Séance du
jeudi 17 février 2005 à
20h30
55e
législature -
4e
année -
5e
session -
25e
séance
IN 121-C
Suite du débat
M. Alberto Velasco (S). Je n'avais pas l'intention de prendre la parole, mais il faut dire que M. Barrillier m'a inspiré. (L'orateur est interpellé.)Absolument, Monsieur, absolument !
M. Barrillier a parlé d'intégration. L'école devrait être un outil d'intégration et pour cela il faudrait, selon lui, «serrer les boulons». Notre groupe pense en effet que l'école est un outil d'intégration, mais que pour cela il faut lui donner des moyens. Les moyens on les donne, en tous les cas une fois par année, ici, dans ce Grand Conseil, en votant le budget. Or, on constate précisément que, année après année, le groupe auquel appartient M. Barrillier - et donc lui-même - diminue le budget du DIP. Alors, voyez-vous, l'intégration, c'est aussi donner des moyens au DIP à travers le budget et non pas voter des réductions !
On a entendu également notre collègue dire que l'école s'occupe de parler syndicats, associations et politique. Bien sûr qu'elle le fait ! Le rôle de l'école, c'est aussi de faire des élèves des citoyens. Intégrer ces jeunes à la cité, c'est en faire des citoyens et leur faire prendre conscience qu'il y a des règles, des partis et ceux qui façonnent une cité.
Enfin, mon collègue a donné un exemple assez significatif en disant qu'il avait connu un jeune vitrier incapable de calculer une surface... Je partage l'avis que, quand on est apprenti vitrier, il faut savoir calculer une surface. Il faut non seulement savoir calculer, mais il faut aussi comprendre ce qu'on calcule. Tout cela, c'est très bien, mais si on calcule sans savoir à quelle formule on a affaire, cela ne sert strictement à rien et on se trompe très souvent. Je pense qu'aujourd'hui l'école a intégré non seulement l'apprentissage du calcul, mais aussi la compréhension du pourquoi du calcul.
Mon collègue Brunier me disait tout à l'heure que, précisément, les élèves dont parlait M. Barrillier avaient fait leurs classes à l'époque où l'on mettait des notes; je remercie donc M. Barrillier, parce qu'il nous a donné un exemple patent de ce que les notes récompensent tôt ou tard des élèves qui ne savent pas utiliser des outils qu'on leur a donnés.
Plusieurs orateurs favorables aux notes nous disent qu'elles sont un moyen pour mesurer si un but est atteint, et l'on peut très bien avoir deux classes qui suivent les mêmes cours, mais dont les niveaux sont différents. Les notes seront alors totalement différentes : un «6» dans une classe ne voudra pas dire la même chose que dans l'autre, de même qu'un «2» dans l'une ne voudra pas dire la même chose qu'un «2» dans l'autre. On ne peut même pas contrôler avec les notes l'objectif qu'on se donne. (L'orateur est interpellé.)Oui, cher Monsieur Catelain. Parce que cela dépend, Monsieur, de la référence que l'on a et de ce que l'on mesure ! En revanche, mesurer le niveau d'avancement et d'apprentissage des élèves, cela c'est significatif.
Je ne m'étendrai pas sur la question de la «méritocratie» et de la civilisation dont M. Kunz nous a entretenus tout à l'heure... C'était très intéressant, mais, cher collègue, je tiens à vous dire qu'à mon humble avis une civilisation est basée avant tout sur le savoir, le devoir et la responsabilité envers la cité et les citoyens. Quant au mérite, c'est appartenir à la cité qui est un mérite et non pas de faire du lucre avec son savoir.
M. François Thion (S). Mesdames et Messieurs les députés, je crois que la première particularité du débat que nous avons ce soir, c'est son aspect technique. Il est également passionné. La mise en place de la rénovation n'est pas un instrument politique ou idéologique, mais c'est la conclusion de plus de 50 ans de réflexions pédagogiques. Pour prouver que ce n'est pas une histoire de gauche et de droite, on peut remarquer que parmi les signataires de l'initiative il y a des gens qui sont membres de partis de gauche et d'autres de partis de droite. De même, on trouve des opposants à l'initiative de l'ARLE aussi bien à gauche qu'à droite.
Rappelons aussi que la situation antérieure au projet actuel de rénovation de l'enseignement primaire genevois était loin de représenter un âge d'or de l'école. Les élèves genevois qui ont passé le test PISA, dont nous connaissons les résultats, ont fréquenté des classes primaires qui n'étaient pas en rénovation. De même, les études effectuées à la même époque en Suisse auprès des jeunes recrues et apprentis confirment des lacunes scolaires qui sont, c'est vrai, inquiétantes. Pourtant, le lien n'est pas si évident entre des résultats moyens et l'absence de notes ou encore avec un enseignement en rénovation.
En ce qui concerne le redoublement, très longtemps j'ai pensé, comme le rapporteur de minorité, qu'un «redoublement en début de scolarité permet à l'élève de combler rapidement ses lacunes, notamment en lecture, afin de suivre ensuite une scolarité normale.» M. Follonier ajoute : «C'est le bon sens.» J'ai cru longtemps aussi à ce bon sens, mais le bon sens ne fait pas tout. Mme Hagmann a cité tout à l'heure un certain nombre de chercheurs universitaires spécialistes de la pédagogie. Je citerai aussi des recherches effectuées en France. J'ai lu un article du «Monde» du 28 mai 2004 qui rend compte d'une recherche effectuée par l'Institut de recherche sur l'éducation. Monsieur Kunz, ça devrait vous intéresser, parce que cet institut est spécialisé dans la sociologie et surtout dans l'économie de l'éducation. Le titre du journal «Le Monde» est le suivant : «Le redoublement accroît le risque d'échec scolaire.» Tiens ! Pourtant le bon sens nous disait le contraire. Si on va un peu piocher dans cette recherche publiée dans un cahier, on s'aperçoit que le redoublement fragilise la confiance en soi de l'élève et l'amène ainsi à réduire ses ambitions. Cette recherche montre également que plus le redoublement intervient tôt, plus il est, en moyenne, associé à une faible réussite scolaire dans l'avenir. L'image des élèves redoublant auprès des enseignants apparaît moins favorable, ce qui influe en général sur leur orientation. Le redoublement apparaît, nous dit cette recherche, véritablement efficace au lycée, c'est-à-dire entre l'âge de 15 et 18 ans. A ce moment-là, l'enquête montre que 80% des redoublants obtiennent le baccalauréat général ou technique.
Voilà pour mettre un peu les choses au point sur le redoublement. Il n'y a pas que des histoires de bon sens. Quand on fait de la recherche en éducation, que ce soit à Genève ou en France - en l'occurrence, c'est l'Université de Dijon qui a fait cette recherche - on arrive aux mêmes conclusions.
Les notes maintenant. Ne pas mettre de notes, je le rappelle, ne signifie pas que la rénovation de l'école primaire ne prévoit pas d'évaluation. Dans le système de l'école rénovée, les parents sont régulièrement mis au courant des apprentissages de leurs enfants. Le changement est avant tout qualitatif. La nouvelle évaluation proposée dans la rénovation est détaillée. Elle sollicite l'intérêt des parents auxquels elle reconnaît d'ailleurs des compétences de partenaires et un rôle de suivi des élèves.
A cela s'ajoute que la note peut-être un leurre ou un mensonge. Dans son rapport de minorité, M. Follonier le reconnaît : «Même si la note présente une apparence d'objectivité, personne ne nie que, derrière la note, peuvent s'articuler quantité de facteurs découlant de la subjectivité de l'enseignant.» C'est vrai - je vois que M. Follonier fait de temps en temps un pas en avant dans notre direction. Je ne voudrais pas tronquer sa citation parce qu'il revient ensuite complètement en arrière : «Cette faiblesse, si elle existe, n'est toutefois pas l'apanage exclusif de la note, bien au contraire.» Alors là, je ne sais plus ce qu'il veut dire. Il dit à la fois que la note ne veut rien dire et qu'en même temps il ne faut que les notes... (L'orateur est interpellé.)Vous me répondrez tout à l'heure, Monsieur Follonier !
Voyons maintenant l'exposé des motifs des initiants sur les six degrés de l'école primaire. Il y a un alinéa de la loi qui mentionne six degrés. Les initiants disent : «A force de laisser du temps au temps, on ralentit le rythme des apprentissages et l'on reporte toujours à plus tard certaines acquisitions fondamentales pour la suite de la scolarité.» (Commentaires.)Eh bien, c'est faux ! Là aussi, je citerai un exemple français. La mise en place des cycles scolaires voulus par la loi d'orientation de 1989 a donné les résultats suivants: à la fin de l'école primaire la proportion d'élèves en retard a été ramenée de 25,4% pour 1990-1991 à 19,5% en 1999-2000, après la mise en place les cycles scolaires. Il y a donc progrès.
La présidente. Il faudra bientôt terminer, Monsieur le député.
M. François Thion. Monsieur Follonier permettez-moi de vous citer encore une fois, la dernière. J'ai lu attentivement votre rapport et, sur un certain nombre de points, je trouvais que vous commenciez à comprendre des choses en pédagogie. (Commentaires.)Mais il y a des dérapages. Je vous cite : «Mais il est vrai que le goût de l'effort et sa valorisation sont des notions que les plus fervents partisans de la rénovation ont remis au rang des idées désuètes ou rétrogrades.» Pourquoi dites-vous des choses pareilles ? En fait, quand vous avancez des choses comme ça, vous attaquez non seulement les partisans de la rénovation, mais encore tous les enseignants qui travaillent dans la rénovation et même, je dirais, l'ensemble du corps enseignant genevois ! Ce sont des propos impardonnables. (Commentaires.)
La présidente. Vous avez parlé plus de sept minutes, Monsieur le député !
M. François Thion. Je termine. Pour ce qui est de la rénovation, il faut tout de même conclure en disant que la plupart des pays occidentaux ont opté pour des réformes scolaires. Les principales options qu'ils ont choisies sont proches de celles retenues à Genève. L'école moderne n'a pas pour objectif, Madame Bartl, d'éliminer les plus faibles, mais de former tous les élèves ! L'école primaire genevoise a aussi pour objectif de transmettre des compétences et des savoirs. Elle le fait ! Il n'y a pas de retour en arrière. Il ne faut pas croire qu'à l'école on n'apprend plus rien.
Pour conclure, je dirai que les socialistes vous demandent de refuser cette initiative et d'accepter le contreprojet du Conseil d'Etat dont on parlera bientôt.
Mme Salika Wenger (AdG). En préambule, j'aimerais dire que je ne souscris en aucun cas au discours rétrograde et conservateur de ceux qui prétendent défendre l'école républicaine qu'ils ont pourtant abandonnée depuis si longtemps au point de n'y faire plus référence qu'en parlant d'une école que je suis heureuse de ne pas avoir connue et que je ne souhaite à aucun élève, même le plus doué.
Ma critique est d'un autre ordre. Elle n'a rien à voir avec la mécanique de l'enseignement, elle porterait plutôt sur ce qui, à mon sens, sous-tend la réforme. L'école est incontestablement, de nos jours, l'espace d'activité sociale qui prédispose le plus un individu à être repéré comme inadapté. L'échec scolaire, partiel ou global, à l'un des apprentissages fondamentaux - lecture, écriture, calcul; la déviance des comportements vis-à-vis du maître ou d'autres élèves; l'inobservation répétée des règles de conduite tendent à être systématiquement interprétés comme des symptômes significatifs de perturbations.
On envisage, sous le concept d'«enfant en difficulté» non seulement les effets de la pauvreté du milieu socioculturel, mais surtout - c'est ce qui me gêne le plus - les perturbations qui seraient induites par des modes de relations affectives, personnelles, familiales, ou sociales, différentes des normes dominantes. Dans ce cas-là, il me semble que nous ne sommes pas loin des théories des aliénistes du XIXe siècle qui faisaient un rapport direct entre pauvreté et anormalité. Et c'est là où je ne suis plus d'accord.
C'est une des raisons, entre autres, qui me fait regretter que certains, dans nos rangs, aient chaussé bien trop rapidement les lunettes des préjugés culturels dominants. En effet, il convient de penser les inadaptations scolaires dépendantes de l'origine sociale comme des produits de rapports de force sociaux, et non de les imputer a priori comme des carences ou des infériorités presque constitutives des individus. C'est pourtant ce qui est fait aujourd'hui dans le discours pédagogique.
Pour faire simple, je vais vous dire ceci : les enfants des familles modestes ne sont pas les débiles légers qu'on nous décrit au fil des manuels pédagogiques. Ces enfants méritent, comme les autres, l'enseignement riche et exigeant qui fera d'eux des citoyens à part entière. Ce n'est certainement pas en faisant du bricolage pseudo-pédagogique qu'on y parviendra.
Au nom de la lutte contre l'échec scolaire, on a abaissé les exigences en matière de connaissances de base; on a déstructuré les savoirs; on a demandé de réduire les devoirs à domicile; on a supprimé le redoublement en primaire, créant ainsi les conditions idéales pour développer ce qui, à mon sens, est le véritable échec scolaire, c'est-à-dire le non-accès au savoir. (Applaudissements.)Les maîtres et les professeurs ont été poussés à faire du ludique, de la pédagogie de projet, à multiplier les activités diverses, extrascolaires; je trouve cela très bien, mais cela coûte du temps et de l'énergie. Où les prendre en période de disette budgétaire, si ce n'est au détriment des apprentissages de base ? Ces apprentissages de base sont cruciaux non seulement pour les études, mais aussi, de manière extrêmement importante, dans la vie en général.
Les décisions en matière d'enseignement doivent être prises dans un contexte marqué par une crise économique durable et profonde. Durant les années 90, lorsque Mme Brunschwig Graf mettait en place ce que nous nommons aujourd'hui la rénovation, l'OCDE avait précisé que cette ambitieuse réforme nécessiterait une augmentation d'au moins 20% du budget du département. Non seulement ça n'est pas arrivé, mais en plus l'école doit faire face aujourd'hui à une baisse importante de ce budget ! On doit faire mieux avec moins d'argent, moins de personnel, moins de temps d'enseignement et beaucoup plus d'élèves ! On comprendra donc le scepticisme de certains quant à la pertinence de ce train de réformes qui a poussé une partie non négligeable de la population à signer la fameuse initiative 121 et à porter sur la place publique ce débat important.
J'en viens maintenant au véritable but de notre réunion de ce soir qui était de discuter, me semble-t-il, d'un contreprojet. Dans son rapport, M. Brunier tente de nous forcer la main en indiquant qu'il n'est point de salut hors du contreprojet du département. Je ne me prononcerai pas sur celui-ci, car ce n'est pas l'objet de notre discussion - enfin, je croyais que nous votions sur le principe d'un contreprojet possible. Dans mon innocence, je pensais même qu'il serait envisageable de présenter un contreprojet qui ne serait pas cosmétique et qui proposerait, par exemple, un moratoire sur les réformes et qui demanderait un temps de réflexion et d'évaluation scientifique des expériences réalisées dans la perspective de permettre un ajustement avec les attentes de la population concernée. Visiblement, ce n'est pas le cas !
Alors, s'il faut prendre position sur l'unique contreprojet, je voterai en faveur de l'initiative et je vous invite à faire la même chose. (Applaudissements.)
Mme Jeannine De Haller (AdG). Je ne sais pas si Mme Wenger a précisé qu'elle parlait en son nom propre ou pas. Si elle l'a fait, je l'en remercie, sinon je précise qu'elle est intervenue strictement en son nom propre et que l'Alliance de gauche ne partage pas son opinion. (Brouhaha.)
A propos du sujet de ce soir, deux intervenants ont dit qu'il s'agissait d'un débat de société. C'est vrai. Ce dont il s'agit ce soir, c'est du choix de donner sa chance à chacune et à chacun depuis le début de l'école, et jusqu'au bout de la scolarité obligatoire en tous cas. Certains d'entre nous ne partagent pas cette opinion, ils estiment que les notes permettent d'établir directement des frontières entre certains enfants, ceux qui ont droit à l'éducation et les autres. Nous ne sommes bien entendu pas d'accord avec cela.
M. Aubert parlait tout à l'heure de l'aspect psychologique extrêmement important de la note. Effectivement, une note, c'est une façon de censurer, de dire «réussi» ou «raté». Le fait d'estimer le travail de l'élève à l'endroit où il se situe, sa manière de progresser, bref, de faire ce qu'on appelle une évaluation formative, permet à l'élève de se sentir valorisé, de se construire. Et c'est grâce à cette estime de soi que les enseignants vont aider à construire, que l'envie d'apprendre sera suscitée. Les encouragements accompagnés d'évaluations formatives, c'est cela qui motivera les enfants à atteindre les objectifs fixés.
Je vous rappelle que, dans la réforme, il y a aussi des objectifs. Ils sont très précis et ils sont tous écrits, il y a de gros classeurs pleins d'objectifs. Il ne s'agit donc pas de ne plus rien apprendre. Ces objectifs et l'envie d'apprendre suscitée chez ces enfants, c'est précisément ce qui leur évitera dorénavant de dire que les notes sont la raison d'être de leur travail, ce que je trouve épouvantable. Heureusement que, grâce à l'évaluation formative, les enfants apprendront à dire autre chose que cela et à travailler autrement qu'uniquement pour les notes.
Un autre aspect extrêmement important de la réforme est les regards multiples portés par différents enseignants sur le même enfant. Je ne suis pas sûre que cela ait déjà été mentionné ce soir. C'est pourtant un des aspects qui, à mes yeux, est extrêmement important. Cela permet un regard multiple qui, lui aussi, construira positivement l'enfant et le valorisera.
Enfin - je ne veux pas parler trop longuement - je remercie Mme Hagmann de son intervention. Je voudrais ajouter à tous ses «oui» à la connaissance, à tous ses «oui» à tout ce qui se passe à l'école, un «oui» à l'enfant, à chacune et chacun de ces enfants, pour qu'ils puissent étudier, apprendre, et avoir du plaisir à le faire ! (Applaudissements.)
M. Gilbert Catelain (UDC). La question qui nous est posée ce soir n'est pas de savoir si les moyens alloués à l'instruction publique sont suffisants ou non: ils le sont.
La question n'est pas non plus de savoir si l'école genevoise remplit sa mission ou non. Elle n'est pas non plus de savoir si l'école est parasitée par l'évolution sociale de ce canton; ni de savoir pour quels motifs les profs doivent passer en moyenne un tiers de leur temps à essayer d'instaurer de la discipline au lieu de faire de l'enseignement; ni de savoir pourquoi l'un des plus grands problèmes de l'école réside dans le manque d'intérêt des élèves; ni encore de comprendre pourquoi ce qui a fonctionné plus ou moins bien dans le passé fonctionne un peu moins bien ces dernières années.
La question qui nous est posée ce soir est simplement la suivante: approuvons-nous ou pas une évaluation continue des connaissances et des compétences; approuvons-nous ou pas une évaluation chiffrée des connaissances et des compétences et, finalement, si nous approuvons une évaluation certificative par rapport à des objectifs, des compétences et des connaissances.
Donc, pour répondre à M. Brunier, je dirai qu'il ne m'a pas convaincu par sa démonstration que les notes étaient inutiles. Je trouve déplorable qu'une initiative signée par 28'000 personnes soit considérée comme du populisme. Je trouve que c'est surtout populaire et que c'est l'expression d'une volonté populaire.
Les notes sont un point de repère pour les enfants, les parents et les enseignants. Si vous faites une analyse statistique, dans un travail de mathématiques, sur la base de points et de chiffres, vous pouvez déterminer exactement le niveau de la classe et savoir précisément à quelle question il a été le mieux, respectivement le moins bien, répondu. On peut alors axer l'instruction, l'enseignement, sur cette analyse-là.
La note doit être le reflet du niveau d'acquisition par rapport à un objectif fixé. Je ne parle même pas de la note qui pourrait, à long terme, servir à l'évaluation des fonctionnaires. En effet, il y a un projet de loi qui permettrait d'introduire un salaire à la prestation pour les fonctionnaires et il faudra bien trouver un moyen pour les payer... De cela, je n'en parle pas, n'est-ce pas ?!
On doit quand même considérer qu'il y a dans notre société 10% de gens proches de l'analphabétisme. Je ne parle pas ici des élèves, mais des parents. La note est quand même un moyen simple, visuel, facile à comprendre pour tout le monde, permettant de se faire une image du niveau et de la progression de son enfant. L'école genevoise, à mon avis, engendre aujourd'hui, peut-être pour les motifs que j'ai expliqués avant, une sorte d'exclusion sociale. Je le vois personnellement dans les tests de recrutement, j'en ai d'ailleurs déjà parlé au chef du département. On se rend compte que des gens qui ont un certificat de maturité et qui se présentent à un examen professionnel pour embrasser une nouvelle profession font jusqu'à 70 fautes d'orthographe dans une dictée de dix lignes... C'est la réalité. J'ai fourni les chiffres. Ce ne sont pas forcément des élèves genevois, ce sont aussi des élèves d'autres cantons. On se dit qu'il y a effectivement un problème au niveau de notre école genevoise. Et il est vrai que ni les notes, ni l'absence de notes ne vont y changer grand-chose.
Je prendrai un exemple très simple. J'ai deux filles jumelles. Cela tombe bien: elles ont la même composition biologique, elles habitent la même famille. Elles se lèvent à la même heure le matin et vont dans la même école; elles fréquentent la même classe: elles n'ont pas les mêmes résultats ! (Commentaires.)Etonnant ! C'est étonnant !
Ce dont on n'a pas parlé ce soir, c'est de l'attitude de l'enfant par rapport à l'école... On en a très peu parlé. Les notes, là-dedans, n'ont absolument pas d'incidences. Il est donc faux et malsain de vouloir biaiser le discours sur les notes par rapport à la composition sociale d'une classe, par rapport à la composition sociale d'une région, puisque c'est essentiellement en fonction de l'attitude de l'enfant par rapport à l'enseignement que va se décider son parcours scolaire. Et les notes sont un moyen comme un autre.
Il appartiendra au peuple de décider. Si le peuple se plaît à voir dans les notes un moyen simple d'évaluer les compétences et le comportement de ses enfants, alors nous, UDC, soutiendrons ce système. Il présente au moins l'avantage de la simplicité et de l'égalité de traitement pour l'ensemble des élèves de ce canton et de Suisse, puisque le système des notes au niveau primaire est valable dans tous les cantons suisses, du moins dans la majorité d'entre eux. Dans un canton où il y a une mobilité professionnelle et sociale importante, les enfants ne font pas forcément toute leur scolarité dans le canton de Genève. Je pense dès lors qu'il est perturbant de faire trois ans d'école primaire dans un système sans notes, puis deux ans dans un canton avec notes, et revenir enfin dans le canton de Genève pour effectuer sa dernière année primaire avec un système sans notes.
En résumé, le groupe UDC votera oui sur le principe de l'initiative qui introduit l'évaluation continue et certificative par rapport à des objectifs.
M. Bernard Lescaze (R). A chaque génération, depuis plusieurs siècles, on parle de réforme scolaire. Personne n'aurait, dans cette assemblée, l'idée qu'on enseigne aujourd'hui comme on enseignait en 1920, en 1820 ou en 1550. Il y a ici beaucoup de gens qui se sont érigés en professeurs. Certains l'étaient, d'autres pas. Vous me permettrez de ne pas parler ce soir de pédagogie, mais de ce dont nous devons débattre, c'est-à-dire d'une initiative populaire signée par 28 000 citoyennes et citoyens et de l'éventualité de lui opposer un contreprojet.
S'il y a ce soir quelque chose dont on a peu parlé, c'est de la partie carrée qui se joue entre l'élève, l'enseignant et les parents, d'une part, et la transmission des connaissances: le savoir, qui circule entre parents élèves et enseignants. C'est cela qui nous paraît important. C'est cela qui devrait être mis, quels que soient les projets, au premier plan.
Je tiens ici à dire qu'une simple constatation montre que, dans la société, beaucoup de notations sont chiffrées, partout. C'est un moyen parmi d'autres d'évaluer, mais c'est un moyen simple, un moyen immédiatement perceptible pour chacun. C'est cela qui fait la portée de la note. Il faut savoir que les élèves eux-mêmes apprécient d'être notés et d'avoir les notes. Ils ont d'ailleurs l'habitude d'un certain nombre de classements.
Sur l'essentiel, nous dit-on, le Conseil d'Etat est unanime pour refuser l'initiative et lui opposer un contreprojet. Je le veux bien, mais, ce soir, si au moment où je parle il y a trois conseillers d'Etat présents, durant tout le début de la soirée seul le chef du Conseil d'Etat était là ! Ce qui montre que cette unanimité n'est peut-être pas aussi grande que le rapporteur de majorité veut bien le dire.
En tant que radical, ce que j'entends contester ici, c'est le fait que nous, et les partis qui nous appuient, ayons refusé de donner à l'instruction publique un certain nombre de moyens qui lui sont nécessaires. L'école genevoise est une école de qualité ! J'en profite ici pour remercier - qu'ils aient signé ou non l'initiative d'ARLE - les enseignants qui font ce métier et que jusqu'ici dans ce débat personne n'a remerciés. (Remarques.)L'école genevoise est une école de qualité, mais il n'y a pas que les moyens financiers qui doivent être pris en compte. Je constate d'ailleurs que ceux qui, bien à tort, nous faisaient le reproche de diminuer les fonds de l'école genevoise sont ceux-là mêmes qui ont refusé de voter le budget ! Alors que ce sont les partis de l'Entente et l'Union démocratique du centre qui ont voté les crédits 2005 pour l'école. (Vifs applaudissements sur les bancs de l'Entente et de l'UDC. Commentaires sur les bancs de l'Alternative.)
J'aimerais dire, Mesdames et Messieurs, que l'on peut être pour ou contre les notes, pour les évaluations certificatives ou pas: à un moment donné, il nous faut trancher. Le groupe radical a décidé, dans un premier temps, puisqu'on nous demande de voter pour ou contre l'initiative ce soir, de voter en faveur de l'initiative. Mais il précise qu'il sera également en faveur d'un contreprojet ! Bien sûr, nous avons notre contreprojet, le contreprojet radical, que nous avons même la faiblesse de croire meilleur que l'initiative, puisqu'il résout un certain nombre de problèmes que l'initiative ne résolvait pas.
Nous sommes partisans de continuer en commission le travail sur la base du contreprojet radical. Comme nous tenons à rester modestes et à l'écoute, nous sommes parfaitement d'accord d'envisager un contreprojet encore meilleur que le nôtre. Mais alors il faut bien dire qu'il ne s'agit en aucun cas du contreprojet que je n'ose pas appeler «du Conseil d'Etat», du contreprojet post-soixante-huitard qui est comme une aspirine face aux problèmes de l'école. C'est de l'acide acétylsalicylique ! (Applaudissements sur les bancs de l'Entente et de l'UDC.)Cela ne répond à rien. Cela ne répond à rien !
Notre position est claire : Oui à l'initiative dans un premier temps et oui à un contreprojet qu'il appartiendra à ce Grand Conseil de déterminer afin d'offrir un choix à la population ! (Applaudissements.)
M. Pierre Weiss (L). Dans cette affaire, qui est, au fond, comme l'a relevé très justement l'un des nôtres, une indication quant au type de société que nous voulons, il s'agit de prendre des positions. Celles-ci doivent être raisonnables, doivent préserver l'avenir, rassurer les parents et aider les enfants. C'est dans cette perspective que je vais m'exprimer tout en faisant d'abord quelques remarques sur les interventions des rapporteurs de majorité et de minorités.
J'aimerais remercier le rapporteur de première minorité, M. Follonier, d'avoir relevé la pertinence des enquêtes du SRED qui, parfois, peut-être critiqué pour son activité ou plutôt son inactivité. Ce soir, M. Follonier a eu raison de nous dire ce que le SRED nous avait dit des préoccupations des parents. Peut-être pourrait-on souhaiter que ces enquêtes soient davantage suivies de conséquences - je rappelle qu'elles datent de 2001 ou 2002, les conséquences viendront peut-être un jour. On pourrait notamment se demander quand l'évaluation des réformes sera faite.
Je crois que le rapporteur de majorité ne s'est pas rendu compte qu'il introduisait dans son discours un paradoxe fâcheux. Il a en effet lié les moyens donnés à l'école - ou plutôt la baisse de ceux-ci - et les résultats que les élèves pouvaient prétendre obtenir à la fin de leurs études ou au cours de celles-ci. De deux choses l'une : soit il y a une influence des moyens sur les études et, comme ces moyens ont baissé, les résultats devraient baisser; soit on prétend qu'il n'y a pas de baisse des résultats, et cela signifierait qu'il y a indépendance entre les moyens et les résultats. Il faudra choisir, Monsieur Brunier !
Enfin, Mme Bartl, rapporteuse de seconde minorité, termine son rapport en disant que les noces de l'égalitarisme et du libéralisme engendrent l'apologie de la médiocrité... Cette citation est probablement une hypothèse. Jamais le libéralisme n'a consommé de noces avec l'égalitarisme. (Commentaires.)
J'aimerais maintenant en venir à l'initiative et au débat sur celle-ci. Cette initiative est simple en tant qu'elle demande des notes. Elle ne demande pas la permanence des notes, mais elle demande les notes. Je ne dirais pas qu'elle est simpliste, je dirais simplement que demander que les notes soient maintenues peut prêter à la critique du nominalisme, c'est-à-dire prendre la forme pour le fond, l'habit pour le moine, la note pour la connaissance. Je vais donner un exemple. En section de pédagogie de la faculté de psychologie et des sciences de l'éducation, il y a des notes, notamment pour les diplômes d'études avancées. Il y a même six notes. Vous allez croire que ce sont des notes de six à un. Non ! En fait, ce sont des lettres. Ces lettres montrent une très grande précision pour les appréciations entre six et quatre. Il en faut cinq : 6; 5,5; 5; 4,5; 4. La sixième note est réservée à ce qui est en dessous de quatre. On voit fort bien qu'il peut être dangereux d'avoir des notes lorsqu'elles mettent tous les échecs au même niveau et distinguent si finement la réussite.
Cette initiative est trop confiante aussi. Elle fait confiance à ceux qui, à certains moment, pour certains d'entre eux, n'ont pas mérité notre confiance en tant que parents. Qui va évaluer les évaluateurs ? L'initiative ne le dit pas. Qui va contrôler les contrôleurs ? Qui parle d'épreuves communes qui seraient contrôlées par d'autres que les maîtres de classe ? Rien n'est dit. Evidemment, on pourrait imaginer une loi d'application, des règlements d'application, mais là aussi il y a un manque dans cette initiative.
Cette initiative, quoi qu'insuffisante est pourtant nécessaire. Elle est nécessaire et en même temps insuffisante : elle ne dit rien sur la qualité de l'enseignement. Elle dit, par exemple, quelque chose sur la possibilité du redoublement, mais elle ne dit rien sur la possibilité d'accélérer les cycles scolaires. Elle ne se préoccupe pas des bons élèves. Ils existent pourtant aussi dans notre système scolaire.
Cette initiative est néanmoins un point de départ qui doit nous permettre d'arriver quelque part. C'est en ce sens-là que j'aimerais plaider pour une union entre ceux qui sont pour le oui à l'initiative et ceux qui sont pour le non à l'initiative et le oui au contreprojet. Mon préopinant a lui aussi parlé d'un oui au contreprojet. En d'autres termes, j'aimerais que cette initiative, cette parturiente, nous permette d'accoucher d'un contreprojet qui soit peut-être radicalo-libéral, peut-être de l'Entente ou de la droite au sens large. Ce contreprojet - pour reprendre les mots de mon collègue Aubert - devrait être un signe qui nous rassure, qui nous donne des repères, qui fasse que de la note on remonte aux connaissances, on remonte à la rigueur. La rigueur du DIP, ce soir et dans le passé récent, ne nous a pas convaincus.
M. Jacques Follonier (R), rapporteur de première minorité. On a entendu un nombre important de choses ce soir et c'est vrai que le débat est important.
Avant de vous livrer ma conclusion, j'aimerais préciser quelques points. Beaucoup de choses ont été dites et l'on a parlé de différents points, de l'enquête PISA par exemple. M. Brunier nous a raconté son histoire inaliénable sur la Finlande, sur les résultats de la Finlande, le problème de la Finlande, etc. Bien ! On peut en parler vingt ans. On peut aussi dire que le Portugal, qui a exactement le même système que la Finlande, est dernier dans le classement... Cela recentrerait un peu le débat, mais cela, personne n'a envie de le dire ! (L'orateur est interpellé.)Ah oui, ils n'ont pas les mêmes moyens ! Ils n'ont pas la même vie socio-économique... Eh bien, c'est exactement ça Monsieur Brunier !
Revenons à quelque chose de plus simple et de plus proche de nous. Si vous aviez bien étudié le rapport PISA, Monsieur, vous auriez vu que le canton du Valais, qui a un système d'organisation par degré et des notes, a un rapport pratiquement similaire à celui de la Finlande... Donc, que fait le canton de Genève ? Là, il y a vraiment des questions à se poser.
D'ailleurs, il y a une autre chose qu'on a passée complètement sous silence - c'est peut-être voulu - c'est ce que relève le rapport Erasme. Il y est indiqué deux choses importantes que nous devons retenir : 75% des enseignants du primaire disent que la rénovation ne sert à rien dans le cas de l'échec scolaire. Cela monte même jusqu'à 84% dans le cas des enseignants du secondaire. On voit donc bien que même les enseignants ne sont pas convaincus que la rénovation peut apporter une quelconque réponse !
Quelqu'un a parlé des médicaments et de la recherche - c'est important de le dire, en médecine la recherche est importante, on voit qu'aux Etats-Unis la Food and Drug Administrationest très sévère. Qu'est-ce qui se passe avec l'école ? Dans tous les pays, personne ne veut faire d'évaluation ! J'en veux pour preuve un rapport fourni par l'Université de Laval qui présente une réflexion sur les expériences nord-américaines, principalement canadiennes - un pays que M. Beer connaît très bien. Là-bas, on dit très clairement ceci: «Ainsi, les innovations pédagogiques proposées dans le cadre de réformes sont rarement le produit de recherches et deviennent comme des projets intégristes.» Et c'est exactement ce que nous avons fait aujourd'hui à Genève avec cette rénovation. La rénovation devait lutter contre l'échec scolaire.
Quelqu'un a cité le rapport Hutmacher. Je rappelle qu'en 1993 M. Hutmacher disait :«Ce rapport, mon rapport, atteste que trois quarts des élèves qui redoublent mènent une scolarité normale.» N'est-ce pas un bon résultat ? Alors, finalement, dire que le redoublement est inutile, c'est aller à l'encontre de ce qui a été mis dans ces différents rapports.
Pour finir, j'avoue que la référence de Mme Hagmann à M. Perrenoud me sidère. C'est vrai que M. Perrenoud, père de la rénovation, a été le premier à critiquer et à dire, dans un rapport aussi, que les cycles et les notes ne faisaient pas du tout partie, au départ, de la rénovation. Pourquoi voudrions-nous aujourd'hui nous battre pour enlever des notes, alors que, finalement, elles n'étaient pas au départ de la rénovation ? Il dit aussi quelque chose de très poignant: il dit, lors d'une audition, que le département se trouve dans l'obligation de broder un contreprojet là où il aurait dû, lui, produire un contreprojet. Il faut bien reconnaître qu'il y a un certain chenit dans le cadre du département. Je vais devoir, malheureusement, lire un procès-verbal de commission, parce que ça ressort de l'audition de M. Beer et que je suis incapable de retenir cela par coeur tellement c'est complexe : «Le conseiller d'Etat constate une trop grande diversité des pratiques. Il peut exister des contradictions entre ces pratiques et pas uniquement dans une opposition entre écoles traditionnelles et écoles en rénovation, mais également à l'intérieur de deux sensibilités. Au sein même de l'école rénovée, on pratique selon différents schémas, notamment en matière d'évaluation. Parfois ces contradictions apparaissent au sein même d'une école.»
A ce stade-là, il est clair qu'il n'y a plus de pilote dans la rénovation ! C'est certain que le département ne maîtrise pas ce qu'il est en train de mettre en place. Alors, je crois que l'initiative a au moins le mérite de permettre à la population de s'exprimer.
En conclusion, il y a un point sur lequel je suis parfaitement d'accord avec M. Brunier, c'est qu'il est regrettable que, lorsqu'on parle d'enseignement, cette salle a tendance à se vider... (Exclamations.)... et que l'intérêt général ne soit pas là. Je suis désolé: est-ce une manifestation du Sonderfall Genfou du Röstigraben? Je ne sais pas, mais j'ai envie de demander à ceux qui sont là et à ceux qui ont pris la parole s'ils ont des enfants. Lorsqu'on a des enfants, on sait ce qu'est l'école, et le jour où on a vu ce qu'est l'école on peut se permettre d'en parler beaucoup plus clairement que ce que j'ai entendu ce soir. (Brouhaha.)
M. Alain Charbonnier. Retourne à l'école !
M. Jacques Follonier. Il y a de ceux qui n'en sont peut-être jamais sortis, Monsieur Charbonnier ! (Commentaires.)J'aimerais dire une dernière chose. Peut-on jouer avec l'enseignement scolaire, comme le préconisent les pédagogues en mal d'inspiration et, malheureusement, la gauche ? Moi, je ne le crois pas. Vous avez peut-être tort de croire que votre responsabilité n'est pas engagée, Mesdames et Messieurs: elle l'est ! Ce que vous déciderez ce soir fera ce que l'école genevoise sera demain. Ce sera la responsabilité de ceux qui auront pris cette décision ce soir.
Pour moi, il est important de voter cette initiative. Dans tous les cas, une chose au moins me fera plaisir: le peuple tranchera. Et je peux vous dire qu'on va bien s'amuser.
Mme Caroline Bartl (UDC), rapporteuse de deuxième minorité. Je veux dire quelques mots encore. L'école doit faire face à de nouvelles missions «topinambouresques», avec un public de plus en plus nombreux. De nouvelles tensions sont donc apparues dans un système, tensions qui semblent affaiblir l'efficacité de l'école comme instance d'intégration des jeunes dans la société.
La première tension, c'est que la massification de l'enseignement et le nivellement par le bas qui s'est ensuivi se sont accompagnés de la nécessité de continuer à faire émerger une «élite». Pourquoi s'étonner que certaines écoles privées dépassent les programmes et appliquent des barèmes plus sévères ? On sait que les exigences demandées aux élèves dans le cursus normal sont tellement en baisse en raison de l'idée d'un socle minimum de savoir.
Ensuite, il faut vraiment une bonne dose de mauvaise foi pour dire que l'enseignement traditionnel fondé sur une pédagogie de l'imposition favorise les plus forts et les plus aisés des élèves. Je pense franchement que ces derniers n'ont pas besoin de l'école, et l'expérience montre qu'ils s'adaptent à tous types d'enseignement. En revanche, préconiser des pédagogies nouvelles sans être assurés que les élèves maîtrisent les bases, c'est à coup sûr défavoriser les plus faibles !
Si les inégalités augmentent, c'est aussi parce que notre pays accueille des populations étrangères dont les enfants ne maîtrisent pas le français. (Protestations sur les bancs de l'Alternative.)Eh bien oui, c'est la réalité ! Faudra bien... (L'oratrice est interpellée.)Oui, oui, bien sûr !
L'école n'a guère réduit les inégalités sociales et laisse de côté une part non négligeable des élèves. Le travail des enseignants est de plus en plus pénible, puisque l'école coûte de plus en plus cher pour des résultats somme toute décevants en regard des investissements économiques et humains consentis. L'école est aujourd'hui dans une situation plus fragile, dans la mesure où elle réussit sans doute moins bien qu'avant à remplir tous les rôles nouveaux qu'on lui a assignés.
Je vous invite donc à soutenir cette initiative, car je pense qu'il est crucial de redonner du sens à l'école et, surtout, de s'accorder sur ce sens une bonne fois pour toutes !
M. Christian Brunier (S), rapporteur de majorité. En préambule, j'aimerais faire deux remarques sur le style du débat, parce qu'il y a eu deux dérapages qui ne sont pas tout à fait corrects.
Monsieur Weiss, vous avez le droit de ne pas aimer les rapports du SRED. Vous avez le droit de dire que vous pensez qu'il ne travaille pas sur des thèmes suffisamment intéressants. En revanche, qualifier le travail du SRED d'inaction, c'est insulter le travail des gens, et cela ce n'est pas correct !
Monsieur Follonier, vous nous avez dit que, finalement, seuls ceux qui avaient des enfants à l'école pouvaient s'exprimer sur ce thème... Alors, ça m'arrange ! Moi, j'ai des enfants à l'école. Et à l'école publique ! Je pourrais vous dire que, ayant mis vos enfants à l'école privée, vous n'avez pas grand-chose à dire sur l'école publique: je ne me comporterai pas ainsi. Je sais que vos enfants ont transité et qu'ils sont maintenant au collège public; pourtant, ils ont fait tout leur cursus préliminaire en privé. Cela pour dire que ce n'est pas parce qu'on n'a pas d'enfant qu'on ne peut pas parler d'école. (Commentaires.)Je vous le dis: moi, j'ai des enfants qui vont à l'école publique ! (Remarques. Brouhaha.)Venons-en au débat... Madame la présidente, calmez vos troupes, s'il vous plaît ! (La présidente agite la cloche.)
La présidente. Monsieur Froidevaux, voulez-vous vous taire, s'il vous plaît ! C'est comme à l'école... (Brouhaha. Protestations.)
M. Christian Brunier. Pendant cette soirée, on a entendu souvent des gens dire que l'école n'était plus respectée en tant qu'institution. A entendre ce qui a été dit ce soir, on peut le comprendre. On ne peut pas dire pendant toute la soirée - et c'était de la caricature de votre part, j'en suis sûr - que l'école est mauvaise, qu'elle est malade, qu'elle produit de l'échec, et s'étonner ensuite que l'institution ne soit plus respectée ! Si vous voulez que les enfants et les parents respectent l'école, vous devez aussi, Mesdames et Messieurs, respecter l'école et ne pas tomber dans la caricature. (Applaudissements.)
Ensuite, quand j'ai entendu les radicaux et l'UDC dire que l'école était mauvaise, j'ai pensé qu'ils diraient aussitôt ce qu'ils allaient changer, améliorer. Moi, quand je trouve que quelque chose est mauvais, je fais des propositions pour le changer, l'améliorer. Alors, au contraire, j'entends M. Follonier nous dire l'école est mauvaise et nous dire ensuite qu'il propose un moratoire sur toutes les réformes, sur tous les changements. C'est un projet de motion que vous avez déposé ! On ne peut pas prétendre que ça ne va pas et dire en même temps qu'il ne faut surtout rien changer, cela revient à rester dans l'erreur. Je ne comprends pas votre analyse, Monsieur Follonier !
M. Kunz voit une preuve que l'école publique est mauvaise dans la hausse du nombre d'enfants qui vont à l'école privée. M. Kunz a raison: le nombre d'enfants qui vont dans le privé est en hausse. Mais le nombre d'enfants qui vont dans le public est aussi en hausse ! Tout simplement, il y a plus d'enfants dans le canton ! (Rires. Brouhaha.)Ce que vous ne dites pas Monsieur Kunz, c'est que la proportion des enfants qui sont scolarisés respectivement dans le privé et dans le public reste identique: il n'y a pas d'évolution dans ce domaine.
M. Barrillier, ensuite, pour montrer que l'école publique est mauvaise, a parlé des apprentis... Ceux qui passent les examens d'apprentissage sont, dit-il, de plus en plus mauvais. Il a peut-être raison, et il connaît bien l'apprentissage. Sur ce point, je partage avec lui l'avis qu'il faut valoriser l'apprentissage. C'est précisément cela le problème, c'est qu'il faut valoriser l'apprentissage ! On ne valorise pas assez l'apprentissage... Ce que vous ne dites pas, Monsieur Barrillier, c'est que la plupart des jeunes qui sont arrivés jusqu'ici en apprentissage ont connu le système des notes. L'initiative ne répondra absolument pas à votre problématique ! Oui, il faut améliorer l'apprentissage ! Oui, il faut valoriser l'apprentissage ! Mais ce n'est en tous cas pas l'initiative qui nous est soumise ce soir qui va changer quelque chose.
Si j'ai bien compris le débat de ce soir, il y a les gens qui défendent les notes et qui veulent une école de rigueur, où l'on apprend le savoir élémentaire, et les autres qui se moquent de tout... (L'orateur est interpellé.)Eh bien non ! Je le redis. La gauche, comme les libéraux qui se sont exprimés contre l'initiative, défendent l'acquisition des savoirs. C'est évident ! Personne ici ne va dire qu'apprendre à lire, à écrire et à compter ne sert à rien ! Personne ne dit cela aujourd'hui. Arrêtez de caricaturer le débat, Mesdames et Messieurs ! Oui, c'est important, nous disons juste que ce n'est pas la seule chose ! On ne peut pas dire qu'on veut une école exclusivement axée sur l'acquisition des connaissances et qui laisse tomber complètement la sociabilisation, c'est-à-dire le comportement en société. Nous devons tous vivre ensemble et nous devons l'apprendre dès l'école. Ce n'est pas l'un ou l'autre ! On ne peut pas faire soit du savoir, soit de la sociabilisation, il faut les deux. Car aujourd'hui, malheureusement peut-être, ça ne suffit plus dans notre société, il y a de nombreuses compétences que nous devons avoir.
Les intervenants ont beaucoup parlé des jeunes. J'ai trouvé relativement insultant ce que vous avez dit à leur sujet, vous avez dit: «Le niveau scolaire est en super baisse» et, Madame Bartl, vous avez dit: «Les jeunes sont tous moyens, voire faibles, et pénalisent les quelques uns qui sont forts.» Vous êtes insultante à l'endroit des jeunes ! Ce n'est pas comme ça qu'on va valoriser la jeunesse aujourd'hui ! (Brouhaha.)
En plus, dire que le niveau scolaire baisse, c'est faux ! Les jeunes, et vous le savez très bien, ont de plus en plus de connaissances. Des connaissances variées et, je le redis: en 1982, 59,8% sortaient de l'école avec un diplôme; aujourd'hui, ce sont 77,1% qui sont dans ce cas. (Remarques. La présidente agite la cloche.)
La présidente. Veuillez laisser terminer le rapporteur !
M. Christian Brunier. M. Catelain a essayé de faire une grande différence entre ce qui est populiste et populaire. Monsieur, je n'ai jamais dit que les 28 000 personnes qui ont signé cette initiative faisaient du populisme. (L'orateur est interpellé.)Jamais ! Jamais ! Laissez-moi m'expliquer et vous allez peut-être comprendre.
Sur les 28 000 personnes qui ont signé, un grand nombre ont signé parce qu'elles ont de vraies inquiétudes sur l'école. Ces inquiétudes, je les partage ! Je l'ai dit tout à l'heure, il y a beaucoup de choses à corriger, et la gauche le dit depuis longtemps. A une époque où les radicaux suivaient aveuglément tout ce qui se faisait au niveau de la réforme, nous étions déjà critiques. Ce n'est pas parce qu'il y a des défauts dans l'outil qu'il faut le jeter. Il faut le corriger !
Donc, les 28 000 personnes ont signé... (Brouhaha. Remarques.)Monsieur Froidevaux, s'il vous plaît ! Vous avez une notion de la démocratie et du dialogue politique un peu bizarre.
Les 28 000 personnes qui ont signé ont de vraies inquiétudes. Mais il ne faut pas y répondre en essayant de mentir et de salir le tableau. Il y a des défauts dans l'école, mais il ne faut pas dire que l'école genevoise est mauvaise, qu'il faut la jeter, qu'il n'y a rien de bon. L'école genevoise, Mme Hagmann l'a dit, nous devons en être fiers ! Et si vous voulez valoriser l'institution, vous devez en valoriser les bons côtés et en corriger les mauvais. Mais arrêtez de jeter complètement l'école sans distinction et dans la caricature ! Les 28 000 signataires, il faut les rassurer, mais ce n'est en tout cas pas l'initiative qui répondra à leurs soucis et ce n'est en tout cas pas vos propos qui vont les rassurer !
En ce qui concerne le redoublement, je pense qu'il faut donner des chances aux enfants qui sont en échec. Pour autant, Madame la rapporteure, il ne faut pas les punir - vous avez écrit dans votre rapport que les mauvais élèves devaient être punis... Je vais citer deux études...
La présidente. Monsieur le rapporteur, vous avez dépassé votre temps de parole.
M. Christian Brunier. J'arrive à la conclusion. Je cite très rapidement deux études. La première, qui provient de l'Institut pédagogique de l'Université de Fribourg - ce n'est pas là qu'on trouve les plus grand gauchistes - dit que le redoublement est mauvais et que si les Suisses allemands s'en sortent mieux, c'est qu'il font moins redoubler les enfants et qu'ils ont investi dans les cours de rattrapage - les cours de rattrapage que vous condamnez dans votre rapport. Et c'est M. Gros qui m'a donné tout à l'heure une deuxième étude, signée par le célèbre pédagogue américain... « Joker Poterkslip» - c'est dur à dire. Cette étude précise qu'utiliser le redoublement pour punir l'élève est une humiliation qui déstabilise grandement l'épanouissement des enfants et de la société.
La conclusion est simple. La rapporteure de minorité l'a dit clairement : pour elle, l'école est un moyen de sélectionner les meilleurs et les plus méritants. Je vous prie de m'excuser, mais c'est une solution d'eugénisme ! C'est une société à deux vitesses. C'est une société qu'on ne veut pas, et c'est pour cela que nous ne voterons pas cette initiative. (Applaudissements. Protestations.)
La présidente. Monsieur Follonier vous avez la parole, mais pas plus de quelques minutes, s'il vous plaît.
M. Jacques Follonier (R), rapporteur de première minorité. Ce sera moins que quelques minutes, je pense que ce sera beaucoup plus court, Madame la présidente.
Je tiens à vous dire que lors de cette législature - je parle de celle-ci, je n'étais pas là avant - vous n'avez rien fait en matière d'enseignement. (L'orateur est interpellé.)Aujourd'hui, votre manière de défendre bec et ongles votre conseiller d'Etat et votre Etat de girouettes est pathétique !
J'aimerais maintenant dire quelque chose à M. Brunier qui a eu l'indélicatesse de parler de ma vie privée. Je vais me mettre à son niveau ! (L'orateur est interpellé.)Monsieur Brunier, je vais me mettre à votre niveau ! Je vais vous demander de me dire sur l'honneur ce que vous m'avez confié sur vos enfants, puisque vous en avez un qui est à l'école rénovée et l'autre dans une école non rénovée. Maintenant, je vous laisse la parole. (Brouhaha.)
M. Christian Brunier. Je peux répondre ?
La présidente. Répondez, mais faites vite parce que cela n'apporte rien au débat !
M. Christian Brunier. Je veux tout simplement rétablir la vérité. Mes deux enfants sont à l'école de la Florence qui est une école qui n'est pas du tout rénovée. (Brouhaha.)
La présidente. Merci, Monsieur. Chacun a ainsi pu préciser son contexte familial. Je passe maintenant la parole à M. le conseiller d'Etat Charles Beer.
M. Charles Beer, conseiller d'Etat. D'abord, j'aimerais, en préambule, rendre hommage aux initiantes et aux initiants, ils ont eu le courage de lancer un débat démocratique sur l'école. Quel que soit l'avis qu'on peut avoir sur l'initiative, je crois que toutes celles et tous ceux qui se félicitent de la démocratie directe ne peuvent que prendre acte du fait que se prononcer sur l'école au niveau populaire ne peut que renforcer la légitimité du système scolaire. A cet égard, je tiens très clairement à rendre hommage aux initiants.
Ce qui m'intéresse également, c'est de noter qu'au-delà de l'initiative, des initiants et de la question des notes, l'école fait un retour spectaculaire dans l'arène politique et dans l'arène du débat démocratique. Nous avons pu noter ainsi que, pratiquement partout, les débats s'animent. Partout la question scolaire devient le centre des préoccupations des politiques. Il y a un certain nombre de raisons à cela, permettez-moi très rapidement de les évoquer. Cela a été rapidement dit tout à l'heure, mais permettez-moi d'insister.
Il y a d'abord de profondes transformations, politiques, économiques et sociales de notre société. Il y a le besoin de l'école, comme tout projet, comme toute association, comme toute initiative, de s'adapter aux normes du changement. Si l'école ne s'adapte pas au changement, il n'est pas possible pour elle de répondre aux défis de son temps. Je crois qu'on ne peut être que satisfait de la capacité des systèmes scolaires à se transformer.
Sommes-nous une exception à Genève ? Vous le savez bien, Mesdames et Messieurs les députés, la réponse est non. D'abord, l'ensemble des pays européens a changé de système scolaire. La totalité des cantons et demi-cantons de notre pays a changé de système scolaire. On peut évoquer, comme vous l'avez fait, la Corée ou la Finlande, on peut évoquer également le Valais - vous l'avez fait aussi - ou encore Neuchâtel. Savez-vous que dans ce dernier canton il n'y a pas de notes jusqu'à la fin du cycle d'orientation ?
Pratiquement partout, nous avons enregistré une profonde modification des systèmes scolaires. Ce que nous propose aujourd'hui l'initiative, c'est de revenir sur un certain nombre de changements apportés par la rénovation.
Avant de traiter l'initiative sur le fond, permettez-moi d'évoquer ceci: l'école genevoise a pratiqué des changements; elle en a initié; elle a largement participé à la nécessaire adaptation de son système scolaire. Pour autant, peut-on dire que tout est réussi ? Est-il question de sombrer dans l'autosatisfaction ? La réponse est non ! Peut-on, à l'extrême inverse, jeter le discrédit sur tout ce qui a été fait en matière de rénovation ? Vous savez bien que la réponse est non.
Une voix. La réponse est oui !
M. Charles Beer. Ce que nous devons faire, c'est prendre acte du fait qu'il fallait rénover notre système scolaire - qu'il convenait de le rénover. Ce dernier mérite encore des changements, il mérite un recadrage pour un certain nombre de pratiques, on ne peut pas nier cela.
Mesdames et Messieurs les députés, l'initiative nous propose un certain nombre de remèdes à la crise de confiance qui existe vis-à-vis de l'école. Elle nous propose des notes, le redoublement, de même que la sacralisation des degrés, c'est-à-dire la suppression des cycles d'apprentissage tels qu'ils se pratiquent dans toute l'Europe et dans toute la Confédération.
Sur le premier point, j'aimerais dire que, si 28 000 personnes ont signé l'initiative, c'est qu'il y a une réelle préoccupation par rapport à l'évaluation. Force est de constater qu'il convient d'entendre cette préoccupation. Oui, il convient d'ajouter des notes à notre système d'évaluation ! Cela est souhaité par le Conseil d'Etat, cela est souhaité également par les partenaires, enseignants et parents d'élèves qui ont contribué largement à l'élaboration du projet de contreprojet.
Oui, il convient d'avoir des notes. Non pas des notes qu'on décrète, mais des notes qui viennent réellement sanctionner un certain nombre de commentaires et d'appréciations par une traduction en chiffres. Elles indiquent ce que vaut l'évaluation.
Est-il question, pour autant, de faire des moyennes ? Je ne reviendrai pas sur cette question, mais cela me semble être de l'ordre du détail. Ce qui compte, c'est la clarté de l'évaluation. Ce qui fait défaut dans l'initiative, c'est le rythme de l'évaluation. Il n'est pas mentionné dans l'initiative. Une évaluation par année peut, à lire leur texte, satisfaire les initiants. Or ce qui compte pour le Conseil d'Etat, c'est de renforcer également le rythme de l'évaluation, notamment en réintroduisant une logique de trimestre.
Sur la question du redoublement, beaucoup d'études ont été citées. Et si l'on peut s'entendre sur un point, c'est bien sur le fait que le redoublement n'est pas, en soi, la panacée de la lutte contre l'échec scolaire. En revanche, l'utilisation de périodes de temps supplémentaires peut répondre à un certain nombre d'exigences. C'est pourquoi le Conseil d'Etat propose qu'en cas de difficultés, il y ait la possibilité de prolonger les cycles d'apprentissage. Il ne s'agit pas de répéter stérilement, mécaniquement, ce qui a été vu l'année précédente, même quand on a réussi: il s'agit tout simplement d'adapter l'enseignement aux difficultés.
Nous remarquons également que l'échec, qui devrait être sanctionné le cas échéant par une prolongation de cycle, devra intervenir après l'introduction de tout une série de mesures, puisque le but, encore une fois, est de permettre à chaque élève de parcourir sa scolarité dans le laps de temps voulu par la législation.
Je viens très rapidement d'évoquer la question des cycles d'apprentissage. J'ajoute que ces périodes permettent une plus grande souplesse dans l'apprentissage et dans le chemin vers l'acquisition des objectifs d'apprentissage. Je crois que c'est indispensable et si cette solution a été retenue pratiquement partout, c'est qu'il y a bel et bien une raison.
Au-delà de son contenu, l'initiative nous propose de nous isoler. Elle nous isole des autres cantons; elle nous isole des autres pays européens et, en ce sens, je pense qu'il n'est pas souhaitable de suivre l'initiative. J'y reviendrai.
Si nous reconnaissons aujourd'hui un certain nombre de défauts à notre système, si nous estimons qu'il doit y avoir des améliorations, je souhaite que nous prenions d'abord en compte la nécessité d'intervenir sur plusieurs axes. Il ne convient pas seulement d'agir sur l'évaluation, sur la question du redoublement, mais sur un certain nombre de paramètres. C'est pourquoi le département de l'instruction publique a proposé récemment treize priorités d'actions, de manière à renforcer la crédibilité, la performance et, également, l'aspect démocratique du fonctionnement de notre système scolaire. Voilà des points sur lesquels nous devrions nous entendre, pour ne pas réduire la lutte contre certaines de nos difficultés à des artifices extrêmement réducteurs.
Mesdames et Messieurs les députés, notre système scolaire a également besoin de sérénité. Si l'on peut saluer le fait qu'il y a un débat démocratique, la manière parfois excessive dont certains ou certaines peuvent évoquer le système scolaire ne peut qu'accroître le sentiment de défiance vis-à-vis de ce système, sentiment dont certain souhaitent tirer une rente électorale. Il y a aujourd'hui la possibilité d'exploiter un bon filon, c'est là que derrière une démarche populaire peut se cacher le diable populiste. Nous devons nous en défendre: nous devons relever nos manches, travailler ensemble à des normes, à des qualités de notre système d'enseignement, et nous devons admettre que nous avons - si nous prétendons défendre l'école genevoise et les enfants - à rechercher ensemble l'intérêt général, et non pas seulement l'intérêt particulier. Or l'intérêt général mérite que nous ayons une véritable décision populaire.
Mesdames et Messieurs les députés, 28 000 signatures, c'est important. Pourtant, ce que vous ferez, si vous votez l'initiative ce soir, c'est priver le peuple d'une possibilité de choisir. Vous le savez très bien ! Si le parlement vote ce soir l'initiative, le peuple ne votera pas ! Vous le savez très bien : la meilleure manière de retirer au peuple la possibilité de se prononcer, c'est de voter oui à l'initiative ce soir ! (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)
Ce que nous recherchons, c'est un débat démocratique, afin de renforcer la légitimité de l'école pour mieux améliorer son fonctionnement. C'est dans ce cadre que s'inscrit le contreprojet. Permettez-moi d'en dire deux mots. Le contreprojet est un élément éminemment important, il incarne, normalement, un chemin intermédiaire entre une initiative et le statu quo. Je tiens à déplorer que certaines et certains proposent déjà que le contreprojet qui sortira de la commission soit le frère siamois de l'initiative. Encore une fois, de quoi a-t-on peur ? A-t-on peur d'un véritable choix du peuple entre le projet du Conseil d'Etat, plus ou moins revu, l'initiative ou la situation actuelle ? En essayant d'agir contre le choix populaire et contre l'élaboration d'un contreprojet qui offre une alternative, vous confisquez les signatures récoltées, et vous ne permettez pas le choix populaire que vous prétendez appeler de vos voeux. (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)
Je termine en vous disant ceci, Mesdames et Messieurs les députés: le Conseil d'Etat est non seulement unanime, mais déterminé à aboutir dans son contreprojet. J'aimerais attirer votre attention sur un point. La rénovation de l'école genevoise ne date pas d'hier: elle a été initiée par une magistrate libérale, elle est poursuivie par un magistrat socialiste et les intérêts partisans ne sont pas intervenus dans les discussions du Conseil d'Etat. Je comprends alors que, tel ou tel parti, privé de représentation, ait pu souffrir de cette information. (Applaudissements.)
M. Christian Brunier. Je demande le vote par appel nominal. (Appuyé.)
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, je demande toute votre attention. Nous allons procéder au vote de l'initiative 121-C pour le maintien des notes à l'école. Nous nous prononçons d'abord sur l'acceptation de cette initiative. Si le Grand Conseil devait refuser l'objet, nous aurions un second vote sur le principe d'opposer un contreprojet.
Mise aux voix à l'appel nominal, l'initiative IN 121-C est rejetée par 49 non contre 28 oui et 5 abstentions.
Mis aux voix à l'appel nominal, le principe d'un contreprojet est accepté par 64 oui contre 15 non et 6 abstentions.
La présidente. Le Grand Conseil charge la commission de l'enseignement et de l'éducation de préparer un contreprojet de même genre et de même forme que l'initiative.