Séance du
vendredi 18 mars 2005 à
20h30
55e
législature -
4e
année -
6e
session -
33e
séance
La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, présidente.
Assiste à la séance: Mme Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat.
Exhortation
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Carlo Lamprecht, Laurent Moutinot, Robert Cramer, Micheline Spoerri, Pierre-François Unger et Charles Beer, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Alexandre Anor, Marie-Paule Blanchard-Queloz, Loly Bolay, Anita Cuénod, Gilles Desplanches, Michel Halpérin, Antonio Hodgers, Pierre Kunz, Christian Luscher, Claude Marcet, Alain-Dominique Mauris, Mark Muller, Véronique Pürro, Jacques-Eric Richard, Pierre Schifferli, Olivier Vaucher et Alberto Velasco, députés.
Annonces et dépôts
Néant.
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, nous reprenons le cours de notre ordre du jour.
Débat
M. Alain Charbonnier (S). Il s'agit de la première évaluation de la loi sur les CASS votée en 2001. Ce rapport a été confié à l'IDEHAP. Il a été rédigé par Mme Papazian. Ce qui ressort de ce rapport, c'est avant tout des recommandations et des mesures opérationnelles incontournables : créer un observatoire socio-sanitaire, améliorer l'efficacité de l'outil de suivi des dossiers et de coordination autour des clients, définir des outils de pilotages et un système d'information, renforcer l'information auprès du public.
Ces recommandations sont établies à partir de constats qui montrent qu'actuellement la loi sur les CASS ne remplit pas son office. Il y a une mauvaise coordination entre les différentes institutions oeuvrant dans les CASS. C'est principalement, d'après le rapport, dû au manque de définition des missions de chaque institution dans la loi sur les CASS qui ne répondent pas à cet objectif.
Le rapport du Conseil d'Etat à notre Conseil reprend, en copie, une partie du rapport de Mme Papazian. Il s'éloigne en revanche de ce dernier sur les conclusions. Le rapport Papazian propose, suite à ces mesures opérationnelles incontournables, des recommandations sur trois pistes. Première piste : une réforme partielle de la loi sur les CASS qui semble finalement ne pas être satisfaisante. Cette première piste n'est pas celle privilégiée par les auteurs du rapport. La deuxième piste est l'employeur unique. Elle était privilégiée par le DASS et M. Unger, mais le rapport Papazian pose de grosses questions et exprime des doutes à ce sujet. Pour avoir un employeur unique, il faudrait que les objectifs soient les mêmes pour les différentes institutions. D'emblée, le rapport Papazian met en exergue que l'Hospice général et la FSASD, les soins à domicile, n'ont pas le même public cible. Ils n'ont en commun que 5 à 10% de clients. Le chiffre dépend des études qui ne sont pas encore très poussées, mais c'est de cet ordre-là. Le rapport Papazian laisse donc un peu tomber l'employeur unique. La troisième piste, c'est un régime transversal avec, surtout, ce qui est demandé dans le rapport, c'est-à-dire une loi cadre pour le social.
Le président Unger insiste lourdement pour une loi-cadre sur la santé, mais, curieusement, dans son rapport, on ne retrouve pas du tout de projet de loi-cadre sur le social. Bien au contraire, le rapport du Conseil d'Etat s'écarte complètement du résumé, des objectifs et des pistes du rapport Papazian. La loi-cadre est mentionnée dans les recommandations avec quelques petites lignes. Ce rapport est quelque part tronqué par le Conseil d'Etat. Nous souhaitons donc que ce rapport soit renvoyé à la commission des affaires sociales de façon que nous puissions analyser tout cela. Je souhaite que la commission puisse faire un travail intéressant et des propositions sur la loi sur les CASS et, peut-être, bien au-delà. Il faudra examiner si une loi-cadre sur le social ne serait pas, enfin, quelque chose d'utile pour le canton et surtout pour les bénéficiaires de ces prestations.
Mme Jocelyne Haller (AdG). Evaluer les effets d'une loi est une sage précaution. Cette démarche révèle l'intention de corriger ce qui mériterait de l'être. Cela vaut d'être salué. Mais cela suffit-il ? Certainement pas. Il importe de savoir d'où l'on part. En effet, s'il faut apprécier cette volonté d'affiner une loi, encore faut-il s'interroger sur les prémices de son élaboration. Par souci de cohérence et d'efficacité, peut-être faudrait-il passer également cette étape au crible de l'évaluation.
La LCASS et le premier rapport d'évaluation de ses effets en constituent un exemple flagrant. Le rapport de Mme Horber-Papazian expose, avec pertinence et intégrité, la situation des CASS telle qu'elle se présente actuellement. Il en révèle sans ambages les lacunes et l'inadéquation. L'équipe d'évaluation émet des recommandations et dessine une piste qui donnerait l'occasion de corriger certaines aberrations ou tout au moins d'en maîtriser l'ampleur dans l'attente d'un projet de loi annoncé par le département.
Rien de transcendant dans ces propositions. Néanmoins, il y a là un regard objectif posé sur une réalité que les acteurs du terrain avaient décrit avec une opiniâtre constance. Il y a aussi le constat que les réserves et avertissements qu'ils avaient formulés étaient fondés. L'organisation prévue par la LCASS est un montage purement théorique qui ne correspond ni aux besoins des usagers, ni à ceux des institutions et qui ne facilite en rien le travail du personnel de terrain.
De fait, cette loi impose une structure qui se révèle, de l'avis de tous, même de ses promoteurs, parfaitement superfétatoire. Le personnel et ses représentants ont eu raison, et le rapport le vérifie. Va-t-on corriger cette situation ? On pourrait le croire à la lecture des trois invites du Conseil d'Etat au Grand Conseil. Elles ne demandent pas moins, à la fin de l'année 2004 - il faut le noter - que de vérifier la validité des prémices posées en 1996 au moment de l'élaboration de la loi. C'est pour le moins troublant, pour ne pas dire affligeant, mais, mieux vaut tard que jamais.
La première invite demande de procéder à l'évaluation des conséquences d'une mise en oeuvre de la loi sur le revenu déterminant unique sur l'organisation des centres. Je me permets d'insister sur le fait qu'il s'agit de l'organisation des centres et non pas du contenu ou du volume des prestations aux usagers. La seconde demande que soit évaluée la pertinence de maintenir des prestations financières d'assistance dans les centres. La troisième demande que soit évaluée la pertinence de regrouper dans une même institution l'accueil, l'aide et les soins à domicile et l'accompagnement social de proximité. Cette dernière notion, permettez-moi de le relever, est une notion qui est aujourd'hui inconnue. La loi sur les CASS prévoit l'unité d'action sociale individuelle, l'unité d'action communautaire de proximité, mais l'unité sociale de proximité est une parfaite inconnue.
A la lecture de ces invites, on ne peut se départir du très désagréable sentiment qu'une fois de plus on ne sait dans quelle officine ou dans quelle tête subitement illuminée ont surgi de telles pistes de travail. A ce stade, on ne parle plus d'hypothèses, mais on construit dans l'ombre et, là encore, la transparence n'est pas de mise.
Où est le mal, me direz-vous ? Le mal vient de ce qu'on commande une évaluation et qu'on ne tient pas compte de ses résultats. Le mal vient de ce qu'on élucubre des modèles d'organisation qui ne tiennent pas compte des besoins des usagers, qui ne s'inscrivent pas dans le souci de veiller à ce que des mutations de politique sociale n'induisent pas plus d'effets négatifs qu'elles ne résolvent de problèmes sociaux.
Pour ces motifs, si l'AdG salue la qualité du rapport de Mme Horber-Papazian et de son équipe, elle ne prendra pas acte du rapport du Conseil d'Etat sur les effets de la LCASS et vous invite à renvoyer ce dernier en commission des affaires sociales.
La présidente. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi en commission des affaires sociales.
M. Patrick Schmied (PDC). Le groupe démocrate-chrétien, je vous le dis tout de suite, est également en faveur du renvoi en commission.
Nous aimerions remercier d'abord le Conseil d'Etat pour ce rapport lucide décrivant une situation en fait assez révoltante. Les conclusions du rapport sont assez terribles dans la mesure où elles pointent uniquement la tarte à la crème habituelle : les problèmes de répartition des compétences. Le rapport nous décrit les CASS comme des avions sans pilote dans lesquels les mal-nommés acteurs - on pourrait vraiment biffer ce mot du rapport tant il est mal approprié - semblent passer le plus clair de leur temps en séance de coordination à ergoter sur leurs responsabilités, sur leurs compétences respectives, hors de tout bon sens.
En effet, quand on lit les conclusions que voit-on : «La fonction d'administrateur est perçue comme peu claire»; «La réorganisation de l'accueil crée de nombreux mécontentements»; «Le rôle et la place de secrétaire réceptionniste est remis en cause». Et enfin, le pompon : «Les lieux de décision sont difficilement localisés, les décisions prises entre partenaires ne sont pas suivies d'effets». C'est absolument renversant ce qu'on lit dans ce rapport. Une fois de plus, je remercie le Conseil d'Etat pour ce rapport aussi clair et net.
Pendant ce temps, les mal-nommés bénéficiaires peuvent attendre. Ils sont d'ailleurs curieusement absents du rapport. Les recommandations sont justes, on ne peut pas tellement les discuter. Elles éludent pourtant de nouveau la question centrale à savoir la question de la conduite de ces CASS. La solution saute aux yeux pourtant. Il faut un patron ou une patronne dans chaque CASS. C'est aussi simple que cela. C'est dans cette direction qu'il faut aller. Les communes sont tout à fait à même de fournir les personnes qu'il faudra. Il ne faut pas, de grâce, aller vers une énième révision de cette loi qui, une fois de plus, essayera de clarifier les compétences, de réorganiser des organigrammes, de nous faire de nouvelles usines à gaz tout à fait inopérantes.
Ces patrons de CASS, Mesdames et Messieurs les députés, c'est bien évidemment sur le terrain qu'on les trouvera et non pas dans la tour d'ivoire.
Mme Nicole Lavanchy (AdG). Je souhaite d'abord répondre à M. Schmied. J'espère qu'ici on se rend compte que nous portons tous une responsabilité politique éminente - moi je ne siégeais pas, mais mon groupe oui - dans le capharnaüm des CASS. J'aimerais quand même le rappeler pour que vous compreniez historiquement où, selon l'AdG, il y a eu un problème majeur et une responsabilité politique. Il se trouve qu'un centime additionnel a été voté en 1985 - c'était le dernier nouvel impôt voté par le peuple - pour développer l'aide à domicilie. En 1992, vous le savez tous, une loi a été votée, la loi sur l'aide à domicile, qui réunissait des acteurs dépendant de trois employeurs au sein de la fondation des services d'aide et de soins à domicile : les aides-ménagères, les aides-familiales et les infirmières. Cela s'appelle actuellement la FSASD.
Un rapport a ensuite été rendu au Conseil d'Etat sur l'aide à domicile. Ce rapport indiquait que l'aide à domicile ne collaborait pas suffisamment, ou vice-versa, avec l'action sociale. Il fallait y remédier. En 1996, on disait que la collaboration entre l'aide à domicile, qui se trouvait dans les CASS, et l'aide sociale n'était pas suffisante. Sur la base de ce rapport, on a décidé d'organiser les CASS dans la loi sur l'aide à domicile. Ceux-ci n'ont pas fait l'objet d'une loi en propre, réfléchie, intégrant le social et les soins. La loi sur les CASS émane d'une loi sur l'aide à domicile qui relève de la santé. Le social n'a pas été du tout consulté.
Sachez qu'à cette époque tant l'Hospice général que les communes, dont la Ville de Genève, ont averti que seuls 5% des dossiers étaient communs entre l'aide à domicile et le social. L'Hospice et les communes ont averti qu'il ne fallait pas faire n'importe quoi et que 5% de dossiers en commun ce n'était pas suffisant pour organiser une structure unique et fédérer des mandats qui ne sont pas identiques. La question n'était pas que les services ne voulaient pas collaborer, mais que seuls 5% d'usagers avaient besoin d'un service de l'aide à domicile et d'un service social.
Rappelez-vous que les CASS ont existé avant la FSASD. Dans ces centres, l'action sociale primait. C'était des Bureaux d'informations sociales, l'assistance publique et l'aide sociale. (L'oratrice est interpellée.)La conclusion est importante parce qu'il faut se rappeler de ce que nous avons fait, nous autorités politiques, pour arrêter de taper sur les gens qui travaillent dans ces centres. (Commentaires.)Oui, c'est ce que vous êtes en train de faire ! Si vous voulez vraiment résoudre le problème, il faut qu'on reprenne nos billes et qu'on revienne sur nos actions. (Commentaires. Hilarité sur les bancs radicaux.)Vous voyez que vous ne vous préoccupez pas tellement des erreurs politiques que nous faisons et que nous pouvons tous endosser, Mesdames et Messieurs les députés. (Brouhaha.)
Une voix. C'est inadmissible !
Mme Nicole Lavanchy. C'est inadmissible, effectivement ! J'espère que vous aurez le bon sens de renvoyer ce rapport en commission. (Brouhaha.)Je poursuis et je ne conclus toujours pas ! En 2010... Voilà, je suis troublée, maintenant ! En 2001... (Commentaires de M. Pierre Weiss.)Monsieur Weiss, vous voulez bien arrêter, s'il vous plaît !
La présidente. Je vous rappelle que vous devez vous adresser à moi, Madame la députée.
Mme Nicole Lavanchy. Je ne peux pas parler parce que je suis systématiquement interpellée sur des choses qui me semblent éminemment importantes. Je vous demande de déduire ces commentaires et ces apartés de mon temps de parole.
La présidente. Je vous prie de poursuivre, Madame, mais de vous focaliser sur la question du renvoi en commission des affaires sociales. (Protestations de M. Souhail Mouhanna.)
Mme Nicole Lavanchy. C'est précisément ce que je fais ! Je vous explique pourquoi...
La présidente. Je demande aux autres députés de respecter la parole de l'oratrice.
Mme Nicole Lavanchy. Je vais moins hausser le ton, cela calmera peut-être les gens... J'expliquais pourquoi nous devons nous-mêmes, politiciens, prendre en charge la situation actuelle dans les CASS au lieu de cibler systématiquement cibler les directions et le personnel de ces institutions. Une erreur politique a été commisse en inscrivant dans la loi sur l'aide à domicile la nouvelle structure des CASS. Ces centres existaient avant et oeuvraient dans le domaine de l'action sociale.
Nous avons maintenant un rapport, celui de Mme Papazian, qui dit clairement que la solution consistant à reconstituer le sens, le mandat de ces CASS autour de l'action sociale est la bonne. Ils devaient revenir sur le terrain qu'ils n'auraient jamais dû quitter. On a mis ces CASS dans le giron de l'aide à domicile alors que celle-ci ne prend pas en compte les besoins de la population d'un quartier. Il faut vraiment reconsidérer le social pour son action individuelle et collective et, surtout, faire en sorte que les assistants sociaux et les travailleurs sociaux qui travaillent dans ces CASS ne voient pas leur mandat réduit seulement à l'action sociale individuelle ou collective. Laissez les gens qui ont des capacités de penser l'action sociale réfléchir à l'organisation de ces centres en matière d'action sociale. Cela ira beaucoup mieux !
Il faut vraiment renvoyer ce rapport en commission pour débattre du fond ! (Applaudissements.)
La présidente. Merci Madame. La prochaine fois vous pourrez un peu baisser le ton parce qu'on vous entend très bien.
M. Blaise Matthey (L). Je vais être un tout petit peu plus bref que l'intervenante précédente. Je veux dire simplement la chose suivante. Tous ceux qui ont l'occasion de vivre la vie d'un CASS - il y en a un qui est tout près de chez moi - peuvent constater qu'il y a quelque chose qui ne fonctionne pas. Ce n'est un secret pour personne que réunir des structures, sans réfléchir à la façon dont elles fonctionnent, ne peut pas marcher.
Le groupe libéral votera le renvoi en commission. Ce que je souhaite, c'est que nous ayons la capacité d'aller un tout petit peu plus loin que ce qui a été dit jusqu'à maintenant. C'est bien le fait de faire fonctionner des structures différentes avec des histoires différentes qui pose un problème. Comment voulez-vous, à l'heure actuelle, que les responsables de CASS puissent vraiment faire fonctionner ces centres s'ils n'ont pas une responsabilité pleine et entière ? C'est l'un des problèmes auxquels nous sommes confrontés. Si vous discutez avec les responsables de votre CASS, vous verrez tout de suite ce problème en face de vous. Comment voulez-vous que des gens, avec des cultures différentes, avec des missions différentes, puissent vraiment se comprendre, se voir, s'entendre ? Comment voulez-vous que l'on puisse faire fonctionner autant de CASS sur le canton de Genève ? L'ambition devrait être d'en avoir un tout petit peu moins, mais d'avoir une véritable règle de fonctionnement. C'est là que se situe le problème des CASS à l'heure actuelle.
Mesdames et Messieurs les députés, j'espère de tout coeur que la commission des affaires sociales aura cette capacité. Je n'avais pas envisagé la mission du parlement comme étant celle de donner des solutions de nature sociologique sur le fonctionnement des CASS. Peut-être que nous y arriverons, mais il ne faut pas trop attendre tout de même de la commission des affaires sociales. Elle prendra connaissance de ce rapport très intéressant qui nous est soumis. Elle donnera un certain nombre de pistes. Ce sera ensuite à votre parlement de voir si l'on peut faire davantage. Je pense cependant que si l'on ne se penche pas sur ces questions fondamentales, on ne trouvera pas de solution au problème des CASS. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Pierre Froidevaux (R). M. Matthey vient de donner le cadre très précis des difficultés rencontrées dans les CASS. Nous remercions le Conseil d'Etat d'avoir établi ce rapport dans les délais, pour que, précisément, nous puissions en discuter en commission. Le principe, chers collègues, du renvoi de ce rapport en commission est fondamental puisque des conclusions nous sont adressées. Nous devons donc y répondre par un travail parlementaire. Je me permets de prendre la parole pour dire ce qu'il n'y a pas dans le rapport, puisque ce qui s'y trouve, nous allons l'étudier.
Je profite de la présence de Mme Martine Brunschwig Graf pour vous raconter une petite histoire... (Commentaires.)J'ai fait sa connaissance en 1992, alors qu'elle était en campagne et elle expliquait que la prochaine loi sur les soins à domicile allait coûter très cher à la République. A ce moment, le débat était le suivant. Nous devions voter un centime additionnel, Mme Lavanchy l'a rappelé, qui allait rapporter 17 millions. Le peuple devait se déterminer sur un coût prohibitif de 14 millions. C'était là l'enjeu et c'est comme cela que le peuple a voté la loi.
Où en sommes-nous aujourd'hui dans le financement de la fondation des soins à domiciles ? Quel est le montant auquel nous devons faire face, dix ans plus tard ? J'entends encore Mme Martine Brunschwig Graf dire, en 1992, que ça coûterait un saladier. C'est ainsi, Madame, que vous exprimiez votre désaccord avec ce projet de loi. Alors, combien cela coûte-t-il aujourd'hui ? Selon le rapport de l'ICF sur les comptes 2003, sorti le 24 décembre 2004, le montant est de 145 millions. Nous avions voté 25 millions; en 2003, ce sont 145 millions que nous payons.
Ce n'est pas tout. Les coûts pour la commune ne sont pas compris dans les 145 millions. Ces coûts ne sont pas du tout évalués et pas du tout évaluables. Nous sommes donc peut-être à un coût de fonctionnement qui avoisine les 200 millions dix ans après le vote de la loi. Il y a là un véritable problème : lorsqu'on vote une loi, il y a des incidences qu'il faut pouvoir supporter. Alors, je dois faire un reproche à nos collègues de gauche. Lorsque vous aviez la majorité, vous aviez été édifiés par le fait que le subventionnement des soins à domicile ne soit pas linéaire. Vous avez voté une subvention rétroactive qui représente toujours des actifs dans les comptes 2003. Actuellement, la FSASD a 14 millions décrits par l'ICF comme étant en trop dans ses comptes; 14 millions de réserves, Mesdames et Messieurs les députés ! C'est sans doute la queue des montants que vous avez alloué de manière impérative en disant qu'il fallait favoriser à tous prix les soins à domicile. Ces 14 millions sont en plus, Madame la présidente, contraires à la LGAF. Ils ne sont pas transparents: ils sont camouflés dans les comptes. Ils sont contraires aux normes IAS que nous avons votées. Le département a malgré tout maintenu que les normes IAS ne s'appliqueraient pas à la FSASD. Nous avons voté une loi, Madame la présidente. Si effectivement elle n'était pas compatible avec la réalité, il fallait nous le dire ou nous proposer un amendement. Ne pas appliquer la loi, Madame la présidente, pose un véritable problème. On pourra toujours dire que l'année prochaine ça ira mieux, mais il y a quand même un certain nombre d'années que nous plaidons pour la transparence, que nous ne voyons toujours pas.
J'aimerais terminer cette intervention économique en vous rappelant un grand débat sur le plan national: comment doivent se financer les soins à domicile à terme ? On parle d'un système moniste. Dans le cas présent, cela signifie que les 150 millions - voire plus si l'on tient compte des coûts municipaux - que cela coûte sont versés à un organisme unique qui refinance l'ensemble du secteur. Imaginez ce que le secteur privé pourrait faire de ces 150 millions ! Il faut donc soutenir les réformes dans la santé et soutenir ce type de réflexions sur le financement moniste. (Commentaire.)Mais oui, cher collègue de l'Hôpital universitaire cantonal, vous devez y réfléchir. Vous voyez l'incidence pour le peuple de Genève de devoir payer cette somme. Un jour, il faudra vraiment avoir une réflexion fondamentale pour un meilleur fonctionnement au service des usagers et au service de la population.
M. Alain Charbonnier (S). Je répondrai simplement à M. Froidevaux qu'une des seules recommandations du rapport du Conseil d'Etat vise à transformer la FSASD en fondation de droit public pour en finir avec le statut de droit privé qu'elle a aujourd'hui.
M. Schmied a dit que c'était la désorganisation totale dans les CASS, qu'on allait y mettre un chef et que tout serait réglé... Cela vaudrait la peine que M. Schmied lise le rapport Papazian ! Monsieur Schmied n'est plus là, dommage pour lui. Ah, le voilà de retour. S'il lit le rapport Papazian, il s'apercevra que ce qu'il dit ne correspond pas du tout à ce qui est décrit dans le rapport à propos des problèmes organisationnels des CASS. Effectivement, il manque une coordination et des gens responsables à la tête des CASS. Mais, ce qui manque surtout, c'est la définition d'une mission. C'est cela qui demande à être éclairci. Et c'est précisément, Monsieur Matthey, le rôle du législateur de définir dans des lois les missions des différentes institutions qui régissent les CASS. C'est trop facile de dire qu'il suffit de mettre des petits chefs à la tête des CASS. Il y a beaucoup d'autres choses à faire, et c'est pourquoi le groupe socialiste soutient également le renvoi en commission.
Mme Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat. Avant le vote sur le renvoi en commission - que le Conseil d'Etat souhaite aussi, car cela lui permettra d'apporter toute une série de renseignements - j'aimerais répondre sur trois points.
Tout d'abord le plus bref, à destination du député Froidevaux. Vous avez parfaitement raison, Monsieur le député, de rappeler que les institutions qui perçoivent des subventions en surplus doivent, à un moment donné, procéder à leur restitution. Dans ce cadre-là, nous avons reçu du DASS les informations qui convenaient. Je vous rappelle qu'en fin de législature - c'est ainsi pour les institutions du social et de la santé - il y a un processus de restitution qu'il faut établir de façon transparente. Cette loi doit être appliquée quelle que soit l'institution visée, à moins qu'il y ait un accord, comme par exemple avec l'Université, dans le cadre d'un investissement sur plusieurs années.
Ensuite, il est exact, Monsieur Froidevaux, que, lorsque j'étais députée, j'ai combattu le projet de loi sur l'aide à domicile en rappelant quelque chose qui, aujourd'hui, se révèle toujours aussi exact. Je disais qu'il ne suffit pas de mettre de l'argent sur la table pour mettre les gens d'accord et pour créer une synergie dans le travail. Aujourd'hui, on en voit les effets, pour les CASS et pour d'autres éléments. On ne refait pas l'histoire. Je rappelle qu'il y avait à l'époque une initiative populaire et, donc, les raisons pour lesquelles cette loi a été adoptée avaient finalement leur propre fondement, quand bien même on n'était pas nécessairement d'accord avec ce texte.
Enfin - avant de rappeler ce que le Conseil d'Etat a dit qu'il allait faire - j'aimerais vous dire quelque chose, Madame Lavanchy, qui n'est pas sans lien avec mon deuxième point. J'ai toujours - je le redis ici au nom du Conseil d'Etat - été très sceptique sur la façon dont les professions pouvaient s'affronter dans différents domaines. A votre manière aujourd'hui, avec votre passion bien connue, vous avez illustré cet affrontement du côté du social. Je souligne ici qu'il y a aussi un volet social de l'aide à domicile. Je pense aux aides ménagères qui n'ont pas pour fonction de soigner celles et ceux qu'elles vont visiter, heureusement pour les patients et heureusement pour elles. Cela signifie qu'opposer les cultures et les professions n'a pas de sens. Pourtant, à la racine de tout cela, il y a des affrontements de cette nature qui devront être dépassés. Tout ne pourra pas être réglé ni par des lois ni par des organisations. Je rappelle que, dans ce canton, on a mis sur pied - comme en Suisse occidentale - une haute école en santé-social pour permettre d'approcher ces disciplines de façon plus transversale. Si, aujourd'hui, dans ce parlement on continue de développer la culture de l'opposition, les objectifs ne seront pas atteints. Votre discours, Madame, pouvait laisser penser que vous vous inscriviez dans cette optique, même si vos intentions ne sont pas de cette nature.
J'en viens maintenant à ce qu'a dit le Conseil d'Etat, car finalement c'est le plus important. Le rapport est important, mais derrière tout cela, il y a des personnes. Il y a bien sûr celles et ceux qui travaillent, qui se mettent à disposition du service public. Mais il y a aussi les bénéficiaires qui, finalement, n'ont pas pour principal intérêt de savoir à quelle discipline appartiennent les intervenants. Donc, la première proposition du Conseil d'Etat consiste à définir et à préciser l'ensemble des prestations qui doivent être données dans les CASS. Ensuite, il faut identifier les acteurs du réseau socio-sanitaire et décider, une fois pour toutes, lesquels doivent intervenir dans le cadre des CASS et lesquels doivent intervenir à d'autres titres et ailleurs. J'ajoute, à cet égard, que les communes auront quelque chose à dire dans ce dossier. On interroge les CASS, mais, si vous interrogez les communes, elles ont aussi quelques commentaires à fournir sur ce qu'elles observent. Enfin, une fois que tout cela aura été défini, viendra une révision de la loi sur les CASS.
En premier lieu, il y a donc les prestations. Ensuite, il y a une définition des acteurs qui doivent fournir ces prestations. Enfin, il y a un cadre légal et une organisation adéquate. J'espère que, dans ce Grand Conseil, lorsque vous aurez à traiter cela, vous oublierez les chapelles professionnelles - que vous les défendrez comme quelque chose à ne jamais encourager - et que vous aurez comme principal souci ce qui est dans votre nature, je l'espère, l'intérêt des bénéficiaires.
Avec le rapport qui a été fait, avec vos interventions et avec le plan de travail du Conseil d'Etat, il n'y a aucune raison de ne pas y arriver. (Applaudissements.)Le vote électronique est lancé. (Aucun résultat ne s'affiche.)Puisque l'informatique nous lâche, nous allons voter à main levée.
Mis aux voix, le renvoi de ce rapport à la commission des affaires sociales est adopté.
Débat
La présidente. Je suggère - je ne sais pas si c'est possible en raison de nos problèmes techniques - que nous traitions la motion qui est le fruit du travail de la commission et qui reprend les invites de la motion de départ. Cela me paraît plus logique. Je laisse les rapporteurs s'exprimer sur cette question. La parole est à Mme Hagmann. (Le microphone de l'oratrice ne fonctionne pas.)Il semble qu'il y ait un problème informatique, non seulement pour le système de vote électronique, mais également pour les micros.
Je lève la séance quelques minutes.
La séance est suspendue à 21h.
La séance est reprise à 21h05.
Mme Janine Hagmann (L), rapporteuse de majorité. Sur la procédure, je voudrais vous rendre attentive, Madame la présidente, au fait qu'il faudra d'abord voter la motion 1528, puis la motion 1580. Le sujet est le même, mais on ne peut pas les traiter ensemble, parce que les signataires de la motion 1580 ne correspondent pas totalement aux promoteurs de l'autre motion. Cela me semblerait inéquitable de traiter tout cela ensemble.
Sur le fond, maintenant, je pense, Madame la présidente, que nous pouvions sans autres attendre deux minutes de plus, puisque la motion dont nous traitons a été déposée il y a exactement deux ans, soit le 17 mars 2003. Le rapport de M. Brunier comme le mien ont été déposés une année après. Après encore une année, notre Grand Conseil traite enfin cette motion. Si je dis cela, c'est parce qu'au moment où cette motion a été déposée il était encore possible pour les conseillers municipaux de tout le canton de déposer des motions qui devaient être traitées par le Grand Conseil. Entre le dépôt des rapports et aujourd'hui, nous avons voté une loi qui ne permet plus de déposer des motions communales. La motion dont il s'agit a toutefois été déposée avant ce changement de loi, c'est pourquoi nous la traitons ce soir.
Le Conseil municipal de la Ville de Genève qui a déposé cette motion nous utilise comme un relais, puisqu'il demande à ce Grand Conseil d'adresser lui-même une motion au Conseil d'Etat demandant au chef du département de l'instruction publique de mettre à disposition des responsables de l'école primaire une équipe d'assistants sociaux sur le modèle des équipes dont disposent les écoles secondaires.
Après avoir travaillé sur cette motion en commission de façon très sereine, avoir auditionné les auteurs, nous nous sommes aperçus qu'il n'était vraiment pas profitable d'ajouter un niveau à l'encadrement des élèves du primaire. Introduire de nouveaux intervenants dans l'organisation de l'enseignement primaire semblait malvenu.
Cela étant, les motionnaires ont raison de décrire une situation qui s'est aggravée dans les classes et qui n'est pas facile à gérer. Je vous rappelle aussi, Mesdames et Messieurs les députés, que cette motion a été écrite par des gens de la Ville. Elle ne correspond donc vraisemblablement pas à ce que vivent toutes les communes du canton.
Ensuite, ceux qui nous adressent cette motion et nous demandent de la relayer auprès du Conseil d'Etat n'ont pas pris la peine de demander l'avis des enseignants. Cela nous a paru un peu bizarre, si bien que la majorité de la commission n'a pas accepté cette motion. Il y a eu un vote à 6 contre 6 et une abstention. Dès lors, la commission s'est longuement posé la question de comment faire pour donner satisfaction aux motionnaires. C'est là qu'on en arrive à la motion 1580. Une partie de la commission a décidé de rédiger une motion qui répondrait, par d'autres propositions, aux demandes du Conseil municipal de la Ville.
Je me sens un peu mal à l'aise, Madame la présidente, car je suis rapporteure de majorité pour la première motion alors que le groupe libéral n'est pas d'accord avec la motion 1580. Je ne veux donc pas créer une disparité et profiter du droit de parole accordé au rapporteur alors que je ne soutiens pas la motion 1580.
C'est pour cela que, pour l'instant, je me contente de vous inviter je vous invite à refuser la motion 1528, Mesdames et Messieurs les députés, et je reprendrai la parole plus tard.
M. Christian Brunier (S), rapporteur de minorité. En dehors de tout combat idéologique, au niveau la procédure, je pense que nous devrions voter la motion 1580 en premier. Je vais expliquer pourquoi.
Je reprends un peu l'historique. En 2003, la gauche et le PDC - il n'y a pas eu d'affrontement gauche-droite - du Conseil municipal de la Ville ont voté une motion qui pointait les graves problèmes de l'encadrement médico-social des élèves de l'enseignement primaire. Ce constat, tout le monde le partageait au sein de la commission de l'enseignement, d'ailleurs Mme Hagmann vient de le confirmer. Ce n'est certainement pas un constat uniforme pour tout le canton et il y a vraisemblablement plus de problèmes dans certaines communes que dans d'autres. C'est fort possible, mais je dirais que les problématiques diffèrent d'une école à l'autre et, s'il y a des problèmes en Ville de Genève, il y en a aussi dans bien d'autres communes. Il me semble que cela a été un constat général en commission.
Nos collègues de la Ville de Genève demandaient d'engager des assistants sociaux pour le primaire. Cela n'existe pas en primaire, mais seulement dans d'autres degrés d'enseignement. Au primaire, le seul encadrement médico-social permanent est composé d'infirmières un jour ou deux par semaine. Il n'y pas d'assistants sociaux.
Il nous a semblé - nous étions unanimes ou du moins largement majoritaires à le penser - que ce n'était peut-être pas aux parlementaires de définir exactement le cahier des charges ou la profession des gens qui doivent encadrer les enfants au niveau primaire dans les écoles.
Le département a proposé de renforcer plutôt le nombre d'infirmières.
Je rappelle les chiffres parce que c'est important. Actuellement, il y a une infirmière pour environ 2000 élèves. L'objectif du DIP est d'arriver à une infirmière pour 1500 élèves. Je rappelle que la France, qui connaît d'autres problématiques, mais ça donne un ordre de grandeur, s'est fixé comme objectif d'avoir une infirmière pour 700 élèves. On est donc loin, loin, loin des objectifs de la France. Certes les circonstances et les situations sont différentes, je le reconnais. Néanmoins, mettez-vous à la place d'une infirmière scolaire aujourd'hui : avoir la responsabilité de 2000 élèves est tout de même excessivement difficile. Là-dessus, je crois que tout le monde était d'accord.
Pour essayer de trouver une large majorité - je le redis le but n'était pas de faire un gros combat gauche-droite - nous avons cherché, en commission, à formuler une série de propositions pour arriver à une motion de la commission. Nous avons dit que nous étions prêts à ne pas voter la motion de la Ville de Genève, mais à faire une motion de commission qui demande de renforcer le personnel infirmier dans les écoles. La droite a tout de suite répondu qu'elle ne voulait pas créer de nouveaux postes. Par souci de consensus, nous avons dit qu'une dizaine ou une quinzaine de postes supplémentaires pourraient sans doute être trouvés dans le cadre de l'enveloppe des postes de l'Etat par le biais de mobilité de postes vacants.
Il y a vraiment des inquiétudes importantes. Je rappelle un chiffre qui ne concerne pas de la Ville de Genève. A l'école des Libellules et selon les chiffres du DIP, il y a vingt ans, 5% des élèves demandaient un encadrement médico-social; aujourd'hui, ils sont 25%. L'infrastructure n'a pas forcément suivi. Donc, nous devons faire quelque chose. Malheureusement, nous ne sommes pas arrivés, malgré les concessions que nous avons faites pour essayer de dégager une unanimité ou une grosse majorité. Résultat, nous avons déposé une motion. Nous avons invité tous les autres partis à la signer, malheureusement, seuls les partis de l'Alternative et la représentante du parti radical ont signé cette motion pour créer plus de postes d'infirmières dans les écoles. Alors, par réaction, nous avons finalement voté pour la motion de la Ville de Genève qui présente, je le répète, un bon constat mais de mauvaises solutions. Nous étions prêts à ne pas la voter et finalement, parce qu'il y a eu un blocage en commission, nous l'avons votée.
C'est pour cela que je propose de voter d'abord la motion 1580 qui demande plus d'infirmières dans les écoles. Si cette motions passe, nous sommes prêts à ne pas voter la motion de la Ville de Genève. Il est clair que si la motion 1580 est rejetée par ce parlement, nous voterons par réaction, parce que nous estimons que nous ne pouvons pas laisser passer un constat aussi grave sans réponse du gouvernement. C'est pour cette raison que je propose de voter la motion 1580 en premier.
Mme Janine Hagmann (L), rapporteuse de majorité. Sur la procédure, Madame la présidente, je peux dire que nous ne voyons pas d'opposition à procéder comme le propose M. Brunier. Seulement, le chantage consistant à dire que si nous n'acceptons pas la motion 1580, la gauche votera la motion de la Ville de Genève me semble un peu particulier. Je vous rappelle, Monsieur Brunier, que la motion communale demande de déposer une motion... C'est le serpent qui se mord la queue ! Il y a quelque chose qui ne joue pas.
Je regrette, Madame la présidente, que vous me mettiez, pour la deuxième fois, dans une situation d'embarras en décidant de traiter deux points ensemble.
La présidente. Madame la rapporteuse, les chefs de groupe m'ont demandé de traiter ces deux objets conjointement. Maintenant, je vois la complexité. Il me paraît dès lors plus simple, malgré la position de M. Brunier, de traiter d'abord la motion 1528 avec votre rapport, Madame, et ensuite la motion 1580. Cela me paraît plus logique.
Mme Ariane Wisard-Blum (Ve). Je ne peux pas être d'accord avec la procédure que vous proposez. Ces deux points font partie d'un même groupe de travaux effectués par la même commission durant les même séances. Le deuxième objet découle du premier. Donc, à mon avis, nous devons parler du sujet dont il est question, à savoir l'encadrement des enfants qui rencontrent des difficultés; ensuite, nous voterons sur la motion 1580, puis sur la motion 1528.
Je ne vois pas en quoi cette procédure pose un problème à Mme Hagmann. Elle peut tout à fait rapporter pour la majorité sur la motion 1528 et quelqu'un de son groupe pourra ensuite s'exprimer sur la motion 1580. Je ne vois pas où est le problème.
La présidente. Bien. Quelle est votre position sur ces deux motions puisque nous les traitons ensemble ?
Mme Ariane Wisard-Blum. Alors, nous pouvons maintenant parler du fond et non plus de la procédure ? Bien.
Des conseillers municipaux de la Ville de Genève, tous partis confondus, préoccupés par l'augmentation de la violence et de la négligence à laquelle de nombreux enfants sont confrontés nous demandaient, par une motion communale, de mettre en place des assistants sociaux dans les écoles primaires à l'image de ce qui se fait au cycle d'orientation ou dans le postobligatoire.
Nous avons examiné ce texte et nous avons auditionné beaucoup de personnes qui nous ont fait prendre conscience des situations très douloureuses que vivent toujours plus d'enfants parfois très jeunes. Les chiffres fournis par le docteur Bouvier du service santé de la jeunesse sont édifiants. Ainsi, en 1990, seules 12 situations de maltraitance étaient enregistrées alors qu'on en dénombrait 460 en 2002. Selon le rapport de la commission d'évaluation des politiques publiques sur la maltraitance des enfants, Genève est doté d'un réseau social qualifié de «dense et varié» susceptible de repérer et de prendre en charge correctement les cas graves de maltraitance.
Il n'en est pas du tout de même pour les cas de négligence dont la mise en évidence et la prise en charge sont qualifiées, par ce rapport, d'aléatoires. Ces cas de négligence se manifestent par une insuffisance chronique d'affection, de surveillance, de nourriture, d'abri, d'habillement, d'hygiène ou de soins médicaux. Le nombre de ces cas explose. Des enfants parfois très jeunes sont touchés, et leur développement en est gravement affecté.
D'autres aspects altèrent le bien-être et la santé des enfants. L'augmentation de la consommation d'alcool, le tabagisme, le suicide, les troubles alimentaires. Tous ces phénomènes touchent des enfants dès l'école primaire. Paradoxalement, alors que tous ces problèmes augmentent, le nombre d'infirmières scolaires diminue. Les postes ont diminué de 25% par rapport aux années 1990. En 1990, une infirmière à plein-temps s'occupait de 1740 élèves. Elle s'occupe maintenant de 2060 enfants. L'attribution des 5,2 postes pour la rentrée scolaire 2004-2005 permet simplement de maintenir des prestations que je qualifierais de minimum, mais en aucun cas de les développer. Il serait pourtant impératif de mettre sur pied de véritables programmes de prévention et de promotion de la santé dans les écoles primaires. Cette mission devrait être assurée par les infirmières en collaboration avec les enseignants et les parents.
Nous ne sommes pas convaincus que créer une nouvelle catégorie d'intervenants dans les écoles primaires soit une bonne idée. Il nous semble en revanche important de redonner plus de place aux infirmières scolaires dans cet ordre d'enseignement.
En France, comme M. Brunier l'a mentionné, une étude sur la prévention du suicide préconise un rapport d'une infirmière pour 700 élèves. Sans aller jusque-là, il serait utile d'arriver à un rapport de 1 poste pour 1500 élèves dans notre canton. Ensuite, il faudrait également renforcer l'encadrement dans les quartiers plus sensibles.
Sans vouloir stigmatiser tel ou tel quartier ou commune, des inégalités ou des différences existent. Par exemple, le taux de maltraitance par commune varie de 4% à 4 pour mille.
Des travaux de commission ont été menés au sujet de la motion municipale «M 1528» qui demande des assistants sociaux dans les écoles primaires. La motion 1580 découle quant à elle de ces travaux de la commission et demande de faire un rapport sur les mesures existantes, d'encourager la formation continue des infirmières scolaires pour faire face aux nouvelles situations sociales, de proposer une meilleure coordination entre les intervenants et les services concernés, enfin, de renforcer par réallocation de postes les effectifs des infirmières scolaires.
Considérant les problèmes reconnus par les professionnels de l'enfance et les demandes pragmatiques de cette motion, les Verts vous demandent de renvoyer cette motion 1580 au Conseil d'Etat.
La présidente. Le Bureau vous propose de clore la liste. Les députés restant à intervenir sont: M. Patrick Schmied, Mme Jocelyne Haller, M. Claude Aubert, M. François Thion, M. Jacques Follonier, Mme Nelly Guichard, M. Hugues Hiltpold, Mme Janine Hagmann, M. Christian Brunier.
La parole est à M. Patrick Schmied. (Confusion. Le microphone de M. Schmied ne fonctionne pas.)Il semble que votre micro de fonctionne pas, Monsieur. Le micro de Mme Wisard est toujours enclenché. (Brouhaha.)L'informatique semble surchargée, donc nous interromprons une nouvelle fois la séance. (M. Schmied prend la parole depuis la place de Mme Wisard.)
M. Patrick Schmied (PDC). Nous allons improviser une solution. C'est encore possible...
Je veux m'exprimer tout d'abord sur la question de l'ordre de traitement des motions. Franchement, c'est une discussion un peu enfantine, parce que ceux que ça intéresse auront lu les deux motions et ils savent exactement laquelle des deux ils préfèrent. Ce n'est pas vraiment une question très importante.
Je m'exprime maintenant sur la motion 1528-A, la première. Le groupe PDC rejette cette motion. Comme l'a dit Mme Wisard, à cette place même... (Rires.)...il est tout à fait inutile d'ajouter encore une couche d'intervenants - c'est comme cela qu'on les appelle - alors que les infirmières scolaires font l'unanimité et fonctionnent très très bien. Nous préférerions que ce soit le DIP qui décide d'une solution. Elle passera par une meilleure utilisation de ses ressources et une meilleure utilisation des services sociaux. C'est pour cela que nous sommes d'accord d'étudier l'autre motion, Mme Guichard le dira mieux que moi tout à l'heure.
La présidente. Il semble bien que le microphone de Mme Wisard soit le seul à fonctionner avec le mien. Donc, Mme Jocelyne Haller, je vous demande de vous rendre à la place de Mme Wisard pour vous exprimer.
Mme Jocelyne Haller (AdG). (Mme Haller se rend dans le secteur du groupe Les Verts.)Cela change de perspective...
M. David Hiler. C'est encore mieux ici, non ?
Mme Jocelyne Haller. Pas forcément. Je confirme mes choix... (Rires.)
Mesdames et Messieurs les députés, Madame la présidente, dans un premier temps, à la lecture du rapport de Mme Hagmann, on pouvait constater que la commission de l'enseignement et de l'éducation avait été sensible à la problématique soulevée par la Ville de Genève et avait abordé pertinemment la question de la croissance des besoins médico-sociaux dans les écoles primaires.
Relevant un certain nombre de constats, la commission a sagement renoncé à créer une nouvelle fonction et a opté en faveur d'une meilleure coordination des services existants, notamment au travers d'un renforcement des infirmières du service de santé de la jeunesse.
Or, c'est là que le bât blesse. Ce postulat suppose un renforcement des effectifs des services et c'est précisément ce que la moitié de la commission n'a pas voulu. De même, elle n'a pas accepté les propositions alternatives formulées par l'autre moitié de la commission. En effet, certains commissaires ont estimé que le moment était mal venu pour demander des postes supplémentaires, considérant qu'il faut améliorer la situation sur la base de l'existant. Belle maxime ! Mais quand les besoins augmentent, faut-il fermer les yeux ? Faut-il pratiquer la politique de l'autruche, au plus total mépris des coûts humains, sociaux et financiers ? Faut-il renoncer à corriger et à maîtriser ce phénomène ?
Mesdames et Messieurs les députés, il est irresponsable de constater une détérioration de la situation psycho-sociale des enfants de l'école primaire et de ne pas se doter des moyens nécessaires pour répondre à ces besoins. Ce n'est pas faire preuve de rigueur dans la gestion que de faire des économies à bon marché, lorsqu'on se dispense d'entraver les facteurs qui favorisent l'augmentation des coûts.
Enfin, nous laissons à leur auteure l'entière responsabilité des propos sur l'influence des idées «soixante-huitardes» sur les difficultés que doivent affronter actuellement les enseignants. Nous nous bornerons à dire que c'est un raisonnement un peu court pour expliquer la complexité des tâches des enseignants aujourd'hui.
Aussi, pour conclure, Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite, au nom de l'AdG, à ne pas suivre la moitié de la commission qui a refusé l'entrée en matière, mais celle qui demandait de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat. Dans la foulée, je vous propose de réserver le même sort à la motion 1580.
La présidente. Le problème informatique est plus conséquent qu'il n'y paraît, puisque c'est tout le réseau qui a sauté. Je vous remercie, Mesdames et Messieurs les députés, de votre flexibilité pour au moins terminer ce débat. Monsieur Aubert, si vous voulez bien vous rendre à la place de Mme Wisard.
M. Claude Aubert (L). Mesdames et Messieurs les députés, tout à l'heure nous avons vu ce qui se passe quand on doit traiter deux sujets à la fois. Nous avons vu combien les gens hautement distingués sur ces bancs hésitent pour savoir où donner de la tête.
Imaginez-vous ce qui se passe dans la tête d'enfants qui ont été vus successivement par le service santé de la jeunesse, par le service médico-pédagogique, par leur pédiatre, etc. Nous avons un problème ici. Il faudra un jour aborder les effets absolument pervers d'un système qui compte beaucoup trop d'intervenants. On souhaiterait une auto-critique qui permette de comprendre pourquoi ce système génère autant de problèmes. Genève est, probablement, depuis 30 ou 40 ans, le leader mondial de l'assistance aux élèves. Pourtant, plus il y a d'interventions, moins ça marche. Par conséquent, avant de se dire qu'il faut faire toujours plus du même, essayons de réfléchir.
Un dernier point. Toutes les interventions jusqu'ici indiquent que l'enfant dont il s'agit est celui pour lequel il faut trouver des traitements, des infirmières, des médecins et des pédiatres. Le problème est le suivant : on assiste progressivement à une déresponsabilisation des parents auxquels on dit : «Nous nous occupons de vos enfants, vous allez voir ce qui se passe ailleurs !»
Ainsi, le système doit être revu et repensé. J'appelle vraiment les différents intervenants à réfléchir à ce qu'en termes médicaux on appelle une maladie iatrogène, c'est-à-dire une maladie causée par les traitements eux-mêmes. (Applaudissements.)
La présidente. La parole est à M. François Thion. Puis-je vous demander de vous rendre à la place de Mme Wisard ?
M. François Thion (S). Madame la présidente, je prends mes marques pour la prochaine législature. Le parti socialiste s'étendra un peu plus par ici... C'est assez évident. Les Verts iront par là-bas et nous formerons une majorité ! (Rires. Commentaires.)
La présidente. Monsieur Thion, je vous prie de parler du sujet dont il est question.
M. François Thion. Je voudrais être un peu plus sérieux, parce que le problème que nous examinons ici est important. Les problèmes sociaux, les problèmes économiques sont croissants à Genève, et ces problèmes touchent les enfants des écoles genevoises. Ces problèmes sont connus. La situation économique et sociale de certaines familles est particulièrement difficile. Il faut rappeler aussi, Monsieur Aubert, que beaucoup de parents d'élèves de l'école primaire sont malheureusement privés de travail, parce qu'ils sont au chômage. 7,5% de la population genevoise est au chômage. C'est un taux qui a connu une augmentation durant cette législature à majorité de droite au Grand Conseil comme au Conseil d'Etat, je dois le rappeler. Ceux qui ont la chance d'avoir un travail, notamment dans les catégories sociales les plus démunies, sont obligés de faire des heures supplémentaires pour joindre les deux bouts tellement les loyers sont élevés. Ces gens-là, évidemment, ne sont pas à la maison à 16h10 ou 16h30. Ils sont au boulot jusqu'à 20h ou 22h le soir, parce qu'ils font des heures supplémentaires. Le matin, ces parents ne sont pas là non plus pour s'occuper des enfants, parce qu'ils sont partis au travail. Ce sont des choses qu'il faut rappeler avant de disserter sur ce qu'on peut faire ou non.
Ces soucis ne favorisent pas ce qu'on pourrait appeler une éducation équilibrée des enfants. Ces derniers sont livrés à eux-mêmes et cela a des conséquences. Le manque de sommeil tout simplement. Combien voit-on d'enfants qui arrivent le matin à l'école et qui sont épuisés pour avoir très mal dormi ayant été livrés à eux-mêmes le soir ? Manque d'hygiène, toutes les infirmières scolaires le signalent. Il y a même des problèmes de malnutrition qui sont croissants. Nous savons également que de nombreux enfants doivent affronter des problèmes familiaux de plus en plus complexes. Il y a des séparations, des familles monoparentales, des familles recomposées, etc. Pour finir, certains parents comptent sur l'école pour faire l'éducation des enfants. Avec des effectifs de classe qui sont sans cesse en augmentation, les maîtres ne peuvent pas faire face à toutes les demandes et c'est pourquoi nous avons besoin d'encadrements sociaux.
La motion 1580, c'est de celle-là que je veux parler, propose de renforcer les effectifs et les moyens médico-sociaux au sein de l'enseignement primaire. Indirectement, cette motion demande de mieux encadrer les élèves et de répondre également aux questions et aux soucis d'un certain nombre de parents dépassés par leur tâche d'éducateur dans la vie de tous les jours.
Pour ce qui est des statistiques, le chiffre d'une infirmière pour 2000 élèves a été avancé. Je me suis renseigné et il y a des exemples qui sont encore plus clairs. Une infirmière qui travaille à mi-temps ici à Genève doit s'occuper de 1150 élèves. Alors, on dit que cela dépend des quartiers. A la campagne, il arrive que dans certaines petites écoles, l'infirmière passe une fois par mois et pas plus. Il y a là un déficit considérable.
C'est pour ces raisons que le groupe socialiste vous demande de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.
M. Jacques Follonier (R). Tout d'abord, je remercie les Verts de me prêter si aimablement leur micro. J'aimerais dire tout de même que je ne comprends pas pourquoi M. Brunier est assis à la table des rapporteurs alors qu'il n'est pas rapporteur. C'est peut-être sa fonction, mais dans ce débat, il n'y a pas de rapport de minorité. Ce n'est pas un rapport de minorité que vous avez fait, c'est une nouvelle motion ! (Vif brouhaha. Protestations. La présidente agite la cloche.)
La présidente. Je vous prie de vous exprimer sur le fond, Monsieur le député.
M. David Hiler. Un peu de discipline !
M. Jacques Follonier. N'est-ce pas ? Sur le fond, donc, puisque c'est ce que vous voulez, Madame la présidente. Moi, je suis un petit peu surpris de cette motion de la Ville, puisqu'on a confondu énormément les infirmières et les assistants sociaux. On n'a pas tellement fait le calcul de ce qui se passe réellement dans nos écoles. Ce manque de coordination montre effectivement qu'on n'a pas compté les ressources existantes. Cela a donné l'idée à M. Brunier de procéder à une réallocation de postes dont on parlera tout à l'heure.
Le fait qu'il n'y ait pas de contrôle de ces ressources, ni même de cahier des charges bien établi fait qu'aujourd'hui on ne sait pas qui fait quoi, ni qui doit faire quoi. Cette dispersion est regrettable, parce que, finalement, je pense que la bonne volonté de tout un chacun fait que tous essaient de faire le mieux. Finalement, le résultat est mitigé et nous n'irons pas plus loin sans une réelle étude.
Alors, M. Brunier nous parlait tout à l'heure de l'état de la France par rapport aux infirmières. Nous a-t-il dit combien il y a d'assistants sociaux en France par rapport à ceux que nous avons à Genève ? Il s'est bien gardé de nous le dire et c'est dommage, parce que je pense qu'il ne le sait pas. Il nous le dira sans doute plus tard... (L'orateur est interpellé.)Exactement, Monsieur Brunier, vous avez soulevé le problème: vous ne le savez pas ! D'autres ne le savent pas non plus. Pourquoi ? Simplement parce que personne n'a fait ce genre d'étude. C'est un peu dommage de penser que le SRED possède en gros 70 employés et que pourtant on n'a pas pu faire une étude pour savoir quel est l'état réel de nos difficultés et quels sont les remèdes que nous pourrions apporter à cet état de fait.
Alors, on nous pond une motion. On peut certes être d'accord avec certaines invites. La première demande un rapport sur les mesures existantes. Je pense que c'est la première chose qu'il fallait faire et je regrette que cela ne soit pas encore fait. Une autre invite propose de prendre des mesures utiles pour rectifier et mieux coordonner; je suis d'accord. En revanche, j'ai plus de peine à suivre les invites qui parlent immédiatement de formation continue et de renforcement des réallocations. Honnêtement, je pense que nous n'avons pas en main les données nécessaires pour prendre les décisions claires. C'est pourquoi je vous demande de renvoyer cette motion à la commission de l'enseignement.
La présidente. Je passe la parole à Mme Nelly Guichard. (Le microphone ne fonctionne plus.)La technique nous lâche semble-t-il. Madame le sautier, est-ce que la situation pourra être rétablie ? Je suspends la séance, puis je prendrai une décision.
La séance est suspendue à 21h39.
La séance est reprise à 21h45.
La présidente. Je vais clore la séance pour des raisons indépendantes de ma volonté. Nous ne pouvons pas continuer la séance à cause des problèmes techniques que nous rencontrons, je suis navrée. Nous allons noter les orateurs restant à intervenir et ceux qui ont déjà pris la parole.
Je vous souhaite un très bon week-end et vous remercie pour tout le travail accompli pendant cette session.
La séance est levée à 21h45.