Séance du
vendredi 24 septembre 2004 à
15h
55e
législature -
3e
année -
11e
session -
67e
séance
PL 9345-A
Premier débat
M. Pierre Kunz (R), rapporteur. Monsieur le président, les lecteurs attentifs de ce rapport ont remarqué qu'il n'a pas été voté à l'unanimité. Il y a eu deux abstentions, l'une d'un député Verts et l'autre d'un AdG. J'imagine qu'ils vont expliquer les raisons de leur abstention.
Mme Michèle Künzler (Ve). Je me permets de casser un peu la routine de ces débats. Pour les Verts, aliéner des studios à Carouge ou des villas ne pose aucun problème, mais il s'agit en l'occurrence d'un immeuble situé au centre-ville, qui pourrait servir à du logement social. Nous perdons déjà 8 millions et quelques sur ce bâtiment; pour 4,5 millions, nous allons le vendre à un privé qui aura un rendement tout à fait correct de 6 %. Or jamais on ne s'est demandé s'il ne serait pas plus utile de l'acquérir pour en faire du logement social - soit du HBM - et pour avoir des logements situés au centre-ville, sans les inconvénients financiers que pose la construction de logements dans des zones de développement.
Le manque de réflexion du département de l'aménagement sur ce sujet nous a incités à nous abstenir en commission. Au fond, la vente en elle-même n'est pas mauvaise, il n'y a rien à lui reprocher, mais ce qui nous choque, c'est qu'il n'y ait pas de réflexion sur le logement social et sur l'utilité d'avoir, au centre-ville, des logements à loyers bon marché pour la population. C'est la raison pour laquelle nous avons finalement décidé, en caucus, de nous opposer à cette vente.
M. Pierre Kunz (R), rapporteur. Pour la majorité de la commission, il y a probablement une erreur de casting. La commission de contrôle de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe n'est pas destinée à faire ou à juger de la politique du logement à Genève, mais bien de veiller à ce que la Fondation réalise ces biens au meilleur prix possible. Par ailleurs, sur le fond, la majorité de la commission considère que, de toute façon, l'Etat n'a pas les moyens de la politique qui serait voulue par les deux abstentionnistes. On connaît l'état des finances publiques.
De surcroît, manifestement, le rôle de l'Etat n'est pas, selon la majorité de la commission, d'accumuler un parc immobilier, même par l'intermédiaire des fondations qu'il contrôle. Enfin - et c'est un point sur lequel, je crois, nous devons insister - les statistiques officielles - je les ai prises avec moi aujourd'hui - montrent qu'en matière de logement bon marché, de logement social, Genève est bien équipée. Les prix sont tout à fait raisonnables dans ce secteur de logement, et la priorité doit désormais être accordée aux logements destinés à la classe moyenne qui, elle, est manifestement maltraitée.
Nous vous recommandons, à la majorité, de voter ce projet de loi et de ne pas entrer en matière sur un grand débat concernant le logement cet après-midi.
Mme Michèle Künzler (Ve). J'aimerais revenir sur quelques points. Les Verts ne contestent pas l'utilité de la Fondation de valorisation, d'autant moins si l'on pense aux projets de référendum pour les prochaines votations. Pour nous, elle agit bien, elle valorise, c'est une bonne chose, mais il y a aussi une valorisation sociale à entreprendre, et une réflexion à mener sur l'acquisition de bâtiments au centre-ville. Il s'agit de bâtiments qui ne sont pas marqués sociologiquement, qui sont des immeubles quelconques, qui portent moins préjudice à l'image du logement social.
Par ailleurs, concernant les finances de l'Etat, parlons-en: on nous demande ici de perdre 8 millions, même un peu plus, et, pour faire du logement social, on refuse d'investir 4,5 millions ? Or je rappelle que c'est un investissement qui rapporte ! Il rapporte 6%, donc largement plus que l'emprunt, qui est au moins de 3% pour l'Etat ! C'est en réalité un investissement qui rapporte, et il n'y a pas lieu de dire que les finances publiques en seraient péjorées - au contraire.
Est-ce le rôle de l'Etat d'accumuler des terrains ou non ? Nous, nous pensons qu'il est utile qu'un certain pan du logement soit en mains publiques - ou parapubliques, par le biais des fondations - pour avoir une base de logement social que tout le monde réclame. Nous voulons faire du logement social pérenne, voilà l'occasion d'en faire.
Vous avez raison, Monsieur Kunz, il y a du logement bon marché. Mais ce n'est pas forcément du logement social ! C'est ça, le grand problème de Genève: il y a des logements qui peuvent être bon marché, mais qui sont peut-être habités par des gens qui ont largement les moyens, qui ne sont pas forcément dans le besoin; il y a des gens seuls dans des immenses appartements. Le vrai problème de Genève, c'est le taux d'occupation qui est très faible et l'inadéquation entre le revenu des personnes et le loyer. Si on pouvait rétablir l'équilibre d'un coup de baguette magique en fonction des revenus et des besoins, je ne pense pas que le problème du logement serait si crucial à Genève.
Ce n'est pas que cette vente soit mauvaise, mais nous voulons vraiment qu'une vraie réflexion ait lieu maintenant sur les acquisitions de logements. Je pense que ce serait là une bonne opération pour l'Etat. Tant que nous n'aurons pas véritablement réfléchi à ce problème, les Verts refuseront toutes les ventes d'immeubles en ville de Genève qui pourraient servir au logement social. Pour le reste - les villas, les appartements - pas de problème ! Mais ça, non !
M. Jean Spielmann (AdG). Je partage l'avis que vient d'émettre Mme Künzler, d'autant plus que cet immeuble comporte quand même 27 logements, mais ce n'est pas sur cela que je veux intervenir.
En quelques minutes, nous avons perdu un peu plus de 15 millions de francs. A écouter M. Kunz, tout semblait logique et normal - chacun faisait bien son travail - mais je me permets quand même de dire que, pour cet immeuble-là précisément, sur la vente de 4,5 millions que nous allons réaliser, nous perdrons un peu plus de 8 millions de francs. Cela a quand même été acquis ! Dès lors, les frais de l'ensemble de cet immeuble seront d'un peu plus de 12 millions, et on le liquide à 4 millions... Je suis heureux d'entendre M. Kunz appeler cela de la bonne gestion. En ce qui me concerne, depuis le temps que je m'intéresse aux affaires de la Banque cantonale, permettez-moi de trouver qu'il y a deux ou trois petites choses qui ne sont pas complètement normales. Vous comprendrez donc, concernant cette affaire-ci, que je ne peux vous suivre et accepter une telle proposition.
M. Bernard Lescaze (R). On peut évidemment faire les calculs que fait Mme Künzler, mais on peut aussi constater que si l'Etat acquérait cet immeuble, il l'acquerrait à 4,5 millions - ou 4,7 millions, je pense qu'il serait exempté de certains droits de mutation - plus la perte ! C'est-à-dire que vous proposez, Madame, d'acquérir cet immeuble pour 12,5 millions pour les contribuables. (Protestations.)Et c'est un immeuble dont les loyers sont à 4100 F la pièce - avant travaux - des loyers donc supérieurs au taux actuellement autorisé par la LDTR. En réalité, si vous voulez y faire du logement social, il vous faudra limiter le loyer, de sorte que le rendement des 12,5 millions sera encore abaissé.
Effectivement, nous avons besoin de logements sociaux; effectivement, il est possible - il est même probable - que le parc de la Fondation de valorisation en contienne un certain nombre. Cependant, il me semble que vous nous proposez là une très mauvaise opération. Il faut au contraire vendre cet immeuble, de façon que nous puissions au moins récupérer les 4,7 millions de francs.
M. Pierre Kunz (R), rapporteur. M. Spielmann m'incite à faire la correction suivante: ce n'est pas aujourd'hui, Monsieur Spielmann, que nous avons perdu 12 ou 15 millions ! Nous avons perdu tout cet argent le 19 mai 2000, lorsque vous - vous personnellement, probablement - avez décidé avec le Grand Conseil de compenser pour 2,7 milliards de pertes, qui ont été occasionnées par les opérations de la BCGe. Et aujourd'hui, nous ne faisons qu'enregistrer, une par une, les opérations de perte détaillées qui nous sont soumises.
C'était donc il y a quatre ans qu'il fallait réagir, Monsieur Spielmann, et pas aujourd'hui !
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Le Bureau vous propose de clore la liste des intervenants, car ce débat est en train de partir de manière assez intensive... La parole est à M. le député Jean Spielmann.
M. Jean Spielmann (AdG). On entend vraiment des choses curieuses dans cette salle... Monsieur Kunz, concernant la Banque cantonale, je vous dirais ceci: quand nous posions des questions à ce parlement, on nous disait de nous taire, on ne souhaitait pas que nous nous exprimions, et on nous a menti ! Les responsables, le Conseil d'Etat et vous, responsables politiques de ce canton, vous nous avez menti. Vous nous disiez que nos questions étaient hors de propos, que nous inventions des histoires. Voilà le résultat !
Sur le fond, M. Lescaze nous dit des choses assez extraordinaires: on propose à ce Grand Conseil un projet de loi pour vendre un immeuble à 4 millions, et, lui, il dit qu'il coûtera 12 millions si l'Etat le garde... Pas mal ! Dans le fond, que l'Etat perde 8 millions en cédant l'immeuble à un privé pour 4 millions, cela ne compte pas, pour vous ? Comme l'a dit M. Kunz, cela fait partie des vieilles histoires de la Banque cantonale dont il vaut mieux ne pas parler. Pourtant, ces histoires font qu'aujourd'hui tous les contribuables genevois paient quasiment 20 % de leurs impôts pour rembourser ce que vous avez fait. Il faut quand même que les gens le sachent ! Et il faut quand même que les gens sachent aussi où a conduit la gestion des spéculateurs et de vos milieux !
C'est vrai qu'aujourd'hui, on essaie de sauver ce qui peut l'être, mais ne venez pas raconter n'importe quoi ! Si on veut garder cet immeuble pour en faire 27 logements, on peut parfaitement trouver des solutions. De toute manière, Monsieur Lescaze, même en le vendant à l'extérieur, sur les 12 millions, 8 sont de toute façon perdus ! Alors ne venez pas les additionner, si on décide de garder l'immeuble - ce serait malhonnête de votre part, d'autant plus que vous portez aussi une certaine responsabilité dans tout ce qui s'est passé.
S'il vous plaît, Mesdames et Messieurs les députés, laissez-nous au moins dire que nous ne sommes pas d'accord avec ce qui a été fait; laissez-nous dénoncer la politique qui a été conduite et dire aux gens qui nous écoutent qu'en une dizaine de minutes nous avons perdu environ 15 millions de francs, que nous en perdrons 8 de plus avec le vote de tout à l'heure, et que c'est le fruit de votre politique. Permettez-nous de le dire !
Quand vous vous souciez du déficit et de la dette de l'Etat, il faudrait peut-être revoir aussi la gestion.
M. Christian Grobet (AdG). J'aimerais dire deux mots à M. Kunz, qui est un excellent gestionnaire et connaisseur des affaires financières. Je suis un peu étonné de votre remarque, comme si vous imputiez des conséquences financières négatives à la décision de sauver la Banque cantonale. Monsieur Kunz, je crois que vous êtes depuis assez longtemps dans la commission de contrôle pour vous rendre compte que, si la Banque avait déposé son bilan, une véritable catastrophe économique se serait produite à Genève. Le coût du sauvetage est évidemment lourd pour la collectivité, mais il l'est beaucoup moins que ce qu'aurait coûté à notre économie la banqueroute de la Banque cantonale.
Deuxièmement, je signale avec plaisir que j'ai eu plusieurs fois l'occasion de parler avec des responsables de PME, qui me disent systématiquement qu'ils n'obtiennent pas de crédits auprès des grandes banques, qu'ils se font même rejeter de façon assez arrogante, et que les seules banques qui proposent des crédits aux PME sont la Banque cantonale de Genève et la Banque cantonale vaudoise - pour prendre l'exemple du canton voisin. Heureusement pour notre économie et pour les PME de nos deux cantons - puisque les PME représentent les 70 % du tissu économique - nous avons ces deux banques, qui jouent le jeu avec les PME.
Par ailleurs, j'ai beaucoup de respect pour M. Lescaze, car il fait partie d'un conseil d'administration qui est actuellement en train de redresser la banque. Cependant, je suis quand même étonné, comme M. Spielmann, par son calcul, car il est faux - et vous le savez, Monsieur Lescaze, puisque vous comptez forcément, comme nous, les pertes de la banque. Les 8 millions sont perdus ! Que l'Etat achète ou que ce soit un particulier qui le fasse, il y a de toute manière 8 millions de perte. Votre calcul est donc objectivement faux.
Par contre - et j'ai eu l'occasion de le dire à certains conseillers d'Etat - je pense qu'effectivement l'Etat devrait analyser les cas où il y a une perte importante. Si l'Etat paie un montant de perte qui représente, par exemple, 70 à 80 % du montant de la dette, je pense qu'économiquement, il vaut mieux reprendre l'objet, pour autant qu'il soit à une valeur correcte, c'est-à-dire à une valeur de rendement. Autant je pense - et je me dissocie de certains de mes camarades politiques à ce niveau-là - que le rachat de l'hôtel Carlton par les pouvoirs publics serait une très grande erreur, autant un immeuble de logements qui a une valeur de rendement correcte - c'est-à-dire qui tourne parfaitement à la valeur à laquelle il est vendu - devrait intéresser l'Etat. Celui-ci devrait en tout cas réfléchir à l'opportunité de racheter certains de ces objets. L'analyse devrait être faite.
Je vous rappelle un ou deux cas: je cite l'exemple de l'immeuble des Glacis-de-Rive, où il est apparu opportun de racheter cet immeuble à 3,6 millions pour en faire du logement étudiants, alors que la créance était de 20 millions. En plus des 17 millions qu'on perd, on aurait perdu en plus un immeuble. Je ne fais pas de déclaration politique, je n'en ai pas envie - je suis membre du conseil de Fondation, comme vous le savez - mais je pense que cette analyse économique doit être faite.
Enfin, j'aimerais dire, au nom de la Fondation, que nous essayons, bien entendu - et c'est notre rôle - de vendre les objets au meilleur prix, pour minimaliser le plus possible les dettes de l'Etat, puisque ce sont les contribuables qui paient en dernière analyse. Nous rechercherons donc toujours à vendre au meilleur prix. Dans les quelques cas où la vente s'est faite au profit de collectivités publiques, nous n'avons pas vendu moins cher que l'offre qui nous avait été faite, car nous devons atteindre nos objectifs. Il a été dit que la Fondation devait se préoccuper de logement social. Les membres du conseil sont tous préoccupés par cette question ! Nous faisons signe - je tiens à le dire - à l'Etat, chaque fois qu'un immeuble semble digne d'intérêt pour la collectivité publique, mais la Fondation n'a pas pour tâche de faire du logement social, et nous ne pouvons pas, nous, augmenter une perte pour une question de logement social. C'est au Grand Conseil ou au Conseil d'Etat en définitive de décider ce qu'il veut faire.
Je tenais à le dire d'une manière très claire, parce que des personnes ont demandé quelle était la politique sociale de logement de la Fondation. Nous n'avons pas été créés comme une fondation de droit public HBM pour faire du logement social. La loi est très claire: nous devons réaliser les actifs au mieux pour minimaliser les pertes. Par contre, je puis vous assurer que chaque fois que nous estimons qu'un bâtiment pourrait - pour une raison ou une autre, pour de l'équipement public, pour des bureaux meilleur marché, pour du logement pour étudiants - intéresser l'Etat, nous le lui signalons.
Et je voudrais simplement finir cette petite intervention en vous disant deux choses: d'une part, l'opération des Glacis-de-Rive, qui mettra quarante-cinq logements à disposition des étudiants, s'est concrétisée - et je tiens ici à remercier la Fondation universitaire pour le logement des étudiants, qui a pris le pari de reprendre cet immeuble, que l'Etat pensait éventuellement racheter. D'autre part, j'ai appris avec satisfaction que la fondation présidée par M. Barro, qui s'occupe des acquisitions immobilières pour les fondations, va concrétiser l'offre que nous avons faite d'autres logements pour étudiants à Vernier. Ce sont là des opérations que nous avons signalées à l'Etat, que nous avons suivies. Nous avons fait des travaux qui nous seront remboursés et nous avons ainsi contribué, chaque fois, au logement social, quand l'Etat décidait de le faire.
Mme Michèle Künzler (Ve). J'aimerais préciser deux choses: d'une part, nous ne mettons absolument pas en cause la politique de la Fondation de valorisation - il est évident que son rôle est de valoriser au mieux. D'autre part, j'aimerais revenir sur les questions de bilan: comme on l'a déjà signalé à M. Lescaze, son calcul est faux. Il est d'autant plus faux qu'il s'agit d'une reprise d'un porteur. Ce n'est donc pas seulement 8 millions, mais 9,32 millions qui sont d'ores et déjà perdus, puisque, de toute façon, on ne pourra pas vendre cet immeuble au-delà des 4 ou 4,5 millions qu'il vaut. C'est au moment de la reprise par la Fondation de cet objet qu'on a perdu 9 millions. Ce n'est pas aujourd'hui qu'on les perd, on les a déjà perdus. Aujourd'hui, on pourrait peut-être améliorer cette vente de 400 000 F, mais ce n'est même pas certain.
En l'occurrence, il semble important que nous ayons une véritable politique sociale du logement. Or, c'est ici que se prend cette décision ! Vous avez raison, Monsieur Kunz, ce n'est pas à la commission de contrôle de la Fondation de valorisation de prendre de telles décisions, mais à ce Grand Conseil ainsi qu'au DAEL de prendre des décisions un peu plus courageuses.
M. Alberto Velasco (S). Monsieur le président, les socialistes n'étaient pas présents en commission lors du débat, pour les raisons que vous connaissez. Or, étant donné le débat que nous vivons en ce moment, nous nous demandons s'il est véritablement judicieux de voter cet objet.
Il faut dire que le raisonnement de M. Lescaze est récurrent dans cette enceinte: on pense que si l'Etat achète tel ou tel objet, il ne perdra pas x francs, mais x+2 ou x+3. Mais ce n'est pas tout à fait juste, Monsieur Lescaze, parce qu'en réalité - comme l'a dit M. Grobet - ces 8 millions sont déjà perdus. Or, nous exerçons aussi une politique sociale du logement et nous devons aussi investir dans ce cadre-là. Et il serait pertinent de se demander si cela coûte plus cher de racheter cet objet ou d'investir pour construire un bâtiment neuf, par exemple. Je suis certain que si l'on devait reconstruire cet objet à partir d'un investissement de départ, cela nous coûterait beaucoup plus que les 4 millions et quelques en jeu ici.
Effectivement, si, par hasard, l'Etat devenait acquéreur de cet objet, il est certain qu'à 4100 F la pièce, on ne peut pas dire que ce soit du logement social... Mais on pourrait très bien aménager cet immeuble pour le rendre social. Je veux dire par là que les socialistes aimeraient qu'on analyse la possibilité pour l'Etat d'acquérir cet objet pour l'affecter, par la suite, à du logement social pérenne.
M. Souhail Mouhanna (AdG). Mesdames et Messieurs les députés, comme M. Kunz, je fais partie de la commission de contrôle et, en général, nos discussions en commission se déroulent de manière sereine, de sorte qu'on peut exprimer des avis divergents sur tel ou tel objet.
Comme vous avez pu le constater dans le rapport, j'étais présent à cette séance et m'étais abstenu, pour les raisons expliquées par Mme Künzler. A mon avis, la discussion aurait dû porter uniquement sur les raisons pour lesquelles nous nous sommes abstenus - et d'ailleurs bien décrits par M. Kunz - c'est-à-dire que nous aurions voulu que l'Etat acquière cet objet, pour que celui-ci puisse répondre à certains besoins. J'ai éprouvé le besoin d'intervenir lorsque M. Kunz a complètement dérapé: il vient de dire que les pertes en question - comme s'il les découvrait seulement en commission - avaient été occasionnées par la loi votée par le Grand Conseil. Non, Monsieur Kunz ! Les pertes sont le résultat d'une gestion calamiteuse de la BCGe, de manipulations de comptes, etc. Je n'irai pas plus loin - vous savez ce que j'ai envie de dire. Telle est la cause de ces pertes. Nous avions également des chiffres tirés de plusieurs expertises, qui montraient qu'il fallait provisionner 2,7 milliards, soit les 52 % des créances douteuses.
Eh oui, ces milliards sont dus à certains actes irresponsables ! Dire que ces pertes sont dues à la loi votée par le Grand Conseil pour sauver la Banque cantonale est faux. Comme vous le savez, Monsieur Kunz, la Banque cantonale est garantie par l'Etat, ce qui signifie que, sans cette loi, la Banque aurait disparu et l'Etat aurait dû payer les sommes nécessaires pour couvrir non seulement les 2,7 milliards, mais aussi d'autres créances, sans parler des difficultés engendrées pour certaines petites et moyennes entreprises. Peut-être l'idéal ou la solution serait pour vous, Monsieur Kunz, de faire disparaître la Banque cantonale ? On ferait ainsi comme dans certains films: pas de cadavre, pas de crime ! Mais non, les choses ne sont pas telles que vous les décrivez, Monsieur Kunz. Notre problème ici est que l'Etat doit effectivement pouvoir répondre à certains besoins.
Un mot encore à M. Lescaze: quand vous comptabilisez 12 millions de pertes en y incluant les fonds nécessaires pour acquérir le logement, vous faites un curieux calcul. On vous a répondu en partie, et je vais simplement compléter: les 4 millions et quelques que l'Etat aurait payés s'il avait acquis cette habitation auraient été investis ! Ce n'est pas du vent, ce n'est pas une perte, il y a quelque chose en contrepartie. Je comprends que, pour la droite en général, toute dépense de l'Etat soit considérée comme une perte, mais c'est faux: certaines dépenses sont des investissements utiles à la collectivité.
M. Pierre Kunz (R), rapporteur. J'aimerais attirer l'attention des députés ici présents sur le fait que ne pas voter ce projet de loi signifie, premièrement et bien entendu, se défier - qu'on le veuille ou non - du travail de la Fondation et, surtout, faire en sorte que ce bâtiment reste, pour une durée nettement plus longue que prévue, sur les bras de la Fondation. Prenez vos responsabilités, mais sachez que si ce projet de loi n'est pas voté, c'est un immeuble qui restera dans les livres de la Fondation.
Sauver la BCGe ? Peut-être qu'en effet, en 2000, il fallait sauver la BCGe ! C'est bien sûr une possibilité qu'il fallait envisager. Celle qui a été choisie est peut-être raisonnable, mais il en était peut-être d'autres, également. Je ne porte absolument pas de jugement là-dessus, en tout cas pas aujourd'hui.
Par contre, je crois que je n'ai pas du tout dérapé, Monsieur Mouhanna, concernant l'origine des pertes. Bien entendu qu'elle est liée au travail de cavalcadeurs accompli par les prédécesseurs de la direction actuelle de la BCGe, ainsi qu'aux travaux de cascadeurs des gens qui ont géré les deux établissements qui, ensemble, ont donné naissance à la BCGe. Mais il faut le dire et le redire: c'est bien le 19 mai 2000 que ce Grand Conseil a accepté d'entériner 2,7 milliards de pertes ! Et je le dis d'autant plus clairement que cela devient lassant d'entendre chaque fois: «Et voilà, on a perdu 10 millions; et voilà, on perdu 15 millions». Non ! On a perdu 2,7 milliards - on le sait déjà ! Arrêtons de faire dans la «chipoterie» !
S'agissant de la Fondation de valorisation - et je rends hommage notamment à M. Grobet et à l'ensemble du conseil de la Fondation - ce sont des gens qui font un bon travail, dont on peut juger dans le cadre de la commission de contrôle. Ils essaient de réduire avec ténacité la perte de 2,7 milliards qui a été entérinée de factopar ce Grand Conseil il y a quatre ans, et ils le font avec un certain succès, puisque les pertes, pour le moment en tout cas, sont inférieures à ce qui a été budgété.
Votez ce projet de loi et arrêtons de chipoter sur les chiffres, comme on l'a fait jusqu'à présent !
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Nous votons par électronique sur la prise en considération de ce projet de loi.
Mis aux voix, ce projet est rejeté en premier débat par 36 non contre 23 oui et 1 abstention.