Séance du
jeudi 18 novembre 2004 à
17h
55e
législature -
4e
année -
1re
session -
1re
séance
Discours de Mme Françoise de Tassigny,nouvelle présidente
Discours de Mme Marie-Françoise de Tassigny, nouvelle présidente
La présidente. C'est avec beaucoup d'émotion que je m'adresse à vous, car je réalise encore avec difficulté l'honneur que vous faites en me confiant cette présidence. Je vous en remercie du fond du coeur.
Ce mandat de douze mois, que vous me confiez, je l'accepte et rejoins ainsi cette chaîne, ininterrompue depuis maintenant cent cinquante-huit ans, de personnalités qui ont oeuvré avant moi dans l'intérêt de la République.
Je salue ici certains de mes prédécesseurs qui se trouvent à la tribune et je n'oublie pas le dernier en date, à mes côtés, le plus jeune, donc le très dynamique Pascal Pétroz. Celui-ci ne me facilite pas la tâche, car il a apporté un style et instauré une cadence presque infernale qui seront difficiles à imiter. Il a su, pendant ces douze mois, partager avec beaucoup de gentillesse et de compétence les réflexions et les décisions indispensables au pilotage de notre assemblée.
Nous nous connaissions à peine; nous avons réussi à former une équipe, malgré le contexte qui a induit un Bureau de circonstance... Grâce aussi - et je ne l'oublie pas - à la valeur ajoutée de la deuxième vice-présidente et de la seule secrétaire du Bureau.
Durant cette brillante présidence, que tu quittes aujourd'hui, cher Pascal, tu as, malgré tout, montré quelques petites défaillances - qui, égoïstement, me rassurent: ta grande émotion après le marathon du budget et ce merveilleux quiproquo, sous-tendu par ta passion du téléphone portable, qui a permis le vote de 34 millions pour des SMS en lieu et place des EMS !
Je te remercie, mon cher Pascal - et je suis sûre que ni les députés ni le Conseil d'Etat ne me contrediront - d'avoir démontré que, te concernant, la valeur n'attend pas le nombre des années ! Tu resteras dans notre histoire parlementaire comme un très jeune, mais aussi très talentueux président. (La présidente offre des fleurs à M. Pascal Pétroz et l'embrasse. Applaudissements. M. Pascal Pétroz embrasse Mme Marie-Françoise de Tassigny et Mme Maria Anna Hutter, puis reprend sa place parmi les députés.)
Me voici donc investie d'une charge que vous me confiez pour une année. Ce mandat est pour moi un défi, certes complexe, mais que j'espère relever avec humilité, conviction, force et enthousiasme, impartialité et esprit d'ouverture.
Les Cassandre me prédisent une année extrêmement difficile. Mais ces personnes réalisent-elles seulement qu'elles sont les véritables acteurs de l'action politique genevoise ? N'oublions pas que nous tous - présidente, Bureau, députés - sommes dans la même barque: souvent analysés, disséqués et jugés pour nos actions ou nos inactions, par le citoyen qui, par le biais des médias - presse écrite, radio, télévision - évalue l'approche politique de chacun, du groupe et de l'ensemble du parlement, et cela spécialement en période d'élections. Nous nous devons tous de contribuer à effacer cette vision désabusée du rôle politique. Certes, la réalité de l'action politique en 2004 n'est pas celle d'antan, quand les problèmes de la République étaient moins complexes et plus localisés, et les finances parfois plus saines. Aujourd'hui, les séances de travail sont toujours plus nombreuses et les ordres du jour de plus en plus chargés. Pour preuve, il y a tout juste trente ans, en 1974, le Grand Conseil se réunissait 43 fois, ce qui représentait 104 heures de présence. Cette année, ce ne sont pas moins de 78 séances, soit 174 heures de présence, qui ont été planifiées !
Il est inutile que j'énumère ici toute la liste de nos dysfonctionnements. A ce jour, certains d'entre nous ont même rédigé un article intitulé: «Faut-il brûler le Grand Conseil ?». Ce «pessimisme réaliste» s'inscrit dans une période difficile financièrement, alors que l'action ne se limite plus seulement à notre territoire, à notre pays, mais se joue à l'échelle mondiale, et où l'économie lance un véritable défi à la politique.
Sans nier la part de nostalgie pour des temps révolus où tout était plus simple, il faut faire appel à la base de notre démocratie: l'esprit civique. Il faut se persuader que seule la citoyenneté peut faire changer les pratiques et, malgré les divergences sur la manière de faire avancer la société, qu'une sorte de «conversation» permanente et constructive doit pouvoir oeuvrer pour la «chose publique».
Il est souhaitable aussi que le parlement se ressource à la réflexion et à l'éthique. Ces valeurs, partagées, avec un zeste d'imagination, permettraient à chacun de nous de tendre à notre mission première: contribuer au bien-être auquel aspirent nos concitoyens. Je revendique cette philosophie politique en ma qualité de présidente et j'espère pouvoir être le catalyseur de cet esprit qui doit animer notre communauté politique.
J'essaierai de faire régner un climat favorable aux réformes nécessaires et au bon fonctionnement de notre assemblée. Je tendrai à ce que nos débats s'inscrivent dans une approche positive et constructive et non pas dans un rapport de force permanent.
Je souhaiterais aussi contribuer à renforcer la convivialité qui permet de mieux travailler ensemble. J'espère que nom parcours professionnel - plus de trente années dans la pédagogie, le management et la conduite de projets - me sera utile pour faire passer les messages.
Je me réjouis aussi de collaborer avec le service du Grand Conseil, dont l'efficacité n'est plus à prouver et qui a la chance d'avoir une femme remarquable à sa tête: Mme Maria Anna Hutter. D'avance, merci à vous pour votre soutien !
Succession, continuité, évolution: trois mots clés pour ce discours. Aussi, ne puis-je pas l'achever sans évoquer ici ceux qui m'ont permis d'accéder à la charge qui va être la mienne. D'abord, j'ai une pensée émue pour celui qui m'a poussée dans l'action politique et qui a rejoint les étoiles depuis une dizaine d'années; ce soir il doit être fier de mon parcours. Ensuite pour celui qui m'a transmis, en même temps que la vie, son goût pour la chose publique, dont il s'occupe encore dans son grand âge: mon père - et pour ma mère aussi, bien entendu.
Je dois également remercier mes quatre enfants, qui m'ont si bien «coachée» et, surtout, qui ont accepté que je délaisse «l'âtre du foyer» pour défendre des causes politiques. Je remercie aussi mon compagnon d'aujourd'hui qui accepte avec bonne humeur de partager nos soirées avec mes dossiers... J'ai, bien entendu, une pensée pour d'autres maîtres, et particulièrement un ancien conseiller d'Etat, M. Guy-Olivier Segond, qui, après m'avoir recrutée pour piloter le préscolaire, a pensé que mon engagement et mon enthousiasme pouvaient être mis au service de la politique cantonale. Sa force de conviction m'en a presque... persuadée !
Enfin, je remercie tout spécialement le magistrat avec lequel je travaille, M. Manuel Tornare, conseiller administratif de la Ville de Genève, qui, avec confiance, m'a permis d'allouer un peu de mon temps au Grand Conseil.
J'aimerais aussi rassurer mes fidèles et compétents collaborateurs que je ne les abandonnerai pas durant ces douze mois. Merci aussi à mes amis de toujours et à ceux de mon parti d'accepter que je sois un peu plus «étoile filante» dans les mois à venir !
Après cette séquence émotion, je vais maintenant entrer dans la fonction en faisant mienne cette phrase du philosophe Christian Delacampagne: «L'action politique demeure, malgré les aléas qui l'accompagnent, l'une des formes des plus hautes activités.» Je souhaite m'en montrer digne pour la République. Vive la République ! Vive Genève ! (Vifs applaudissements.)
Nous allons passer à l'élection d'une ou d'un premier vice-président du Grand Conseil.