout de même des moyens moins belliqueux et moins connotés de parvenir au même résultat. Il est des glissements, des tolérances, qui ne sont pas concevables.
«Enfants et armes de guerre» forme une association d'idées contre-nature contre laquelle l'Alliance de gauche vous invite à vous élever. C'est pourquoi elle vous engage, Mesdames et Messieurs les députés, à renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.
M. Jean Rossiaud (Ve). Les considérants de la motion 1578 - qui a été déposée par le parti socialiste, les Verts et l'Alliance de gauche dans ses différentes tendances - sont assez clairs. On offre la possibilité à des enfants de dix ans de participer à des concours de tir au fusil d'assaut.
On parle d'enfants de dix ans et on parle de fusils d'assaut, c'est-à-dire, d'armes de guerre. Une arme de guerre. Quel signal veut-on donner aux enfants, aux adolescents et à leur famille ? Qu'il faut en tout temps être prêt à se défendre ? Et à se défendre avec des armes ? Avec des armes de guerre, des fusils-mitrailleurs, par exemple ? Et contre quel envahisseur, contre quel ennemi intérieur ? Quel message veut-on donner aux personnes sujettes au sentiment d'insécurité, aux personnes âgées, par exemple? Que le citoyen-soldat, en l'occurrence, l'enfant-soldat, est prêt à les défendre, ou alors que c'est l'insécurité maximale, la lutte de tous contre tous, le far-west généralisé, qui seront demain notre quotidien ? Quel message veut-on donner aux militants des Droits de l'Homme et aux défenseurs du droit international, aux militants pour une éducation à la paix dans tous les pays en guerre, et ici à Genève en particulier, parmi les organisations internationales et les ONG ? Que former des enfants au maniement des armes et à la préparation à la guerre est une politique respectable ?
Quand je me suis engagé au CICR, à la fin des années 1980, plusieurs de mes connaissances de l'époque disaient que le CICR était le service après-vente de Bührle, le marchand d'armes. Ils n'avaient tort qu'en partie, parce qu'une politique humanitaire n'est moralement défendable que si elle repose sur une politique de promotion de la paix, de promotion de la non-violence et de prévention des conflits.
La République et canton de Genève, en raison notamment de sa spécificité internationale, doit, par son Conseil d'Etat - et c'est pour cela que nous demandons le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat - mais aussi par son Grand Conseil, se démarquer fondamentalement de la politique fédérale en la matière et refuser que cette réglementation soit appliquée sur son territoire. Plus que cela, le Conseil d'Etat doit publiquement s'opposer à la politique fédérale en la matière. Arrêtons de jouer avec le feu, ne formons pas les enfants aux armes; formons-les au respect mutuel, au dialogue et à la non-violence ! Tel doit être, à mon avis, notre morale collective.
La présidente. Le Bureau vous propose de clore la liste. Sont encore inscrits: MM. Claude Aubert, François Thion, Patrick Schmied, Robert Iselin et la présidente du Conseil d'Etat, Mme Martine Brunschwig Graf.
M. Claude Aubert (L). Voir des enfants-soldats tout comme voir des enfants apprendre à tuer est bien évidemment une ignominie. Malheureusement, je ne pourrai toutefois pas soutenir cette motion, parce qu'elle contient, à l'insu de celles et ceux qui l'ont signée, bien sûr, une mystification extrêmement dangereuse.
Prenez le point 3 des considérants, où il est indiqué: «Considérant qu'il importe d'élever les enfants dans un esprit de paix et de tolérance afin de les préparer à prendre pleinement leur place dans la société». Imaginons un instant un enfant qui a appris la paix et la tolérance; voyez-le prendre ses responsabilités dans la société ! De toutes parts, on nous dit que la société est violente, qu'il y a des conflits, et on aimerait que l'enfant intègre l'idée qu'il devrait être hors de la gestion de la violence.
Avez-vous déjà vu, dans un jeu de Game Boy ,un petit Adrien ou une petite Camille prendre des fleurs pour les mettre dans un vase à l'intention de maman? Eh bien, ce jeu ne se vendrait jamais. Que voit-on ? On voit que l'on alimente l'imaginaire des enfants avec des jeux d'une violence absolument considérable. On joue sur leur imaginaire.
Il est évident que les enfants doivent apprendre la tolérance et l'esprit de paix. Mais si un enfant arrive au jardin d'enfants et que, le premier jour, il y a déjà un conflit, cet enfant se dira: «Je ne comprends pas, on m'a dit que le monde était gentil». Ensuite, il arrive à l'école primaire et dans les préaux, il y a les premières bagarres. L'enfant se dira alors: «Le monde devrait être gentil. A la limite, ce monde ne m'intéresse pas». Ensuite, il fréquente le cycle d'orientation et le collège pour, enfin, s'insérer dans la vie réelle. En arrivant dans la vie réelle, si vous n'avez pas appris qu'il y a des conflits, si vous n'avez pas appris qu'il y a des tensions, tout simplement: soit vous êtes complètement hors circuit, soit vous déprimez, soit vous refusez d'être dans ce monde.
Par conséquent, si la violence fait partie de notre nature, notre objectif est d'aider les enfants, les adolescents et les grandes personnes à acquérir une maîtrise de leur violence. On ne doit pas leur dire que le monde «il est beau, il est gentil»; il faut leur dire que le monde est plein de conflits, plein de tensions et que l'on doit apprendre à gérer sa violence.
Par conséquent, en leur faisant manier une arme à dix, onze ou douze ans, on joue beaucoup moins sur l'imaginaire des enfants que ne le font les Game Boy que vous tous avez offerts à vos enfants ou à vos petits-enfants. Quand on travaille avec la réalité des armes, on fait bien plus de prévention qu'en mystifiant des enfants en leur faisant croire que le monde est géré par la paix et la tolérance.
Une voix. Bravo !
La présidente. La liste est close. Madame Haller et Monsieur Rossiaud, je ne peux malheureusement pas prendre en compte votre inscription.
M. François Thion (S). Mon cher collègue Aubert, voilà quelqu'un qui s'amuse avec des armes, comme vous le souhaitez ! (Il montre une photographie.)Ils sont 300 000 enfants dans le monde... (Chahut.)...qui utilisent des armes.
Mme Janine Berberat. Mauvaise foi !
M. François Thion. Ce sont des enfants parfois en dessous de l'âge de dix ans.
Dans cette motion, le troisième considérant rappelle tout d'abord que la Suisse fait partie des Nations Unies et qu'en mai 2000 l'Assemblée générale de l'ONU a adopté un protocole additionnel sur la Convention des droits de l'enfant, appelant les gouvernements à empêcher la participation aux conflits armés de tout soldat de moins de dix-huit ans.
Quand on dénonce à l'ONU, dont la Suisse fait partie, le fait que des enfants soient utilisés dans des armées régulières ou dans des armées rebelles pour faire la guerre; quand on connaît le nombre d'enfants utilisés dans des guerres au Liberia, en Côte d'Ivoire, en Sierra Leone - des enfants qui, très souvent, ont dû quitter leur famille, des enfants parfois orphelins et qui viennent, la plupart du temps, des catégories les plus pauvres de la population; quand on dénonce tous ces faits, comme l'a fait Amnesty International, on ne peut pas ensuite tolérer qu'en Suisse et à Genève, ville internationale, des enfants de dix ans puissent manipuler des armes.
Vraiment, je ne comprends pas ce que M. Aubert a essayé de nous dire tout à l'heure. Je vous demande donc de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.
M. Patrick Schmied (PDC). Les gentils initiants de cette motion ne se sont pas rendu compte, je crois, à quel point son titre est une véritable insulte aux vrais enfants-soldats qui existent dans le monde, dont M. Thion nous a montré une touchante photo. Je ne sais pas si vous êtes déjà allés dans un de nos stands de tir - peut-être pas - mais quand vous comparez la réalité des enfants-soldats avec la réalité de nos stands de tir, c'est un rapprochement proprement scandaleux !
Une voix. Bravo !
M. Patrick Schmied. M. Aubert a très bien parlé de la partie éducative, je ne vais pas répéter ce qu'il a dit, même si j'y adhère tout à fait.
J'aimerais par contre vous demander, une fois que l'on aura balayé cette petite motion qui vous a fait plaisir, que vous nous rejoigniez pour interdire les jeux vidéo que tous nos enfants utilisent et dans lesquels il s'agit vraiment de violence, de violence virtuelle. Les enfants ne se rendent pas compte de la dangerosité d'une arme à feu. Alors, vous nous rejoindrez... (Commentaires. Chahut.)...pour nous attaquer au vrai problème et nous reparlerons d'une motion ou d'un projet de loi.
M. Robert Iselin (UDC). Je crois que M. Aubert a déjà dit l'essentiel, mais je voudrais ajouter ceci: c'est très bien d'avoir de bons sentiments, mais il faut aussi être préparé à la dureté de l'existence.
Aucun d'entre vous n'a connu la situation dans laquelle nous nous sommes trouvés en 1940. Je peux vous dire qu'à ce moment-là, on ne discutait pas beaucoup. La question n'était pas de faire de nos enfants ou plutôt, des enfants de l'époque, dont je faisais partie, des bandits qui iraient assassiner d'autres Européens. La question était de préparer les enfants à défendre, s'il le fallait, le pays par les armes.
Je voudrais conseiller à tous ceux d'entre vous qui sont assis sur les bancs de la gauche d'aller une fois à Zurich pour voir ce que l'on appelle le Knabeschüsse, c'est le concours de tir des enfants zurichois. Je peux vous dire qu'il n'y en a pas un seul qui est éduqué à tirer sur son prochain pour l'amusement de tirer sur son prochain. Par contre, ils sont préparés à défendre la Suisse... (Commentaires.)...et, ce que beaucoup d'entre vous ne réalisent pas, cela pourrait être nécessaire plus vite qu'on ne le croit, étant donné la méchanceté humaine.
Mme Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat. Je recommanderai pour ma part le rejet de cette motion. Je peux me permettre de le faire, parce que j'ai de quoi vous donner quelques assurances sur la réalité des choses dans ce canton et notamment sur les pratiques des sociétés de tir.
Je rejoins ceux qui, dans ce parlement, ont regretté que l'on ait fait un amalgame entre les sociétés de tir, les buts qu'elles poursuivent et les enfants-soldats. Je crois que nous pouvons tous nous associer à l'idée que les enfants n'ont pas pour vocation d'être des soldats et qu'ils doivent être protégés de cela. C'est dommage que vous ayez fait cet amalgame.
Pour tout le reste, je peux déjà dire ceci: premièrement, même quand l'ordonnance fixait l'âge minimum à treize ans, à Genève, les sociétés de tir n'ont jamais remis de fusil d'assaut qu'à des jeunes tireurs âgés de seize ans au moins, ceci dans un objectif clairement défini: l'exercice du tir en tant que tir sportif, et non pas pour un entraînement de type militaire. Les fusils d'assaut ne sont d'ailleurs pas conservés par les tireurs de moins de dix-huit ans, mais par les sociétés de tir. Cela signifie que, quelle que soit l'ordonnance fédérale, la doctrine de ce canton a toujours été la même: les sociétés de tir ne remettent pas de fusil d'assaut à des jeunes de moins de seize ans pour l'exercice du tir et ils ne le conservent bien entendu pas en propriété.
Deuxièmement, jusqu'à seize ans, aucun service de l'Etat ne transmet de fichier concernant des enfants qui iraient vers les sociétés de tir. Votre motion est donc moins exigeante que la pratique genevoise ne l'est, puisque tout ceci est déjà entièrement réglementé. Par ailleurs, votre motion est ambiguë, puisqu'elle nous invite à refuser toute subvention aux clubs ou associations qui proposeraient des activités de tir à des enfants. Or, votre motion ne précise pas l'âge des enfants concernés. Le terme désigne donc toutes les personnes n'ayant pas atteint la majorité, ce qui veut dire qu'aujourd'hui, si je devais suivre la motion telle qu'elle est formulée, l'indemnisation prévue dans certains cas ne devrait pas avoir lieu. Je rappelle que les indemnisations sont liées à des exercices tout à fait précis.
J'aimerais dire ici deux choses. Je le dis aussi pour l'administration militaire, qui le sait, et pour les sociétés de tir. Pour y avoir été, pour les avoir suivis dans leurs activités, je peux dire qu'aujourd'hui je préfère nettement des jeunes tireurs - je ne parle pas d'enfants de dix ans - qui apprennent, dans l'exercice du tir, ce qu'est une arme, quels sont ses dangers; qui apprennent à se maîtriser, qui apprennent que l'exercice du tir demande non seulement de la précision, mais aussi des égards, et savent qu'ils sont dans le cadre d'un exercice sportif et non dans un exercice d'attaque, à des jeunes qui ne sont pas dans des sociétés de tir et qui ont un rapport aux armes d'une toute autre nature. Leur violence ne s'exprime pas avec des fusils d'assaut et des pistolets, mais avec d'autres instruments dits contondants, des couteaux, ou des fusils et pistolets factices. Les jeunes expriment, en termes de violence, tout autre chose que ce que l'on apprend dans une société de tir.
C'est pour cela que je regrette le ton de la motion. Je comprends et je partage, et je suis sûre que tout le parlement partage l'idée que vous avez défendue ici, concernant les enfants-soldats. Mais en faisant ce que vous faites, en envoyant ce message, vous le videz quelque peu de son sens. Je vous le dis très clairement: je suis contente de savoir que, dans ce canton, nous avons des sociétés de tir responsables. Je pense que ce débat montre qu'elles vont continuer à l'être et je suis certaine que dans le futur, au vu de ce que je connais, elles le feront.
C'est le message que je veux donner ici en vous demandant de rejeter la motion. Ne sentez en aucune manière un rejet par rapport à la révolte contre les enfants-soldats, mais sentez au contraire le souci que, derrière cela, on oublie de se préoccuper des vrais problèmes évoqués plus tôt: les jeux vidéo et la relation à l'arme qui n'est absolument pas traitée en dehors de sociétés de tir, problèmes qui causent, à long terme, des dégâts beaucoup plus importants.
Mme Françoise Schenk-Gottret (S). Je demande l'appel nominal.
La présidente. Etes-vous soutenue? (Réactions de l'assistance.)Vous l'êtes. Il en sera donc fait ainsi.
Mise aux voix à l'appel nominal, cette proposition de motion est rejetée par 38 non contre 33 oui.
Débat
M. André Reymond (UDC). Actuellement, au département militaire fédéral, la place d'armes de Genève est signalée, pour son avenir concernant notre armée, par un point jaune, c'est-à-dire qu'elle est en état d'observation.
C'est ce qui ressort de la présentation faite aux conseillers nationaux, en décembre 2004, par notre conseiller fédéral Samuel Schmid et par M. Keckeis, notre chef de l'armée. M. Keckeis et M. Schmid ont demandé un signe clair du Conseil d'Etat de Genève sur ses intentions concernant l'avenir de la place d'armes. Par sa lettre adressée le 2 février de l'année dernière à notre conseiller fédéral, le Conseil d'Etat se dit étonné que, dans son concept, la problématique de Genève ne soit pas mentionnée. Par contre, le Conseil fédéral attend une grande détermination du Conseil d'Etat.
L'insalubrité et la dégradation de notre caserne ne permettent pas que des cours de répétition ou de formation s'y tiennent actuellement. Les militaires qui viennent à Genève doivent donc être logés à Champel, à Meyrin ou ailleurs dans le canton. On connaît la situation financière de notre Confédération: 127 milliards de dette; et celle de Genève: 13 milliards de dette, ce qui donne à beaucoup d'entre nous des frissons.
Notre Département militaire fédéral pourrait être effectivement intéressé à réaffecter cette caserne pour autant qu'il y ait un partenariat avec l'Etat de Genève. Il n'est pas possible que chacun travaille dans son coin.
Il est proposé que l'armée et la police, pour son centre de formation qui est actuellement à la Fontenette, soient regroupées dans cette caserne. Il n'est pas rationnel que ces forces soient éparpillées dans le canton. La possibilité de mettre le centre de formation de la police à la BAT a déjà été évoquée devant le conseil d'administration des terrains industriels. Le projet a été refusé, ce lieu devant rester à la disposition des petites entreprises. Je vous rappelle ici qu'une motion demandant l'affectation dans la BAT d'un centre de formation a été liquidée. Je rappellerai aussi que la motion 1617, qui demandait que des logements puissent prendre place à l'emplacement de cette caserne, a été refusée.
Donc, se mettre avec d'autres cantons pour faire un centre de formation à Savatan par exemple, n'est pas rationnel pour Genève. Si les bâtiments actuels de la police ou, principalement, la verrière de la Gravière étaient libérés l'Université, qui manque actuellement de près de 16 000 m2 de locaux, serait très intéressée d'avoir ces locaux à disposition. D'autant plus qu'ils se trouvent tout près d'Uni Mail et de l'Ecole de médecine.
Il ne faut pas oublier non plus que la Genève internationale doit également être protégée. Nous abritons une communauté de 33 000 personnes, 400 sites diplomatiques, plus de 100 000 délégués par an qui participent à des conférences. Il est vrai que nous avons une PSI, mais qui n'a que 60 unités rétribuées par la Confédération, ce qui porte son nombre à 190. Elle doit aussi pouvoir bénéficier d'un lieu approprié pour la formation. Nous savons que la protection de la Genève internationale représente pour le canton une charge d'environ 12 millions de francs par an. Nous savons aussi que, pour que la mission soit assurée correctement, il faudrait porter cette somme, à mon avis, à 16 millions de francs par an, sans parler évidemment des 200 militaires que la Confédération nous met à disposition.
Rappelons qu'une réalisation ne pourra avoir lieu qu'en commun entre le canton et la Confédération; aucun projet mené séparément ne pourra voir le jour dans un avenir proche. Dans sa réponse du 12 mai 2005, le Conseil fédéral signale et rappelle la mission de Genève pour la protection de ses sites internationaux. Il ne faut pas oublier non plus que 30 personnes viennent régulièrement en stage à Genève pour être formées. Il ne faudrait pas qu'elles soient logées par la Confédération dans différents bâtiments à gauche et à droite.
Comme indiqué, notre police, qui devra trouver un nouveau centre pour regrouper tous ses services, faute d'argent, au vu de la situation financière de l'Etat, n'aura pas d'autre solution que de profiter de l'opportunité que nous offre la Confédération par son financement pour le réaménagement de la caserne. Ce bâtiment sera d'une grande utilité dans le futur non seulement pour abriter les polices étrangères à notre canton, mais aussi pour renforcer notre dispositif de sécurité lors de manifestations. En pensant à 2008, je vous propose pour ces motifs de soutenir cette motion en la renvoyant au Conseil d'Etat.
M. Christian Bavarel (Ve). Les Verts sont quelque peu surpris par cette motion. Effectivement, la caserne des Vernets fait pour l'instant l'objet d'un accord entre Genève et la Confédération, selon lequel Genève doit avoir une caserne. Dans cette salle, nous devrions être environ une centaine et je pense qu'il y a une centaine d'idées différentes sur ce que l'on pourrait faire à cet emplacement.
Donc, je ne comprends pas bien quelle est la technique de l'UDC, ni ce qu'elle veut faire avec une motion qui propose un concept qui n'est pas réfléchi, qui est bloqué et qui ne va que dans une seule direction. Peut-être l'UDC n'a-t-elle pas compris le rôle de notre parlement ni son fonctionnement. Je vous propose de ne pas perdre de temps avec cet objet et de le refuser.
M. François Thion (S). Je trouve cette motion de l'UDC quand même assez intéressante. Elle montre que, par rapport à des projets de société, nous avons des visions - vous, l'UDC et nous, les socialistes - complètement opposées. Ces oppositions concernent la lecture de la carte. Si j'ai bien lu votre motion, vous voyez un espace occupé par la caserne à côté d'une autoroute, à côté de l'Hôtel de police de la Queue d'Arve. Vous voyez la proximité du stade de Genève et du complexe sportif des Vernets. Donc, votre lecture de la carte est plutôt sécuritaire, voire même militaire.
Nous, les socialistes, quand nous regardons l'emplacement des Vernets, nous voyons autre chose. Nous voyons que nous sommes au bord de l'Arve, à côté de bâtiments universitaires, par exemple les bâtiments des sciences et ceux d'Uni Mail, à quelques minutes à pied du parc des Bastions et, en fait, quasiment au coeur de Genève. On peut aussi ajouter que le lieu est particulièrement bien desservi par les transports publics, avec la proximité du tram du côté de Plainpalais et du côté des Acacias.
Après la lecture de la carte vient le projet. Là aussi, nous sommes complètement opposés. Vous souhaitez répondre à la demande de sécurité en créant des logements provisoires pour des forces de sécurité, pour l'armée. Vous parlez même de police étrangère qui viendrait loger dans ces locaux. La vision socialiste de cet espace est de répondre à la demande genevoise de construction de logements à des prix abordables. Ce lieu est tout à fait favorable à la construction de logements, puisqu'il est, comme je l'ai dit, proche des transports publics, au centre-ville. Il est propice à la création de logements pour étudiants que le recteur de l'Université réclame. Voilà un lieu où l'on peut loger des étudiants. Il se trouve aussi à proximité d'équipements sportifs.
Notre vision implique aussi de ne pas trop densifier le quartier et de garder quelques espaces verts, si l'on construit des logements. Qui dit logements dit familles et qui dit familles dit enfants. Les enfants ont aussi droit à des lieux pour se balader.
En conclusion, je pense qu'il ne faut pas gaspiller ce terrain au centre-ville. La sécurité, bien entendu, est importante, nous autres socialistes en sommes conscients, mais je me demande si les idées que vous amenez à travers votre campagne électorale ne participent pas aussi d'une certaine insécurité à Genève.
La présidente. Le Bureau vous propose de clore la liste. Sont encore inscrits: MM. Blaise Matthey, Roger Deneys, Pierre-Louis Portier, André Reymond et Mme la présidente du Conseil d'Etat, Martine Brunschwig Graf.
M. Blaise Matthey (L). J'ai l'impression que, dans ce dossier, la musique veut aller plus vite que la partition. On le sait bien, il y a un accord avec la Confédération et il s'agit pour notre canton de le respecter. C'est la première des priorités.
Un deuxième élément est que l'armée est en constante évolution; les articles parus cet été nous l'ont montré. L'une de ses missions est la protection de la Genève diplomatique internationale - et c'est une mission que nous devons assumer en raison de notre vocation internationale et à laquelle la Confédération doit participer. Cette mission ne pourra évoluer que grâce à une pleine collaboration entre le canton et la Confédération.
Le troisième facteur que nous devons prendre en compte est la formation des troupes de sauvetage. Mesdames et Messieurs, à l'heure où la Suisse centrale est encore sous l'eau, victime de dégâts dus à la boue et au bois, la mission des troupes de sauvetage est plus que jamais essentielle. Nous avons la chance à Genève, conformément à notre vocation humanitaire, de participer à l'effort national pour le rétablissement des cantons atteints par des catastrophes naturelles. Nous nous devons de poursuivre cette mission et nous nous devons de le faire en pleine coopération avec la Confédération.
Vous l'avez vu, plus que jamais, dans le domaine des catastrophes naturelles, nous devons progresser. Nous offrons ici, à Genève, ce centre de formation aux jeunes Suisses qui n'aspirent qu'à une chose: servir leurs compatriotes qui se trouvent dans la détresse.
Alors, Mesdames et Messieurs, le groupe libéral, tout en comprenant le souci exprimé par la motion, ne la soutiendra pas, mais fera pleine confiance au Conseil d'Etat pour poursuivre les discussions qu'il a entamées avec la Confédération sur l'avenir du site des Vernets, sur l'avenir des missions confiées aux forces de sécurité et aux forces de sauvetage.
M. Roger Deneys (S). Pour compléter les propos de mon collègue socialiste, je dirai que nous sommes certes tout à fait attachés à la notion de centre de sécurité et, comme l'a rappelé mon collègue libéral, à la protection des organisations internationales à Genève. C'est effectivement une préoccupation majeure pour l'avenir de notre République.
La question se pose de savoir si les Vernets sont l'endroit idéal pour héberger un tel centre. Comme le rappelait tout à l'heure mon collègue François Thion, le site est à côté de l'Université, quasiment au centre-ville. Franchement, ce n'est pas particulièrement près ni de l'aéroport ni des organisations internationales. On peut donc se demander si l'endroit est particulièrement bien choisi.
Donc, si vous souhaitez réaliser un centre pour la sécurité à Genève, pour les troupes de secours, réalisez-le, mais ailleurs ! Justement, pour la caserne des Vernets, le Conseil d'Etat serait bien inspiré de rechercher dès à présent un autre site pour héberger l'armée et tout ce qui va autour, plutôt que de vouloir préserver le site des Vernets. Vous connaissez mes positions sur ce sujet: je suis tout à fait opposé à l'armée en général, mais pas à la sécurité en particulier. Le centre de sécurité doit exister, mais pas là.
Pour le reste, en termes de sécurité, si l'on pense au ballet d'hélicoptères qui, occasionnellement, tourne au-dessus de Plainpalais, on peut se demander quand l'un d'eux tombera sur les habitations: on sait comment cela se passe quand ils volent au ras des immeubles. C'est comme les avions: ça va, ça vient, et un jour ça tombe. Voilà 37 non !
M. Pierre-Louis Portier (PDC). J'aimerais vous dire d'emblée que le groupe démocrate-chrétien va refuser ce projet de motion, et ceci pour deux raisons.
La première a trait à la problématique développée par M. Thion. En effet, vous savez que le parti démocrate-chrétien fait depuis longtemps la promotion d'une nouvelle urbanisation du quartier des Acacias et que le premier site que l'on trouve, quand on arrive aux Acacias ou dans cette région-là, c'est le site des Vernets. Si un jour, l'armée décidait de ne plus utiliser ces différentes installations, nous pensons, comme les socialistes dans cette salle, que ce site devrait être dévolu prioritairement à du logement, ceci pour toutes les raisons qui ont été données, mais également pour la raison des transports - je vous rappelle que nous avons amené à grands frais sur la route des Acacias un tram qui est maintenant très performant et que cet éventuel futur quartier pourrait être très bien desservi, également par la ligne de tram des Acacias. Il s'agit, à chaque fois qu'on le peut, de rentabiliser les artères de transports publics.
Une autre raison, excellente me semble-t-il, pour ne pas répondre à une telle invite, c'est que, si vous discutez avec tous les spécialistes qui ont dû gérer la sécurité des grandes manifestations à Genève, comme celle du G8 - et je crois que l'on a appris beaucoup de choses à cette occasion - les manifestations contre l'OMC ou des manifestations sportives, ils vous diront que Genève est actuellement très mal équipée. En effet, le confinement de l'Hôtel de police en plein centre-ville pose d'énormes problèmes à la police. Dans ce genre de grandes manifestations, elle doit penser prioritairement à la sécurité de la population, mais elle doit également penser à sa propre sécurité - celle de ses hommes et celle de ses équipements opérationnels. De ce point de vue là, avoir un centre de sécurité situé en plein centre urbain serait une erreur grave. Nous pensons que les futures installations de la police devraient se situer en bordure de ville, proches de grands axes de circulation qui permettent les arrivées et les départs du personnel affecté aux différentes tâches, et qui permettraient surtout d'éviter d'être encerclées par d'éventuels manifestants.
Je ne m'étendrai pas sur le sujet: je ne suis pas un technicien de ces problématiques. Je crois que nous en avons tous bien compris les différentes interrogations. C'est dire que cette solution que vous préconisez n'est certainement pas la bonne. En tout cas voilà déjà, pour nous, deux bonnes raisons de ne pas accéder à votre demande.
M. André Reymond (UDC). Je comprends très bien la position de chaque groupe. Un groupe aimerait faire du logement, on en a parlé ici, un autre groupe aimerait avoir des forces de sécurité à l'extérieur de Genève. J'aimerais quand même vous rappeler une chose: si nous voulons faire quelque chose avant vingt ans, nous sommes obligés de le faire en partenariat avec la Confédération, vu l'état de nos finances - comme je me suis permis de le dire tout à l'heure.
Alors, si l'on dit qu'il faut mettre un centre de sécurité ou la police à l'extérieur de la ville, à ce moment-là, si l'on veut des logements, pourquoi ne pas mettre la caserne des pompiers de Plainpalais à Jussy? Je pense qu'il y a dans le centre des Vernets un lieu très important pour notre armée, pour le centre de formation de l'ONU et aussi pour notre police. Le fait d'avoir un tram très performant à la route des Acacias, c'est très bien, évidemment, mais je vous signale que les voitures de police peuvent aussi circuler et se trouvent à quelques mètres de l'entrée de l'autoroute vers la route des Jeunes.
Je pense que c'est une solution qui a en tout cas le mérite de susciter que le Conseil d'Etat agisse auprès de la Confédération. En effet, comme je l'ai dit tout à l'heure, à Genève, il y a des choses qui devraient être faites mais qui ne le sont pas, et notre chef de l'armée et notre président de la Confédération attendent un signe clair de notre Conseil d'Etat.
L'Université aimerait aussi avoir des logements aux Acacias, à la place de la caserne des Vernets, mais elle a déjà le centre de police de la Gravière, où il y a déjà 16 000 m2. Ce sont des locaux pour l'instruction, pour l'Université.
Evidemment, à Genève, on doit construire. On doit faire beaucoup de choses à Genève, mais au moins l'UDC propose quelque chose, et évidemment les électeurs prendront note que la majorité des partis est contre les propositions de l'UDC.
Mme Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat. Si seulement le groupe UDC, aux chambres fédérales, avait été aussi bien informé de ce que la Confédération fait ou ne fait pas que M. André Reymond ne l'était, lorsqu'il a refusé le budget militaire en décembre 2004 ! Vous jugerez aujourd'hui d'après ce que je m'apprête à dire, de l'information dont dispose M. André Reymond pour vous proposer cette motion et la défendre. J'ai suffisamment assisté au spectacle du groupe auquel il appartient, attaquant Samuel Schmid pendant deux heures, pour me permettre aujourd'hui de vous dire que ni Samuel Schmid ni le chef de l'armée ne peuvent soutenir cette motion et adhérer aux propos de M. André Reymond.
Il n'est pas exact que le chef du département militaire ou le chef de l'armée attendent du canton de Genève et du Conseil d'Etat en particulier une prise de position quant à la caserne. Pourquoi ne l'est-il pas ? Pour les raisons suivantes: nous avons écrit à la Confédération au mois de février pour savoir, avant de décider de l'affectation de la caserne, ce que la Confédération entendait faire avec l'armée à Genève. A cette occasion, nous avons dit notre attachement à la défense de la Genève internationale et à la formation de troupes de sauvetage, dont l'importance dans les temps que nous vivons a été rappelée tout à l'heure.
Nous avons récemment reçu de la Confédération l'assurance que, premièrement, la mission de défense de la Genève internationale par l'armée se poursuivrait - je vous rappelle que Euro 2008 aura besoin de cet appui-là - et, deuxièmement, que les troupes de sauvetage viendraient se former à Genève, à la caserne - comme c'est le cas aujourd'hui, Monsieur le député. Il est faux de dire que les troupes de sauvetage séjournent ailleurs ou sont formées ailleurs qu'à la caserne. Cette caserne n'a jamais eu un taux d'occupation aussi élevé. Il est vrai que la salubrité n'est pas satisfaisante. Un projet de loi à ce sujet est à l'étude. Il est vrai que le DAEL, et je l'en remercie, a pris des dispositions pour assainir un minimum de choses. Cela a été fait.
Monsieur le député, nous n'attendons pas que le Grand Conseil, parce que ce n'est pas son rôle, vienne nous dire de rencontrer le chef de l'armée pour en discuter. A la fin juin a eu lieu une séance à laquelle le chef de l'armée, mon collègue Moutinot et moi-même étions présents. Nous avons appris, de la part de l'armée, ce que nous souhaitions savoir: c'est-à-dire où se trouvent les besoins, une fois que la mission est confirmée. A l'issue de cette séance, nous avons appris que le lieu d'Epeisses serait, dans le futur, un lieu idéal pour l'armée, afin qu'elle y développe ses activités. (L'oratrice est interpellée.)Pardon ? Alors, je prends note que le député André Reymond, par ailleurs conseiller national, va diriger l'armée prochainement.
Pour ce qui me concerne... (L'oratrice est interpellée.)...et suite à vos belles recommandations de tout à l'heure: oui, nous nous sommes concertés; oui, nous avons discuté; oui, nous connaissons la position de l'armée; et oui, nous allons maintenant entrer en discussion pour savoir comment réaliser ce principe-là. Non, cela ne va pas se faire en 2007 et en deux coups de cuillère à pot: il faudra réaliser cela d'ici à 2010. Oui, le chef du DAEL est en accord avec sa collègue du DAM et avec le Conseil d'Etat, qui accepte et signe les lettres, pour dire que nous allons ensuite devoir discuter de ce que nous ferons de la caserne. Mais faisons les choses dans l'ordre, s'il vous plaît.
Ce n'est pas parce qu'il vous plaît davantage d'installer aux Vernets un centre de sécurité, contre le voeu de l'armée, que je vais aujourd'hui, suite à vos belles recommandations, recommencer un deuxième tour de discussions que nous avons eu toutes les peines à mettre sur pied et revenir sur des renseignements que nous avons eu toutes les peines du monde à obtenir. Si j'avais un voeu, Mesdames et Messieurs les députés, je ne serais plus là pour recevoir vos belles motions. Cependant, je vous promets que le Conseil d'Etat aura à coeur de trouver la meilleure solution.
Les appétits sont grands. La surface aussi, mais elle ne pourra pas répondre à tous les voeux. Je crois vraiment que le Conseil d'Etat, en accord avec la Ville de Genève, cherchera les meilleures solutions à vous proposer le moment venu. Voilà pourquoi je vous suggère de refuser cette motion le coeur léger, tranquillisé. Je suggère à M. le député André Reymond qu'il ait à l'avenir recours à de meilleures sources de renseignements. (Applaudissements.)
Mise aux voix, cette proposition de motion est rejetée par 65 non contre 8 oui et 1 abstention.
Suite du premier débat
M. Jacques Pagan (UDC), rapporteur de majorité. Mes excuses pour avoir fini ce rapport de majorité avec beaucoup de retard. J'ai vu, lors de notre dernière séance du Grand Conseil, que je n'étais pas le seul à accumuler les années de retard dans le traitement des affaires courantes: Mme de Haller s'était excusée pour avoir remis un rapport avec un retard de quatre ans, mais le Conseil d'Etat lui-même a fait mieux en transmettant à notre Grand Conseil des rapports avec quinze ou vingt-deux ans de retard. Je m'estime donc encore dans la norme. Enfin, c'est ainsi.
Autre remarque que je voulais faire: le texte, résumé mais essentiel, de mon rapport contient une coquille à la page 2, au point 4 de l'historique: «Sur proposition du représentant du projet de loi appuyé en cela par son homologue radical et le représentant du PS, ce projet a été finalement renvoyé, [...]». Il ne s'agit bien entendu pas du projet de loi. Simplement, j'avais écrit dans mon texte d'origine «pl» pour parti libéral et la personne qui a transcrit cette vérité première a mis «projet de loi» au lieu de «parti libéral». Je tenais simplement à préciser les choses.
Quant au fond du rapport de majorité, je m'en tiendrai à ce qui a été dit, discuté et décidé lors de nos travaux. J'aimerais simplement préciser pour qu'il n'y ait pas de doute dans l'esprit des gens qui nous regardent et qui ne sont pas exactement au fait du texte concerné: il vise non pas la révision totale de notre constitution, ce n'est pas l'objet du projet de loi incriminé. Le projet de loi incriminé prévoit simplement l'ajout, dans notre constitution, d'une disposition nouvelle prévoyant qu'une constituante soit chargée dans une période déterminée de revoir notre constitution cantonale dans son intégralité.
Brièvement résumés, les motifs ayant amené la majorité de la commission à refuser ce projet de loi sont les suivants: la commission a estimé que la création d'une constituante est inutile. En effet, notre constitution de 1847, qui servait d'exemple à ce projet de loi, a été remaniée à plusieurs reprises. Elle permet aujourd'hui sa révision totale ou partielle soit par le droit d'initiative de chaque député, soit par le droit d'initiative populaire moyennant la signature de 10 000 citoyennes et citoyens. Ainsi, la constituante en tant que nouveau moyen de modifier la constitution n'apporte rien de neuf.
La commission a également pris en compte les dangers d'une révision totale de la constitution. Notre constitution actuelle est le résultat historique de combats politiques qui ont abouti à des majorités, notamment dans le secteur du logement et de la protection des locataires. On peut craindre que, par le biais d'une révision totale de la constitution, tout cet édifice construit à force d'opiniâtreté et avec difficulté ne s'écroule du jour au lendemain.
La majorité de la commission a également pris en compte le fait que le principe d'une révision totale n'est pas une nécessité en soi. Elle en veut pour preuve l'exemple historique de la tentative de révision de la constitution: en 1847, l'article 47, qui prévoyait la possibilité de recourir à une constituante, seule voie possible à l'époque pour modifier la constitution, devait être modifié. Cette disposition légale a donné lieu à neuf scrutins qui ont tous été négatifs, sauf en 1862, quand le projet de constitution issu des travaux de la constituante a été rejeté par le peuple. Ce principe, historiquement, n'a donné aucun bon résultat. C'est une des raisons pour lesquelles la majorité de la commission a refusé ce projet de loi.
On s'est également posé longuement la question de savoir quand donc cette révision de la constitution par une constituante devrait intervenir: tous les cinq ans, tous les dix, quinze, vingt ou cinquante ans ? Personne, bien évidemment, n'est à même de trouver une réponse à cette question.
Quant à la désignation relativement abstraite des membres de la constituante contenue dans le projet de loi, on a pensé qu'elle n'était pas adaptée. Le texte prévoit que cette assemblée soit composée de cent personnes âgées de plus de seize ans et élues par le Conseil général au scrutin de liste, d'après le principe de la représentation proportionnelle tempérée par un quorum de 3%. Avoir des personnes de plus de seize ans semble une définition un peu légère des membres de cette constituante appelés à siéger. Il faut quand même, lorsqu'il s'agit de prévoir une révision totale de la constitution, avoir un minimum de formation et de connaissances dans le domaine qui nous intéresse, ce qui n'exclut naturellement pas l'originalité des idées et le courage de soutenir des thèses novatrices.
La commission dans sa majorité a pris en compte le fait que ces systèmes de constituantes correspondent à un effet de mode et que certains cantons en ont usé simplement par le fait que leur législation constitutionnelle ne permettait pas d'autre recours pour modifier le droit constitutionnel existant. Je crois que ces expériences ne se sont pas toutes bien passées et je ne pense pas qu'actuellement, avec le recul du temps, les expériences faites à Fribourg et dans le canton de Vaud ne soient pleinement satisfaisantes.
C'est pour cela que la majorité de la commission a émis une décision négative à l'endroit de ce projet de loi. Mon rôle ici était de vous dire grosso modo en quoi consistait la position de cette majorité telle qu'exprimée à l'époque. Je sais qu'aujourd'hui ce problème de la révision totale de la constitution par le biais d'une constituante refait surface, et que ce qu'il est convenu d'appeler la société civile a concocté un sujet dont il a été abondamment fait état dans la presse.
La présidente. Il faudrait terminer, Monsieur le rapporteur.
M. Jacques Pagan. Nous sommes maintenant saisis d'un projet d'amendement du groupe radical concernant ce PL 8163-B. La commission législative n'était bien entendu pas du tout chargée d'examiner cette proposition d'amendement dont elle ne disposait pas à l'époque, mais mon rôle était simplement de vous rappeler les motifs pour lesquels la majorité de la commission avait refusé ce projet de loi. Il appartiendra bien entendu aux différents groupes de s'exprimer quant à la suite de la procédure.
La présidente. Le Bureau vous propose de clore la liste. Sont encore inscrits: M. Hiltpold, M. Barrillier, Mme Bolay, M. Gros, M. Aubert, M. Grobet, M. Rossiaud, M. Pétroz, M. Catelain et M. Charbonnier.
M. Hugues Hiltpold (R), rapporteur de minorité ad interim. Je voudrais tout d'abord rappeler que tous les cantons ont procédé à des révisions constitutionnelles, à l'exception du canton de Genève; que la constitution genevoise est parmi les plus anciennes de Suisse; qu'elle respire l'air de son temps et ne traduit plus la réalité actuelle, selon les dires du professeur Auer.
Le groupe radical, Mesdames et Messieurs, a déposé ce projet de loi en 1999. Ce projet de loi demandait une révision de la constitution sur décision du souverain, effectuée par un double mécanisme: soit par le Grand Conseil, soit par une assemblée constituante composée de cent personnes âgées de plus de seize ans et élues par le peuple.
Ce projet de loi, je vous l'ai dit, a été déposé en 1999. Il a été approuvé en 2001 par la commission législative, soutenu par les socialistes, les démocrates-chrétiens et les radicaux. Puis, il a été traité par le plénum en novembre 2001 et a été renvoyé à la commission législative avec pour mandat de clarifier la teneur de la disposition constitutionnelle, notamment sur les conditions d'éligibilité des cent personnes appelées à former l'assemblée constituante.
Le projet de loi a été refusé en 2003 par la commission législative, M. Pagan en a fait état. Les personnes qui l'ont refusé étaient un socialiste, les Verts, l'UDC, les démocrates-chrétiens et les libéraux. Le constat que l'on peut faire est qu'entre 2001 et 2003 tous les partis ont changé d'avis à l'exception du parti radical, qui a toujours gardé la volonté d'une révision constitutionnelle et à l'exception des Verts, qui s'y sont toujours opposés, même s'il est vrai que ces derniers temps M. Hodgers avait une position quelque peu différente par la voie de presse.
On peut relever également, et c'est intéressant, que l'Alliance de gauche est aussi favorable à une révision constitutionnelle. La chronologie permet de constater qu'en janvier 2003 nous n'avions aucune majorité parlementaire pour soutenir une révision de la constitution. Le rapport était alors en cours de rédaction, avec des délais un peu trop longs, M. Pagan en a fait état.
C'est ce qui a donné lieu, en 2005, soit deux ans plus tard, à une action de la société civile proposée par des spécialistes en droit constitutionnel et par quelques politiciens éclairés qui considéraient que Genève avait beaucoup à gagner d'une révision complète et totale de la constitution par le truchement d'une assemblée constituante. Les radicaux s'en réjouissent et appellent les autres partis qui sont encore frileux et hésitants, à saisir l'appel de la société civile.
Vous le savez, les radicaux, forts du constat de dérive de fonctionnement de nos institutions, ont déposé un projet de loi demandant une refonte complète de nos instituions. Cette proposition pour améliorer la gouvernance de notre canton s'insère parfaitement dans le cadre de ce projet de loi puisque ce dernier donne précisément la possibilité au souverain de choisir si la révision constitutionnelle doit s'effectuer par une assemblée constituante ou par le Grand Conseil.
A ce titre, j'annonce le dépôt d'un amendement que vous avez tous sur votre table sur l'article 180 de la constitution, qui n'est rien de nouveau, Monsieur Pagan, rassurez-vous: il reprend simplement la version qui avait été approuvée par la commission législative en 2001 et qui se trouve en page 15 du rapport. En conséquence du refus d'entrer en matière de la commission législative, il n'y a eu aucune discussion article par article. C'est la raison pour laquelle nous devons aujourd'hui nous prononcer sur cet amendement.
Je conclurai simplement en vous disant que ce projet de loi en tant que tel ne résout rien dans l'immédiat. Il donne en revanche la possibilité de faire bouger les choses et de régler à terme les problèmes que rencontre aujourd'hui notre République, en envisageant une nouvelle constitution qui sera élaborée soit par le Grand Conseil, soit par une assemblée constituante. Il est vrai qu'une position toute personnelle me force à penser qu'une assemblée constituante serait la meilleure des options.
Je vous invite par conséquent, Mesdames et Messieurs, à réserver un accueil favorable à ce projet de loi en entrant en matière, et à saisir la chance historique qui se présente à notre Conseil de modifier notre constitution, en gardant à l'esprit la forte mobilisation de la société civile pour que l'on puisse enfin engager un processus de révision constitutionnelle. Genève en a bien besoin. (Applaudissements.)
M. Gabriel Barrillier (R). Lorsqu'en 1999, les radicaux ont déposé ce projet de loi pour faciliter la révision totale de la constitution, c'était après avoir constaté que nos institutions étaient en voie d'être paralysées; c'était après avoir constaté les problèmes de doublons entre l'Etat et les communes, les doublons et les tensions entre l'Etat et la Ville de Genève, les questions de péréquation entre les communes et le canton, le fonctionnement du Grand Conseil...
Le projet de loi avait pour but de faciliter une remise en ordre, de mettre les cartes sur la table pour améliorer le fonctionnement de nos institutions. Depuis lors - cela fait six ans - est-ce que la situation s'est améliorée ? Dites-le moi ! Est-ce que notre Grand Conseil travaille mieux ? Est-ce que les problèmes entre le canton et les communes se sont réglés ? Souvenez-vous de la révolte des communes ce printemps au sujet du budget 2005 ! Est-ce que les relations entre la Ville de Genève, un poids lourd, et le canton sont au beau fixe ? Est-ce que la création d'une Cour des comptes va améliorer les choses ?
M. Renaud Gautier. Bien sûr !
M. Gabriel Barrillier. Mesdames et Messieurs, le fonctionnement de nos institutions est grippé. Que lit-on dans le rapport affligeant et creux - je vous le dis, Monsieur Pagan - que lit-on dans votre rapport de majorité ? Que lit-on dans la conclusion de la majorité de cette commission ? «Il est aujourd'hui tout à fait possible de "faire bouger les choses"» - évidemment, on lit ces jours des slogans de la gauche qui veut faire bouger des choses, et de l'UDC, qui veut tirer sur les institutions. Je m'étonne un peu de cette alliance entre ceux qui veulent faire bouger les choses et ceux qui ne sont pas contents des institutions. (Protestations.)Je continue ma lecture, «de "faire bouger les choses" dans le sens esquissé dans le projet de majorité du 18 septembre 2001, en réorganisant, par exemple, totalement l'Etat».
Qu'a-t-on fait depuis lors ? Rien ! Toutes les tentatives ont échoué. C'est vrai qu'on a fait du bricolage, qu'on essaie de créer une cour des comptes. On fait du coup par coup. Nous avons essayé de modifier, de réviser des pans entiers de notre législation, par exemple l'aménagement du territoire ou la construction. Ce sont des révisions partielles qui sont vouées à l'échec. C'est du bricolage.
Dès lors, ce n'est pas une question de mode, Monsieur le rapporteur de majorité, c'est une nécessité. La seule solution pour remettre l'Etat et les institutions en marche, c'est de désigner un organe qui puisse organiser ces questions en toute sérénité. Or, dans le rapport de majorité, que lit-on ? Nous voyons les motifs qui ont poussé cette majorité à refuser l'entrée en matière. En fait, la majorité a peur du peuple. D'ailleurs, on lit dans les sous-titres: «Les dangers d'une révision totale de la constitution». Comme si d'améliorer le fonctionnement des institutions et de l'Etat était un danger. Cela traduit l'esprit dans lequel cette majorité de circonstance a décidé de ne pas entrer en matière.
Ensuite, on assiste à une alliance et à une addition des immobilismes. Vous l'avez dit: le danger de mettre en cause les acquis, le droit au logement, l'énergie, etc. Du côté de la droite, il y a une la méfiance à l'égard d'une partie de la population. Il est dit: «Il est saugrenu et inacceptable de songer à pouvoir conférer la qualité de membre de la constituante à des jeunes sans formation». Et alors ? Tout le monde n'a pas fait l'université, tout le monde n'a pas fait le Poly, Monsieur le rapporteur de majorité !
M. Renaud Gautier. Lui non plus !
M. Gabriel Barrillier. Tout à fait !
Dès lors, nous estimons qu'il est urgent de reprendre cette affaire et de voter ce projet de loi puisque, et ce sera ma conclusion, l'expérience montre que la meilleure façon de réviser la constitution dépend du génie des cantons. En Suisse alémanique, par exemple, les Grands Conseils ont réussi cet exercice. Peut-être sont-ils plus patients que nous, plus gründlich.En Suisse romande, la tradition veut que ce soit plutôt une constituante. Moi, je constate qu'en tout cas, à Genève, voyant l'efficacité de notre Grand Conseil, il y a fort à parier que jamais nous n'arriverions à modifier et à réviser cette constitution. Dès lors, je vous prie de voter ce projet de loi et, ensuite, d'accepter l'amendement radical.
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Mme Loly Bolay (S). Je tiens tout d'abord à faire deux remarques. La première s'adresse au rapporteur de majorité: je regrette que le rapport ait été rendu aussi tardivement, parce qu'il est vrai, vous l'avez dit vous-même, qu'il est un peu gros d'accepter des rapports rendus avec plus de deux ans de retard.
Ma deuxième remarque concerne ce que vous avez dit par rapport aux effets de mode. Monsieur le député, je ne crois pas du tout que cela soit un effet de mode. Une constitution doit suivre l'évolution de la société, et je rejoins tout à fait les propos des préopinants radicaux.
Le parti socialiste n'est a priori pas opposé à ce projet de loi. Toutefois, notre parti n'a pas encore pris de décision.
M. Pierre Froidevaux. Cela ne m'étonne pas !
Mme Loly Bolay. Certains considèrent que la révision est nécessaire. D'autres, à juste titre, craignent qu'effectivement une partie des acquis ne soient remis en cause.
Cependant, nous pensons qu'il est urgent d'attendre. Pourquoi est-il urgent d'attendre ? (Protestations.)Parce qu'il y a un projet en consultation chez tous les partis. Nous savons qu'une partie de la société civile demande une révision, mais nous pensons aussi que, si nous acceptons aujourd'hui ce projet de loi, il va falloir remettre l'ouvrage sur le métier et revenir ensuite sur le projet de loi actuellement en consultation.
Par conséquent, le parti socialiste vous propose soit de geler ce projet de loi, soit de le renvoyer en commission pour attendre le nouveau projet de loi et faire ensuite l'étude sur les deux propositions.
M. Jean-Michel Gros (L). Mesdames et Messieurs les députés, vous dire que l'enthousiasme au sein du groupe libéral à l'idée d'une révision totale de la constitution est délirant serait fortement exagéré. Notre texte fondamental est sûrement surchargé. Il entre trop dans les détails. Le juriste le mieux armé est sans doute découragé à sa lecture, mais nous sommes d'avis qu'une révision totale se justifie particulièrement dans des périodes de crise ou lors de changements politiques majeurs. (L'orateur est interpellé.)Cela a été le cas, Messieurs les radicaux, en 1847; cela aurait pu être le cas... ( Chahut.)...si par exemple Genève avait fusionné avec le canton de Vaud. Or, on n'observe rien de tout cela, actuellement.
M. Pierre Froidevaux. Aveugle !
La présidente. Monsieur Froidevaux, s'il vous plaît !
M. Jean-Michel Gros. Certes, le fonctionnement de l'Etat mériterait un sérieux coup de balai, mais des révisions partielles sont parfaitement possibles: faire passer le nombre de conseillers d'Etat de sept à cinq, nommer un président ou un gouverneur pour quatre ans, cela est parfaitement possible par une révision partielle. Les autres cantons, Mesdames et Messieurs, ont certes révisé leur constitution et la Confédération aussi. Toutefois, il s'agit en fait davantage de toilettages que de réelles révisions.
Dans un canton aussi politiquement conflictuel que Genève, de réelles nouveautés apportées dans une nouvelle constitution ne feraient qu'accumuler les oppositions et le vote populaire final serait à coup sûr un échec. D'ailleurs, ce fut le cas la seule fois, en 1862, où l'on a tenté l'exercice, et M. Pagan l'a rappelé.
Un autre élément qui réfrène notre enthousiasme est le fait que lorsque nous avons demandé le retour du projet en commission législative, nous avions imaginé que celle-ci trouverait une solution moins lourde pour arriver au même but. Quatre votations populaires, c'est quelque chose de lourd et de coûteux. Un simple projet de loi de notre Conseil suffirait pour entamer la révision. Or, la lecture du rapport de majorité et du rapport de minorité ne nous indique pas si la commission a examiné une voie plus simple.
Depuis nos débats de 2001, un élément nouveau est cependant apparu: un groupe de réflexion a été créé sous l'impulsion du professeur Auer. Ce groupe rassemble des personnes de tous horizons et de toutes sensibilités politiques. Le groupe libéral n'est pas insensible à cette démarche, et quelques-uns d'entre nous participent à ce groupe de réflexion. Il y a l'enthousiasme du professeur Auer; il y a le scepticisme du professeur Aubert, qui a participé à la révision de la constitution neuchâteloise et parle de «thérapie de groupe». Entre ces deux pôles, le groupe libéral ne s'est pas encore fait son opinion.
Un autre élément est apparu: la campagne du parti radical, qui fait une place essentielle, dans son programme électoral, à la révision de la constitution. Nous serions malvenus, nous libéraux, de nous opposer trop violemment à un projet qui tient tant à coeur à nos alliés de l'Entente.
En conclusion, le groupe libéral n'a pas une opinion unanime sur ce sujet. Les votes de ses membres seront donc divers. Cependant, nous tenons à ce qu'un amendement soit adopté au cas où l'entrée en matière était acceptée. Il s'agit de l'article 180 alinéa 2 qui fait d'ores et déjà l'objet d'un amendement de M. Hiltpold, amendement que nous déposons également, le cas échéant, mais complété, qui dirait que l'assemblée constituante serait composée de citoyens jouissant des droits politiques. On évitera ainsi une pseudo-révision anticipée qui prévoirait d'avance l'abaissement de l'âge de la majorité civile, refusé il y a peu, je vous le rappelle, par notre Grand Conseil, et l'ouverture des droits civiques cantonaux aux étrangers, qui n'était même pas prévue par les auteurs de l'initiative J'y vis, j'y vote !En tout état de cause, si nous devions entrer en matière et que cet amendement n'était pas accepté, je peux vous assurer que le vote des libéraux serait unanimement négatif.
M. Claude Aubert (L). Dans la suite de ce qu'a dit mon collègue Gros, je vais prendre la parole. Vous remarquerez au passage que le parti libéral favorise la diversité des opinions et une discussion serrée et que, ainsi, toute une série de points peuvent être discutés dans un esprit de créativité.
J'aimerais vous parler d'abord du jass et de la belote. Vous savez qu'il y a un moment où l'on doit reprendre les cartes, on les brasse et on les redistribue. Redistribuer les cartes, c'est le moment où l'on a envie de changer le jeu et de recommencer une autre partie. Trois points pour mon argumentation.
Premier point: nous sommes ici, et nous le connaissons par coeur, dans un équilibre gauche-droite. L'équilibre gauche-droite a un intérêt majeur: il évite à tout le monde de réfléchir puisqu'il suffit d'être contre ce que dit l'autre. Par conséquent, s'il s'agissait de changer quelque chose - et semble-t-il, un parti a comme slogan Il faut que ça change! -est-ce que nous réunirions actuellement les conditions d'un changement, dans une situation dans laquelle il suffit de ne pas penser et où il suffit d'être contre ?
Deuxième point: s'il y a une constitution, à quelle population convient-elle ? Est-ce que la population du XIXe siècle avait les mêmes problèmes ou les mêmes contraintes que notre population à nous...? Par conséquent, nous devons nous poser la question de la population. Notre population, actuellement, au XXIe siècle, est confrontée à une complexité de problèmes absolument gigantesques, qu'elle ne peut pas maîtriser. En général, quand on ne maîtrise pas les problèmes, on fait pile ou face et cela veut dire des votations à 48 contre 52 ou 49 contre 51 voix. Le pile ou face ne signifie pas du tout que l'on s'occupe vraiment de la solution des problèmes, mais que l'on essaie de se dépatouiller dans un monde tellement complexe que plus personne ne peut vraiment avoir les idées claires.
Ensuite, troisième point: je suis frappé de voir à quel point la population genevoise et, je pense, un certain nombre de députés dont je fais probablement partie, ne sont pas conscients de la réalité de nos institutions. Nous parlions tout à l'heure de la guerre. Je pense que pour vous et pour nous c'est un énorme problème de savoir au fond pourquoi des Etats sont stables, pourquoi des collectivités peuvent durer des siècles et pourquoi des communautés peuvent exploser en quelques minutes, en quelques jours, en quelques semaines. C'est un problème politique mais aussi un problème philosophique majeur. Qu'est-ce qui fait qu'un groupement humain peut être stable et, pour être moderne, durable ? Cela m'intéresserait bien de savoir, s'il y avait une enquête auprès de la population genevoise, qui sait ce que signifie la séparation des pouvoirs. Je suis persuadé que neuf citoyennes et citoyens sur dix à Genève pensent que l'on élit le Grand Conseil, que le Grand Conseil donne des ordres au Conseil d'Etat et que l'on a une structure verticale. Cette conception doit être bien évidemment expliquée et réexpliquée. Le fait de parler de constitution, de lancer dans le public cette notion-là permettrait peut-être de rafraîchir énormément le savoir de la population sur la vérité de nos institutions.
C'est pourquoi, en ce qui me concerne personnellement, ce dernier point serait un argument pour un vote: comment on peut montrer à notre population qu'il faut connaître les institutions pour pouvoir les utiliser et que des institutions qui sont claires permettent à une population de durer au cours des siècles. (Applaudissements.)
M. Christian Grobet (AdG). Notre fraction est opposée à ce projet de loi, ce qui ne vous étonnera pas. Il y a plusieurs raisons à cela.
D'abord, nous considérons que notre constitution actuelle va tout à fait bien. Nous ne voyons pas quel problème il y aurait en relation avec cette constitution, d'autant plus qu'elle fixe des principes. Il y a très peu de règles, dans la constitution, qui sont applicables directement: elles sont concrétisées par les lois figurant dans notre législation genevoise.
Il y a, par exemple, au début de la constitution, les droits et libertés, notamment en matière d'arrestation. Du reste, ces règles qui sont directement applicables figurent dans la loi. Les dix premiers articles de la constitution ont fait l'objet, il y a vingt ans, d'un travail extrêmement soigné avec feu le professeur Dominique Poncet. A mon avis, il n'y a rien à modifier à ces principes.
A part cela, il y a un certain nombre de règles directement applicables, mais souvent ce sont, comme je l'ai dit, des principes. Donc, si l'on veut modifier aujourd'hui des questions, notamment en matière de politique du logement ou de politique fiscale, ce n'est pas au niveau de la constitution qu'il y a lieu d'intervenir mais au niveau de la législation.
Deuxièmement, se lancer dans l'exercice d'une révision complète de la constitution mobilise beaucoup d'énergie et de temps. Souvent, ces révisions de constitutions - je pense notamment à celle de la Constitution fédérale - font vraiment penser à des montagnes qui accoucheraient de souris. C'est vrai que l'on peut faire le toilettage d'une constitution - c'est ce que l'Assemblée fédérale a fait pour la Constitution fédérale.
Ce que nous craignons, c'est qu'à travers ce toilettage de la constitution, certaines formations politiques veuillent remettre en cause des règles précises qui ont été introduites à la suite de votations populaires. Nous trouvons totalement inadmissible, sous couvert de moderniser la constitution, de modifier en fait des choses au détriment de victoires populaires. Surtout, je crois que le véritable motif - notamment, bien sûr, de la part de ceux qui ont déposé ce projet de loi, les radicaux - a été clairement dévoilé récemment: il s'agit, sous couvert d'une révision générale, de procéder à une révision tout à fait particulière consistant à diminuer les droits populaires.
Déjà, le professeur Auer a contribué à amener des interprétations restrictives des droits populaires. Je le déplore vivement. Mais on voit qu'il en résulte une attitude plus restrictive du Tribunal fédéral en matière de contenu des initiatives populaires. Ce que le parti radical souhaite, lui, c'est une augmentation du nombre de signatures pour les initiatives et tout particulièrement pour les référendums.
On vous comprend, Mesdames et Messieurs les radicaux, enfin, Messieurs, je ne vois pas de dame. Ah, oui, il y a la présidente. ( Chahut.) Je m'excuse ! Je ne m'adressais pas à la présidente, parce qu'on sait qu'elle est, vous l'avez démontré du reste, très indépendante. Messieurs les radicaux, ce que vous souhaitez, c'est augmenter le nombre des signatures pour les référendums, pour bâillonner le peuple. Vous voulez cela et vous avez peur de passer devant le peuple.
Hier soir, j'ai été rassuré. J'étais à un débat à Lausanne devant les partis radical, démocrate-chrétien et libéral et j'ai entendu les représentants de ces partis dire que c'est une bonne chose que l'accord bilatéral et que les mesures d'accompagnement soient soumis à la votation populaire, et que le peuple tranche sur ces questions. On constate qu'à Genève, ce que vous voulez, c'est surtout éviter que le peuple ne se prononce.
On comprend qu'après les référendums de la législature qui est en train de se terminer, dont la quasi-totalité a été approuvée par le peuple, tout particulièrement - et évidemment M. Barrillier s'en souvient - les trois référendums que nous avons lancés contre vos tentatives de démantèlement de la protection des locataires dans le cadre de la LDTR - non, non, ne secouez pas la tête, parce que vous êtes devenu raisonnable, Monsieur Barrillier, vous avez même dit à vos amis politiques que c'était le moment d'arrêter de vouloir saucissonner cette loi et de tenter de diminuer la protection des locataires dont on a bien besoin avec l'explosion des loyers à Genève ! Il y eu d'autres cas, notamment les huit votations du mois d'avril; je comprends, Messieurs les radicaux, que cela vous soit resté en travers de la gorge.
J'aimerais simplement dire que récolter sept mille signatures pour un référendum ou dix mille signatures pour une initiative, ce n'est pas du tout facile, cela demande beaucoup de travail sur le terrain. Aujourd'hui, c'est vrai qu'il est difficile de mobiliser des gens pour aller, dans la rue, récolter des signatures. Par voie de conséquence, nous disons tout de suite que nous sommes totalement opposés à cette volonté que vous affichez de diminuer les droits populaires et nous nous battrons.
Si cette loi devait finalement être adoptée...
La présidente. Il faudrait terminer, Monsieur le député !
M. Christian Grobet. ...il est clair que nous recommanderions de rejeter toute modification de la constitution, qui aurait pour effet de diminuer les droits populaires et de supprimer des dispositions qui ont été acquises par des initiatives acceptées ces dernières années par le peuple.
M. Jean Rossiaud (Ve). Les textes sur lesquels on se prononce actuellement ont été écrits il y a déjà cinq ans et ont été reformulés, depuis. On est aujourd'hui dans une autre période et de plus en plus de Genevoises et de Genevois des milieux politiques et de la société civile estiment qu'il faut réviser entièrement la constitution.
Dans notre programme, le programme des Verts pour la prochaine législature, la révision totale de la constitution est une partie importante. Nous avons tranché, en assemblée générale et, même s'il y a encore beaucoup de débats à l'interne, sur la manière dont cela devrait se faire, nous sommes acquis au principe de cette révision.
Maintenant, la question qui se pose est la suivante: pourquoi une nouvelle constitution ? A mon avis, cela permet de mobiliser de manière importante et d'un seul coup l'ensemble des secteurs de la société civile pour repenser le politique. Cela permet également, dans un deuxième temps, de voir si les représentants politiques sont en adéquation avec les représentés, c'est-à-dire la société civile. C'est pour cela que nous soutiendrons les projets de constituante.
Lorsque l'on fait un projet aussi important que celui de réécrire une constitution pour une collectivité publique, pour un Etat, c'est un moment historique. Je pense qu'il faut s'y prendre avec précautions et qu'il est important de mettre l'ensemble des projets de constituante dans le même mouvement. Le projet radical tel qu'il est présenté est trop restrictif, trop précis.
Nous proposons donc de revoir tout cela en commission pour plusieurs raisons: nous partons du principe que la révision pourrait être faite par une constituante et - ou - par le parlement. Nous sommes très clairement opposés à ce que le parlement prenne en charge la révision de la constitution, pour les raisons que je viens d'évoquer. Nous préférerions qu'une constituante prenne en charge la rédaction de la constitution pour laisser le plus large accès possible à la société civile. Cela veut dire aussi que cent personnes ne seraient peut-être pas suffisantes. Il faudra penser à deux cents personnes. Cela veut dire aussi que le quorum de 3% est peut-être déjà trop.
Toutes ces questions ne sont pas réglées. Il faut donc renvoyer le projet de loi en commission pour réfléchir à la manière dont cela devrait se faire. Je suis d'un naturel optimiste et je pense que l'on aura, en mobilisant la société civile, de bonnes raisons de faire un projet de constitution qui soit en tout cas aussi bon que celui-ci, voire, je l'espère évidemment, bien meilleur.
Une dernière chose: j'aimerais insister sur le fait que nous vivons un moment historique et qu'il faut un peu dépolitiser, «dépoliticardiser» la discussion. C'est pour cela que je vous incite à repenser ces questions en commission.
La présidente. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi en commission, donc je vous rappelle que ce n'est plus qu'un député par parti qui peut s'exprimer. Je donne la parole à M. le député Pierre Kunz, pour le parti radical.
M. Pierre Kunz (R). Cela a été rappelé: le projet de loi 8163 date de 1999. Le moins que l'on puisse dire est que, jusqu'à fort récemment, ce parlement ne s'est pas montré très préoccupé par le sujet. Si ce projet de loi est ressorti, il y a peu, des tiroirs de la commission législative, c'est probablement et malheureusement dû moins à une préoccupation et à un sentiment d'urgence réels des députés qu'à la pression d'événements extra-parlementaires - je veux bien entendu parler de l'initiative du professeur Auer et de son groupe.
Qu'est-ce que ce parlement entend faire avec le sujet ? Renvoyer en commission ! Est-ce que c'est parce que, contrairement à tout ce que vous racontez, vous ne trouvez pas que le sujet soit intéressant; est-ce que c'est parce que c'est un projet d'origine radicale, est-ce que tout simplement, vous avez, vous, peur des citoyens ? (Réactions.)
Pourtant, il y a réellement une nécessité profonde à réviser notre constitution fourre-tout et nos institutions paralysantes. Il y a crise, Monsieur Gros; il y a crise, et crise profonde. Notamment, comme le relevait M. Aubert, parce que les citoyens n'y comprennent plus rien.
Malheureusement, à l'éclairage du temps qu'il a fallu à ce Grand Conseil pour traiter le PL 8163, on doit conclure - demeurons réalistes ! - que le temps qui nous sépare de la fin des travaux d'une constituante doit s'évaluer en lustres plutôt qu'en années. Or, Genève ne peut plus laisser le temps au temps. Il y a grande urgence à réformer rapidement nos institutions...
La présidente. Monsieur le député, sur le renvoi en commission.
M. Pierre Kunz. J'y viens, Madame, j'y viens. Il y a grande urgence à réformer nos institutions fondamentales, je veux parler de l'incapacité depuis longtemps du gouvernement à gouverner; je veux aussi parler de ce parlement qui ne cesse de confondre l'important et le spectaculaire et qui, une fois de plus, aujourd'hui, en demandant le renvoi en commission, nous montre qu'il croit que le monde tourne autour de lui alors que c'est lui qui tourne comme une toupie.
Une voix. Bravo, bravo, on va s'en sortir, nous !
M. Pierre Kunz. Mesdames et Messieurs, un écrivain français du XIXe siècle nous a laissé cet aphorisme qui nous convient particulièrement. Il disait: «Un abîme est là, tout près de nous. Nous, poètes, nous y rêvons, soit, mais vous, hommes d'Etat, vous y dormez !» Et c'est ce que vous nous montrez aujourd'hui en voulant renvoyer le projet en commission.
Une voix. Bravo ! C'est vrai !
M. Jean-Michel Gros. Vous pouvez faire un grand pas en avant !
M. Pierre Kunz. Il est temps, en effet, que nous nous réveillions, que nous mesurions l'ampleur de la tâche qui nous attend. Ce qui nous attend en priorité, c'est le traitement d'un autre projet de loi, plutôt que celui-là que vous voulez renvoyer en commission. Il s'agit en effet d'un autre projet de loi, aussi déposé par les radicaux: le PL 9561. Ce projet de loi réclame, et cela vous pouvez le faire ici en parlement, l'immédiate réforme du Conseil d'Etat, de la procédure budgétaire, de la composition et du fonctionnement de ce parlement.
Mesdames et Messieurs, refusons le renvoi en commission, votons aujourd'hui le PL 8163 et attelons-nous sérieusement à la tâche en commission sur l'autre projet radical dont je viens de vous esquisser le contenu !
Une voix. Bravo, excellent !
La présidente. Monsieur le député Pascal Pétroz, pour le parti démocrate-chrétien, sur le renvoi en commission.
M. Pascal Pétroz (PDC). Je vais bien évidemment me prononcer sur le renvoi en commission, que le groupe démocrate-chrétien accueille favorablement, mais il convient également d'évoquer pourquoi le groupe démocrate-chrétien accueille favorablement ledit renvoi en commission.
Tout d'abord, il faut rendre justice à César et rendre grâce au parti radical.
M. Pierre Froidevaux. Merci!
M. Pascal Pétroz. Je crois qu'il faut le dire honnêtement: le parti radical a vu avant les autres - et cela, je l'admets humblement - la nécessité d'une réforme de la constitution. Quelle que soit l'issue des travaux dans le futur, je crois que ce point-là doit être reconnu.
Le groupe démocrate-chrétien est enthousiaste à l'idée qu'une réforme constitutionnelle puisse intervenir. Le groupe démocrate-chrétien est acquis au principe d'une réforme constitutionnelle. Pourquoi ? Parce qu'il faut voir les choses clairement et ne pas nier l'évidence: nous vivons aujourd'hui dans une société où nous ne savons plus pourquoi nous sommes ensemble, où les gens s'intéressent à regarder la Star Academy et se désintéressent totalement de leurs voisins, de la politique et de se qui se passe dans la cité. Cela ne peut pas être toléré. Nous ne savons pas non plus où nous allons; nous utilisons notre énergie en vaines querelles, nous sommes absolument incapables de trouver des consensus sur les sujets importants de notre société.
En d'autres termes, nous avons perdu notre contrat social. Il nous faut donc refaire un contrat social. Or, en termes juridiques, qu'est-ce qu'un contrat social ? C'est une constitution, la norme juridique fondamentale de tout Etat. A partir de là, nous ne pouvons qu'arriver à la conclusion qu'une réforme de la constitution est indispensable.
Cela, c'était le principe. Maintenant, quant à la méthode, on l'a dit tout à l'heure, une association se constituera lundi: «Une nouvelle constitution pour Genève». Un projet est prêt, il sera déposé en septembre. Beaucoup d'entre vous en connaissent déjà la teneur: il s'agit d'une loi constitutionnelle qui, si elle acceptée par le peuple, permettra la création d'une constituante. Ce projet de loi présente un certain nombre d'avantages par rapport à celui du parti radical.
Ici, nous sommes saisis d'un projet de loi qui doit réformer la constitution et une fois que l'on aura réformé la constitution, il faudra de nouveau utiliser cette base légale pour faire une nouvelle fois l'opération. En revanche, avec le projet qui sera déposé au mois de septembre, le peuple n'aura qu'à se prononcer une seule fois, donc l'opération sera beaucoup plus simple.
Au niveau de la rédaction, et c'est ce qui motive aussi le renvoi en commission de ce projet de loi, vous aurez certainement constaté - j'imagine que ce sont des coquilles ou un aboutissement insuffisant du travail - que la constituante, d'après le projet radical, est composée de cent personnes âgées de plus de seize ans et élues par le conseil général. Cent personnes, cela veut dire quoi ? Cela ne veut pas dire cent citoyens, cela ne veut pas dire non plus que ces personnes sont domiciliées à Genève. Donc, à teneur de texte, cela voudrait dire qu'un de nos amis vaudois - et cela ne me dérange pas, je suis originaire de Lutry, comme vous le savez, mais cela pose quand même un certain nombre de problèmes - cela voudrait dire qu'un Zurichois, si l'on poursuit le raisonnement, un Tessinois, un Appenzellois... ( Chahut.) ...pourrait siéger... (L'orateur est interpellé.)...et même un frontalier, tout à fait, les amis de certains partis qui sont représentés dans ce Grand Conseil et les amis de ceux qui piaffent au portillon de notre conseil, les grands amis, donc, les frontaliers, pourraient siéger dans notre Conseil.
Evidemment, j'imagine qu'il s'agit d'une maladresse, mais nous serons tous d'accord que mettre des gens qui ne sont pas domiciliés à Genève dans une constituante qui a pour but de réformer la constitution genevoise pose toute une série de problèmes.
Au-delà de cela, il y a deux raisons qui motivent le renvoi en commission: le projet du parti radical n'est pas abouti et le projet issu de l'association «Une nouvelle constitution pour Genève» est meilleur. Par conséquent, le parti démocrate-chrétien appuie le renvoi en commission.
Une voix. Bravo!
M. Gilbert Catelain (UDC). Le groupe UDC est soucieux du fait que les institutions fonctionnent correctement. On nous a proposé ici un texte qui permet de réviser la constitution. Notre souci est qu'il y ait une cohérence entre le projet des radicaux et celui de la société civile, qui a été initié par le professeur Auer. Si au bout de quatre ans, ce parlement n'a pas été en mesure de faire aboutir le projet de loi radical, c'est le reflet d'un dysfonctionnement au sein de ce Grand Conseil - et je ne suis pas sûr que la réforme de la constitution permettra de le corriger.
Cela étant, pour assurer cette cohérence, il faut au moins lancer un pont entre le projet du parti radical et le projet de la société civile. Dans ce cadre-là, nous soutenons qu'il faudrait au moins une audition du professeur Auer en commission pour déterminer ce qu'il pense du projet du parti radical en relation avec le projet qu'il a initié. Je ne pense pas que cela nous prendra énormément de temps.
Cela nous permettrait aussi de traiter à tête reposée, en tout cas avec une meilleure écoute et une meilleure participation, l'amendement déposé par le parti libéral puis par le parti radical. Car, en effet, la composition de la constituante est primordiale.
Je rappelle aussi que, dans le canton de Vaud, on est arrivé à des effets pervers par rapport à cette constituante. Des positions qui étaient défendues par certains partis dans l'assemblée constituante ne l'étaient pas au sein de l'enceinte parlementaire. C'est pour cela qu'on est arrivé à des contradictions entre le pouvoir politique élu et la constituante élue. Ce genre de dysfonctionnement aurait des répercussions importantes puisque la constituante peut nous mener vers une diminution ou un accroissement des droits populaires et risque de nous mettre dans l'embarras. Pour ces motifs, le groupe UDC vous propose de soutenir le renvoi en commission.
La présidente. Merci. M. Catelain s'est exprimé pour l'UDC, la parole est à M. Charbonnier, pour le parti socialiste, sur le renvoi en commission.
M. Alain Charbonnier (S). Nous soutiendrons évidemment le renvoi en commission, comme l'avait demandé d'ailleurs Mme Bolay dans son intervention au début des débats. Malheureusement, je crois que cela n'a pas été très bien entendu, mais elle avait fait cette demande de renvoi en commission.
Pourquoi un renvoi en commission ? Quand j'entends M. Gros, représentant du parti libéral, dire qu'il n'y a pas de crise à Genève et qu'il n'y a pas de raison apparente de convoquer une constituante, je tombe de haut. Avec le fonctionnement de ce parlement, des institutions, les problèmes budgétaires du canton, les problèmes de chômage, il nous dit qu'il n'y a pas de crise et qu'il n'y a pas de raison apparente de convoquer une constituante ! J'en reste pantois. Je ne sais pas si ce sont les élections qui provoquent ce genre de réflexes, mais c'est un peu étonnant.
Donc, notre motivation du renvoi en commission vient du fait qu'un groupe de citoyens, très au clair sur le fonctionnement de nos institutions - puisque la plupart de ces personnes ont travaillé ou travaillent dans les rouages de l'Etat, ou en sont proches - ont fait la constatation que le pouvoir politique et que les rouages de ce parlement sont grippés. En effet, le fait que ce projet de loi, datant de 1999, revienne pour la deuxième fois devant nous et que son renvoi en commission soit à nouveau demandé le prouvent bien. Le pouvoir politique n'arrive pas à prendre de décision sur ce sujet-là. Nous l'assumons complètement; le parti socialiste n'a même pas pris sa propre position.
C'est aussi pour cette raison que nous demandons le renvoi en commission: pour encourager ce mouvement de citoyens qui peut enfin amener de l'air frais, nous l'espérons, sur cette constitution et sur les problèmes politiques et financiers de Genève. Nous soutenons ce renvoi afin de laisser les citoyens amener leurs propositions plutôt que de ligoter ce projet de loi tel qu'il est aujourd'hui.
Nous en sommes pratiquement tous convaincus, et M. Kunz l'a dit, il n'est pas possible que ce parlement aboutisse à quelque chose. Or le projet de loi propose que ce soit, entre autres, le parlement qui puisse créer cette constituante et surtout réviser la constitution. Nous n'adhérons pas du tout à cela.
Nous pensons qu'il vaut mieux que ce soit un groupe de citoyens qui amène une proposition fraîche et neuve, surtout après l'amendement du groupe libéral qui se met, d'entrée, à douter de la pertinence du fait que des citoyens étrangers puissent participer à une constituante. Laissons faire la société civile et espérons qu'elle arrivera à des résultats permettant d'améliorer notre fonctionnement actuel !
La présidente. La parole est à M. Christian Grobet, pour l'AdG.
M. Christian Grobet (AdG). Je comprends votre préoccupation, Monsieur Kunz, du fait que ce projet de loi, qui a été déposé en 2001... (L'orateur est interpellé.)...en 1999, pardon, ne revienne que maintenant. Mais vous auriez peut-être dû vous renseigner, Monsieur Kunz, auprès de votre ancien collègue, M. Lescaze, qui siégeait à la commission législative, dont je fais partie depuis 1993. Je connais donc bien quelles étaient les discussions, et figurez-vous que c'est précisément M. Lescaze qui considérait que l'on pouvait laisser ce projet de loi en attente. Je le dis d'autant plus volontiers - et je crois que M. Pagan pourra en témoigner - que j'ai présidé la commission pendant une année et que l'habitude veut que l'on passe régulièrement en revue les projets en suspens et l'on s'adresse toujours aux députés dépositaires des projets de lois.
C'est ainsi que les socialistes, très attentifs ces derniers temps, ont demandé que certains de leurs projets de lois soient traités. Par contre M. Lescaze, je ne sais pas pourquoi, pensait que c'était bien de laisser ce projet de loi en attente, vous voyez. Alors, ne venez pas vous plaindre, Messieurs les radicaux, si ce projet de loi est resté en attente: vous aviez tout loisir de faire activer cette question ! Au contraire, vous avez mis le pied sur le frein.
Ce sont vos affaires internes, cela ne nous concerne pas, mais je crois qu'effectivement, sur des questions aussi délicates que cela, à partir du moment où d'autres solutions sont envisagées, la raison commande de renvoyer le projet en commission. Autrement, on va faire durer les débats en séance plénière sur des questions d'amendements. Je crois que, quand on a des questions complexes, mieux vaut les renvoyer en commission pour les examiner et essayer de traiter encore avant la fin de la législature quelques points d'un ordre du jour particulièrement long.
M. Pierre Weiss (L). Je vais m'exprimer sur le renvoi en commission, mais je tenais simplement, en préambule, à rappeler que mon collègue Gros s'était exprimé, lui, sur la crise de régime qui, de son point de vue, du point de vue du groupe libéral - et, je l'imagine, du point de vue d'une majorité de ce parlement - ne menace pas Genève. Il y a d'autres crises qui, en revanche, peuvent être mentionnées, notamment une crise économique, mais il n'y a pas de crise de régime. Nous ne sommes pas ici dans la situation de l'Afghanistan. ( Chahut.)
Une voix. Tout va bien !
M. Pierre Weiss. Le problème qui nous est posé est un problème trop sérieux pour être livré aux envies des uns ou des autres. Il nécessite une conjugaison des efforts.
Il a été justement relevé, par d'autres que les radicaux, combien la démarche radicale méritait d'être louée. Je m'associe à cette louange. En même temps, les réflexions de la société civile en la matière, même si à certains égards elles peuvent paraître prétentieuses, doivent aussi être prises en considération. De ce point de vue là, il est nécessaire de renvoyer ce projet de loi en commission et de l'accompagner de réflexions complémentaires, issues précisément de groupes extérieurs à notre parlement.
J'ajouterai, en conclusion, que cette démarche offre l'avantage d'éviter le risque d'une éventuelle décision négative, aujourd'hui, qui coulerait les vertus dont on peut parer le projet radical.
La présidente. M. Pierre Weiss s'est exprimé pour le parti libéral. Je passe la parole à M. Georges Letellier, en tant qu'indépendant.
M. Georges Letellier (HP). Nous sommes à nouveau engagés dans des discussions marathoniennes. Devant les résultats: 20 milliards de dette cumulée - ce sont les chiffres officiels de l'UBS à ce jour - je pense que, constituante ou pas, il nous faut remettre les pendules à l'heure, une bonne fois pour toutes. Pour ce faire, le mouvement MCG, que j'ai l'honneur de représenter a demandé officiellement la mise sous tutelle de l'Etat par la Confédération... ( Chahut. Rires.) ...afin de mettre nos responsables devant leurs responsabilités. J'ai dit.
La présidente. Monsieur le rapporteur de majorité Pagan, M. Letellier n'est qu'indépendant, je le reprécise.
M. Jacques Pagan. J'aimerais bien que ses propos soient corrigés en conséquence.
La présidente. Je l'ai dit, je le reprécise: il n'est qu'indépendant, pour l'instant. Monsieur Pagan, en tant que rapporteur de majorité, voulez-vous dire quelque chose sur le renvoi en commission ?
M. Jacques Pagan. Non, Madame. Nous l'approuvons. Simplement, j'aurais voulu dire quelque chose à M. Barrillier, mais je vois qu'il n'est pas là. Cela ne fait rien.
La présidente. Je passe la parole à M. le rapporteur de minorité.
M. Hugues Hiltpold (R), rapporteur de minorité ad interim. Ce qu'il y a d'intéressant, c'est que nous nous trouvons dans le même cas de figure que lors du débat en 2001. Exactement dans le même cas de figure, à la seule différence près, et c'est une différence de taille, je vous le concède, que la société civile s'est actuellement emparée de la question et est tout à fait attentive à la révision constitutionnelle.
Tout le monde est d'accord sur le principe d'une révision de la constitution, mais personne n'a aujourd'hui le courage politique de l'assumer. Il faut le savoir, Mesdames et Messieurs.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Hugues Hiltpold. Je suis par conséquent opposé au principe d'un renvoi en commission, car vous le savez tous: si nous renvoyons ce projet de loi à la commission législative, cela va prendre plusieurs années. Vous savez pertinemment qu'il sera traité dans la législature suivante, voire, la législature d'après.
Nous sommes fermement opposés à cela et nous vous demandons d'assumer vos choix politiques, d'assumer vos convictions, de ne pas renvoyer ce projet de loi et d'entrer en matière.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
La présidente. Je passe la parole à M. le conseiller d'Etat Robert Cramer.
M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Un renvoi en commission d'un projet de loi est rarement perçu comme une marque d'audace.
Une voix. Ah ! Bravo !
M. Robert Cramer. En l'occurrence, il s'agit d'un projet de loi qui a été une première fois renvoyé en commission, parce que ce plénum a estimé qu'il ne pouvait pas le traiter. S'il revient de commission pour y être renvoyé à nouveau avant même qu'il n'y ait eu un vote d'entrée en matière, il reviendra à la commission avec un message pour le moins nébuleux.
Une voix. Bravo !
M. Robert Cramer. Au-delà de cette réflexion, je voudrais en faire une autre: en ma qualité de conseiller d'Etat en charge des droits politiques, je dois vous dire que le renvoi en commission... ( Chahut.) ...s'impose de toute façon dans ce cas, parce que nous sommes clairement dans une situation où, même s'il se trouve une majorité au sein du Grand Conseil pour dire que le principe d'une révision totale de la constitution mérite d'être approfondi, voire même, s'il se trouve une majorité qui y serait favorable, le dispositif d'accompagnement n'est assurément pas mûr.
On peut passer de variantes, qui exigent trois ou quatre suffrages populaires, ce qui est, apparemment, dans l'esprit en tout cas des premières propositions du groupe radical, à des variantes beaucoup plus simples comme celle évoquée par le groupe démocrate-chrétien. On doit relever qu'on est loin d'avoir un fort consensus dans ce Grand Conseil sur qui pourra participer à une constituante. Cela a été exprimé tout à l'heure par M. Gros. Je pourrais multiplier ces points d'interrogation.
Ce que l'on doit dire, dans tous les cas, c'est qu'aujourd'hui, même s'il se trouvait au Grand Conseil une courte majorité pour dire que le principe même d'une révision totale de la constitution serait adéquat, on n'arriverait certainement pas ici à se mettre d'accord sur comment l'opérer; la réflexion n'est vraiment pas aboutie. Le renvoi en commission sur ce point, c'est-à-dire sur tout le processus d'accompagnement, s'impose donc de toute façon.
C'est donc dire que la seule question est de savoir à quel moment est-ce que l'on renvoie en commission. Est-ce que l'on renvoie en commission après un vote d'entrée en matière...
Une voix. Bravo!
M. Robert Cramer. ...qui a des vertus clarificatrices, mais qui a aussi le caractère d'une guillotine, par rapport à cette proposition, en l'état du débat ? Ou bien est-ce que l'on renvoie en commission au stade où nous en sommes, ce qui nous éviterait de prolonger, mais surtout, je pense, avec un message sensiblement différent de celui qu'on avait pu entendre lors du premier renvoi en commission, où finalement on renvoyait le projet en commission pour que la commission l'exécute.
Aujourd'hui, je crois que la commission comprendra qu'on lui demande de l'examiner de façon approfondie et de revenir au Grand Conseil avec quelques variantes qui en permettent l'application. C'est en tout cas dans ce sens que le département dont j'ai la charge et son administration viendront, en apport des réflexions de la commission.
Mis aux voix, le renvoi de ce projet de loi à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil est adopté par 55 oui contre 10 non et 2 abstentions.
Renvoi à la commission législative: Session 10 (septembre 2005) - Séance 62 du 02.09.2005
La présidente. Nous nous retrouverons à 14h pour les urgences du Conseil d'Etat. Bon appétit !
La séance est levée à 12h.