Séance du vendredi 24 septembre 2004 à 15h
55e législature - 3e année - 11e session - 67e séance

R 468-A
Rapport de la commission de l'enseignement et de l'éducation chargée d'étudier la proposition de résolution du Conseil d'Etat en vue de la ratification de la Convention réglant la collaboration dans le domaine de la culture entre l'Etat de Genève, la Ville de Genève et diverses communes genevoises
Rapport de Mme Véronique Pürro (S)

Débat

Le président. La rapporteure est Mme la députée Véronique Pürro, qui est remplacée au pied levé par M. le député Christian Brunier, à qui je donne la parole.

M. Christian Brunier (S), rapporteur ad interim. Merci, Monsieur le président. Je ne remplace pas tout à fait Véronique Pürro au pied levé, puisque cette dernière avait annoncé son absence. Je la remercie au passage de la qualité de son rapport.

Vous savez qu'il existe, sur notre tout petit territoire, une multitude d'acteurs publics en matière de culture puisque chaque commune mène une politique culturelle plus ou moins active. La Ville de Genève est bien sûr l'actrice principale de la politique culturelle de notre région - et le cercle de ses bénéficiaires dépasse souvent largement son territoire. L'Etat de Genève intervient également au niveau de la politique culturelle cantonale. Une collaboration croissante - et c'est heureux - s'est en outre établie avec des partenaires régionaux, que ce soit avec nos amis français de l'Ain et de la Haute-Savoie ou avec nos voisins vaudois. A titre d'illustration, on constate une forte synergie avec la France voisine dans le cadre des activités de Château-Rouge. Il faut cependant reconnaître que cette collaboration était jusqu'alors souvent insuffisante, qu'elle causait parfois des doublons et des incohérences et qu'elle se trouvait à la base d'un manque de dialogue.

Les différents partenaires culturels publics ont donc décidé de s'unir ou, du moins, de créer un grand forum de discussion. C'est ainsi qu'ils ont décidé de mettre en place une conférence culturelle réunissant les communes genevoises qui le souhaiteraient, cela par le biais d'une convention à laquelle elles adhéreraient.

Cette conférence réunira bien sûr la Ville de Genève et l'Etat de Genève, mais elle pourra, comme je l'ai dit, s'ouvrir au canton de Vaud ainsi qu'aux territoires français de l'Ain et de la Haute-Savoie. Il faut également signaler la présence, du moins quand il le faudra, de la Confédération puisque cette dernière peut également jouer un rôle dans la politique culturelle de notre région. La convention introduit par ailleurs un forum d'évaluation: des experts proposeront, projet par projet - il s'agit bien sûr de projets d'ampleur, puisque susceptibles d'intéresser ces divers partenaires - des évaluations qualitatives pour pouvoir juger au mieux des soutiens qu'il convient ou non d'accorder aux différentes manifestations ou organisations culturelles.

Je crois que l'on ne peut que se réjouir que les gens collaborent mieux et plus. On ne peut que se réjouir que les communes, le canton et les autres acteurs se mettent toujours plus d'accord pour créer des synergies, pour établir de nouvelles coopérations et pour gérer au mieux les infrastructures publiques culturelles d'importance telles que le Grand Théâtre, le MAMCO ou l'OSR. La commission de l'enseignement s'est donc montrée unanime quant au soutien à la convention culturelle. Elle a simplement procédé à quelques petites modifications durant ses travaux - modifications là aussi approuvées à l'unanimité. Elle a tout d'abord proposé d'ajouter deux nouvelles invites à la résolution. La première invite demande au Conseil d'Etat d'informer le Grand Conseil de toute modification de la convention - ce qui semble normal dans le cadre d'un processus participatif. La deuxième invite demande au Conseil d'Etat de procéder à une évaluation de l'application de ladite convention dans un délai de quatre ans après son entrée en vigueur. La commission a par ailleurs procédé à une légère modification au niveau de la convention elle-même. Puisqu'il est toujours délicat de modifier un texte sur lequel toutes les communes signataires, l'Etat et la Ville de Genève se sont accordés, je précise que cette modification a été approuvée par l'ensemble des différents partenaires. Cette modification consiste à ajouter à l'article 18 de la convention un alinéa 2 précisant que les dispositions d'application demeurent de la compétence des organes exécutifs des partenaires.

Nous vous recommandons à l'unanimité de voter cette résolution qui crée enfin la Conférence culturelle genevoise !

M. Bernard Lescaze (R). Nous avons ici un projet initié il y a plusieurs années déjà par le prédécesseur de M. Charles Beer. Ce projet n'est pas inintéressant, et il sera accepté à une large majorité - avec, je pense, ma voix. J'aimerais cependant vous faire part de quelques remarques qui me paraissent devoir être faites avant que l'on ne se gargarise d'un tel projet.

Ce projet a pour but de coordonner l'aide financière que la Ville et l'Etat accordent aux partenaires culturels. Il associe également à cette coordination les autres communes du canton, et tout cela dans un lointain but d'économies qui ne sera pas forcément aussi favorable que ça aux partenaires culturels. Je trouve d'ailleurs curieux de voir le cercle des décideurs et le cercle des bénéficiaires se rapprocher autant, alors que l'on se flatte par ailleurs et à juste titre de l'important retentissement d'une partie des manifestations culturelles genevoises sur le plan international - que l'on pense notamment à certaines représentations de notre opéra. C'est d'ailleurs bien normal: voudrait-on que la vie culturelle londonienne ou parisienne s'arrête aux frontières de la commune de Paris ou du grand Londres ?! Ce serait absurde ! En conséquence, une partie des motivations de la Conférence culturelle ne me paraissent pas excellentes, même si le but poursuivi, à savoir la création d'une interface, est judicieux.

Un certain nombre d'éléments me semblent donc pour le moins discutables. Je ne doute pas que la commission ait, dans sa sagesse, pu les examiner, mais pas un mot ne figure dans le rapport. Le premier - et le plus important - de ces éléments, c'est l'absence totale, au sein de cette conférence, des véritables acteurs de la vie culturelle - soit des personnes qui, par leurs prestations culturelles, fournissent des spectacles et des expositions. Rien ! Ils seront là, ils écouteront, et sans doute leur dira-t-on: «On vous donne ceci, on vous donne cela...». Ce n'est pas normal qu'il n'y ait pas un comédien, pas un acteur, prévu dans cette conférence. Il n'est, en particulier, pas normal que l'organe de planification et de coordination ne représente que des fonctionnaires. Il n'y a pas non plus un seul représentant du public - soit des bénéficiaires des prestations culturelles ! Cela non plus n'est pas normal, car il existe un certain nombre d'associations regroupant des spectateurs, et ces derniers ont parfois des avis - et des avis intelligents - à donner sur la vie culturelle genevoise. Enfin, je dois tout de même constater que, si l'Etat et la Ville ont, comme les autres communes, chacun deux représentants, imaginons que les quarante-cinq communes soient représentées: la conférence compterait déjà nonante-quatre membres - et uniquement des élus politiques, lesquels ne sont pas forcément tous compétents en matière culturelle. L'Etat et la Ville se sont par ailleurs gardé un droit de veto - et ce, à juste titre, puisque ces deux entités financent l'essentiel de la vie culturelle. Quatre - ou même deux - de ces nonante-quatre personnes pourront donc s'opposer à une décision puisque la Ville et l'Etat devront systématiquement être d'accord pour les décisions importantes.

En conséquence, cette conférence ne constitue qu'un premier pas extrêmement modeste. Et, si ce modeste pas de coordination, de planification et d'évaluation ne devait avoir pour seul but que de diminuer l'énorme diversité de l'offre culturelle genevoise actuelle, eh bien, ce serait un pas en arrière - et non un pas en avant. On va bien sûr me rassurer en m'affirmant que tel n'est - heureusement - pas l'intention des initiateurs de cette conférence. Je signale simplement que ce risque existe et qu'il conviendra de se montrer particulièrement attentif dans quatre ans - je n'y serai certainement plus - lors du premier rapport du Conseil d'Etat sur l'application de cette convention, pour constater que mes craintes étaient totalement infondées.

Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente

La présidente. Merci, Monsieur Lescaze. La parole est à M. le député Halpérin... Mais je vois que c'est Mme Hagmann qui a pris sa place ! Je lui donne donc la parole.

Mme Janine Hagmann (L). Je vous rappelle, Madame la présidente, que je n'ai pas de place... (Ton amusé.)Il est évidemment difficile de remplacer M. Halpérin !

Mesdames et Messieurs les députés, nous étudions cet après-midi en séance dite «accélérée» une convention qui a recueilli l'unanimité de la commission de l'enseignement et constitue un énorme avancement en matière de politique culturelle dans notre canton. Je vous rappelle qu'à Genève, chose tout à fait spéciale, aucune commission spécifique ne s'occupe de la culture: c'est la commission de l'enseignement, à laquelle on ajoute le terme de «culture», qui est censée s'occuper des questions culturelles. Si bien que ce dossier, qui est l'un des derniers pris en main par Mme Brunschwig Graf, représentait une très grande avancée. Je me souviens d'ailleurs d'une envolée de M. Rodrik, qui était alors encore député: ce dernier avait déclaré que ce dossier constituait un pas en avant extraordinaire, car on s'efforçait enfin de créer une politique culturelle à Genève. On doit remercier Mme Brunschwig Graf d'avoir osé prendre en main ce dossier, puisque c'est elle qui, en collaboration avec M. Vaissade, a eu l'idée de cette convention. Comme il aime à le faire, M. Beer a totalement continué dans l'esprit de Mme Brunschwig Graf - et nous l'en félicitons. Ce point est très important.

Cette convention, l'Association des communes l'a au début un peu prise sur les pattes de derrière en disant: «Mais il ne faut pas que cela devienne une usine à gaz». Les risques évoqués par M. Lescaze sont réels, mais je crois que, comme toute chose nouvelle, c'est un bébé qui demande quelques soins au début. Les choses évolueront ensuite selon les réactions des uns et des autres. Peut-être faudra-t-il un jour que des membres d'associations culturelles genevoises fassent partie de cette conférence pour donner leur avis. Peut-être faudra-t-il également qu'une personne du public en fasse partie. Mais, pour une fois, laissons une collaboration intelligente entre l'Etat et les communes aboutir ! Ce ne sera déjà pas si évident. Les grandes communes sont intéressées; elles ont déjà donné leur appui à cette convention. En revanche - et je sais de quoi je parle - c'est plus difficile pour les petites communes, car ces dernières aiment bien monter leurs propres spectacles, souvent durant l'été; elles remportent un certain succès avec ces spectacles et font ainsi partie de l'offre culturelle genevoise. Cette offre demeurera très importante mais, grâce à la mise en commun de toutes ces questions culturelles, je suis convaincue que nous disposerons d'une vision beaucoup plus globale de la culture à Genève. Nous ferons un grand pas avec cette convention, que je vous propose d'accepter, Mesdames et Messieurs les députés !

Présidence de M. Pascal Pétroz, président

Le président. Merci, Madame la deuxième vice-présidente du Grand Conseil ! Je donne la parole à M. le député Baud. Je ne veux pas vous museler, mais je rappelle que nous sommes en procédure d'extraits, qu'il est 16 h 25 et que nous avons encore beaucoup d'objets à traiter dans le cadre de notre ordre du jour vert. Je pense en particulier aux 35 millions pour les SMS... pardonnez-moi, pour les EMS ! Peu de députés ont suivi mes propos, car je n'ai pas entendu de gros éclats de rires... Si l'on pouvait donc avancer un peu...

M. Jacques Baud (UDC). J'aimerais rappeler en ces lieux, parce qu'on semble parfois l'oublier quelque peu, que la culture est à la base de toute civilisation. Mais la culture, ce sont des artistes, et les artistes ont besoin de leur liberté - de leur liberté la plus totale - pour s'exprimer ! Or, je vois là des fonctionnaires, des politiciens qui proposent des subventions, des arrangements de subventions... mais où sont les artistes dans ces arrangements !? Où sont les gens de culture ?! On ne les voit point ! J'ai là quelques grandes inquiétudes ! L'Histoire - une histoire relativement récente - nous a montré ce que devenait la culture lorsqu'elle était mise en place par des hommes politiques. Il y a donc un danger extrêmement grave ! Je tiens à le souligner car nous, artistes, sommes très inquiets ! On nous dirige toujours plus, on décide toujours plus de ce que nous devons dire, on décide toujours plus de ce que nous devons faire ! C'est inadmissible ! Laissons la liberté aux artistes ! Qu'on les aide avec des subventions, certes, mais qu'on leur laisse la liberté de faire ce qu'ils ont à faire, qu'on les laisse nous montrer le chemin - car c'est leur devoir et ça l'a été de tous temps. Alors, dans ces «agglomérats de subventionnistes», j'aimerais bien voir quelque artiste - on en a de bons chez nous. A ce moment-là, je serai légèrement rassuré.

Nous voterons cet arrangement qui nous paraît aller dans le bon sens, mais à la condition que nos artistes soient enfin mis à contribution dans l'élaboration des différents programmes culturels - ce qui n'est pas le cas actuellement.

M. Jean Spielmann (AdG). Pour répondre à mon préopinant, je lui dirai qu'il accorde beaucoup trop d'importance à ce projet qui ne propose, dans le fond, que la mise en place d'une coordination politique en matière culturelle entre des entités déjà existantes: la Ville de Genève, qui assure une bonne part des prestations culturelles dans le canton, le canton lui-même et les communes. Les plus grandes d'entre elles - je pense à Meyrin, à Lancy, à Onex et à d'autres - ont déjà développé une politique culturelle qui, non seulement permet l'expression d'activités culturelles, mais met à disposition des équipements et des lieux nécessaires à l'expression de ces activités culturelles. Dès lors, il me semble tout de même utile qu'il existe un minimum de coordination et que l'on étende cette coordination au-delà de nos frontières en pensant région et en pensant avec d'autres cantons.

Les problèmes de fond ne seront bien sûr pas évacués pour autant, car la Conférence culturelle ne constitue pas une source de moyens pour faire de la culture, mais il s'agit simplement de réunir quelques magistrats pour tenter de trouver ensemble une meilleure définition et une meilleure utilisation des lieux culturels déjà existants. Il aurait bien sûr fallu beaucoup plus - et l'on avait à cet égard déposé un projet de loi relatif à la culture dans ce Grand Conseil. Il existe aussi de vieilles règles qui ne seront pas mises à l'écart d'un seul coup. Je pense par exemple à la règle selon laquelle ce sont en principe les communes qui mettent à disposition des locaux et, du moins concernant la jeunesse, l'Etat qui paie les frais de personnel. Il existe des partages de charges entre le canton et les communes, mais, jusqu'à présent, c'était surtout le cas avec la Ville - et relativement peu avec les communes. Il me semble qu'avec les développements les plus récents en la matière, il est tout à fait logique que l'on étende cette discussion.

Mais - et je le dis ici à M. Lescaze et à ses prédécesseurs - il ne s'agit pas de mettre en place une stratégie en matière de politique culturelle cantonale. Il s'agit simplement de créer des instruments permettant de coordonner des structures déjà existantes. Il ne faudra donc pas trop attendre de cette Conférence culturelle, même si l'on a beaucoup discuté des avantages qu'elle procurait et de ses possibilités d'intervention. Le point positif que je perçois pour ma part, c'est qu'il y a là une série de personnes qui vont, dans un premier temps, mettre en commun ce dont elles disposent déjà en matière d'activités culturelles - que ce soit en locaux, en disponibilités ou en compétences - puis qui vont instaurer une réelle politique culturelle aux niveaux cantonal et régional. Voilà quel me semble être le point le plus important et le plus positif de cette résolution. Mais de là à affirmer que l'on va résoudre tous les problèmes liés à la culture, il y a encore certainement bien des pas à faire !

Le député qui s'est exprimé tout à l'heure était parmi ceux qui, au moment du budget, ont coupé toutes les subventions en matière de culture ! Vous pouvez bien sûr vous plaindre de ce que les artistes n'ont rien à faire, mais ce n'est pas en les invitant à participer à une commission cantonale chargée d'organiser la culture qu'on leur permettra d'exercer leur activité ! C'est en mettant à leur disposition des locaux et des moyens techniques qu'on leur permettra de créer des spectacles, d'innover et d'exercer leur talent ! Or, pour cela, il faut une structure, et la structure minimum que l'on met aujourd'hui en place, c'est cette conférence culturelle. J'estime pour ma part qu'il s'agit du minimum des minimums. Il est vrai, Monsieur Lescaze, que cette conférence se trouve encore sous la tutelle de la Ville et du canton puisque que ces deux entités disposent d'un droit de veto, mais je vois mal comment il pourrait en être autrement dès lors que presque tous les locaux et tous les investissements en matière culturelle sont le fait de ces deux entités ! Il s'agit, dans un premier temps, de partager les ressources culturelles existantes, de les utiliser plus intelligemment et de les élargir - et j'espère également, Monsieur Baud, qu'il y aura un jour, au sein de ce parlement, une majorité qui favorisera l'accès à la culture car, comme vous l'avez rappelé, cette dernière est capitale pour toutes les civilisations. Puisque la culture revêt une telle importance, j'espère que, la prochaine fois, vous voterez les budgets alloués à la culture au lieu de participer à la coupe de ces subventions !

Le président. Merci, Monsieur le député. On va clore ici la liste des intervenants. Sont encore inscrits M. Bernard Lescaze et, comme il se doit, M. le rapporteur Christian Brunier ainsi que M. le conseiller d'Etat Charles Beer.

M. Bernard Lescaze (R). Je suis entièrement d'accord avec les propos tenus par M. Spielmann sur un point: en l'état, il ne faut pas trop attendre de cet instrument. Voilà ! A partir du moment où l'on se trouve à ce stade, on peut aller de l'avant. Les hommes et les femmes politiques ont parfois tendance, dans nos démocraties, à se prendre pour des Médicis aux petits pieds... (Protestations.)Cela est malheureusement fort mauvais, car il est certain que ce ne sont pas des Médicis - ils ont, en revanche, de petits pieds... Je crois donc qu'il faut se montrer très prudent. S'il s'agit d'une simple coordination de moyens, cela peut être souhaitable, mais je n'aimerais pas d'une politique culturelle trop coordonnée, car c'est un signe d'appauvrissement.

Je vous rends par ailleurs attentifs au troisième volet sur lequel on a un peu glissé, à savoir le forum d'évaluation. Je sais que les milieux culturels en attendent beaucoup, mais, là aussi, il ne faut pas qu'ils soient ensuite déçus, car, les évaluations, on y est toujours favorable quand elles sont bonnes, mais, le jour où elles sont mauvaises, on veut pendre les évaluateurs...

Pour la clarté de ce débat et parce que cela me semble important, je tenais simplement à ce que ces modestes réserves soient exprimées pour que l'on ne croie que le Grand Conseil part dans un immense mouvement d'enthousiasme pour n'arriver nulle part. Voilà quel était le sens de mes propos. Toutefois, nous voterons bien entendu cette résolution !

M. Christian Brunier (S), rapporteur ad interim. Puisque beaucoup d'orateurs qui se sont exprimés ne siégeaient pas en commission, j'apporterai très rapidement trois précisions à ce débat.

Première précision: M. Lescaze est choqué que la Ville et l'Etat disposent d'un droit de veto. Mais, comme il l'a lui-même reconnu, ce sont tout de même les deux entités qui consacrent la plupart des moyens en matière culturelle. Il n'y a aucune dictature de l'Etat ou de la Ville, puisque chaque commune a le choix d'adhérer ou non à cette convention. Elles connaissent les conditions d'adhésion et peuvent accepter ou non ce droit de veto de la Ville et de l'Etat.

Deuxième précision: cette convention n'a nullement pour objectif de définir une culture officielle d'Etat ! On est bien loin de cela ! Il s'agit simplement d'instaurer une coordination visant à attribuer un certain nombre de moyens à la culture et à créer des synergies. Il est normal que les artistes ne soient pas impliqués dans ces choix, car ils pourraient se retrouver dans une position à la fois de juge et de partie - ce qui pourrait être dommageable. De plus, je vous rappelle que ces organismes peuvent toujours consulter un certain nombre d'artistes pour leur demander des conseils.

Dernière précision, Monsieur Lescaze: bien sûr que cette convention n'est qu'un début, bien sûr que ce n'est pas un outil miracle qui résoudra tous les problèmes de la politique culturelle à Genève, mais elle constitue des prémices sérieuses de dynamique et de coopération entre les communes et l'Etat. Or, lorsqu'on est en train de concevoir et de mettre en place un instrument, on n'essaie pas déjà d'imaginer toutes les mauvaises utilisations que l'on pourrait faire de cet instrument ! On ne crée pas des dynamiques en marchant à reculons !

Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente

M. Charles Beer, conseiller d'Etat. Je souhaite en premier lieu rendre hommage à Mme Pürro pour la qualité de son rapport. Je tiens, en un second temps, à rendre également hommage à l'ensemble des orateurs et oratrices qui se sont exprimés, car ils ont bien montré l'importance de la politique culturelle ainsi que quelques-uns des risques qui, malheureusement, jalonnent son parcours. Je souhaite très rapidement reprendre des éléments évoqués par les uns et les autres sous forme de synthèse.

Tout d'abord, l'historique. Madame Hagmann, Monsieur Lescaze, vous aviez tout à fait raison: ce projet de conférence culturelle est né d'une volonté du canton et de la Ville de Genève, à l'époque où le département cantonal de l'instruction publique et le département des affaires culturelles de la Ville étaient respectivement présidés par Mme Martine Brunschwig Graf et M. Alain Vaissade. Le fait que nous ayons aujourd'hui à parachever ce travail initié par une magistrate et par un magistrat il y a quelques années montre la nécessité d'un tel outil. Cela montre également la solidité dont devra faire preuve cet outil au vu des enjeux qui attendent la politique culturelle. Il ne s'agissait, non pas d'un effet de mode, mais bel et bien d'un enjeu réel que d'assurer la coordination de l'investissement des collectivités publiques en matière de politique culturelle.

S'agissant des buts de cette conférence culturelle, trois grands éléments ont été rappelés. Premier élément: la régulation. Il est important que le canton et la Ville puissent non seulement compléter leurs efforts, mais également s'assurer, par ces derniers, de la pérennité des institutions et de la diversité de l'offre culturelle. Il s'agit également de relever la volonté de renforcement de cette conférence: il n'y a pas de volonté de rationalisation, car il ne s'agit pas d'un outil de restructuration de la politique culturelle, mais d'un outil de renforcement de la politique culturelle. C'est dire si un tel outil est impératif en ces temps. Dernier objectif important à rappeler: la nécessité de coordination. Pourquoi ? Tout simplement parce que la politique culturelle est, comme on le sait, le fruit de compétences fédérales, de compétences cantonales et de compétences municipales - dont il convient évidemment d'extraire, pour la mettre en évidence, celle de la Ville de Genève compte tenu de l'investissement massif de cette dernière en la matière.

Voilà pour ce qui est de l'outil. Mais vous avez raison, Mesdames et Messieurs les députés, tout accord ne dépend finalement que d'une chose: de la volonté politique de faire en sorte que l'outil fonctionne, qu'il ne soit pas transformé en usine à gaz ni qu'il aboutisse, une fois que l'on en aura établi le bilan, au résultat inverse de celui que l'on se sera fixé. C'est dire l'importance des quatre premières années qui nous attendent; c'est dire également l'importance des premières évaluations qui seront faites en la matière.

Pour terminer, permettez-moi, puisque vous les avez évoqués rapidement les uns, les unes et les autres, de souligner trois éléments qui me paraissent essentiels pour la politique culturelle à l'avenir. D'abord, la question des moyens. Il est incontestable qu'en période de crise économique on cherche à faire des économies partout, mais il est également incontestable que l'on peut juger du rayonnement d'une société à sa capacité à soutenir et à diversifier une politique culturelle. C'est dire l'enjeu qui nous attend par rapport au budget 2005; c'est dire l'enjeu qui attend les différentes autorités municipales en matière budgétaire pour s'assurer que cet outil correspond bien à cette volonté de renforcement.

Deuxième élément, puisque vous l'avez noté - je crois que c'est M. Baud qui l'a rappelé à travers un cri du coeur: la liberté des artistes. Cet argument a été repris par M. Lescaze, qui a mis en garde contre le risque de mener une politique des princes. Vous avez raison: ce type de risque existe toujours. C'est pourquoi il est important de rappeler que, si l'Etat intervient de façon subsidiaire dans la culture, il doit assurer qu'il complète des efforts municipaux et qu'il ne vient pas consacrer une nouvelle forme de «Yalta de la politique culturelle» qui verrait certains éléments uniquement pris en charge par les uns, d'autres par les autres - exposant ainsi les artistes à un risque de perte de liberté et d'autonomie. Cela, je tiens à le répéter.

Dernier élément, puisque M. Lescaze l'a également évoqué: il s'agit du risque de technocratisation, soit du risque de voir la politique culturelle enfermée dans un cénacle de magistrats qui ne prendraient pas suffisamment en compte les éléments fondateurs de la politique culturelle.

Laissez-moi prendre un engagement devant vous. S'il devait y avoir des volontés ici ou là de revoir la politique culturelle, ses piliers, voire la manière dont est subventionnée la culture, nous devrions, dans l'esprit de cette conférence, revenir devant vous pour vous en demander l'autorisation. Il ne revient pas au canton de Genève, pas plus qu'à la Ville ou aux communes, de dire: «A l'avenir, nous allons tout bouleverser entre magistrats, entre nouveaux princes, en nous répartissant un certain nombre d'éléments», alors que nos prédécesseurs, M. Vaissade et Mme Brunschwig Graf, avaient précisément voulu créer un nouvel élan au service de la diversification de la politique culturelle.

Mesdames et Messieurs les députés, j'espère que nos actes, à l'avenir, y compris en matière budgétaire, seront à la hauteur de nos engagements ! Il ne s'agit aujourd'hui que d'un premier pas, mais il convenait de le saluer !

Présidence de M. Pascal Pétroz, président

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons voter sur la proposition de résolution 468. Nous procédons à main levée.

Mise aux voix, la résolution 468 est adoptée. Elle est renvoyée au Conseil d'Etat.