Séance du vendredi 22 avril 2005 à 17h
55e législature - 4e année - 7e session - 37e séance

P 1398-A
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier la pétition pour 7 semaines de vacances pour toutes et tous les apprenti-e-s
Rapport de majorité de Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC)
Rapport de minorité de M. Alain Charbonnier (S)

Débat

Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC), rapporteuse de majorité. Je ne suis malheureusement pas seule à cette table, puisqu'il y a un rapporteur de minorité.

Cette pétition a été traitée il y a plus d'une année. Les auditions ont démontré que dans les faits, cette pétition ne contribuerait pas à un «rush» vers l'apprentissage, au contraire et que les conséquences ne seraient, en tous les cas, pas positives. Il y aurait, semble-t-il, d'autres moyens pour valoriser l'apprentissage, notamment une opération comme la Cité des Métiers.

Ce ne sont donc pas des semaines de vacances supplémentaires qui permettront de valoriser l'apprentissage. L'expérience de l'UIG, qui est particulièrement généreuse dans sa pratique, l'a démontré, puisque cela n'a pas contribué à augmenter le nombre d'apprentis.

Je vous recommande donc de suivre la majorité de la commission et de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.

M. Alain Charbonnier (S), rapporteur de minorité. Je ne suis évidemment pas d'accord avec le rapport de Mme Ruegsegger, qui parle de «rush» sur les apprentissages si, tout à coup, on donnait sept semaines de vacances à tous les apprentis. Or ce n'est pas le but recherché par cette pétition. Dans l'exposé des motifs et les considérants de cette pétition, il ne s'agit pas de cela.

Il s'agit de «revaloriser l'apprentissage», effectivement, mais aussi «de réduire l'écart entre l'école obligatoire ou secondaire et la formation professionnelle; d'uniformiser les conditions de formations professionnelles dans toutes les branches». Je m'arrête sur ce point parce que le directeur de l'OOFP est venu en commission. Il nous a remis une liste très intéressante, liste que, malheureusement, ma collègue du rapport de majorité n'a pas fait paraître en annexe du rapport - je pensais qu'elle le ferait, c'est la raison pour laquelle je ne l'ai pas moi-même demandé. Sur cette liste se trouvent tous les apprentissages existant à Genève avec les salaires et les vacances. Je ne sais pas si cela a été intentionnellement fait par les services de l'OOFP - je ne l'espère pas - mais on s'aperçoit que pour le plus grand taux de vacances, qui est de treize semaines pour certains apprentissages, il faut vraiment avoir de bon yeux, voire des lunettes pour pouvoir lire ces lignes-là. Il y a un nombre relativement important de lignes à treize semaines, en tout cas en première année, si l'on prend la peine d'étudier toutes ces pages.

La rapporteure de majorité l'a signalé tout à l'heure, il s'agit de l'UIG, principalement. Lorsque la rapporteure nous dit qu'ils n'ont pas observé de modifications, je note quand même que, dans son rapport, lors de l'audition de M. Pasche, il est noté que «la pratique des 13 semaines de vacances en première année et d'une indemnité de 200 francs a été fixée, en vue d'encourager la signature de contrats d'apprentissage. Depuis, cette particularité fonctionne à satisfaction des deux parties.» Il y a quand même satisfaction, il y a eu une légère augmentation du taux d'apprentissages à l'UIG et, surtout, une stabilisation des autres, contrairement à d'autres secteurs, qui ont vu le nombre d'apprentissages diminuer.

M. Rufener, de la FMB, est aussi venu nous dire qu'il donnait dix semaines de vacances en première année, dans certaines formations. Si la FMB donne dix semaines, c'est qu'il y a des raisons, notamment celle d'attirer un peu plus d'apprentis dans ce domaine.

Selon nous, si l'on reprend cette liste, il y a des disparités importantes. De treize semaines, pour certaines branches de l'UIG, dix semaines dans certaines branches de la FMB. Tout au long de la lecture, on peut observer qu'il y a huit semaines chez les employés de commerce chez Swisscom, sept semaines chez les termineurs en habillage horloger, dans l'horlogerie aussi. On s'aperçoit donc qu'il y a d'importantes disparités, puisque certains apprentissages permettent de prendre treize semaines de vacances, pour les mieux lotis, alors que d'autres n'en permettent que sept, pour les moins bien lotis.

Nous pensons que, afin de revaloriser l'apprentissage, la longueur des vacances n'est pas le seul moyen. Nous pensons cependant que ce serait un moyen d'obtenir cette revalorisation. La pétition, contrairement au titre, ne demande pas de donner sept semaines de vacances pour toutes et tous les apprentis. Elle demande, au niveau cantonal, d'organiser, avec les partenaires sociaux, des réunions tripartites, afin de favoriser la négociation dans les conventions collectives de sept semaines de vacances pour les apprentis. Cela ne nous semble pas du tout démesuré que des réunions tripartites ne s'organisent afin d'augmenter, un tant soit peu, le nombre de semaines de vacances et, surtout, d'obtenir une uniformisation. En effet, dans les mêmes branches, on trouve, chez les employés de commerce, certains apprentis qui n'ont que cinq semaines, alors que d'autres bénéficient de huit semaines de vacances. Cela n'est pas normal. Rien que pour cela, cette pétition a toute sa raison d'être.

Je vais offrir à la rapporteure de majorité un petit tract qui nous a été donné par l'UIG. Il concerne les places d'apprentissage et on y voit, en gros caractères, le nombre des semaines de vacances. C'est donc bien un petit «susucre» pour attirer les apprentis dans leur domaine.

Nous vous proposons de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.

Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Je trouve le rapport de Mme Stéphanie Ruegsegger fort léger et très court, au regard du nombre de pétitionnaires, ainsi qu'au regard de leur engagement pour défendre leur formation.

Bien sûr qu'augmenter les vacances ne représente pas le seul facteur d'amélioration des apprentissages. Il est vrai que beaucoup de réflexions ont été tenues sur ce thème. Cela n'empêche néanmoins pas que ces jeunes soient défavorisés par rapport aux collégiens, que leurs conditions d'apprentissage soient souvent très dures avec des horaires harassants et occasionnant de la fatigue physique. En outre, ils jouissent de peu de considération par rapport aux autres formations académiques.

Aussi, cette pétition mérite vraiment d'être renvoyée au Conseil d'Etat afin que la concertation soit au moins engagée pour rediscuter des inégalités entre certains apprentissages et, en tout cas, pour chercher des solutions. M. Charbonnier l'a très bien dit. Sept semaines de vacances permettraient d'uniformiser les différentes pratiques et d'éliminer les discriminations.

Je trouve que l'Entente est frileuse, je la trouve réticente. Je la trouve totalement injustifiée par rapport à la demande de ces apprentis, que je trouve, eux, tout à fait adéquats, avec cette pétition, au regard des inégalités dans les différentes formations.

On dit sans arrêt qu'il faut favoriser la formation des professionnels, qu'il faut encourager les apprentissages et le savoir-faire à Genève. Et que fait-on, lorsqu'ils demandent sept semaines de vacances, ce qui n'est rien du tout, pour des gamins entre 15 et 19 ans ? On dit: «Oh non, c'est trop, on ne peut pas».

Je trouve cela scandaleux et je trouve que le minimum que l'on doive faire c'est de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.

M. Gabriel Barrillier (R). J'ai remarqué que, dans le rapport de minorité, des branches économiques du secteur secondaire avaient été citées - notamment la Mecatronic et les métiers du bâtiment - où, c'est vrai, la durée des vacances échelonnées est plus importante en première année, pour tenir compte de différents facteurs. Monsieur Charbonnier, vous l'avez reconnu, cela est pour tenir compte de la spécificité de ces apprentissages. Je crois qu'il faut laisser aux partenaires sociaux le soin de fixer les conditions des apprentis. Vous l'avez rappelé en mentionnant cet inventaire établi par l'OOFP: les partenaires sociaux, dans les branches concernées, savent bien qu'elle est la durée des vacances et quelles sont les conditions qu'il faut aménager aux futurs apprentis pour les encourager.

Madame Leuenberger, j'ai entendu votre cri du coeur. Mais je trouve que vous tenez un discours un peu misérabiliste. (L'orateur est interpellé.)Vous l'avez dit, ils sont défavorisés par rapport aux collégiens. Cette année, grâce à ces conditions de vacances qui sont modifiées, on n'a jamais eu autant d'apprentis dans les métiers du secteur secondaire. Jamais eu, depuis vingt-cinq ans !

Ce matin, j'ai assisté à une assemblée de la Fédération romande des maîtres charpentiers et menuisiers et, là aussi, nous avons eu les statistiques d'entrée en apprentissage dans les métiers du bois - c'est vrai que ces métiers du bois sont toujours très prisés. Il y a, dans ce domaine, une progression satisfaisante du nombre d'apprentis.

Sur le plan national, chaque année, aux mois de février, mars, parce qu'il manque quelques milliers de places d'apprentissage à Zurich, on dirait que c'est toute la Suisse qui va sombrer. Les statistiques montrent aussi clairement que depuis cinq à dix ans le nombre des apprentis en formation a progressé, que ce soit en dual ou en écoles de métiers.

Tout cela pour vous dire que ce serait une erreur d'uniformiser toutes ces conditions. J'ai toujours défendu la conception selon laquelle on n'allait pas attirer des apprentis par des hauts salaires. C'est une erreur, un miroir aux alouettes. C'est la même chose en ce qui concerne les vacances: leur offrir trop de vacances est une erreur.

En revanche, nous sommes tout à fait pragmatiques et nous savons que, dans des métiers manuels difficiles, il faut marquer le coup, entourer ces jeunes et leur donner un peu plus de vacances. Je vous rappelle que, très souvent en première année, les jeunes sont à l'école professionnelle avant d'entrer dans l'entreprise. Il y a maintenant un système de formation pour découvrir le métier. Il y a donc des manières et des programmes qui permettent d'introduire et de gommer, si c'est possible, les différences. Mais il y aura toujours des différences ! L'apprentissage est un apprentissage dual. L'apprenti doit bien, un jour ou l'autre, être mis en phase avec la réalité de l'entreprise. Il y a eu énormément de progrès dans ce domaine.

Je vous demande de faire confiance aux partenaires sociaux, de ne pas leur imposer des solutions linéaires. Les résultats avec l'OOFP le prouvent: l'entrée en apprentissage s'est beaucoup améliorée, à Genève. Si l'on veut faire quelque chose, vous qui êtes spécialiste, pour valoriser la formation professionnelle, il faut alors arrêter de tenir un discours misérabiliste sur cette formation et convaincre les maîtres d'information scolaire et professionnelle et le corps enseignant qu'il n'y a pas qu'une mais deux voies pour faire sa vie.

La présidente. Nous allons clore la liste des inscrits. Nous reprendrons le débat à 20h30.

Suite du débat: Session 07 (avril 2005) - Séance 38 du 22.04.2005