Séance du vendredi 22 octobre 2004 à 15h
55e législature - 3e année - 12e session - 72e séance

PL 8931-A
Rapport de la commission législative chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi de procédure civile (E 3 05) (Médiation civile)
Rapport de M. Christian Luscher (L)

Premier débat

M. Christian Luscher (L), rapporteur. Très brièvement, je rappelle que la médiation civile est une exclusivité genevoise en matière de procédure civile. C'est donc plus qu'une évolution, c'est une petite révolution dans la procédure civile au niveau helvétique. Je ne vais pas paraphraser ni mon rapport ni l'exposé des motifs et je vous demande de bien vouloir adopter ce projet de loi.

M. Jacques Pagan (UDC). Je pense que vous aurez tous pris connaissance de manière attentive de ce rapport, au demeurant fort bien fait, de M. Christian Luscher. Ce projet de loi vise à introduire chez nous une procédure de médiation civile. Pareille procédure a déjà été introduite au niveau pénal avec, paraît-il, un succès plutôt mitigé, mais enfin, il semble être dans l'ordre des choses que de favoriser les arrangements à l'intérieur comme à l'extérieur des enceintes judiciaires. Les personnes ne sont plus à même, semble-t-il, de se diriger par elles-mêmes et ont besoin d'une assistance de tous les jours, comme s'il s'agissait chaque fois d'un véritable drame. Ce n'est pas une critique que je formule, je constate qu'on a de plus en plus besoin d'avoir recours à des assistants psychologiques, sociaux, etc.

Je ne crois pas nécessairement à l'utilité de ce projet malgré toutes les déclarations que la commission a pu enregistrer de la part de professionnels de la justice et autres. Ce qui me gêne beaucoup, c'est que, pour finir, l'individu ne peut plus faire face lui-même aux problèmes de la vie. Il a besoin constamment d'une assistance. En principe, dans le cadre d'une procédure judiciaire, on est assisté d'un avocat qui a pour mission première de concilier les parties si faire se peut. Il y a également, en cas de contestation, le rôle du juge qui est là pour comprendre la situation et aider à trouver une solution amiable. Tout cela tend à disparaître, ce qui signifie que d'une part le plaideur a une responsabilité relativement limitée : on lui adjoint l'assistance d'un médiateur. D'autre part, l'avocat, lui, n'est plus appelé à remplir son rôle premier de conciliateur, et le juge, à la limite, n'a pas tellement intérêt à intervenir parce que c'est une affaire qui ne paraît plus le concerner véritablement.

Je trouve que c'est extrêmement dommage pour l'administration de la justice d'une manière générale. C'est extrêmement dommage pour la valeur intrinsèque de la personne humaine. Je suis persuadé qu'on devrait davantage insister sur le fait que chaque individu, quelles que soient les circonstances dramatiques dans lesquelles il peut être placé, a en lui, s'il le veut bien, la possibilité de dominer la situation et de pouvoir s'affirmer en tant que personne humaine libre et responsable.

Ce sont les seules réserves que notre groupe a à exprimer au sujet de ce projet de loi. Nous savons que nous sommes largement minoritaires, peu importe, il fallait que ces choses-là soient dites.

En revanche, le côté positif d'une telle démarche, c'est de permettre à certaines personnes, qui ont certainement un talent naturel pour concilier les parties si faire se peut, d'intervenir et d'exercer une activité dans un monde économique où les occasions d'activités professionnelles sont de plus en plus limitées.

Enfin, Monsieur le président, je vais peut-être empiéter un peu sur vos plates-bandes en saluant la présence à la tribune de M. le juge Jean Mirimanoff, qui a joué un rôle essentiel et fondamental dans l'élaboration de ce projet de loi.

Le président. Merci, Monsieur le député. Vous avez parfaitement raison de saluer le président Mirimanoff.

Mme Loly Bolay (S). La médiation comme méthode pour résoudre les conflits est dans l'air du temps. C'est un sujet d'actualité en Europe notamment, puisque le Conseil de l'Europe a émis deux recommandations à ce sujet. L'une porte sur la médiation familiale et l'autre sur la médiation en matière pénale.

En Suisse, les récentes révisions du droit du divorce ou le droit des mineurs prennent en compte la procédure de médiation. D'autres cantons, comme Vaud, Neuchâtel et Zurich, ont inclus dans leur code de procédure civile des normes sur la médiation. C'est pourtant Genève qui a été le premier en février 2001 lorsque nous avons adopté la médiation en matière pénale. Je tiens aussi à souligner - et le rapporteur l'a fait avec beaucoup de brio - l'efficacité du groupe de travail dirigé par les juges Mirimanoff et Nardin. La commission législative a pu mener avec ce groupe des travaux extrêmement appréciés, extrêmement importants, extrêmement riches, et au cours desquels nous avons tous et toutes pu apporter nos commentaires et nos remarques, malgré le fait que ces personnes nous ont proposé un projet de loi qui était en tous points excellent.

Le groupe socialiste soutient ce projet de loi qui est un pas en avant pour adopter cette médiation civile. Celle-ci présente d'importants avantages d'une part en matière d'efficacité, mais aussi en matière de diminution des coûts.

J'aimerais dire enfin que le groupe socialiste a demandé qu'une formation soit instituée pour les médiateurs. On voit, par exemple, dans certains domaines, que la médiation n'existe pas parce qu'il n'existe pas de formation en la matière. Il est important pour nous que la médiation intervienne en amont. D'ailleurs, les directives émises par la Maison genevoise de la médiation insistent sur la nécessité d'une formation reconnue.

Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe socialiste, comme d'ailleurs presque tous les groupes à l'exception de l'UDC, vous recommande de voter ce projet de loi.

M. Bernard Lescaze (R). Je ne vais pas répéter longuement ce que vient de dire l'oratrice précédente sur l'intérêt du projet sur la médiation civile. Nous sommes en effet en procédure accélérée. Si nous le sommes, ce n'est pas que ce projet soit mineur, c'est qu'il est important, mais qu'il a été accepté par pratiquement tout le monde à l'unanimité ou presque. Nous nous réjouissons de voir à la disposition de la justice de nouveaux instruments et, surtout, nous espérons - cela reste une espérance - qu'ils seront efficaces.

Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.

Deuxième débat

Ce projet est adopté article par article en deuxième débat.

Troisième débat

M. Alberto Velasco (S). J'aimerais intervenir, Monsieur le président, pour regretter - comme je l'ai fait en commission - qu'on exige un titre universitaire pour exercer l'activité de médiateur. Alors, bien sûr, on est en troisième débat et je voterai ce projet, je pense pourtant qu'on aurait pu se passer de la prééminence du titre universitaire. J'espère que ceux qui devront appliquer cette loi tiendront compte de cette observation et pourront relativiser cette disposition.

La loi 8931 est adoptée en troisième débat par article et dans son ensemble.