Séance du
jeudi 23 septembre 2004 à
17h
55e
législature -
3e
année -
11e
session -
65e
séance
RD 542
(Les huissiers en cape, avec ruban noir, se placent à gauche et à droite sur la première marche de la tribune.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous prie de rester debout. (L'assemblée reste debout.)C'est avec une très vive émotion et beaucoup de tristesse que nous avons appris, mardi 21 septembre, le décès de notre collègue, Alexandra Gobet Winiger. Pour honorer sa mémoire, nous allons observer une minute de silence. (L'assemblée, debout, observe une minute de silence.)
Mesdames et Messieurs les députés, Alexandra Gobet Winiger nous a quittés, mais elle reste si présente parmi nous !
Nous nous rappelons quelle femme elle était, et avec quelle qualité elle s'est employée à parfaire les travaux parlementaires qui lui ont été confiés, qu'elle a menés avec beaucoup de sérieux et d'engagement personnel.
Son travail fut toujours remarquable, aussi bien dans les commissions que lorsqu'elle assuma les fonctions de présidente, notamment de la commission ad hoc «Audit de l'Etat», en 1997-1998, commission qui devint par la suite la commission de contrôle de gestion dont elle fut également la première présidente en 1999. Alexandra Gobet Winiger a permis à cette commission de trouver ses marques et de débuter un travail fructueux. Elle fut également présidente de la commission du logement en 2000 et exerça la fonction de juge assesseur suppléante à la commission de surveillance des offices des poursuites et des faillites. Plus récemment, ses compétences avaient été sollicitées au niveau national, avec sa nomination comme membre de la commission fédérale «Offices de poste», en mai 2004.
Elle a marqué son passage dans notre Conseil par des qualités indéniables de rigueur et de respect de l'Etat. En défendant le bon emploi des deniers publics, elle avait toujours le souci que cette bonne gestion profite aux plus défavorisés de nos concitoyens.
Sa personne était attachante aussi par ses qualités humaines. En effet, s'adresser à Mme Alexandra Gobet Winiger, était l'assurance d'obtenir d'elle une écoute attentive, amicale et efficace, teintée d'une simplicité chaleureuse.
Nous avons toutes et tous profondément admiré son grand courage face à la maladie. Une maladie éprouvante qu'elle a combattue avec force, résistance et discrétion.
Après huit années passées au Conseil municipal de la Ville de Genève, de 1987 à 1995, elle siégea dans notre parlement dès 1995. Elle était donc parmi nous depuis bientôt dix ans, et combien fidèlement, puisqu'elle nous a quittés, après avoir lutté si longtemps, le plus tard possible, étant encore présente au début de notre séance du 27 août dernier. Elle laisse pour longtemps dans nos mémoires le souvenir d'une présence efficace et émouvante.
Alexandra aimait beaucoup la musique. A la demande de sa famille, de Benoît, son mari, de Lothar et Aliénor, ses enfants, qui sont avec nous par le biais de la télévision - tandis que le beau-père de Mme Alexandra Gobet Winiger - que je salue - est à la tribune - nous diffuserons un extrait de Nabucco en hommage à sa mémoire. Mais d'abord je vais déposer une rose à sa place. (Le président descend de la tribune et dépose une rose rouge sur la place de Mme Alexandra Gobet Winiger.)
(Intermède musical (choeur des esclaves (Hébreux) de Nabucco, choisi par la famille de la défunte.)
M. Robert Cramer, président du Conseil d'Etat. Monsieur le président du Grand Conseil, Mesdames et Messieurs les députés, Mme la députée Alexandra Gobet Winiger n'est plus, et c'est avec la plus profonde émotion que le Conseil d'Etat s'associe à l'hommage qui lui est rendu par le Grand Conseil.
C'est le souci constant de la justice sociale et du bien commun qui a inlassablement guidé l'action d'Alexandra Gobet Winiger tout au long de sa vie. La haute conception qu'elle avait de ses responsabilités à l'égard d'autrui s'est constamment manifestée dans ses engagements, qu'ils soient professionnels ou sociaux, politiques ou publics, tant au Conseil municipal de la Ville de Genève qu'au Palais de justice ou au parlement.
Son humanité lumineuse nous manque; elle manquera à la République à qui elle a tant donné.
Un hommage lui sera rendu par notre collectivité, ce mardi à Saint-Pierre.
Le Conseil d'Etat tient ici à saluer respectueusement la mémoire d'Alexandra Gobet Winiger et il dit de tout coeur à sa famille et à ses proches, particulièrement à son mari et à ses enfants, Lothar et Aliénor, toute sa sympathie en ces moments extrêmement douloureux. (Les huissiers quittent la salle.)
Le président. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Je salue à la tribune la présence de M. Deshusses, président du Conseil municipal de la Ville de Genève, qui a tenu à être parmi nous, et je l'en remercie.
M. Alain Charbonnier (S). Je n'aurais jamais imaginé devoir rendre un tel hommage au sein de notre parlement. On aimerait crier à l'injustice, comme Alexandra savait si bien le faire, mais ce serait pour s'entendre répondre que la vie est ainsi faite...
Pendant toutes ces années de combat contre la maladie, Alexandra nous a appris ce qu'est la ténacité, la discrétion et le courage. Malgré les nombreuses atteintes à sa santé, elle a toujours été présente, que ce soit au sein de notre parti, de notre groupe parlementaire, des nombreuses commissions où elle a siégé, ou encore lors des séances plénières du Grand Conseil, et cela jusqu'au dernier moment, nous en avons tous été témoins.
Alexandra, par ses neuf années passées dans ce parlement, laissera une image qui ne s'effacera pas. La qualité et le sérieux de son travail, son humanité, sa gentillesse et son humour sont reconnus par chacun et chacune, quelle que soit son appartenance politique.
Le dossier des offices des poursuites et des faillites et son action générale au sein de la commission de contrôle de gestion ont démontré son engagement inconditionnel, une connaissance approfondie des dossiers et une intelligence politique hors du commun.
Très vite, la politique a été l'une des activités principales de la vie d'Alexandra puisqu'à dix-huit ans, habitante du Lignon, elle s'engageait dans la section de Vernier du parti socialiste.
La justice était au centre de ses préoccupations et elle y mettait toute son énergie. Lors des débats parlementaires, Alexandra savait intervenir avec respect, à l'écoute de l'autre et à la recherche d'un consensus dans l'intérêt de défendre la justice et les personnes les plus démunies.
A côté d'Alexandra la parlementaire, il y avait Alexandra la femme, amoureuse de la vie et des instants de joie qu'elle peut procurer. Permettez-moi de vous citer une petite anecdote ! Pendant nos repas en commun, lors des pauses du Grand Conseil, Alexandra aimait souvent commander un bon cru, à partager entre connaisseurs, plutôt que le vin ouvert de l'établissement.
Nous venons de perdre une collègue et une amie, mais nos premières pensées vont à sa famille, à Benoît son mari et à ses deux enfants. Nous sommes de tout coeur avec eux. Son courage, son énergie face à la maladie et sa ténacité à mener de front ses multiples activités au plus près de sa conscience ont suscité l'admiration et le respect de tous. Alexandra restera pour nous tous un exemple.
(M. Charbonnier dépose également une rose rouge sur la place de Mme Alexandra Gobet Winiger.)
Mme Marie-Françoise De Tassigny (R). J'ai trouvé une citation de Platon qui caractérise parfaitement Alexandra: «Aller au vrai de toute son âme.» Alexandra, tu nous as montré un chemin ambitieux, mais, pour gagner sur la vie, nous tenterons de te suivre. Alexandra, tu nous manques déjà pour les combats et les projets de demain.
(Mme Marie-Françoise de Tassigny dépose également une rose rouge sur la place de Mme Alexandra Gobet Winiger.)
Mme Janine Hagmann (L). Le groupe libéral se joint à l'hommage rendu à notre collègue Alexandra Gobet Winiger.
Lors du dernier pique-nique de la commission de contrôle de gestion, à laquelle nous appartenions toutes les deux depuis sa création, j'ai posé à Alexandra la question suivante qui se voulait banale: comment va ta santé ? Elle m'a répondu: «Inch' Allah, j'ai eu la chance de passer encore de merveilleuses vacances en famille aux Etats-Unis».
Quelle leçon de courage et d'optimisme !
Avec cette rose, j'ai choisi d'offrir à Alexandra deux strophes du sonnet intitulé: «La jeune morte», tiré des «Trophées» de José Maria de Heredia.
Qui que tu sois, Vivant, passe vite parmi
L'herbe du tertre où gît ma cendre inconsolée;
Ne foule point les fleurs de l'humble mausolée
D'où j'écoute ramper le lierre et la fourmi.
Mes yeux se sont fermés à la lumière heureuse,
Et maintenant j'habite, hélas ! et pour jamais,
L'inexorable Erèbe et la Nuit Ténébreuse.
Je présente de sincères condoléances, au nom du groupe libéral, à toute la famille de Mme Alexandra Gobet Winiger.
(Mme Janine Hagmann dépose également une rose rouge sur la place de Mme Alexandra Gobet Winiger.)
Mme Caroline Bartl (UDC). Devant ce douloureux coup du sort, mes collègues et moi-même sommes à la fois tristes et décontenancés. Aujourd'hui, les mots nous manquent un peu.
En ce qui me concerne, je suis profondément touchée par cette disparition. Et, bien que j'aie eu très peu de contacts avec Mme Gobet Winiger, je suis persuadée qu'elle était une personne de valeur, de conviction, sincère. Nous compatissons avec la famille à laquelle nous présentons nos sincères condoléances.
(Mme Caroline Bartl dépose également une rose rouge sur la place de Mme Alexandra Gobet Winiger.)
Mme Salika Wenger (AdG). C'est avec beaucoup de regrets et d'émotion que nous sommes confrontés à la disparition de Mme Winiger.
Dans un pareil moment de tristesse, la tentation est grande de n'utiliser en parlant d'elle que des mots comme maladie, souffrance, courage ou pugnacité. Cependant, même si ces mots sont justes, ils ne sont pas suffisants pour la qualifier. Elle était beaucoup plus que cela.
Mais, pour dire ses rires, sa tendresse pour le monde, sa soif de justice et son incroyable impertinence, il eût fallu que j'eusse au moins ses talents et sa rigueur, ce qui est loin d'être le cas. C'est donc avec humilité et respect qu'au nom des députés de l'Alliance de gauche je rends hommage à sa droiture et à ses compétences.
(Mme Salika Wenger dépose également une rose rouge sur la place de Mme Alexandra Gobet Winiger.)
Mme Nelly Guichard (PDC). Alexandra - si présente parmi nous - depuis ton entrée au Grand Conseil, nous avons eu l'occasion de nous côtoyer, de nous affronter parfois, mais sans hargne ni rancoeur, sans pour autant perdre l'estime de l'autre.
Tu as eu le courage et la ténacité de conduire les travaux qui te tenaient à coeur jusqu'à leur terme pour trouver une réponse à tes questions. Ni la maladie ni les embûches ne freinaient ton besoin de vérité, de justice, de défense de l'intérêt commun, de soutien aux plus faibles.
Que ce soit en politique ou dans le monde associatif, ton engagement visait la durée avec l'ouverture d'esprit et la ténacité qui te caractérisaient toujours. Mais au sérieux tu alliais le sourire... le sourire lumineux. Cet optimisme, cette force que tu as gardés à travers ces années de lutte, ce courage hors du commun, cette volonté qui nous paraissait parfois surhumaine, comme venue d'ailleurs, resteront, avec ton sourire, un exemple pour chacune et chacun de nous.
Au nom du groupe démocrate-chrétien, nous présentons à sa famille notre sympathie émue.
(Mme Nelly Guichard dépose également une rose rouge sur la place de Mme Alexandra Gobet Winiger.)
Mme Michèle Künzler (Ve). C'est difficile de dire ici la tristesse que l'on ressent lorsqu'on doit prendre définitivement congé d'une collègue que l'on a côtoyée pendant quinze ans. Les souvenirs du Conseil municipal, du Grand Conseil, des commissions, tout cela s'entrechoque. Mais l'important, c'est de croire que ces souvenirs nous enrichiront et nous permettront de sourire plus tard.
Je retiens d'Alexandra son immense amour de la vie. Il me semble que le meilleur hommage à lui rendre est de s'inspirer de son combat, d'accomplir notre travail avec le même sérieux, la même passion, et le même respect de l'adversaire. Merci Alex !
(Mme Michèle Künzler dépose également une rose rouge sur la place de Mme Alexandra Gobet Winiger.)
Mme Véronique Pürro (S). La première image d'Alexandra au Conseil municipal de la Ville de Genève, où nous siégions ensemble, c'est celle de sa démarche balancée et de ses interventions faites avec brio, de sa voix un peu nasillarde - nous la comparions méchamment au canard Donald... Alexandra n'avait pourtant rien d'un personnage de bande dessinée. Sous des dehors un peu balourds, elle nous expliquait avec finesse tous les arcanes de l'aménagement du territoire, de la politique sociale du logement.
D'un saut de puce, nous voilà élues ensemble au Grand Conseil. Alexandra trouve alors sa véritable dimension. Sa passion de la justice sociale, son souci de l'utilisation efficace des deniers publics et sa révolte contre l'inégalité l'ont érigée, à mes yeux, en symbole de nos idéaux communs féministes et socialistes. Là, je l'ai connue plus étroitement, j'ai vu comment elle aimait capter la vie: ne pas rater une exposition ou un concert - quitte à venir en commission la valise à roulettes à la main, les baskets aux pieds, car l'art donne du bien-être; traverser la ville pour s'offrir la plaque de chocolat faite des fèves de cacao préférées, car la gourmandise est un plaisir; ausculter la carte des vins pour dénicher le meilleur cru, car l'oenologie est une passion; cuisiner pour sa famille et ses amis, car la convivialité repose sur un bon repas partagé; être toujours attentive à son image, car s'occuper de soi est essentiel pour s'occuper des autres.
C'est aussi au travers de la maladie et de la mort de mon mari et de la maladie d'Alexandra que nous nous sommes rapprochées. Nous avions besoin de partager nos expériences communes, et nous avions, en même temps, besoin de les oublier et de faire comme si elles n'existaient pas. C'étaient de bons moments. Nous avons oublié la mort et nous avons profité de la vie. Ce qu'Alexandra m'a apporté, jamais je ne l'oublierai et je lui en serai reconnaissante pour toujours.
(Mme Véronique Pürro dépose également une rose rouge sur la place de Mme Alexandra Gobet Winiger.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous interrompons nos travaux quelques minutes.
La séance est suspendue à 17h27.
La séance est reprise à 17h36.